RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
CINQUIEME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT N° /23 DU 05 AVRIL 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/02784 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E4BQ
Décision déférée à la Cour :
ordonnance du Juge commissaire du tribunal de commerce de NANCY, R.G. n° 2021.003934, en date du 15 novembre 2021,
APPELANTE :
S.A.R.L. DISTRIFOOD, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social [Adresse 3] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés d'Epinal sous le numéro 392 703 377
Représentée par Me Patrice BUISSON de la SCP BUISSON BRODIEZ, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉES :
S.A.S.U. CORA agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège, [Adresse 1] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Meaux sous le numéro 786 920 306
Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY
ayant pour avocat plaidant Me Paul TALBOURDET avocat au barreau de Paris
S.C.P. [Y] [X], en la personne de Me [X] mandataire judiciaire, demeurant [Adresse 2]
régulièrement saisi par exploit d'huissier du trois février 2022 à personne habilitée et n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de Chambre et Monsieur Olivier BEAUDIER, conseiller, chargé du rapport
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice BOURQUIN Président de Chambre,
Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,
Monsieur Jean-Louis FIRON Conseiller
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 05 Avril 2023, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 05 Avril 2023, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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FAITS ET PROCEDURE
La société Cora a donné à bail commercial à la société Distrifood un local situé dans la galerie marchande du centre commercial Cora situé à [Localité 4], ce dernier ayant été résilié à la suite de la délivrance d'un commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 6 juillet 1994.
Suivant jugement en date du 8 septembre 2020, publié au Bodacc le 15 septembre 2020, le tribunal de commerce de Nancy a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Distrifood et a désigné la société [Y] [X], prise en la personne de M. [Y] [X], en qualité de mandataire judiciaire.
Suivant courrier recommandé avec accusé de réception du 13 novembre 2020, adressé au mandataire judiciaire, la société Cora a déclaré ses créances, d'un montant total de 558 357,83 euros au passif de la société Distrifood, à titre chirographaire représentant le montant des condamnations arrêtées par un arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 19 mars 2014, ainsi que de trois ordonnances de péremption rendue par le premier président de la Cour de cassation le 28 novembre 2019.
Par courrier recommandé avec accusé de réception reçu le 20 décembre 2020, la société [Y] [X] a signifié à la société Cora que ses créances déclarées étaient contestées dans leur intégralité par la société Distrifood.
Aux termes d'une assignation en date du 21 mai 2021, Mme [C] [W], séparée de corps et de biens [L], a exercé une tierce opposition à l'encontre de l'arrêt rendu le 19 mars 2014 par la cour d'appel de Nancy ayant condamné la société Distrifood à payer à la société Cora la somme de 338 543,98 euros au titre de son occupation des locaux ayant fait l'objet du bail résilié, du 1er février 2007 au 19 octobre 2011, à celle de 1 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et à 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant ordonnance rendue le 15 novembre 2021, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Nancy a prononcé l'admission des créances, à titre définitif et chirographaire, de la société Cora au passif de la société Distrifood pour la somme totale de 558 357,83 euros.
Par déclaration en date du 25 novembre 2021, la société Distrifood a interjeté appel de l'ordonnance sus-visées.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 24 février 2022, la société Distrifood demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue le 15 novembre 2021 par le juge commissaire au redressement judiciaire de Distrifood.
A titre principal,
- dire et juger que pour justifier sa déclaration de créances, la société Cora a produit des pièces qui sont des faux intellectuels,
- dire et juger que la fraude corrompt toute la procédure,
En conséquence rejeter la déclaration de créances de Cora ;
A titre subsidiaire,
- constater que l'arrêt de la cour d'appel de Nancy n'a absolument pas examiné les moyens d'appelant de la société Distrifood et dans le cadre de cette décision, la société Distrifood a été privée d'accès au juge,
'Le mérite de la tierce-opposition qui est en cours va permettre à la société Distrifood, contre laquelle ne peut plus être soulevée la fictivité de son siège, d'avoir accès au double degré de juridiction dont elle a jusqu'à présent été privé et va amener incontestablement la cour à rendre une décision sur l'ensemble des moyens qui n'ont pas été examinés jusqu'à ce jour'.
- en conséquence et dans le cadre d'une bonne administration de la justice,
- surseoir à statuer jusqu'à ce que l'arrêt de la cour d'appel de Nancy sur l'assignation en tierce opposition soit rendue.
A titre infiniment subsidiaire,
- surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la plainte en faux et usage de faux déposée le 4 août 2021 contre la société Cora,
- condamner en tout état de cause la société Cora à payer à la société Distrifood la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Cora aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 22 mars 2022, la société Cora demande à la cour de :
A titre liminaire, sur les demandes de sursis à statuer :
- constater que la demande formulée par la société Distrifood, tendant à l'obtention d'un sursis à statuer jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Nancy statuant sur la tierce-opposition exercée par Madame [W] à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 29 mars 2014 n'a pas été soulevée avant toute défense au fond,
- constater que la demande formulée par la société Distrifood, tendant à l'obtention d'un sursis à statuer jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la plainte en faux et usage de faux déposée par la société Distrifood à l'encontre de la société Cora, n'a pas été soulevée avant toute défense au fond.
En conséquence :
- juger irrecevable la demande formulée par la société Distrifood tendant à l'obtention d'un sursis à statuer jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Nancy statuant sur la tierce-opposition exercée par Madame [W] à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 29 mars 2014,
- juger irrecevable la demande formulée par la société Distrifood tendant à l'obtention d'un sursis à statuer jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la plainte en faux et usage de faux déposée par la société Distrifood à l'encontre de la société Cora.
A défaut d'irrecevabilité des demandes de sursis à statuer :
- juger que la demande formulée par la société Distrifood, tendant à l'obtention d'un sursis à statuer jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, statuant sur la tierce-opposition exercée par Madame [W] à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 29 mars 2014,
est infondée,
- juger que la demande formulée par la société Distrifood tendant, à l'obtention d'un sursis à statuer jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la plainte en faux et usage de faux déposée par la société Distrifood à l'encontre de la société Cora, est infondée.
En conséquence :
- rejeter la demande formulée par la société Distrifood tendant à l'obtention d'un sursis à statuer jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Nancy statuant sur la tierce-opposition exercée par Madame [W] à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 29 mars 2014,
- rejeter la demande formulée par la société Distrifood tendant à l'obtention d'un sursis à statuer jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la plainte en faux et usage de faux déposée par la société Distrifood à l'encontre de la société Cora.
A titre principal :
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 15 novembre 2021 par Madame le juge commissaire à la procédure de redressement judiciaire de la société Distrifood,
- confirmer l'admission à titre définitif et chirographaire de la créance de la société Cora au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Distrifood pour la somme de 558 357,86 euros.
En tout état de cause :
- débouter la société Distrifood de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Distrifood à verser à la société Cora la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Distrifood aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessous, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 8 février 2023 ;
MOTIFS :
- Sur l'irrecevabilité de l'exception de sursis à statuer soulevée par la société Distrifood :
L'article 73 du code de procédure civile dispose que constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. L'article 74 du même de code précise en outre que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de bon-recevoir.
Il résulte des dispositions susvisées que la demande de sursis à statuer qui constitue une exception de procédure au sens des dispositions de l'article 73 du code de procédure civile doit, lorsqu'elle est soulevée dans les mêmes conclusions, être invoquée avant tout moyen de défense au fond ou fin de non-recevoir.
Aux termes des conclusions d'appel notifiées le 24 février 2022, la société Distrifood a conclu, au principal, au rejet de la déclaration de créances en date du 13 novembre 2020 de la société Cora, puis à titre subsidiaire, au sursis à statuer jusqu'à ce qu'il soit statué sur la tierce opposition formée contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 19 mars 2014, et à titre infiniment subsidiaire, au sursis à statuer dans l'attente du sort de la plainte qu'elle a déposée contre la société Cora pour faux et usage de faux.
En conséquence, il convient préliminairement de déclarer irrecevables les demandes de sursis à statuer formées par la société Distrifood.
- Sur la déclaration de créances de la société Cora :
Le 13 novembre 2020, la société Cora a déclaré plusieurs créances d'un montant total de 558 357,83 euros au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Distrifood fondées sur les titres exécutoires suivants :
- trois ordonnances de péremption rendues le 28 novembre 2019 par le premier président de la Cour de cassation, ayant condamné la société Distrifood au paiement à son profit de la somme totale de 4 500 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- un jugement du tribunal de commerce d'Epinal en date du 23 octobre 2012, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 19 mars 2014 ayant condamné la société Distrifood au paiement à son profit de la somme de 338 543,98 euros au principal, outre 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance, 2 000 euros au titre de ceux exposés en cause d'appel, soit un total en principal de 343 124,83 euros, outre les intérêts au taux légal majoré de cinq points, en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, pour un total d'intérêts à parfaire de 210 733 euros ;
Conformément aux dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce, la procédure de vérification et d'admission des créances ne tend qu'à vérifier l'existence, le montant et la nature des créances détenues sur le débiteur. Lorsque une créance a été constatée par une décision de justice ayant autorité de la chose jugée, cette décision est opposable au juge-commissaire, lequel ne peut que vérifier que la créance déclarée est conforme au titre qui l'a constatée. Ce dernier ne peut en aucun cas remettre en cause, ni le principe, ni le montant de la créance concernée.
En l'espèce, les créances déclarées par la société Distrifood sont établies par l'arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 19 mars 2014, ainsi que par trois ordonnances de péremption en date du 28 novembre 2019 du premier président de la Cour de cassation, lesquelles ont autorité de la chose jugée, en application des dispositions de l'article 1355 du code civil. Le montant de celles-ci ne peut en conséquence être révisé par la cour, saisie de l'appel contre l'ordonnance d'admission des créances litigieuses prises par le juge-commissaire, lequel s'est exactement conformé aux sommes mentionnées dans les décisions susvisées.
Par ailleurs, aux termes de l'arrêt en date du 19 mars 2014, la cour d'appel de Nancy a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Nancy en date du 23 octobre 2012 ayant condamné, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la société Distrifood à payer à la société Cora la somme principale de 338 543,98 euros. L'article L. 313-3 du code monétaire et financier précise qu'en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points, à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Il est justifié que ces intérêts majorés s'élèvent à la somme de 210 733 euros, au jour de la déclaration de créance, étant observé qu'il n'est pas contesté que la société Distrifood n'a jamais exécuté la condamnation prononcée à son encontre par le tribunal de commerce de Nancy.
Au soutien de son appel, la société Distrifood conclut sur le fond au rejet des créances déclarées par la société Cora, au motif que le sort de la tierce opposition formée par Mme [C] [W] contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 19 mars 2014 est de nature à influer, tant sur la reconnaissance, que sur le montant des créances concernées.
Toutefois, en application de l'article 582 du code de procédure civile, la tierce opposition tend seulement à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque. Selon l'article 591 du même code, la décision qui fait droit à la tierce opposition ne rétracte ou ne réforme la décision attaquée que sur les chefs préjudiciables au tiers opposant. Ainsi la décision primitive conserve ses effets entre les parties, c'est-à-dire au cas d'espèce entre les sociétés Distrifood et Cora, même sur les chefs le cas échéant annulés de celle-ci. Le sort de la tierce opposition formée par Mme [C] [W] ne peut avoir en conséquence aucune incidence sur les créances admises par le juge commissaire sur la base de l'arrêt rendu le 19 mars 2014 par la cour d'appel de Nancy qui a autorité de la chose jugée.
Il convient pour ces motifs de confirmer l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a admis les créances à titre définitif et chirographaire de la société Cora au passif de la société Distrifood à concurrence de la somme de 558 357,83 euros.
- Sur les demandes accessoires :
La société Distrifood succombant dans son appel est condamnée aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel. Elle est déboutée par ailleurs de sa demande formée au titre des frais irrépétibles de procédure exposés devant la cour.
La société Distrifood est condamnée à payer à la société Cora la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déboute la société Distrifood de sa demande formée au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d'appel ;
Condamne la société Distrifood à payer à la société Cora la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d'appel ;
Condamne la société Distrifood aux entiers frais et dépens de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrice BOURQUIN Président de Chambre, à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en sept pages.