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16/03/2023 | FRANCE | N°22/01035

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 16 mars 2023, 22/01035


ARRÊT N° /2023

PH



DU 16 MARS 2023



N° RG 22/01035 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E67Z







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

20/00207

04 mars 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [H] [Y]

[Adresse 2]

[

Localité 3]

Représenté par Me Christophe SGRO, avocat au barreau de NANCY



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/003436 du 29/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)







INTIMÉE :



S.A.S. GARAGE [Localité 4] pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés a...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 16 MARS 2023

N° RG 22/01035 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E67Z

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

20/00207

04 mars 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [H] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Christophe SGRO, avocat au barreau de NANCY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/003436 du 29/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)

INTIMÉE :

S.A.S. GARAGE [Localité 4] pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Julien BOUTIRON de la SARL CICERON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 19 janvier 2023 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Stéphane STANEK , conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 16 mars 2023;

Le 16 mars 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [H] [Y] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société S.A.S Garage [Localité 4] à compter du 01 juillet 1993, en qualité d'ouvrier peintre.

La convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes s'applique au contrat de travail.

Au dernier état de ses fonctions, le salarié occupait le poste de peintre préparateur.

Par courrier du 11 avril 2019, Monsieur [H] [Y] a été licencié pour motif économique.

Par requête du 15 juin 2020, Monsieur [H] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société S.A.S Garage [Localité 4] à verser à Monsieur [H] [Y] les sommes suivantes :

- 2 006,89 euros au titre des salaires restant dus sur les trois dernières années, outre 200,69 euros d'indemnités de congés payés afférents,

- 10 772,28 euros de dommages et intérêts pour préjudice subi au regard de salaires inférieurs à la convention,

- 33 214,53 euros, titre d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement pour non-respect de l'article L.1233-4 du code du travail,

- d'ordonner la remise d'un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conforme, sous astreinte de 10,00 euros par jour de retard courant un mois après notification de la décision à intervenir,

- de prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir en toutes ces dispositions,

- de condamner la société S.A.S Garage [Localité 4] à lui verser la somme de 2 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 04 mars 2022, lequel a :

- dit que le licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur [H] [Y] par la société S.A.S Garage [Localité 4] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- dit qu'il n'y a pas lieu à rappel de salaire au motif d'une mauvaise qualification professionnelle,

- en conséquence, débouté Monsieur [H] [Y] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens ainsi que ceux liés au présent jugement seront à la charge exclusive de Monsieur [H] [Y].

Vu l'appel formé par Madame [H] [Y] le 02 mai 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de M. [H] [Y] déposées sur le RPVA le 03 novembre 2022, et celles de la société S.A.S Garage [Localité 4] déposées sur le RPVA le 09 octobre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 07 décembre 2022,

M. [H] [Y] demande :

- de dire et juger recevable et bien fondé son appel, et d'y faire droit,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que le licenciement prononcé à son encontre par la société S.A.S Garage [Localité 4] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- dit qu'il n'y a pas lieu à rappel de salaire au motif d'une mauvaise qualification professionnelle,

- en conséquence, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,

- dit que les dépens ainsi que ceux liés au jugement seront à sa charge exclusive,

Statuant à nouveau :

- de condamner la société S.A.S Garage [Localité 4] à lui verser les sommes suivantes :

- 2 006,89 euros au titre des salaires restant dus sur les trois dernières années,

- 200,69 euros au titre des congés payés afférents,

- 10 772,28 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au regard de salaires inférieurs à la convention,

- de dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société S.A.S Garage [Localité 4] à lui verser 33 214,53 euros titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société S.A.S Garage [Localité 4] à lui remettre un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes, sous astreinte de 10,00 euros par jour de retard courant un mois après notification de la décision à intervenir,

- de condamner la société S.A.S Garage [Localité 4] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel,

- de condamner la société S.A.S Garage [Localité 4] à lui verser 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société S.A.S Garage [Localité 4] demande :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [H] [Y] de l'intégralité de ses demandes,

- en conséquence, l'en débouter,

En toutes hypothèses :

- de constater que la demande de dommages et intérêts en raison du prétendu non-paiement des minimas salariaux constitue une demande nouvelle et doit de ce fait doit être déclarée irrecevable,

- de le condamner à payer à la société S.A.S Garage [Localité 4] la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile ainsi qu'aux éventuels dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 09 octobre 2022, et en ce qui concerne le salarié le 03 novembre 2022.

Sur la demande de rappel de salaires pour mauvaise classification

M. [H] [Y] fait valoir qu'il ne pouvait demeurer classifié échelon 1, par référence à l'article 3.03 de la convention collective, compte tenu de sa qualification professionnelle et des tâches qui lui étaient confiées.

Il renvoie à sa pièce 5 pour le calcul du rappel dont il réclame le paiement, sur la base d'un échelon 3.

Il précise que ne doivent pas être prises en compte pour le calcul du minimum auquel il a droit les primes exceptionnelles qu'il a reçues.

La société Garage [Localité 4] considère que le poste de M. [H] [Y] correspondait à l'échelon 1, et que les primes de 400 euros en juillet et 400 euros en décembre, qu'il percevait chaque année, conduisaient à un montant de salaire supérieur au minimum conventionnel qu'il revendique.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article 3.03 de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, « Les douze échelons de la classification ouvriers et employés se répartissent en trois catégories :

' les échelons 1 et 2 concernent les emplois n'exigeant pas de qualification professionnelle ;

' les échelons 3, 6, 9 et 12 sont les échelons de référence attribués aux qualifications de branche de la catégorie ouvriers et employés ;

' les échelons 4, 5, 7, 8, 10 et 11 sont les échelons majorés accessibles aux salariés leur permettant de progresser dans un itinéraire professionnel, dans les conditions indiquées à l'article 3.02 c.

Echelon 1

L'échelon 1 concerne les emplois qui se caractérisent par l'exécution de travaux élémentaires comparables à ceux de la vie courante et qui ne nécessitent pas l'utilisation de techniques ou d'équipements professionnels spécifiques.

Echelon 2

L'échelon 2 concerne les salariés à qui l'on confie des activités simples.

Echelon 3

Echelon de référence du professionnel titulaire d'une qualification de branche dans la spécialité, cet échelon correspond à des tâches de difficulté moyenne, réalisées dans le cadre de modes opératoires connus et sous le contrôle possible d'un responsable technique d'un niveau de qualification plus élevé.

Echelons 4 et 5

Echelons majorés plus qualifiés que l'échelon 3 par la mise en oeuvre des " critères valorisants ". Ces échelons peuvent aussi concerner des salariés à qui sont confiées des " extensions d'activité " correspondant à une qualification intermédiaire entre 3 et 6. »

M. [H] [Y] expose être titulaire d'une classification professionnelle, sans être contredit par la société Garage [Localité 4].

Sa situation correspond dès lors à un échelon 3.

Le salaire minimum conventionnel est celui qui correspond à la ligne « salaire de base » des bulletins de salaire produits en pièce 2 par l'appelant, à l'exclusion des éventuelles primes qui peuvent figurer par ailleurs sur le bulletin de paie.

M. [H] [Y] produit en pièce 5 le calcul détaillé de ce qu'il réclame, indiquant notamment par mois le salaire de base qu'il a perçu, et le salaire de base qu'il aurait dû percevoir ; la société Garage [Localité 4] ne discute ni des bases de calcul, ni du calcul ; elle ne conteste pas que le «salaire dû » indiqué dans cette pièce 5 par M. [H] [Y] correspond au salaire minimum conventionnel d'un échelon 3.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de rappel de M. [H] [Y].

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect du minimum conventionnel

M. [H] [Y] expose que pendant toute sa vie professionnelle, il s'est vu verser un salaire inférieur au salaire minimal ; il n'a pas perçu de salaire ni n'a pu cotiser à la hauteur de ce qu'il aurait dû.

Il réclame 10 772,28 euros, en application d'une formule de calcul présentée en page 5 de ses conclusions.

L'appelant précise que cette demande a été présentée dans les mêmes termes en première instance et n'est donc pas nouvelle.

La société Garage [Localité 4] fait valoir que cette demande est irrecevable comme nouvelle aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, dans la mesure où elle n'avait pas le même fondement en première instance, où elle s'appuyait sur l'article L8223-1 du code du travail, alors qu'en appel le salarié invoque les articles 1231-1 et 1217 du code civil.

- sur la recevabilité de la demande

Aux termes des dispositions de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, il ressort de la lecture du jugement entrepris que M. [H] [Y] a présenté une demande de « 10 772,28 euros de dommages et intérêts pour préjudice subi au regard de salaires inférieurs à la convention » sur le fondement de l'article L8221-5 du code du travail.

Si le fondement invoqué est effectivement différent en appel de celui invoqué en première instance, la demande est la même, et sera donc déclarée recevable, en application de l'article 565 précité.

- sur la demande

Il résulte des conclusions des parties, et de la pièce 5 de M. [H] [Y] que la formule de calcul que ce dernier expose en page 5 de ses conclusions : 6 x (1.571 + 224,38), correspond à 6 mois de salaire à hauteur de 1571 euros au titre du « salaire dû », auxquels s'ajoutent 224,38 euros d'heures supplémentaires.

La société Garage [Localité 4] ne discute ni le principe, ni la formule, ni le quantum de la demande.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 11 avril 2019 est ainsi rédigée :

« Monsieur,

Nous sommes contraints de rompre votre contrat de travail pour le motif économique suivant.

Au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2018, notre garage a réalisé une perte de 39 435 euros pour un chiffre d'affaires de 875 433 euros. Cette perte est directement liée à notre activité puisque notre résultat d'exploitation est déficitaire de 45 728 euros.

Par ailleurs, au cours des 3 derniers mois, soit les mois de février et de janvier 2019 et de décembre 2018, notre chiffre d'affaires est en baisse significative en comparaison avec les mois de janvier et de février 2018 et de décembre 2017 puisque notre chiffre d'affaires est passé de 220 395 euros à 166 984 euros entre ces deux périodes, soit une baisse d'environ 25 %.

Cette situation nous conduit à arrêter notre activité de carrosserie qui est déficitaire en raison d'un manque manifeste de chiffre d'affaires. Celle-ci est en effet en sous activité d'environ 50%. En outre, sa poursuite nécessiterait des investissements importants et, en particulier, l'installation d'une nouvelle cabine de peinture qui aurait un coût d'environ 100 000 euros. Cet investissement est absolument impossible compte tenu du niveau actuel de chiffre d'affaires de cette activité et des résultats de notre société.

Nous ne pouvons vous proposer aucun reclassement dans la mesure où il n'existe aucun poste disponible au sein de notre société. En outre, notre société n'appartient pas à un groupe de sociétés et n'a donc pas de sociétés mères, soeurs ou filiales dans lesquelles elle pourrait vous rechercher un reclassement.

Ces difficultés économiques nous contraignent à cesser notre activité de carrosserie et à supprimer votre poste de préparateur carrosserie.

Lors de l'entretien préalable du 29 mars dernier, nous vous avons proposé le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle. Il vous a été remis une documentation d'information établie par Pole Emploi ainsi qu'un dossier d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.

Vous disposez depuis cette date d'un délai de 21 jours pour prendre votre décision. Ce délai expirera le mardi 23 avril 2019.

Si vous décidez d'adhérer à ce dispositif, votre contrat de travail sera considéré comme rompu à l'issue de ce délai de réflexion. Dans cette hypothèse, la présente lettre sera sans objet et vous n'effectuerez pas de préavis.

En revanche, si, à la date du 23 avril prochain, vous ne nous avez pas fait connaître votre choix ou si vous avez refusé la proposition du contrat de sécurisation professionnelle, la présente lettre constituera la notification de votre licenciement économique. (...) »

M. [H] [Y] considère que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

M. [H] [Y] fait valoir qu'il n'a bénéficié d'aucune formation depuis son embauche en 1993 ; que l'entreprise n'a produit aucun effort de formation et d'adaptation lui permettant de pouvoir bénéficier d'une qualification lui ouvrant la possibilité d'un reclassement ; que l'employeur ne justifie pas de l'impossibilité de l'affecter à un poste disponible moyennant une formation complémentaire ; que la société Garage [Localité 4] a délibérément laissé péricliter l'activité carrosserie ; que les comptes produits par l'employeur démontrent que le chiffre d'affaires a largement augmenté en 2018, exercice qui a précédé le licenciement, tandis que l'endettement diminuait ; que le résultat d'exploitation négatif est essentiellement dû à une variation du stock marchandises de plus de 110 000 euros ; que la baisse du chiffre d'affaires et la sous-activité de la carrosserie sont les conséquences d'un choix économique d'externaliser cette activité, et non de difficultés économiques.

La société Garage [Localité 4] fait valoir qu'au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2018, elle a réalisé une perte d'exploitation de 45 728 euros, et une perte comptable de 39 435 euros ; elle affirme que la restructuration qui consistait à licencier les deux salariés de l'atelier de carrosserie était indispensable à la survie de l'entreprise. Elle ajoute qu'au cours des trois mois qui ont précédé le licenciement, le Garage a connu une baisse importante de son chiffre d'affaires.

La société Garage [Localité 4] indique n'appartenir à aucun groupe, et ne pouvait donc rechercher de reclassement externe ; elle ajoute n'avoir procédé à aucune embauche concomitamment ou depuis le licenciement de M. [H] [Y] sur un poste compatible avec ses compétences.

L'intimée explique également que la question des stocks ne remet pas en cause l'existence des difficultés économiques qui ont justifié le licenciement.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment:

«1o A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

«Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à:

«a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés;

«b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés;

«c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés;

«d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus;

«2o A des mutations technologiques;

«3o A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité;

«4o A la cessation d'activité de l'entreprise.

«La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.»

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.

En l'espèce, il ressort de la pièce 2 de la société Garage [Localité 4] (liasse fiscale du 14 février 2019) que le résultat d'exploitation de l'entreprise est passé de 25 425 euros en 2017 à ' 45 728 euros en 2018, et ce malgré un chiffre d'affaires en progression, de 779 250 euros à 875 433 euros.

M. [H] [Y] qui souligne un stock qui passe de 9 101 euros en 2017 à 110 764 euros en 2018, indique que cette variation des stocks résulte d'un choix de l'entreprise. 

Il résulte de l'attestation de l'expert-comptable de la société, en pièce 1 de l'appelante, que « l'analyse des temps facturés au titre de l'activité carrosserie fait apparaître une sous-activité moyenne d'environ 50 % sur les années 2017 et 2018 et de plus de 70 % sur les mois de janvier et février 2019 . Cette sous-activité explique en grande partie la perte générée en 2018. » ; il indique par ailleurs que « le chiffre d'affaires sur la période 12/2018 à, 02/2019 s'est établi à 170,836 euros hors tva en recul de (-24,21%) soit (-54,559) euros de chiffre d'affaires par rapport à la période 12/2017 à 02/2018. (...) ».

M. [H] [Y], qui fait valoir que la baisse d'activité de l'atelier carrosserie résulte du choix de l'entreprise de laisser péricliter ce secteur du garage, et d'externaliser l'activité carrosserie, et ajoute que pendant des décennies aucun investissement n'a été effectué dans l'outil industriel (cabine), ne conteste pas l'argument de l'employeur, figurant dans la lettre de licenciement, selon lequel l'investissement nécessaire était de 100 000 euros pour l'achat d'une nouvelle cabine de peinture.

La société Garage [Localité 4] conteste que l'arrêt de l'activité de carrosserie aurait été à l'origine de la baisse du chiffre d'affaires, et indique que cette activité n'a pas été arrêtée mais est sous-traitée à une carrosserie extérieure, pour un montant de 45 377 euros ; elle renvoie sur ce point à sa pièce 8 ' détail des comptes annuels du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019.

Cette pièce 8 permet effectivement de constater sur l'exercice 2019, dans la rubrique « autres achats et charges externes », sous le code 604043 « prestations carrosserie » un montant de 45 377,56 euros ; sur l'exercice 2018 (même pièce) aucun chiffre n'apparaît.

Ce document démontre d'une part que l'activité carrosserie est toujours proposée par la société Garage [Localité 4], mais avec une externalisation des prestations, et d'autre part qu'en 2018 toute l'activité carrosserie était effectuée en interne, et par conséquent qu'il n'y avait pas de réduction par l'employeur de cette activité, par externalisation.

Sur la pièce 7 de l'employeur (comptes annuels pour l'exercice 2018) aucune prestation externe de carrosserie ne figure non plus dans la partie portant sur l'exercice antérieur 2017.

Il est ainsi démontré qu'il n'y a pas eu de volonté de la part de la société Garage [Localité 4] de laisser péricliter l'activité carrosserie.

La réalité des difficultés économiques est donc établie.

La société Garage [Localité 4] produit en pièce 3 un extrait de son registre du personnel sur les entrées et sorties du personnel entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019, faisant état de deux sorties, le 12 juin 2019, de l'appelant et de M. [W] [E], tôlier spécialiste, et de l'entrée de M. [P] [K] le 16 septembre 2019, en qualité de mécanicien de maintenance auto.

La société Garage [Localité 4] justifie par cette pièce de l'absence de poste de reclassement dans l'entreprise dans sa spécialité.

L'argument de M. [H] [Y] d'une absence de formation, dont il n'indique pas clairement quelle conséquence il en tire, est sans emport dès lors que l'atelier de peinture du garage était supprimé, et qu'ainsi la question de son adaptation au poste ne se pose pas.

Le licenciement pour motif économique reposant dès lors sur une cause réelle et sérieuse, M. [H] [Y] sera débouté de sa demande, et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat

En application des articles L1234-19 et R1234-9 du Code du travail, il sera fait droit à la demande, à l'exception de la demande d'astreinte, celle-ci n'apparaissant pas justifiée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Garage [Localité 4].

La société Garage [Localité 4] sera condamnée à payer à M. [H] [Y] 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme, dans les limites de l'appel le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 04 mars 2022, en ce qu'il a :

- dit que le licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur [H] [Y] par la société S.A.S Garage [Localité 4] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans ces limites,

Déclare recevable la demande relative au minimum conventionnel ;

Condamne la société Garage [Localité 4] à payer à M. [H] [Y] :

- 2 006,89 euros au titre des salaires restant dus sur les trois dernières années,

- 200,69 euros au titre des congés payés afférents,

- 10 772,28 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au regard de salaires inférieurs à la convention ;

Condamne la société Garage [Localité 4] à remettre à M. [H] [Y] un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Garage [Localité 4] à payer à M. [H] [Y] 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Garage [Localité 4] aux dépens des procédures de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/01035
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;22.01035 ?
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