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27/03/2023 | FRANCE | N°22/01680

France | France, Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 27 mars 2023, 22/01680


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2023 DU 27 MARS 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01680 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FAOI



Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de BAR LE DUC, R.G.n° 20/00490, en date du 15 juin 2022,



APPELANTS :

Monsieur [R] [C]

né le 27 janvier 1951 à [Localité 6]

(55)

domicilié [Adresse 4]

Représenté par Me Angélique LIGNOT de la SCP CABINET LIGNOT, avocat au barreau de la MEUSE



Madame [D] [N] [C], épouse [T]

née...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 27 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01680 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FAOI

Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de BAR LE DUC, R.G.n° 20/00490, en date du 15 juin 2022,

APPELANTS :

Monsieur [R] [C]

né le 27 janvier 1951 à [Localité 6] (55)

domicilié [Adresse 4]

Représenté par Me Angélique LIGNOT de la SCP CABINET LIGNOT, avocat au barreau de la MEUSE

Madame [D] [N] [C], épouse [T]

née le 22 juillet 1948 à [Localité 6] (55)

domiciliée [Adresse 5]

Représentée par Me Angélique LIGNOT de la SCP CABINET LIGNOT, avocat au barreau de la MEUSE

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [C]

né le 25 mars 1955 à [Localité 3] (55)

domicilié [Adresse 1]

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller, Président d'audience et Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

selon ordonnance de Monsieur le Premier Président du 4 Janvier 2023

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2023, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 27 Mars 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur HENON, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

[F] [J] épouse [C], née le 12 avril 1926 à [Localité 3], est décédée le 23 mars 2000 à [Localité 8].

[U] [C], né le 4 février 1920 à [Localité 7], est décédé le 11 octobre 2015 à [Localité 6].

Ils laissent pour héritiers leurs trois enfants, à savoir suivant acte de notoriété du 19 juillet 2017 :

- [D] [C] épouse [T],

- [R] [C],

- [Z] [C].

La succession se compose de biens mobiliers et immobiliers, de parcelles agricoles et de comptes bancaires.

Maître Prud'hommes, notaire à [Adresse 9], chargé par les héritiers des successions [C]-Floremont, a établi un procès-verbal de difficulté le 11 janvier 2018.

Par actes d'huissier en date des 16 et 21 septembre 2022, Monsieur [Z] [C] a fait assigner Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] devant le tribunal judiciaire de Bar-le-Duc aux fins de :

- ordonner l'ouverture des opérations et comptes de la liquidation de la succession [C] [J] et de désigner Maître Prud'hommes, notaire à [Adresse 9], pour procéder aux opérations de compte,

- de procéder à trois lots proportionnels en tenant compte de la donation de 2003,

- dire et juger que Monsieur [R] [C] est redevable d'une indemnité d'occupation pour le bâtiment agricole depuis octobre 2015 et procéder par le notaire commis à son évaluation,

- condamner Monsieur [R] [C] à verser la somme de 3871,71 euros à la succession de son père au titre du prétendu solde de la soulte suite à la dissolution du GAEC,

- voir condamner les défendeurs à lui payer une somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par ordonnance contradictoire du 15 juin 2022, assortie de l'exécution provisoire, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc :

- s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes incidentes de Monsieur [Z] [C],

- a déclaré Monsieur [Z] [C] recevable en ses demandes incidentes,

- a déclaré irrecevable comme prescrite la demande de Monsieur [R] [C] de créance de salaire différé au titre de la période du 27 janvier 1969 au 31 décembre 1972,

- a déclaré irrecevable comme prescrite la demande de Madame [D] [C] épouse [T] de créance de salaire différé au titre de la période du 22 juillet 1966 au 31 décembre 1972,

- a déclaré irrecevable comme prescrite la demande de Monsieur [R] [C] et de Madame [D] [C] épouse [T] du chef de la donation reçue par Monsieur [Z] [C] en date du 17 juin 2003,

- a déclaré irrecevable pour défaut d'intérêt à agir la demande de Monsieur [R] [C] en remboursement de travaux à hauteur de la somme de 28287,84 euros,

- a rejeté la fin de non-recevoir alléguée par Monsieur [Z] [C] à l'encontre de Monsieur [R] [C] au titre de sa demande en remboursement de travaux pour le surplus,

- a condamné Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] aux dépens de l'incident,

- a rejeté la demande de Monsieur [Z] [C] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- a rejeté la demande de Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a relevé que l'action en reconnaissance de la créance de salaire différé est soumise au droit commun de la prescription et se prescrit par cinq ans à compter du décès de l'exploitant agricole conformément aux dispositions de l'article 2224 du code civil ; que le fait que le règlement d'une succession soit toujours en cours n'interrompt pas la prescription de cette action, le procès-verbal de difficulté n'étant pas constitutif d'une cause d'interruption de la prescription du chef de la demande de salaire différé. Les premiers juges ont constaté en l'espèce que les demandes de créance de salaires différés avaient été formées le 2 janvier 2021 alors que le de cujus était décédé le 11 octobre 2015. Ils ont ainsi jugé que les demandes de créance de salaires différés formées respectivement par Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] étaient irrecevables car prescrites.

Il a également jugé prescrite leur demande de réduction de la donation dont Monsieur [Z] [C] a bénéficié le 17 juin 2003, au motif qu'ils ont engagé leur action en réduction par conclusions en date du 2 janvier 2021, soit plus de cinq ans après l'ouverture de la succession et que par ailleurs, le délai de deux ans à compter du jour où ils ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve est largement écoulé puisqu'ils connaissaient l'existence de la donation depuis novembre 2017.

Enfin, le tribunal a considéré que Monsieur [R] [C] ne démontrait pas avoir réglé personnellement les charges incombant à l'indivision et ce d'autant que les factures, établies à l'ordre d'autres noms que le sien, portaient sur une période où ses parents étaient encore vivants (à l'exception de quatre factures portant sur une valeur globale de 1780,10 euros). En conséquence, le tribunal a jugé que Monsieur [R] [C] n'avait pas intérêt à agir quant à sa demande de remboursement de la somme de 28287,84 euros et a déclaré sa demande en remboursement de travaux irrecevable à hauteur de cette somme. Il a rejeté pour le surplus la demande incidente de Monsieur [Z] [C] tendant à voir déclarer la demande de Monsieur [R] [C] irrecevable pour défaut d'intérêt à agir.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 19 juillet 2022, Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] ont relevé appel de cette ordonnance.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 11 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] demandent à la cour, au visa des articles 815 et suivants, 815-13 et suivants, 921 et suivants, 2224 et suivants, 2230 et suivants, 2234 et suivants, 2238 et suivants, 2240 et suivants du code civil, des articles 321-13 et suivants du code rural et de l'article 122 du code de procédure civile, de :

Vu l'ordonnance de mise en état du 15 juin 2022 qui a prononcé les mesures :

« - se déclare compétent pour statuer sur les demandes incidentes de Monsieur [Z] [C],

- déclare Monsieur [Z] [C] recevable en ses demandes incidentes,

- déclare irrecevable comme prescrite la demande de Monsieur [R] [C] de créance de salaire différé au titre de la période du 27 janvier 1969 au 31 décembre 1972,

- déclare irrecevable comme prescrite la demande de Madame [D] [C] épouse [T] de créance de salaire différé au titre de la période du 22 juillet 1966 au 31 décembre 1972,

- déclare irrecevable comme prescrite la demande de Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] du chef de la donation reçue par Monsieur [Z] [C] en date du 17 juin 2003,

- déclare irrecevable pour défaut d'intérêt à agir la demande de Monsieur [R] [C] en remboursement de travaux à hauteur de la somme de 28287,84 euros,

- rejette la fin de non recevoir alléguée par Monsieur [Z] [C] à l'encontre de Monsieur [R] [C] au titre de sa demande en remboursement de travaux pour le surplus,

- condamne Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] aux dépens de l'incident,

- rejette la demande de Monsieur [Z] [C] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejette la demande de Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- constate que l'exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit »,

- déclarer recevables et bien fondés en leur appel Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] concernant l'ordonnance de mise en état du 15 juin 2022 qui porte sur les mesures suivantes :

« - se déclare compétent pour statuer sur les demandes incidentes de [Z] [C],

- déclare [Z] [C] recevable en ses demandes incidentes,

- déclare irrecevable comme prescrite la demande de [R] [C] de créance de salaire différé au titre de la période du 27 janvier 1969 au 31 décembre 1972,

- déclare irrecevable comme prescrite la demande de [D] [C] épouse [T] de créance de salaire différé au titre de la période du 22 juillet 1966 au 31 décembre 1972,

- déclare irrecevable comme prescrite la demande de [R] [C] et [D] [C] épouse [T] du chef de la donation reçue par [Z] [C] en date du 17 juin 2003,

- déclare irrecevable pour défaut d'intérêt à agir la demande de Monsieur [R] [C] en remboursement de travaux à hauteur de la somme de 28287,84 euros,

- condamne [R] [C] et [D] [C] épouse [T] aux dépens de l'incident,

- rejette la demande de [R] [C] et [D] [C] épouse [T] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile »,

En conséquence, infirmer l'ordonnance du juge de la mise du 15 juin 2022 et statuant à nouveau:

- déclarer recevable comme non prescrite la demande de Monsieur [R] [C] de créance de salaire différé au titre de la période du 27 janvier 1969 au 31 décembre 1972,

- déclarer recevable comme non prescrite la demande de Madame [D] [C] épouse [T] de créance de salaire différé au titre de la période du 22 juillet 1966 au 31 décembre 1972,

- déclarer recevable comme non prescrite la demande de [R] [C] et [D] [C] épouse [T] du chef de la donation reçue par [Z] [C] en date du 17 juin 2003,

- déclarer recevable la demande de Monsieur [R] [C] en remboursement de travaux à hauteur de la somme de 28287,84 euros,

- condamner Monsieur [Z] [C] aux dépens de l'incident tant en première instance qu'à hauteur d'appel,

- condamner Monsieur [Z] [C] à payer la somme de 1500 euros sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et à la somme de 1500 euros à hauteur d'appel soit la somme totale de 3000 euros,

- confirmer pour le surplus les dispositions de l'ordonnance de mise en état du 15 juin 2022,

- débouter Monsieur [Z] [C] de ses conclusions et de ses demandes.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 2 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [Z] [C] demande à la cour de :

- confirmer en tous points l'ordonnance de Monsieur le juge de la mise en etat de [Localité 2] en date du 15 juin 2022,

- condamner solidairement Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] à verser à Monsieur [Z] [C] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

- les condamner aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 16 janvier 2023.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 30 janvier 2023 et le délibéré au 27 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] le 11 janvier 2023 et par Monsieur [Z] [C] le 2 décembre 2022 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 16 janvier 2023 ;

* Sur la prescription des demandes au titre du salaire différé

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

En application des dispositions des articles L321-13 et L321-17 du code rural et de la pêche maritime, les enfants qui participent sans rémunération à l'exploitation de leur auteur détiennent contre la succession de celui-ci une créance de salaire différé.

Cette créance se prescrit selon le droit commun (Civ 1, 9 juin 1999, n°87-14.241), à savoir la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil ; la créance s'exerçant contre la succession, le délai de prescription court à compter du jour de l'ouverture de la succession de l'exploitant (Civ 1, 16 juillet 1998, n° 98-18.079).

En l'espèce, il n'est pas contesté que [U] [C] avait la qualité d'exploitant et qu'ainsi la prescription de la demande au titre du salaire différé a commencé à courir à compter du 11 octobre 2015, date de son décès.

Les appelants estiment que le procès-verbal de difficulté rédigé par Maître Prud'hommes le 11 janvier 2018 a interrompu la prescription en application des articles 2240 et 2241 du code civil, ce que conteste leur frère.

Le second texte dispose que 'la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion'.

Il en a été déduit par la Cour de cassation que le procès-verbal de difficulté dressé par un notaire judiciairement commis pour procéder aux opérations de liquidation et de partage de la communauté issue du mariage ou de l'indivision successorale interrompait l'écoulement de la prescription pour les réclamations qui y était mentionnées. Il en est de même du dire comprenant des réclamations adressé à l'expert judiciairement commis.

En revanche, les opérations se déroulant devant le notaire amiablement chargé par les héritiers des opérations de liquidation et partage de l'indivision successorale ne peuvent être assimilées à des demandes formées en justice et les réclamations portées devant celui-ci tout comme le procès-verbal de difficulté qu'il dresse ne constituent pas des actes interruptifs de prescription au sens de l'article 2241 du code civil.

Le premier texte énonce que 'la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit interrompt le délai de prescription'.

La reconnaissance, pour produire cet effet interruptif, doit émaner de celui qui est en voie de prescrire et qui a la capacité nécessaire de disposer ou d'administrer selon la nature du droit en cause et doit être certaine, impliquant sans équivoque l'aveu de l'existence du droit du créancier.

Le procès-verbal de difficulté mentionne, pour la revendication d'une créance de salaire différé de Monsieur [R] [C] d'une part et de Madame [D] [C] épouse [T] d'autre part la mention suivante concernant la position exprimée par l'intimé : 'Dire de Monsieur [Z] [C] : ne conteste pas la revendications de [Madame [T]/Monsieur [R] [C]] sous réserve qu'[elle/il] remplisse l'ensemble des conditions pour pouvoir en bénéficier'.

Cette mention ne constitue pas une reconnaissance au sens de l'article 2240 du code civil. En effet d'une part, Monsieur [Z] [C] se contente de ne pas contester, ce qui n'équivaut pas à un acte positif de reconnaissance ; d'autre part et surtout, le périmètre du droit concerné n'est pas défini et la déclaration de l'intimé est conditionnée au fait que ses frère et soeur rapportent la preuve de leur droit, de telle sorte qu'elle est entachée d'équivoque.

Dès lors, le procès-verbal n'a pas interrompu l'écoulement de la prescription en application de l'article 2240 du code civil.

Les appelants considèrent également que la prescription a été suspendue par l'effet des articles 2234 et 2238 du code civil, compte-tenu des opérations en cours devant le notaire.

Le fait que de telles opérations soient en cours ne caractérise pas une 'impossibilité d'agir par la suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure' au sens de l'article 2234 du code civil.

En outre, la saisine amiable d'un notaire pour le règlement de deux successions - qui en l'espèce comprenaient des biens immobiliers - et les opérations réalisées dans ce cadre jusqu'à la rédaction d'un procès-verbal de difficultés ne constituent que de simples pourparlers et ne sont pas assimilables à un processus de médiation ou de conciliation, auquel les parties ont recours après la survenue d'un litige, de telle sorte que la prescription n'a pas été suspendue par l'effet de l'article 2238 du code civil.

Aucun acte interruptif de prescription n'étant rapporté entre le 11 octobre 2015 - date du décès de [U] [E] [C] - et les conclusions notifiées le 2 janvier 2021 par lesquelles Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] ont pour la première fois porté une demande en justice au titre d'un salaire différé d'une part et en l'absence de toute cause de suspension d'autre part, c'est à juste titre que le juge de la mise en état a retenu que ces demandes étaient prescrites. La décision sera en conséquence confirmée.

** Sur la prescription de la demande de réduction de la donation du 17 juin 2003

[U] [E] [C] a fait donation à son fils Monsieur [Z] Lerclerc, par préciput et hors part, avec dispense de rapport à la succession de la nue-propriété de divers biens immobiliers par acte notarié du 17 juin 2003, dont les appelants réclament la réduction.

Le régime de prescription de l'action en rapport n'est pas applicable à l'action en réduction que l'article 921 du code civil soumet au régime suivant : 'le délai de prescription de l'action en réduction est fixé à 5 ans à compter de l'ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder 10 ans à compter du décès'.

Comme cela vient d'être dit, le procès-verbal de difficulté dressé par Maître Prud'hommes n'a pas d'effet interruptif de prescription en application de l'article 2241 du code civil dès lors qu'il n'était pas judiciairement commis pour procéder aux opérations de liquidation et partage de la succession [C] et les opérations amiables de liquidation devant le notaire n'ont pas suspendu l'écoulement du délai de prescription.

En outre, ce procès-verbal - signé par l'ensemble des parties et le notaire - comporte la mention suivante : 'contestation des valeurs indiquées dans l'acte de donation consentie à Monsieur [Z] [C], reçue par Maître Roger Luckel, alors notaire à [Adresse 9], le 17 juin 2003, révélées aux parties lors du règlement de la succession en novembre 2017. (...) Après avoir exposé leurs positions respectives, les parties déclarent ne pas avoir trouvé d'arrangement amiable sur ce point'. Il en résulte que les appelants ont eu connaissance en novembre 2017 de la donation susceptible de porter atteinte à leur réserve et qu'ainsi, le délai de prescription de deux ans a commencé à courir le 30 novembre 2017 et s'achevait donc le 30 novembre 2019.

Le délai de 5 ans a, pour sa part, commencé à courir le 11 octobre 2015, de telle sorte qu'il était échu le 11 octobre 2020.

Dès lors que la demande au titre de la réduction de la donation a été portée en justice pour la première fois par les conclusions notifiées le 2 janvier 2021 et alors qu'il n'est justifié ni d'un acte interruptif antérieur, ni d'une cause de suspension, le juge de la mise en état a retenu à juste titre que la demande de Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] était prescrite.

*** Sur le défaut de qualité de Monsieur [R] [C] à réclamer le paiement de 28287,84 euros à la succession

Le juge de la mise en état a écarté la fin de non recevoir soulevée par Monsieur [Z] [C] concernant 1780,10 euros au motif que les factures que Monsieur [R] [C] produisait à l'appui de sa réclamation étaient à son nom, mais l'a déclaré irrecevable, pour défaut de qualité, à réclamer le remboursement de 28287,84 euros dans la mesure où les factures justifiant des paiements étaient au nom de l'EARL de Berchuval et du GAEC de Valembois.

Monsieur [R] [C] conteste l'irrecevabilité qui lui a été opposée au motif qu'il était le gérant de la première société dont il détenait l'intégralité des parts sociales avec son épouse et qu'il détient 60 % des parts du GAEC et qu'il explique avoir réglé aux deux personnes morales les sommes en cause par le biais de ses comptes d'associé personnels.

C'est à juste titre que le premier juge a retenu que Monsieur [R] [C] n'avait pas qualité à agir pour réclamer le remboursement des sommes réglées par l'EARL de Berchuval et le GAEC de Valembois, le fait qu'il soit propriétaire de la totalité ou de la majorité des parts sociales étant sans incidence sur la séparation des patrimoines des personnes morales et le sien. Dès lors, il pourrait tout au plus être subrogé dans les droits des deux groupements, ce qu'il n'invoque pas et dont il ne justifie pas des conditions (ni justificatif du remboursement, ni acte exprès de subrogation du créancier).

Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance.

**** Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de condamner les appelants, qui ne sont pas reçus en leur recours, aux dépens de la procédure d'appel et de confirmer l'ordonnance qui a laissé les dépens de première instance à leur charge.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils seront condamnés à payer à Monsieur [Z] [C] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés à hauteur d'appel et déboutés de leur propre demande.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc le 15 juin 2022 en toutes ses dispositions contestées,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] aux dépens d'appel,

Condamne in solidum Monsieur [R] [C] et Madame [D] [C] épouse [T] à payer à Monsieur [Z] [C] une somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Les déboute de leur demande à ce titre.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur HENON, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN Signé : G. HENON

Minute en dix pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/01680
Date de la décision : 27/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-27;22.01680 ?
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