COUR D'APPEL
DE NANCY
1ère chambre civile
N° RG 22/01030 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E67O
Appel d'une décision rendue par le tribunal judiciaire de NANCY en date du 28 février 2022 - RG 14/00266
Ordonnance n° /2023
du 05 Avril 2023
O R D O N N A N C E D' I N C I D E N T
Nous, Jean-Louis FIRON, magistrat chargé de la mise en état de la 1ère chambre civile à la cour d'appel de NANCY, assisté de Céline PERRIN, greffier, lors de l'audience de cabinet du 8 mars 2023 ;
Vu l'affaire en instance d'appel inscrite au répertoire général sous le N° RG 22/01030 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E67O ,
APPELANTS
Maître [E] [T]
Notaire, domicilié [Adresse 4]
Représenté par Me Amandine THIRY, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Gérard SALLABERRY (SCP KUHN), avocat au barreau de PARIS
S.A. MMA IARD, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]
Représenté par Me Amandine THIRY, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Gérard SALLABERRY (SCP KUHN), avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Maître [P] [B], es qualité de liquidateur amiable de la SELAS ATTIC ARCHITECTURE, pour ce domicilié [Adresse 3]
Représenté par Me Frédérique MOREL, avocat au barreau de NANCY
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]
Représentée par Me Alain CHARDON, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Marc FLINIAUX, avocat au barreau de PARIS
Avons, après avoir entendu à l'audience de cabinet du 8 mars 2023, les avocats des parties en leurs explications, mis l'affaire en délibéré pour l'ordonnance être rendue le 5 avril 2023 ;
Et ce jour, 5 avril 2023, assisté de Céline PERRIN, greffier, avons rendu l'ordonnance suivante :
EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement réputé contradictoire du 28 février 2022, rendu dans le dossier RG n°14/00266, le tribunal judiciaire de Nancy a notamment :
- prononcé la résolution de plusieurs contrats de vente en l'état futur d'achèvement,
- prononcé en conséquence la résolution des contrats de prêt conclus pour l'acquisition des différents lots,
- condamné en conséquence les acquéreurs à rembourser diverses sommes à la Caisse d'épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées,
- condamné in solidum Maître [E] [T] et son assureur, la société MMA IARD, la SELAS Attic Architecture, ainsi que d'autres parties à garantir les acquéreurs du montant des condamnations prononcées contre eux,
- déclaré irrecevables l'ensemble des demandes présentées à l'encontre de Monsieur [P] [B],
- condamné in solidum Maître [T] et son assureur, la société MMA IARD, ainsi que la SELAS Attic Architecture à rembourser diverses sommes aux acquéreurs,
- condamné in solidum Maître [T] et son assureur, la société MMA IARD, ainsi que la SELAS Attic Architecture à payer, à chaque acquéreur ou couple d'acquéreurs, la somme de 15000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel constitué par le gain manqué qu'ils ont subi,
- condamné in solidum Maître [T], la société MMA IARD, la SELAS Attic Architecture, ainsi que d'autres parties, à payer à chaque acquéreur ou couple d'acquéreurs la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi,
- dit que dans leurs rapports entre eux pour les condamnations précédentes :
* pour les préjudices qu'ils sont condamnés in solidum à réparer, la SELAS Attic Architecture, Maître [T] et son assureur la société MMA IARD, Maître [U] et la SARL ABC Architecture Baptiste Chinot et associés, ainsi que son assureur la société AXA France IARD sont tenus de supporter le montant des sommes auxquelles ils sont condamnés selon la répartition suivante :
- SELAS Attic Architecture : 40 %
- Maître [T] et son assureur la société MMA IARD : 40 %
- Maître [U] : 10 %
- SARL ABC Architecture Baptiste Chinot et associés et son assureur la société AXA France IARD : 10 %
* pour les préjudices qu'ils sont seuls condamnés in solidum à réparer, la SELAS Attic Architecture, ainsi que Maître [T] et son assureur la société MMA IARD sont tenus de supporter le montant des sommes auxquelles ils sont condamnés selon la répartition suivante :
- SELAS Attic Architecture : 50 %
- Maître [T] et la société MMA IARD : 50 %
- mis hors de cause la Mutuelle des architectes français (MAF), assureur de la SELAS Attic Architecture.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 3 mai 2022, Maître [T] et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles ont relevé appel de ce jugement en intimant Monsieur [P] [B] en qualité de liquidateur amiable de la SELAS Attic Architecture, ainsi que la MAF.
Par conclusions d'incident reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 26 octobre 2022, puis par conclusions reçues le 2 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la MAF demande au conseiller de la mise en état, sur le fondement des articles 914 et 546 du code de procédure civile, de :
- déclarer irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir, l'appel interjeté par Maître [T] et la SA MMA IARD à l'encontre du jugement rendu le 28 février 2022 par le tribunal judiciaire de Nancy, en tant qu'il a été dirigé à son encontre,
- condamner Maître [T] et la SA MMA IARD aux entiers dépens de l'incident et à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La MAF rappelle que selon l'article 546 du code de procédure civile, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé. Elle fait valoir qu'en première instance, Maître [T] et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles n'ont dirigé aucune demande contre elle et qu'ils ne justifient donc pas d'un intérêt à l'intimer sur leur appel, qu'ils n'y ont procédé que pour présenter pour la première fois contre elle des demandes non formées en première instance. La MAF expose que l'insolvabilité de la société Attic, remontant à sa liquidation amiable prononcée le 2 novembre 2011, antérieurement aux assignations signifiées en novembre 2013, n'est pas un fait nouveau justifiant des demandes formées pour la première fois en cause d'appel. Elle en déduit que Maître [T] et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles auraient dû solliciter en première instance la condamnation à garantie de la MAF, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire, ce qu'ils n'ont pas fait. Elle sollicite en conséquence que l'appel dirigé à son encontre soit déclaré irrecevable.
Par conclusions d'incident reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 18 novembre 2022, puis le 5 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Maître [T] et la SA MMA IARD demandent au conseiller de la mise en état, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, de :
- les juger recevables en :
* leur appel à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 28 février 2022,
* leur demande de réformation du jugement entrepris en ce qui concerne la garantie de la MAF au profit de son assurée, la SELAS Attic Architecture,
- condamner la MAF à payer à la société MMA IARD une somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- réserver les dépens.
Maître [T] et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles soutiennent qu'ils sont recevables à critiquer les motifs par lesquels le tribunal a rejeté les demandes formées contre la MAF, prise en qualité d'assureur de la société Attic. Ils prétendent que 'la Cour de Cassation considère qu'une partie condamnée envers une victime est recevable à critiquer le rejet des demandes formées par la victime contre un codéfendeur dès lors qu'elle a intérêt à avoir un codébiteur solidaire (Cf. Civ. 3ème - 7 avril 2016, Pourvoi n° 15-15678)'. Ils exposent que la société Attic étant insolvable et dès lors incapable d'acquitter les condamnations mises à sa charge par le tribunal, la SA MMA IARD, en sa qualité d'assureur de la responsabilité professionnelle de Maître [T], se retrouve, du fait de la solidarité assortissant les condamnations, en situation de devoir régler aux lieu et place de cette société plusieurs millions d'euros de dommages et intérêts. Ils soutiennent qu'il est dès lors de l'intérêt de la SA MMA IARD que le jugement soit réformé en ce qui concerne la garantie de la MAF, alors et surtout que la mise hors de cause de l'assureur de l'architecte est le résultat d'une mauvaise appréciation des faits de la cause et du droit par les premiers juges. Ils prétendent qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle en cause d'appel car le fait générateur de cette prétention est le règlement opéré par la SA MMA IARD Assurances Mutuelles pour le compte de la SELAS Attic Architecture du fait de son insolvabilité. Ils rappellent que, devant le tribunal, ils sollicitaient leur mise hors de cause. Ils font valoir que le fait nouveau justifiant les demandes qu'ils forment désormais à l'encontre de la MAF n'est pas l'insolvabilité de la société Attic, mais le jugement ayant pour effet d'organiser un partage de responsabilité entre Maître [T] et la société Attic avec une solidarité dans le prononcé des condamnations, de mettre hors de cause la MAF et donc de priver les victimes de la société Attic d'un codébiteur solvable.
Par conclusions d'incident reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 5 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [P] [B], pris en sa qualité de liquidateur amiable de la SELAS Attic Architecture, demande au conseiller de la mise en état de :
- lui donner acte qu'il s'en remet concernant la demande d'irrecevabilité formulée par la MAF,
- condamner tout succombant à lui régler la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
Monsieur [B] indique s'en remettre à l'appréciation du conseiller de la mise en état concernant la demande d'irrecevabilité formulée par la MAF, étant rappelé qu'aucune des parties à la procédure ne formule de demandes contre lui.
L'incident a été plaidé à l'audience du 8 mars 2023 et mis en délibéré au 5 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon le premier alinéa de l'article 546 du code de procédure civile, 'Le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé'.
En l'espèce, Maître [T] et la SA MMA IARD ne contestent pas l'affirmation de la MAF selon laquelle ils n'ont dirigé aucune demande contre elle en première instance. Dès lors, pour justifier d'un intérêt à interjeter appel à l'encontre de la MAF, ils doivent d'une part présenter des prétentions à l'encontre de cette dernière à hauteur d'appel, et d'autre part que ces prétentions soient recevables, par exception à la prohibition des demandes nouvelles.
Dans leurs conclusions d'appelants, Maître [T] et la SA MMA IARD demandent notamment à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause pure et simple de la MAF,
- juger que la MAF doit sa garantie à la société Attic,
- condamner la MAF à restituer à la SA MMA IARD les sommes que cette dernière a réglées pour le compte de la SELAS Attic du fait de la solidarité,
- condamner la MAF aux dépens d'appel et à payer à la SA MMA IARD une somme de 20000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dès lors, les appelants présentent des demandes à l'encontre de la MAF devant la cour, ce qui pourrait constituer un intérêt à interjeter appel à l'encontre de cette dernière, à condition toutefois que ces demandes -nouvelles- soient recevables.
L'article 564 du code de procédure civile dispose : 'À peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.
À titre liminaire, il est relevé que l'arrêt de la Cour de cassation mentionné dans les conclusions des appelants et produit dans leur dossier de pièces (Cass. 3ème civ., 7 avril 2016, n° 15-15678) n'indique pas que 'une partie condamnée envers une victime est recevable à critiquer le rejet des demandes formées par la victime contre un codéfendeur dès lors qu'elle a intérêt à avoir un codébiteur solidaire''.
Quoi qu'il en soit, comme l'indique la MAF, l'insolvabilité de la société Attic ne peut pas constituer un fait nouveau puisqu'elle existait déjà lors de la procédure de première instance.
Maître [T] et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles rétorquent que le fait nouveau justifiant les demandes qu'ils forment désormais à l'encontre de la MAF n'est pas l'insolvabilité de la société Attic, mais le jugement ayant pour effet d'organiser un partage de responsabilité entre Maître [T] et la société Attic avec une solidarité dans le prononcé des condamnations, et de mettre hors de cause la MAF, privant ainsi les victimes de la société Attic d'un codébiteur solvable.
Un tel raisonnement ne peut être accueilli, en l'absence de véritables faits nouveaux survenus entre la première instance et la procédure d'appel. En effet, si le jugement a retenu tout à la fois la responsabilité de Maître [T] et de la SELAS Attic et qu'il a prononcé une condamnation solidaire à leur encontre, c'est parce que des prétentions étaient présentées en ce sens en première instance. Et si le tribunal a mis la MAF hors de cause, c'est nécessairement parce que cette dernière l'a demandé. Dès lors, dès la procédure de première instance, les appelants pouvaient envisager d'être condamnés solidairement avec la SELAS Attic et, du fait de l'insolvabilité -connue- de cette dernière et de la demande de la MAF d'être mise hors de cause, de devoir supporter financièrement la part de responsabilité de la SELAS Attic.
En conséquence, même s'ils sollicitaient à titre principal le débouté des demandes présentées à l'encontre de Maître [T], il leur appartenait de demander à titre subsidiaire que la MAF soit condamnée à garantir la SELAS Attic.
Il en résulte qu'aucun élément nouveau ne justifie les demandes présentées pour la première fois devant la cour à l'encontre de la MAF, puisqu'elles auraient pu être formulées devant le tribunal. Ces prétentions sont donc irrecevables et les appelants ne justifient pas d'un intérêt à interjeter appel à l'encontre de la MAF. Par conséquent, leur appel dirigé à l'encontre de cette dernière sera déclaré irrecevable.
Parties perdantes, Maître [T] et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles seront condamnés aux dépens de l'incident, à payer à la MAF la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et ils seront déboutés de leur demande présentée sur ce même fondement.
L'équité commande de débouter également Monsieur [P] [B], pris en sa qualité de liquidateur amiable de la SELAS Attic Architecture, de sa demande présentée à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
Nous, Jean-Louis FIRON, Conseiller chargé de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et susceptible d'être déférée à la cour conformément aux dispositions de l'article 916 du code de procédure civile,
Déclarons irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir, l'appel interjeté par Maître [E] [T] et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles à l'encontre du jugement rendu le 28 février 2022 par le tribunal judiciaire de Nancy, en tant qu'il a été dirigé à l'encontre de la Mutuelle des architectes français (MAF) ;
Condamnons Maître [E] [T] et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à la MAF la somme de 1000 euros (MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboutons Maître [E] [T] et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles d'une part, Monsieur [P] [B], pris en sa qualité de liquidateur amiable de la SELAS Attic Architecture d'autre part, de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons Maître [E] [T] et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens de l'incident ;
Renvoyons l'affaire à la mise en état du 4 mai 2023.
Et avons signé la présente ordonnance ainsi que le greffier.
Signé : C. PERRIN Signé : J.-L. FIRON
Minute en six pages.