RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2023 DU 20 MARS 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01857 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FA2F
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,
R.G.n° 16/05092, en date du 29 novembre 2021,
APPELANTS :
Madame [G] [Z]
née le 06 novembre 1986 à [Localité 5] (54)
domiciliée [Adresse 2]
Représentée par Me Didier LANOTTE, avocat au barreau de NANCY
Monsieur [Y] [R]
né le 10 novembre 1966 à [Localité 3] (77)
domicilié [Adresse 2]
Représenté par Me Didier LANOTTE, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
S.A. MAISONS NOBLESS, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]
Représentée par Me Christian OLSZOWIAK de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, Présidente d'audience chargée du rapport, et Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,
selon ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 4 Janvier 2023
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2023, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 20 Mars 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Guerric HENON, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 21 avril 2014, Monsieur [Y] [R] et Madame [G] [Z] (ci-après, les consorts [R]-[Z]) ont conclu un contrat avec la société anonyme (SA) Maisons Nobless pour la construction d'une maison individuelle sur sous-sol d'une superficie de 120,22 m² au lieu-dit '[Adresse 4].
La déclaration d'ouverture du chantier a été déposée le 5 mars 2015 ; le procès-verbal de réception des travaux a été signé le 12 avril 2016.
Le 20 avril 2016, les consorts [R]-[Z] ont mis en demeure la SA Maisons Nobless de prendre position sur le retard de livraison et l'application des pénalités de retard contractuellement prévues.
Par acte d'huissier délivré le 8 décembre 2016, ils l'ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nancy aux fins notamment de la voir condamner à leur verser des pénalités de retard.
Les consorts [R]-[Z] ont ensuite étendu leurs demandes à divers désordres.
Par ordonnance d'incident rendue le 3 avril 2018, le juge de la mise en état a rejeté l'exception
d'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal d'instance de Nancy, ainsi que la demande de provision des demandeurs.
Par ordonnance du 5 février 2019, le juge de la mise en état a ordonné une expertise confiée à Monsieur [H] [L], qui a déposé son rapport d'expertise le 10 juin 2020.
Par ordonnance du 1er décembre 2020, le juge de la mise en état a débouté les consorts [R]-[Z] de leur demande de provision aux fins de réaliser les travaux de reprise dans le sous-sol de la maison.
Par jugement contradictoire du 29 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :
- rejeté la demande de nullité formée par la SA Maisons Nobless à l'encontre des écritures de Monsieur [Y] [R] et Madame [G] [Z],
- condamné la SA Maisons Nobless à payer à Monsieur [Y] [R] et Madame [G] [Z] les sommes suivantes :
* 192 euros au titre de la délivrance des documents et de l'information relative à l'installation de chauffage,
* 29029,20 euros TTC au titre de la reprise de la micro-station d'épuration,
* 1650 euros TTC au titre de la reprise des descentes d'eaux pluviales,
* 35226,05 euros TTC au titre de la réfection de l'étanchéité du sous-sol,
* 4768,96 euros au titre des pénalités de retard,
* 650 euros au titre de la perte de loyers causée par le retard dans la livraison,
- condamné la SA Maisons Nobless à payer à Monsieur [Y] [R] et Madame [G] [Z] la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA Maisons Nobless aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Pour statuer ainsi, le tribunal a en premier lieu rejeté la demande en nullité des écritures, considérant que la mention des fondements juridiques et la transmission des bordereaux de communication de pièces ne laissaient subsister aucun grief.
Il a relevé que la SA Maisons Nobless ne démontrait pas l'immixtion fautive du maître d'ouvrage justifiant le retard de la livraison et a condamné en conséquence celle-ci au paiement de la somme de 4768,96 euros à titre de pénalités de retard. Il a alloué une somme de 650 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice spécifique causé par le retard dans la livraison, prenant en compte les deux mois de loyers à 250 euros exposés par les consorts [R]-[Z] ainsi que 150 euros à titre de frais de pension pour un cheval.
Le tribunal a jugé que la responsabilité décennale de la SA Maisons Nobless était engagée, dès lors que les infiltrations d'eau dans le sous-sol de l'habitation rendait l'ouvrage impropre à sa destination. Il a considéré que la volonté des maîtres d'ouvrage d'aménager un studio d'enregistrement et non une cave avait été portée à la connaissance du constructeur de façon suffisante et de manière anticipée, de sorte que la SA Maisons Nobless se devait de réaliser l'ouvrage pour permettre cet usage. Or, elle a commis une faute de conception à l'origine d'un désordre dont l'expert indique qu'il est totalement en inadéquation avec le type d'activité envisagée. Le tribunal a en conséquence alloué aux consorts [R]-[Z] une somme de 35226,05 euros TTC au titre de la réfection de l'étanchéité du sous-sol.
Cependant, il a rejeté la demande de Monsieur [R] tendant à l'indemnisation d'un préjudice consistant en la perte de chiffres d'affaires de 96000 euros, en raison du retard pris dans l'aménagement du studio pendant trois ans. Le juge a considéré que Monsieur [R] ne justifiait pas d'un préjudice réel et certain sur la période considérée, dès lors qu'il n'était pas avéré que le projet de studio aurait vu le jour à compter de novembre 2017, Monsieur [R] ne justifiant d'aucune démarche pour créer une structure juridique, ni d'aucune preuve de l'acquisition du matériel mis à disposition et d'une compétence ou expérience passée en la matière, le suivi d'une formation datant du 30 juin 2018.
Sur l'indemnisation des désordres affectant l'installation du chauffage, le tribunal a considéré que la SA Maisons Nobless avait manqué à son devoir d'assistance aux opérations de réception et à son devoir de conseil en ne transmettant pas le dossier des ouvrages exécutés, les notices d'utilisation de l'installation et en ne délivrant pas les explications requises. Il a alloué la somme de 192 euros TTC à titre de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice aux consorts [R]-[Z].
Sur l'indemnisation des désordres affectant la micro-station d'épuration, il a considéré que la responsabilité de la SA Maisons Nobless était engagée, pour n'avoir pas posé une micro-station conforme aux prescriptions, et a alloué une somme de 29029,20 euros aux consorts [R]-[Z] au titre de la reprise complète de la micro-station.
Sur l'indemnisation des désordres affectant l'évacuation des eaux pluviales, il a estimé que si la responsabilité du constructeur se trouvait engagée en raison d'une malfaçon consistant dans le cintrage/faux aplomb des DEP, il a jugé que les consorts [R]-[Z] avaient eu le temps de la réflexion, avaient pu se faire conseiller utilement et avaient décidé de ne pas poser de regards, de sorte que la responsabilité de la SA Maisons Nobless ne pouvait être engagée pour cette absence d'ouvrage.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 4 août 2022, Madame [Z] et Monsieur [R] ont relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 15 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [Z] et Monsieur [R] demandent à la cour de :
- débouter la SA Maisons Nobless en sa demande d'irrégularité de la déclaration d'appel, ainsi qu'en sa demande d'irrecevabilité de leurs demandes,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy du 29 novembre 2021 en ce qu'il a condamné la SA Maisons Nobless à les indemniser d'un certain nombre de préjudices,
- que compte tenu de l'augmentation importante du prix des matériaux, il sera procédé à la réévaluation de ce préjudice à la somme de 95068,26 euros TTC, suivant devis en date du 24 avril 2022,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy du 29 novembre 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de sa demande d'indemnisation pour la perte de jouissance du studio d'enregistrement,
Statuant à nouveau,
- condamner la SA Maisons Nobless à leur payer la somme de 32000 euros annuels au titre du préjudice de jouissance, à compter du 20 avril 2016, date de la première mise en demeure,
- en tant que de besoin, recevoir l'intervention volontaire de l'association Metallissimo et dire que la SA Maisons Nobless sera condamnée à payer à l'association Metallissimo la somme de 32000 euros annuels au titre du préjudice de jouissance, à compter du 20 avril 2016, date de la première mise en demeure,
- condamner la SA Maisons Nobless à leur payer la somme de 17182,89 euros TTC correspondant à l'augmentation du prix des matériaux depuis le premier devis de 2017 à celui de 2022,
- condamner la SA Maisons Nobless au paiement de la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de Cour.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 23 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA Maisons Nobless demande à la cour de :
- dire et juger recevable mais mal fondé l'appel de Madame [Z] et Monsieur [R],
A titre principal,
- dire et juger que la Cour n'est saisi d'aucune demande en raison de l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel de Madame [Z] et Monsieur [R],
- par conséquent, constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel,
A titre subsidiaire,
- dire et juger irrecevables et mal fondées les demandes de Madame [Z] et Monsieur [R],
- confirmer le jugement entrepris, et
- débouter Madame [Z] et Monsieur [R] de l'intégralité de leurs demandes,
En toute hypothèse,
- condamner solidairement Madame [Z] et Monsieur [R] au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 6 décembre 2022.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 23 janvier 2023 et le délibéré au 20 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par Madame [Z] et Monsieur [R] le 15 novembre 2022 (comprenant des demandes pour l'association Metallissimo, dont il est précisé la qualité d'intervenant volontaire, sans qu'elle ne soit mentionnée en première page ni qu'elle ait formalisé un acte d'intervention indépendant) et par la SA Maisons Nobless le 23 novembre 2022 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 6 décembre 2022 ;
Vu les articles 562 et 901 du code de procédure civile,
Selon le premier de ces textes, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Le second précise que la déclaration d'appel, éventuellement complétée par une annexe, doit mentionner 'les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible'.
La Cour de cassation en a déduit que, seul l'acte d'appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ( 2ème Civ., 30 janvier 2020, n°18-22.528).
Elle a précisé que la déclaration d'appel qui ne mentionne pas expressément les chefs critiqués du jugement ne peut être régularisée que par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile ( 2ème Civ., 30 juin 2022, n°21-12.72), ce dont il se déduit que les conclusions - qui ne sont pas assimilables à une annexe et dont l'objet est d'énoncer toutes les prétentions et de saisir la cour des moyens de contestation de la décision - ne peuvent pas pallier l'absence d'énonciation des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d'appel.
En l'espèce, la déclaration d'appel du 4 août 2022 - qui ne visait aucune annexe - ne mentionne aucun chef de jugement critiqué, ce qui n'est pas régularisé par la notification de conclusions dans le message opérant déclaration d'appel.
Il s'ensuit que la déclaration d'appel interjeté le 4 août 2022 par Monsieur [Y] [R] et Madame [G] [Z] n'a pas opéré d'effet dévolutif du litige à la cour d'appel.
Il convient de laisser la charge des dépens de l'appel à Monsieur [Y] [R] et Madame [G] [Z].
L'équité commande de débouter chacune des parties de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
Constate l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel interjeté le 4 août 2022 par Monsieur [Y] [R] et Madame [G] [Z] et l'absence de saisine de la cour du litige ;
Condamne Monsieur [Y] [R] et Madame [G] [Z] aux dépens de la procédure d'appel ;
Déboute la SA Maisons Nobless d'une part et Monsieur [Y] [R] et Madame [G] [Z] d'autre part de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur HENON, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : G. HENON.-
Minute en sept pages.