La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2023 | FRANCE | N°22/01247

France | France, Cour d'appel de Nancy, 3ème chambre - section 1, 17 mars 2023, 22/01247


ARRET N°

DU 17 MARS 2023

N° RG 22/01247 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E7PR



LA COUR D'APPEL DE NANCY, troisième chambre civile section 1, a rendu l'arrêt suivant :



Saisie d'un appel d'une décision rendue le 17 mars 2022 par le tribunal judiciaire de VAL DE BRIEY (20/00121)



APPELANTES :

Madame [Y] [M] [X]

née le 19 Juillet 1982 à [Localité 3] (SÉNÉGAL)

[Adresse 1]

Représentée par Me Tülay CAGLAR, avocat au barreau de NANCY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/003469

du 29/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)

Mademoiselle [H] [W] [U] [Z], mineure, représentée par sa mère, Madame...

ARRET N°

DU 17 MARS 2023

N° RG 22/01247 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E7PR

LA COUR D'APPEL DE NANCY, troisième chambre civile section 1, a rendu l'arrêt suivant :

Saisie d'un appel d'une décision rendue le 17 mars 2022 par le tribunal judiciaire de VAL DE BRIEY (20/00121)

APPELANTES :

Madame [Y] [M] [X]

née le 19 Juillet 1982 à [Localité 3] (SÉNÉGAL)

[Adresse 1]

Représentée par Me Tülay CAGLAR, avocat au barreau de NANCY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/003469 du 29/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)

Mademoiselle [H] [W] [U] [Z], mineure, représentée par sa mère, Madame [Y] [M] [X]

née le 18 Octobre 2017 à [Localité 5]

[Adresse 1]

Représentée par Me Tülay CAGLAR, avocat au barreau de NANCY

INTIME :

Monsieur [I] [V] [Z]

né le 14 Juin 1974 à [Localité 4] (FLORIDE - ETATS-UNIS)

[Adresse 2]

Défaillant, n'ayant pas constitué avocat pour le représenter, la déclaration d'appel lui ayant été signifiée le 19 juillet 2022 à l'étude, par acte de Me [J] [K], commissaire de justice à [Localité 6]

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des conseils des parties, en application de l'article 805 du Code de Procédure Civile,

Madame BOUC, Présidente de Chambre, siégeant en rapporteur,

Madame FOURNIER, greffière,

Lors du délibéré :

Présidente de Chambre : Madame BOUC, qui a rendu compte à la Cour, conformément à l'article 805 du Code de Procédure Civile,

Conseillères : Madame LEFEBVRE,

Madame WELTER ;

DEBATS :

Hors la présence du public à l'audience du 23 Janvier 2023 ;

La procédure ayant été préalablement communiquée au Ministère Public pour avis ;

Conformément à l'article 804 du Code de Procédure Civile, un rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience de ce jour ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être mis publiquement à disposition au greffe le 17 Mars 2023 ;

Le 17 Mars 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

Copie exécutoire le

Copie le

FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [I] [Z] et Madame [Y] [X] se sont mariés le 30 mai 2017. De cette union est issu un enfant : [H] [W] [U], née le 18 octobre 2017 à [Localité 5].

Par acte d'huissier en date du 13 septembre 2019, Madame [X] agissant en son nom et au nom de sa fille mineure [H], a fait assigner Monsieur [Z] devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, sur le fondement de l'article 333 et suivant du code civil, aux fins d'ordonner une expertise génétique afin que soit annulée la filiation paternelle de l'enfant à son égard.

Par jugement en date du 18 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Strasbourg s'est déclaré territorialement incompétent et a renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Val-de-Briey.

Par jugement en date du 26 novembre 2020 le tribunal judiciaire de Val-de-Briey a ordonné une expertise biologique aux fins de déterminer si Monsieur [Z] est le père de l'enfant.

Selon jugement réputé contradictoire en date du 17 mars 2022, le tribunal judiciaire de Val-de-Briey a pour l'essentiel :

- déclaré la demande de Madame [X] irrecevable,

- débouté Madame [X] de l'intégralité de ses prétentions,

- condamné Madame [X] aux dépens de la procédure en ce compris les frais de l'expertise.

Par déclaration au greffe en date du 30 mai 2022, Madame [X] a interjeté appel de ce jugement dans ses dispositions relatives à l'irrecevabilité de sa demande et en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses prétentions.

Aux termes de ses dernières conclusions du 11 août 2022, Madame [X] demande à la cour de :

- dire et juger recevable et bien fondé son appel,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

déclare la demande de Madame [X] irrecevable ;

la déboute de l'intégralité de ses prétentions ;

la condamne aux dépens de la procédure en ce compris les frais de l'expertise ;

Statuant à nouveau,

- déclarer son action engagée recevable,

- constater que Monsieur [Z] n'est pas le père biologique de l'enfant [H], [W], [U] [Z],

- constater qu'il n'existe pas de possession d'état conforme au titre,

- annuler la filiation établie entre Monsieur [Z] et l'enfant [H], [W], [U] [Z],

- dire que l'enfant [H], [W], [U] [Z] portera dorénavant le nom de [H], [W], [U] [X],

- ordonner la mention de la décision à intervenir en marge de l'acte de naissance de l'enfant,

- retirer à Monsieur [Z] l'autorité parentale sur l'enfant [H],

- attribuer à Madame [X] l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur l'enfant [H],

- fixer la résidence habituelle de l'enfant chez Madame [X],

- constater que Madame [X] a bénéficié de l'aide juridictionnelle en première instance comme à hauteur de cour et en conséquence,

- dire et juger que les frais et dépens de première instance et ceux à hauteur d'appel seront supportés par le Trésor Public en ce compris les frais de l'expertise.

À l'appui de son appel, Madame [X] fait valoir les moyens suivants :

le rapport d'expertise permet d'établir que Monsieur [Z] n'est pas le père biologique de l'enfant,

à compter de mai 2019, lorsque Monsieur [Z] apprend qu'il n'est pas le père de l'enfant, il s'en est complètement désintéressé,

Madame [X] s'occupe de l'enfant avec son père biologique,

Monsieur [Z] atteste lui-même vouloir annuler sa filiation avec l'enfant.

Par un avis du 23 décembre 2022, le ministère public déclare qu'il ne peut se prononcer en raison de l'absence de communication des pièces des parties et précise que seuls les bordereaux sont joints.

Bien que la déclaration d'appel ait été signifiée par acte d'huissier à étude en date du 19 juillet 2022, Monsieur [Z] n'a pas constitué avocat.

Les conclusions de l'appelant lui ont été signifiées par acte d'huissier le 4 août 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2022.

A l'audience du 23 janvier 2023, l'affaire a été mise en délibéré au 17 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la recevabilité de l'action en contestation de paternité

L'article 332 alinéa 2 du code civil dispose que ' la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père'.

L'article 333 du code civil dispose que 'lorsque la possession d'état est conforme au titre, seuls peuvent agir l'enfant, l'un de ses père et mère ou celui qui se prétend le parent véritable. L'action se prescrit par cinq ans à compter du jour où la possession d'état a cessé ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté.

Nul, à l'exception du ministère public, ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement'.

Il s'en évince que l'action en contestation de paternité est irrecevable à l'initiative de quiconque, à l'exception du ministère public, lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins 5 ans depuis la naissance de l'enfant ou depuis la reconnaissance si elle a été faite ultérieurement.

Avant l'écoulement de ce délai, l'action en contestation de paternité est possible même en présence d'une possession d'état conforme au titre.

L'article 334 du code civil énonce que 'à défaut de possession d'état conforme au titre, l'action en contestation peut être engagée par toute personne qui y a un intérêt dans le délai prévu à l'article 321", à savoir un délai de dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté.

En l'espèce, Monsieur [Z] et Madame [X] se sont mariés le 30 mai 2014, l'enfant [H] issu de leur union est née le 18 octobre 2017.

Les époux ont divorcé par jugement du 19 novembre 2020, cette décision de justice organisant les droits de Monsieur [Z] en tant que père de l'enfant.

Par acte du 13 septembre 2019, Madame [X] a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de contester la paternité de Monsieur [Z].

Cette demande en contestation de paternité a eu lieu lorsque l'enfant était âgée de 23 mois, soit dans un délai de moins de cinq ans à compter de sa naissance, ce qui rend l'action parfaitement recevable.

Au surplus, Madame [X] apporte les éléments probatoires nécessaires à la remise en cause de toute possession d'état de Monsieur [Z] en tant que père de l'enfant.

En effet, sa demande se fondait selon les termes du jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 18 décembre 2018, sur la présentation par Monsieur [L] d'un test ADN démontrant sa paternité biologique de l'enfant [H], à 99.99%.

De plus, il a été établi par le rapport d'expertise biologique du 24 août 2021 ordonné par jugement du 26 novembre 2020, que Monsieur [Z] n'est pas le père biologique de l'enfant [H].

À hauteur d'appel, Madame [X] verse également une attestation de Monsieur [Z] du 2 mai 2022 dans laquelle ce dernier affirme avoir rompu tout lien avec l'enfant à compter de l'émission des doutes quant à sa paternité en mai 2019 et qu'il n'a versé aucune pension alimentaire au profit de l'enfant. Il formule également dans cet acte la volonté d'annuler sa filiation et l'attribution de l'autorité parentale exclusive à Madame [X].

Outre cette déclaration qui remet nécessairement en cause la possession d'état de Monsieur [Z] envers l'enfant, Madame [X] verse plusieurs attestations de professionnels de santé confirmant l'absence de Monsieur [Z] pour l'enfant et que cette situation est notoire puisque les tiers ne connaissent par Monsieur [Z] et ne reconnaissent pas sa qualité de père de l'enfant.

Enfin, Monsieur [L] atteste être présent pour l'enfant et que cette dernière l'identifie comme sa figure paternelle et dont la complicité est confirmée par la production de photographies.

Ainsi, ces éléments remettent en cause les éléments de la possession d'état ainsi que son utilité, cette dernière étant contredite dans ses fondements.

Dès lors, il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'action en contestation de paternité de Madame [X] débutant avant les cinq années de l'enfant et démontrant un défaut de possession d'état à compter de l'année 2019, est recevable.

Il convient ainsi d'infirmer le jugement déféré.

Sur la contestation de paternité

En application de l'article 310-3 alinéa 2 du code civil, le demandeur à l'action en contestation de paternité peut rapporter la preuve par tous moyens, et notamment par expertise biologique.

En l'espèce, par jugement avant dire droit du 26 novembre 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Val de Briey a ordonné une expertise biologique pour établir la possible paternité de Monsieur [Z].

Le rapport d'expertise biologique du 24 août 2021 a établi que Monsieur [Z] n'est pas le père biologique de l'enfant [H].

Par attestation du 2 mai 2022 susvisée, ce dernier a affirmé ne pas exécuter ses obligations en tant que père, n'usant pas de son droit de visite et d'hébergement de l'enfant et ne versant aucune contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, ce dernier affirmant ne pas être le père de l'enfant.

De plus, Monsieur [L] atteste tenir le rôle de père pour l'enfant [H].

Il résulte de l'ensemble de ces éléments tant scientifiques que sociologiques que Monsieur [Z] n'est pas le père de l'enfant [H].

Dès lors, il convient d'annuler la filiation de Monsieur [Z] envers l'enfant [H].

Le caractère déclaratif du jugement annulant le lien de filiation emporte la disparition rétroactive des devoirs et obligations attachés à l'autorité parentale.

Dès lors, Monsieur [Z] est considéré comme n'ayant jamais été titulaire de l'autorité parentale.

Les règles de droit commun s'appliquent automatiquement et rétoractivement : Madame [X] a seule l'autorité parentale, Monsieur [Z] n'est pas tenu d'une obligation d'entretien.

L'annulation du lien de filiation entraîne automatiquement et de plein droit le changement de nom de l'enfant mineur.

En application de l'article 311-23 du code civil, l'enfant [H] portera dorénavant le nom de de sa mère, Madame [X] et cette mention sera marquée sur l'acte de naissance de l'enfant.

Sur les dépens

Eu égard à la nature du litige, Madame [X] sera condamnée aux dépens tant de première instance que de ceux d'appel.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt rendu par défaut, publiquement après débats en chambre du conseil et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal de Val de Briey du 17 mars 2022 en ce qu'il a déclaré Madame [Y] [M] [X] irrecevable en son action en contestation de paternité et l'a déboutée de toutes ses demandes,

Statuant à nouveau,

Déclare recevable l'action en contestation de paternité intentée par Madame [Y] [M] [X], en son nom propre et au nom de l'enfant [H],

Annule la filiation établie entre Monsieur [I] [V] [Z] et [H] [W] [U] [Z],

Dit que l'enfant [H], [W], [U] [Z] portera le nom de sa mère, soit [H], [W], [U] [X],

Ordonne la mention du présent arrêt d'annulation du lien de filiation dans les registres d'état civil et dans l'acte de naissance de l'enfant [H] à la diligence du Parquet et des parties,

Rappelle qu'en raison du caractère déclaratif de l'arrêt annulant le lien de filiation, il y a disparition rétroactive des devoirs et obligations attachés à l'autorité parentale,

Constate qu'en conséquence, Madame [Y] [M] [X] est seule titulaire de l'autorité parentale sur l'enfant,

Confirme le dit jugement en ce qui concerne la condamnation de Madame [Y] [M] [X] aux dépens y compris les frais d'expertise biologiques,

Y ajoutant,

Condamne Madame [Y] [M] [X] au paiement des dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés selon les règles de l'aide juridictionnelle.

L'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au Greffe de la Cour le dix sept Mars deux mille vingt trois, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Et Madame la Présidente a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.

Signé : I. FOURNIER.- Signé : C. BOUC.-

Minute en sept pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - section 1
Numéro d'arrêt : 22/01247
Date de la décision : 17/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-17;22.01247 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award