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30/03/2023 | FRANCE | N°22/00610

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 30 mars 2023, 22/00610


ARRÊT N° /2023

PH



DU 30 MARS 2023



N° RG 22/00610 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6CE







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGWY

21/00072

14 février 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.A.S. AUCHAN HYPERMARCHE Pris en son

établissement secondaire [Adresse 1], pris en son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Bertrand FOLTZ substitué par Me NAUDIN de la SELARL FILOR AVOCATS, avocats au barreau de NANCY









INTIMÉE :



Madame [E] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Barbara VASSEUR...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 30 MARS 2023

N° RG 22/00610 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6CE

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGWY

21/00072

14 février 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.S. AUCHAN HYPERMARCHE Pris en son établissement secondaire [Adresse 1], pris en son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Bertrand FOLTZ substitué par Me NAUDIN de la SELARL FILOR AVOCATS, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Madame [E] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 02 Février 2023 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 30 Mars 2023 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 30 Mars 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [E] [C] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, par la société AUCHANT HYPERMARCHE à compter du 03 janvier 2003, en qualité de collaboratrice employée au secteur d'activité fromage.

Par courrier du 05 juillet 2020, Madame [E] [C] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 23 juillet 2020.

Par courrier du 07 août 2020, Madame [E] [C] a été licenciée pour faute grave.

Par requête du 01 décembre 2020, Madame [E] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Longwy aux fins :

- de constater que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société S.A.S AUCHAN HYPERMARCHE à lui payer :

- 32 268,94 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 038,42 euros au titre du préavis,

- 503,84 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 12 176,17 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 106,78 euros au titre de rappel de salaire pour arrêt maladie,

- 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- de condamner la société S.A.S AUCHAN HYPERMARCHE au frais et dépens de la procédure.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Longwy rendu le 14 février 2022, lequel a :

- dit et jugé que le licenciement opéré à l'encontre de Madame [E] [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société S.A.S AUCHAN HYPERMARCHE à payer à Madame [E] [C] les sommes suivantes :

- 5 038,42 euros au titre du préavis,

- 503,84 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 12 176,17 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- dit que ces sommes porteront intérêt de droit au taux légal en vigueur à compter du 10 décembre 2022,

- 25 000,00 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 900,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que ces sommes porteront intérêt de droit au taux légal en vigueur à compter du jour du prononcé du présent jugement,

- d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement sur le fondement de l'article R.1454-28 du code du travail dans les limites légales,

- d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile à valoir sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour la somme de 25 000,00 euros,

- d'ordonner d'office le remboursement à la DREETS par la société S.A.S AUCHAN HYPERMARCHE, prise en la personne de son représentant légale, des allocations de chômage versées à Madame [E] [C] à hauteur de deux mois de salaire, soit 5 038,42 euros,

- débouté Madame [E] [C] du surplus de ces demandes,

- débouté la société S.A.S AUCHAN HYPERMARCHE, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande reconventionnelle et l'a condamné aux entiers frais et dépens d'instance.

Vu l'appel formé par la société AUCHAN HYPERMARCHE le 09 mars 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société AUCHAN HYPERMARCHE déposées sur le RPVA le 07 juin 2022, et celles de Madame [E] [C] déposées sur le RPVA le 06 septembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 05 octobre 2022,

La société AUCHAN HYPERMARCHE demande :

- de déclarer recevable et bien fondé son appel,

En conséquence :

- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longwy le 14 février 2022 en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement opéré à l'encontre de Madame [E] [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société AUCHAN HYPERMARCHE à diverses sommes y compris au remboursement des indemnités versées par Pôle Emploi,

Statuant à nouveau :

- de débouter Madame [E] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner Madame [E] [C] à verser à la société S.A.S AUCHAN HYPERMARCHE la somme de 3 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de laisser les entiers frais et dépens à la charge de Madame [E] [C].

Madame [E] [C] demande :

- de confirmer le jugement entrepris par le conseil de prud'hommes de Longwy en date du 14 février 2022 en ce qu'il a déclaré le jugement opéré à l'égard de Madame [C] comme dépourvu de causes réelles et sérieuses,

- en conséquence, de condamner la société AUCHAN à payer à Madame [E] [C] :

- 32 268,94 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 038,42 euros au titre du préavis,

- 503,84 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 12 176,17 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 106,78 euros au titre de rappel de salaire pour arrêt maladie,

- 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- de condamner la société S.A.S AUCHAN HYPERMARCHE en tous frais et dépens de la procédure.

Par arrêt avant-dire droit du 12 janvier 2023, la cour a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes ; ordonné la réouverture des débats ; invité les parties à faire valoir leurs observations sur la question de l'étendue de la saisine de la cour.

Par conclusions notifiées le 26 janvier 2023, Mme [E] [C] fait valoir, sur la question objet de la réouverture des débats, que l'appel principal porte sur l'ensemble des condamnations prononcées dont la cour est incontestablement saisie ; qu'au regard des demandes de la société Auchan, la cour est saisie de la demande tendant à l'infirmation des condamnations dans leur ensemble ; que ses demandes ne tendent pas à étendre l'objet de la saisine de la cour ; qu'elle reprend uniquement l'ensemble des arguments et demandes développés en première instance, ces demandes entrant dans le champ de la saisine formée par la société Auchan.

Par conclusions notifiées le 25 janvier 2023, la société AUCHAN fait valoir, sur la question objet de la réouverture des débats, que, dans la mesure où Mme [E] [C] a sollicité la confirmation, sans préciser qu'elle sollicitait l'infirmation quant au quantum des sommes fixées, la cour n'est donc saisie que d'une demande de confirmation du jugement ; que la cour n'a donc pas la possibilité de faire droit aux demandes de Mme [E] [C] tendant à voir le montant des dommages et intérêts augmenter, ni même de faire droit à une quelconque demande de dommages et intérêts fondée sur un quelconque préjudice moral.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 07 juin 2022, et en ce qui concerne la salariée le 06 septembre 2022, outre les observations écrites suite à la réouverture des débats, contenues dans leurs conclusions transmises par voie électronique les 25 et 26 janvier 2023.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

L'article 562 du code de procédure civile dispose que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Aux termes de l'article 954 du même code, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

La société AUCHAN HYPERMARCHE demande « d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longwy le 14 février 2022 en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement opéré à l'encontre de Madame [E] [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société AUCHAN HYPERMARCHE à diverses sommes y compris au remboursement des indemnités versées par Pôle Emploi »

En conséquence de ces demandes, la cour est saisie d'une demande de réformation de la requalification de la rupture du contrat de travail, et de toutes les condamnations prononcées en conséquence, soit une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, l'indemnité légale de licenciement, et des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [E] [C] demande « de confirmer le jugement entrepris par le conseil de prud'hommes de Longwy en date du 14 février 2022 en ce qu'il a déclaré le jugement opéré à l'égard de Madame [C] comme dépourvu de causes réelles et sérieuses » puis elle poursuit en demandant : « en conséquence, de condamner la société AUCHAN à payer à Madame [E] [C] :

- 32 268,94 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 038,42 euros au titre du préavis,

- 503,84 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 12 176,17 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 106,78 euros au titre de rappel de salaire pour arrêt maladie,

- 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral »

Elle forme donc une demande de confirmation du jugement sur la requalification, et sur l'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis et sur l'indemnité légale de licenciement, ce qui rentre dans le champ de la saisine, ouvert par l'appel de la société AUCHAN HYPERMARCHE.

Elle forme en revanche d'autres demandes : majoration des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappel de salaire pour arrêt maladie et dommages et intérêts pour préjudice moral, qui ne rentrent pas dans le champ de l'appel ouvert par l'appelante, et ne rentrent pas non plus dans un champ de l'appel qui aurait été élargi par un appel incident, Mme [E] [C] n'ayant pas demandé la réformation du jugement sur ces derniers points, jugement qui l'a déboutée du surplus de ses demandes.

Dans ces conditions, les demandes de Mme [E] [C] portant sur : des dommages et intérêts supérieurs pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un rappel de salaire pour arrêt maladie et des dommages et intérêts pour préjudice moral seront déclarées irrecevables, en ce qu'elles s'opposent à l'autorité de chose jugée de la décision de première instance.

Sur le licenciement

L'article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave privative du préavis prévu à l'article L 1234-1 du même code est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l'employeur.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 7 août 2020, qui fixe les limites du litige, fait état des griefs suivants :

« (') Au préalable, nous vous rappelons vos obligations contractuelles :

L'article L.1222-1 du Code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Cette obligation de loyauté est inhérente au contrat de travail, elle impose au salarié de ne pas commettre des agissements contraires à la loi et interdit tout acte moralement et/ou pénalement répréhensible tel que tromperie, man'uvre frauduleuse, vol, malversation, mensonge.

Le mercredi 1er juillet 2020, au soir, entre 18 heures et 19 heures, vous êtes allé dans le stand charcuterie/fromage/Italie (zone réservée aux employés en service), en tenue civile et hors temps de travail.

Vous avez demandé à votre collègue présente à avoir un témoin pour déposer votre arrêt de travail au bureau du personnel ce que votre collègue du stand a refusé car il y avait des clients à servir dans le rayon.

A ce moment, sous le coup de l'énervement vous avez pris pour votre compte personnel des documents appartenant au rayon stand et indispensable à la bonne marche du rayon :

' Un calepin avec les codes des produits,

' Un agenda avec les jours d'animations et les rendez-vous fournisseurs,

' Vous avez arraché les feuilles des codes produits qui étaient sur les machines à emballer.

Vous êtes ensuite monté dans les bureaux afin de déposer votre arrêt de travail, vous êtes passé dans les bureaux du rayon stand à ce moment et vous avez également pris des cadenciers de commande. Nous avons constaté le lendemain matin qu'ils avaient disparu.

Nous n'avons pas pu entendre votre version des faits, du fait de votre absence à l'entretien.

Vous n'avez pas sollicité un report d'entretien. Notre appréciation des faits n'a donc pas pu être modifiée.

Nous vous rappelons l'article 2.1, titre 2 du règlement intérieur qui prévoit que « toute personne intervenant dans l'établissement n'a accès aux locaux de travail que pour l'exécution de son contrat de travail et de son contrat de prestation pendant les jours et heures de travail. Il n'est pas possible d'entrer ou de se maintenir sur les lieux de travail pour une autre cause. »

De cet article découle l'interdiction de pénétrer à l'intérieur du stand en dehors des horaires de travail.

Également, le fait de rentrer à l'intérieur du stand en tenue civile dégrade l'image de marque qu'AUCHAN a envers ses clients, les clients peuvent être interrogatifs sur le sérieux de l'entreprise et le niveau d'hygiène du magasin, quand ils aperçoivent une personne en civile sans la tenue adaptée et sans l'équipement d'hygiène dans l'enceinte du stand.

Plus grave encore, en cas de contrôle, vous exposez la Société à des sanctions administratives lourdes pour non-respect des procédures d'hygiène.

A ce titre, nous vous rappelons l'article 7.3, titre 2 du règlement intérieur : « les collaborateurs qui occupent un poste en magasin comportant, d'une part un contact permanent avec la clientèle et, d'autre part la manipulation de la marchandise destinée à la vente, doivent avoir une présentation aisément identifiable, correcte, soignée et adaptée à l'image de l'entreprise.

En conséquence, le port de la tenue de travail fournit par l'entreprise est obligatoire. »

Nous vous rappelons également l'article 8.1, titre 2 du règlement intérieur qui prévoit que : « toute forme de détournement, appropriation, soustraction de marchandise, matériel(s) ou document(s) appartenant à l'entreprise pourra faire l'objet de l'une des sanctions prévues par le présent règlement. »

Votre comportement a entraîné une désorganisation du service. En effet, votre intervention en surface de vente a eu pour conséquence de perturber directement les collaborateurs en rayon. Qui plus est, la soustraction des codes produits, agendas, ainsi que les autres éléments ont eu pour effet une désorganisation de l'activité du rayon et un impact sur l'organisation de l'activité commerciale à venir.

Vous avez déjà été sanctionné en octobre 2019 par deux jours de mise à pied pour comportement incorrect et refus d'honorer certaines tâches, ainsi qu'en novembre 2017 pour deux jours de mise à pied pour une altercation physique avec une de vos collègues.

Force est de constater que vous n'avez pas su tirer profit des alertes

Il va de soi que nous ne pouvons tolérer votre attitude au sein de notre établissement, qui est en parfaite contradiction avec l'obligation de loyauté inhérente à votre contrat de travail et le règlement intérieur de l'entreprise.

Au vu de ce qui précède, votre maintien dans l'entreprise est donc impossible et nous vous notifions votre licenciement pour faute grave. (...) »

La société AUCHAN HYPERMARCHE fait d'abord valoir qu'en application de l'article L1235-2 du code du travail, en l'absence de demande de précision sur les motifs du licenciement, une insuffisance de motivation ne prive pas à elle seule le licenciement de cause réelle et sérieuse ; elle estime par ailleurs que la lettre de licenciement en l'espèce n'est pas imprécise.

Elle précise que les faits reprochés ont été commis par Mme [E] [C] alors qu'elle était en arrêt de travail ; elle estime que quand bien même en arrêt maladie, elle conservait son obligation de loyauté et son obligation de respecter le règlement intérieur.

L'appelante indique que le comportement de la salariée a désorganisé le service ; au moment où elle a commis les faits reprochés, il y avait des clients sur le stand ; de plus ces agissements sont arrivés de manière soudaine, de sorte qu'aucun de ses collègues ne s'attendait à cet accès de colère.

L'employeur précise que les faits n'ont pu être réellement découverts que le lendemain lorsque l'équipe s'est présentée à son poste à 6 heures du matin pour constater les dégâts, les documents qui avaient été arrachés et ceux qui ont été volés.

La société AUCHAN HYPERMARCHE insiste sur le fait que les documents qui ont été pris par la salariée n'appartiennent pas à cette dernière, et qu'ils servaient à toute l'équipe pour le travail.

L'employeur fait état d'une mise à pied prononcée le 25 octobre 2019 à l'encontre de Mme [E] [C], en indiquant qu'il y a un lien avec les faits de la présente procédure.

Il indique produire des attestations de salariés se plaignant du comportement de Mme [E] [C].

Mme [E] [C] explique s'être rendue sur son lieu de travail pour déposer sa feuille d'arrêt de travail ; elle confirme s'être rendue au stand charcuterie-fromage alors qu'elle était en tenue civile, mais estime que cet événement ne peut être considéré comme une faute.

En ce qui concerne les documents, elle précise qu'ils lui sont personnels : il s'agit d'un pense-bête lui appartenant et qu'elle a payé, l'agenda 2019 a été offert par un fournisseur, et l'agenda 2020 lui appartient. L'intimée affirme qu'aucun de ces documents n'appartient à l'entreprise.

S'agissant de la liste des codes, elle précise qu'il s'agit d'un pense-bête codes, qu'elle a créé et qui a simplement été décollé.

Mme [E] [C] conteste s'être emparée des cadenciers.

Elle conteste également toute « perturbation » telle que visée dans la lettre de licenciement, indiquant que les personnes auxquelles elle s'est adressée n'étaient pas en train de servir des clients.

Elle conteste enfin les faits qui lui étaient reprochés dans la lettre de sanction du 25 octobre 2019.

Motivation

La société AUCHAN HYPERMARCHE, au soutien des griefs, renvoie à ses pièces 7, 8 et 9.

Pièce 7 : attestation de Mme [V] [P] : « le mercredi 1er juillet 2020, je travaillais de fermeture lorsque [E] [N] est arrivée énervée et est rentrée habillée en civil dans le stand fromage, elle a ouvert les armoires mais je ne suis pas allée voir car j'avais peur de sa réaction. Lorsqu'elle est repartie j'ai appelé mon responsable pour lui signaler et de la il m'a dit de regarder ce qui avait disparu. Elle avait pris les feuilles codes produits, agenda avec le nom des fournisseurs. »

Pièce 8 : attestation de Mme [T] [Y] : « Les faits se sont passés le jeudi 02 juillet 2020 en début de poste à 6h00 du matin, je me suis postée près de la machine à emballer les fromages et en voulant mettre les étiquettes correspondantes, je me suis aperçue qu'il manquait la feuille des codes produits (celle-ci avait l'air d'être arrachée), j'ai appelé de suite ma responsable avec qui nous avons regardé ce qu'il pouvait manquer d'autre. De ce fait, nous avons constaté qu'il manquait un calpin avec des codes produits, l'agenda des jours d'animation, les cadenciers de commande. Toute cette liste citées avant aurait disparu après le passage au stand de Mme [N] [E] »

Pièce 9 : attestation de Mme [F] [D] : « Le 2 juillet 2020 lors de ma prise de poste, j'ai constaté qu'il manquait au bureau des cadenciers de commande suit au passage de Mme [N] [E], ainsi qu'un agenda où été présent les jours d'animations et un calpin avec les codes des produits. Puis en m'avançant devant la machine à emballer j'ai plus constatée qu'il manquait aussi la feuille des codes produits qui avait été arrachés ».

Mme [E] [C] ne renvoie à aucune pièce.

Il résulte de ces éléments que le grief d'avoir pris possession de documents de travail est établi, Mme [E] [C] ne démontrant pas que ces documents lui appartiendraient comme elle le prétend.

Est établi également le grief de violation du règlement intérieur par le fait de pénétrer sur un lieu de travail en dehors de ses jours et horaires de travail, et sans la tenue réglementaire, Mme [E] [C] ne contestant pas s'être rendue sur le stand fromage-charcuterie alors qu'elle était en arrêt de travail, et sans porter la tenue imposée sur ce stand, les dispositions du règlement intérieur rappelées dans la lettre de licenciement n'étant pas contestées.

En revanche, l'employeur n'établit pas la désorganisation et l'atteinte à l'image de marque auprès de la clientèle.

La société AUCHAN HYPERMARCHE produit en pièce 12 la lettre d'avertissement du 25 octobre 2019, par laquelle l'employeur a sanctionné l'intimée d'une mise à pied disciplinaire de deux jours, pour « comportement incorrect, refus d'honorer certaines tâches » ; il lui était reproché un comportement agressif envers ses collègues, comme des agressions verbales et impolitesse, et de refuser d'exécuter certaines tâches, comme de servir au rayon charcuterie ou au rayon Italie.

Compte tenu des griefs établis, et de l'existence d'une sanction antérieure et récente, le licenciement est justifié.

En revanche, les faits reprochés et établis ne peuvent être qualifiés de faute grave.

En conséquence, le jugement sera réformé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, celui-ci produisant les effets d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

Le licenciement pour faute grave étant requalifié de licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la salariée a droit à une indemnité de licenciement, une indemnité de préavis, le paiement de ses jours de mise à pied, une indemnité de congés payés afférents au préavis et aux jours de mise à pied, en application des articles L1234-9, L3141-24, L1234-1, L1234-5 et L3141-3 du code du travail.

Mme [E] [C] demande la confirmation du jugement, sans que ces demandes ne soient discutées à titre subsidiaire par la société AUCHAN HYPERMARCHE.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur la condamnation à rembourser Pôle Emploi

Le licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, le jugement sera réformé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La société AUCHAN HYPERMARCHE sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Dit que les demandes de Mme [E] [C] relatives à des dommages et intérêts supérieurs pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un rappel de salaire pour arrêt maladie, et des dommages et intérêts pour préjudice moral, sont irrecevables ;

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longwy rendu le 14 février 2022, en ce qu'il a :

- condamné la société S.A.S AUCHAN HYPERMARCHE à payer à Madame [E] [C] les sommes suivantes :

- 5 038,42 euros au titre du préavis,

- 503,84 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 12 176,17 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- dit que ces sommes porteront intérêt de droit au taux légal en vigueur à compter du 10 décembre 2022,

- 900,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que ces sommes porteront intérêt de droit au taux légal en vigueur à compter du jour du prononcé du présent jugement,

- débouté Mme [E] [C] du surplus de ses demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement sur le fondement de l'article R.1454-28 du code du travail dans les limites légales ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau dans ces limites et dans les limites de l'appel,

Dit que licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société AUCHAN HYPERMARCHE aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Céline PERRIN , Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/00610
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;22.00610 ?
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