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09/03/2023 | FRANCE | N°22/00588

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 09 mars 2023, 22/00588


ARRÊT N° /2023

PH



DU 09 MARS 2023



N° RG 22/00588 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6A4







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BAR LE DUC

F 21/00018

27 janvier 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.A.R.L. BOULANGERIE PATISSERIE [

K] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Theo HEL de la SELARL SELARL CONSEIL ET DEFENSE DU BARROIS, avocat au barreau de la MEUSE









INTIMÉ :



Monsieur [D] [X] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Angéliqu...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 09 MARS 2023

N° RG 22/00588 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6A4

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BAR LE DUC

F 21/00018

27 janvier 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.R.L. BOULANGERIE PATISSERIE [K] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Theo HEL de la SELARL SELARL CONSEIL ET DEFENSE DU BARROIS, avocat au barreau de la MEUSE

INTIMÉ :

Monsieur [D] [X] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Angélique LIGNOT de la SCP SCP CABINET LIGNOT, avocat au barreau de la MEUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 12 Janvier 2023 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 09 Mars 2023 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 09 Mars 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [D] [X] [M] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] à compter du 02novembre 2015, en qualité de pâtissier.

La convention collective nationale de la boulangerie et pâtisserie s'applique au contrat de travail.

A compter du 22 octobre 2019, Monsieur [D] [X] [M] a été placé en arrêt de travail pour maladie, renouvelé de façon continue.

Par courrier du 20 août 2020, Monsieur [D] [X] [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par requête du 18 février 2021, Monsieur [D] [X] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc, aux fins :

- de prononcer une rupture aux torts exclusifs de la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] de son contrat de travail,

- de condamner la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] à régler les sommes suivantes :

- 8 772, 50 euros pour indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 992,99 euros pour indemnité de licenciement,

- 3 190 ,00 euros au titre du préavis et la somme de 319 ,00 au titre des congés payés afférents,

- 9 970,00 euros au titre d'un rappel d'heures supplémentaires et congés payés,

- 3 000 ,00 euros au titre du non-respect des visites médicales,

- 5 000 ,00 euros au titre des dommages et intérêts,

- d'ordonner la rectification des documents (certificat de travail, solde tout compte, attestation Pôle Emploi, bulletin de travail) sous astreinte de 10,00 euros par jours de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- de condamner la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] à régler une somme de 2 500 ,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc rendu le 27 janvier 2022, lequel a :

- dit qu'il y a prescription sur les demandes antérieures au 18 février 2018,

- dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Monsieur [D] [X] [M] du 20 août 2020 prendra tous les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- condamné la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] à verser à Monsieur [D] [X] [M] les sommes de :

- 1 595, 00 euros pour indemnité de licenciement légale,

- 3 190,00 euros pour indemnité compensatrice de préavis,

- 3 19,00 préavis pour congés payés sur préavis,

- 8 772,50 euros pour indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 4 450,00 euros pour heures supplémentaires et congés payés y afférent,

- 500,00 euros pour non-respect de la visite médicale,

- 1 000,00 euros pour dommages-intérêts,

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] à remettre l'ensemble des documents de fin de contrat rectifiés à Monsieur [D] [X] [M], selon les mentions du présent jugement, et ce, sous astreinte de 10,00 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois après la notification ou signification du présent jugement,

- dit que le conseil se réserve le droit de liquider la présente astreinte,

- rappelé l'exécution provisoire conformément aux articles R 1454-14 et 145428 du code du travail,

- dit que la moyenne des 3 derniers mois de salaire s'élève à 1 238,09 euros brut,

- débouté la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] de ses demandes,

- condamné la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] SARL aux entiers dépens et aux éventuels frais d'exécution.

Vu l'appel formé par la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] le 09 mars 2022,

Vu l'appel incident formé par Monsieur [D] [X] [M] le 29 mars 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] déposées sur le RPVA le 22 novembre 2022, et celles de Monsieur [D] [X] [M] déposées sur le RPVA le 06 décembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 07 décembre 2022,

La société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] demande :

- rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Monsieur [D] [X] [M] du 20 août 2020 prendra tous les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- condamné la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] à verser à Monsieur [D] [X] [M] les sommes de :

- 1 595, 00 euros pour indemnité de licenciement légale,

- 3 190,00 euros pour indemnité compensatrice de préavis,

- 3 19,00 préavis pour congés payés sur préavis,

- 8 772,50 euros pour indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 4 450,00 euros pour heures supplémentaires et congés payés y afférent,

- 500,00 euros pour non-respect de la visite médicale,

- 1 000,00 euros pour dommages-intérêts,

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] à remettre l'ensemble des documents de fin de contrat rectifiés à Monsieur [D] [X] [M], selon les mentions du présent jugement, et ce, sous astreinte de 10,00 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois après la notification ou signification du présent jugement,

- dit que le conseil se réserve le droit de liquider la présente astreinte,

- débouté la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] de ses demandes,

*

Statuant à nouveau :

- de déclarer irrecevables, car libératoires par la signature du solde de tout compte non contesté dans le délai légal, les demandes en rappel de salaires et relatives aux congés payés postérieures au 20 août 2017,

- dire et juger que la prise d'acte produira les effets d'une démission,

- de déclarer Monsieur [D] [X] [M] mal fondé en toutes ses demandes, et l'en débouter, y compris quant à sa demande d'infirmation de la décision attaquée,

- de condamner Monsieur [D] [X] [M] à payer la somme de 2 500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [D] [X] [M] aux entiers dépens.

Monsieur [D] [X] [M] demande :

- de déclarer irrecevable et mal fondée en son appel la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] agissant en la personne de son représentant légal et la débouter de ses demandes,

- de déclarer recevable et bien fondé Monsieur [D] [M] en son appel incident sur les mesures suivantes :

- condamne la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] à verser à Monsieur [D] [X] [M] les sommes de :

- 1 595,00 euros pour indemnité de licenciement légale,

- 500,00 euros pour non-respect de la visite médicale,

- 4 450,00 euros pour heures supplémentaires et congés payés y afférent

- 1 000,00 euros pour dommages-intérêts,

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'infirmer le jugement entrepris sur les points ci-dessus,

*

Statuant à nouveau :

- de déclarer recevables et bien fondées les demandes Monsieur [D] [X] [M],

- de débouter la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] de l'intégralité de ses demandes et conclusions,

- de confirmer la prise d'acte de Monsieur [D] [X] [M] en une rupture aux torts exclusifs de l'employeur qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] à régler les sommes suivantes :

- 8 772,50 euros pour indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 992,99 euros pour indemnité de licenciement,

- 3 190,00 euros au titre du préavis,

- 319,00 au titre des congés payés afférents,

- 9 970,00 euros au titre d'un rappel d'heures supplémentaires et congés payés,

- 3 000,00 euros au titre du non-respect des visites médicales,

- 5 000,00 euros au titre des dommages et intérêts,

- de condamner la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] à verser la somme de 4 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens à hauteur d'appel,

- de confirmer le jugement entrepris pour le surplus.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 22 novembre 2022 et en ce qui concerne le salarié le 06 décembre 2022.

Sur la demande de « déclarer irrecevables, car libératoires par la signature du solde de tout compte non contesté dans le délai légal, les demandes en rappel de salaires et relatives aux congés payés postérieures au 20 août 2017 »

La société [K] expose que M. [D] [M] n'est plus recevable à solliciter le paiement de congés payés, compte tenu du caractère libératoire du solde de tout compte.

Elle ne conclut que sur « des demandes relatives aux congés payés postérieurs au 20.08.2017 ».

M. [D] [M] ne formulant aucune demande de paiement de congés payés non pris qui n'auraient pas été réglés, et le dispositif du jugement ne comportant aucune condamnation à ce titre, cette prétention est sans objet.

Sur la prise d'acte

M. [D] [M] se plaint d'avoir fait l'objet, de la part de son employeur, de harcèlement moral, d'insultes, d'humiliation et de dénigrement.

Il précise que son employeur le guettait jusqu'à son domicile, et évoquait ses fréquentations ; qu'il a reçu de celui-ci de multiples appels et messages intempestifs dénigrants en dehors de ses heures de travail.

Il lui reproche également des retards répétés dans le versement du salaire, et l'absence de règlement des heures supplémentaires, ainsi que de ne pas avoir respecté son obligation de visite médicale.

M. [D] [M] indique être tombé malade en raison de ce harcèlement moral et de ses conditions de travail inacceptables.

M. [D] [M] renvoie à ses pièces 10 à 14, 5 à 8, et 23.

Motivation

L'article L1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L1154-1 du code du travail dispose quant à lui que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, la pièce 10 de M. [D] [M] est une attestation de Mme [A] [J] qui relate ce que le salarié lui a expliqué quant au fait que son patron guetterait ses allées et venues.

La pièce 11 est l'attestation de M. [I] [T], qui explique que son collègue [D] était insulté de « gros con, bon à rien », qu'il « faisait des heures de travail hors planning tous les jours » ; que M. [D] [M] et lui prenaient, de la part de l'employeur, des « coups d'épaule afin de nous pousser à bout pour nous dire en ricanant « vous ne pouvait rien faire contre moi » ; que le « salaire était versé à sa convenance jamais à la bonne date entre le 10 et le 17 ».

La pièce 12 est l'attestation de Mme [R] [M], mère de l'intimé, qui explique avoir constaté que « mon fils [D] se renfermait sur lui-même depuis un certain temps. Il ne venait plus aussi souvent à la maison, il était très irritable et refusait que l'on parle de son travail, chose qu'il faisait avant ».

La pièce 13 est une attestation de Mme [S] [E], vendeuse en boulangerie, qui explique que les horaires de travail de M. [D] [M] n'étaient pas respectés.

La pièce 14 est l'impression d'un sms de Mme [K], en date du 18 octobre, l'année n'est pas indiquée : « Bonjour Mme [M] !! Juste pour vous dire que aujourd'hui votre fils à atteint le sommet de la connerie, je ne sais pas ce que l'on va envisager pour lui car ce n'est plus possible, il m'a fait pleurer aujourd'hui car je suis à bout de ses erreurs, (...) ».

La pièce 5 est un coupon de rendez-vous au nom de l'intimé, à l'en-tête du CMP de [Localité 4], auprès du Dr [U], psychiatre, pour le 22 janvier 2020.

La pièce 6 est un arrêt de travail du 27 février 2020, jusqu'au 26 mars 2020, indiquant « syndrome dépressif réactionnel à harcèlement professionnel, selon patient ».

La pièce 7 est une attestation du Docteur [Y] [Z], portant deux dates : 21 octobre 2019 et 27 février 2020, indiquant que M. [D] [M] « présente un état de stress chronique qu'il attribue à du harcèlement sur son lieu de travail ».

La pièce 8 est la lettre de prise d'acte de la rupture de M. [D] [M] en date du 20 août 2020.

La pièce 23 est une suite d'échanges de sms avec l'employeur, entre le 22 juin et le 10 août (sans précision de l'année) par lesquels l'employeur donne des consignes à M. [D] [M], comme par exemple de faire des petites pizzas ou de préparer 8 pâtes et un pain de beurre ; par certains sms l'employeur s'impatiente de l'attendre ; par leur nature et le ton employé ces messages restent courtois.

S'agissant des horaires des messages (3h31 le 23 juin, 4h12 le 24 juin, 3h20 le 30 juin, 4h06 le 1er juillet, 29 juin 3h24 ...), aucune des parties ne donne de précision sur les horaires de travail ; le contrat de travail en pièce 1 de M. [D] [M] ne comporte pas d'indication de ses horaires ; sa pièce 20 (photographie d'une feuille d'horaires signée en date du 10 septembre 2017, indiquant les horaires de travail de quatre personnels de la boulangerie du dimanche au samedi, précise pour M. [D] [M] 4h30-11h30 le dimanche et le lundi, 5h30-8h30 le mardi, 5h00-11h30 le mercredi, 5h00 ' 11h00 le vendredi et 5h00 -11h30 le samedi.)

Ces éléments, pris dans leur ensemble, font présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral.

La société [K] apporte les réponses suivantes :

- sur le retard de paiement des salaires, elle fait valoir que le salarié n'apporte aucun élément précis

- sur le harcèlement, les insultes, l'humiliation et le dénigrement, elle fait valoir que les attestations de M. [D] [M] ne situent jamais temporellement les faits de sorte qu'il est impossible d'effectuer la moindre vérification ; sur la pièce 23, l'appelante indique que les messages ne contiennent aucun dénigrement, mais sont en lien avec le travail, et estime que des horaires tels que 03h30 ou 04h02 ne sont pas anormaux dans le secteur de la boulangerie; elle conteste l'état de santé allégué, et indique que les médecins ne font état que des déclarations de M. [D] [M].

La société [K] ne donne aucune explication quant à son comportement à l'égard de l'intimé, rapporté en pièce 11 précitée de ce dernier ; elle ne donne aucune explication sur le sms en pièce 14 précitée de l'intimé ; les horaires des messages à caractère professionnel (pièce 23) sont envoyés à des horaires antérieurs aux horaires de début de poste, et l'entreprise ne s'explique pas sur ce point.

La société [K] ne produit donc aucun élément et ne donne aucune explication susceptibles de combattre la présomption de harcèlement subi par M. [D] [M].

Elle échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par M. [D] [M] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; dès lors, le harcèlement moral est établi, le conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.

Dans ces conditions, la prise d'acte entraîne la rupture aux torts de l'employeur.

M. [D] [M] demandant la confirmation du jugement en ce qu'il a dit qu'elle produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières de la rupture

La société [K] fait valoir que les périodes de maladie sont exclues du calcul de l'indemnité de licenciement, si bien que l'indemnité de licenciement ne saurait dépasser 1595 euros.

En ce qui concerne l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société [K] expose que le maximum légal est de 5 mois de salaires, que M. [D] [M] ne justifie pas du préjudice qu'il a subi, et qu'il a retravaillé suite à sa prise d'acte.

M. [D] [M] fait valoir une ancienneté de 4 ans et 9 mois, et réclame 8772,50 euros d'indemnité pour licenciement abusif, 1992,99 euros à titre d'indemnité de licenciement.

Il réclame par ailleurs 3190 euros, précisant que cela correspond à 2 mois de préavis, outre 319 euros au titre des congés payés afférents.

Motivation

En application des articles L1234-5, L1234-9, et L1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement, et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux selon que l'entreprise emploie habituellement moins de ou au moins 11 salariés.

L'ancienneté à prendre en compte pour la détermination de l'indemnité pour licenciement abusif est celle résultant du contrat de travail, en ce compris les périodes de suspension du contrat de travail.

L'ancienneté de M. [D] [M] était de plus de 4 ans au jour de la rupture.

M. [D] [M] ne fait valoir aucun élément concernant sa situation après la rupture du contrat de travail.

L'entreprise compte moins de 11 salariés.

Le salaire de référence n'est pas discuté ; il a été fixé par le jugement à 1238,09 euros.

L'appelante indique que le salaire de référence est de 1595 euros.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande d'indemnité de licenciement à hauteur de 1595 euros et à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse également à hauteur de 1595 euros.

La durée de préavis, de 2 mois réclamés par M. [D] [M], n'est pas discutée ; il sera donc fait droit à sa demande au titre de l'indemnité de préavis à hauteur de 3190 euros, soit deux mois de salaire, sur la base du montant admis par les parties supra, outre 319 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

- sur la prescription

La société [K] fait valoir que le jugement n'est pas critiqué quant au point tranché sur la prescription des demandes antérieures au 18 février 2017.

Le jugement entrepris a dit qu' il y a prescription sur les demandes antérieures au 18 février 2018.

Il ne fait pas l'objet d'un appel sur ce point.

Le jugement est donc définitif sur la prescription des demandes relatives aux heures supplémentaires antérieures au 18 février 2018.

Seules les demandes postérieures au 18 février 2018 pourront être examinées.

- sur les heures supplémentaires

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction.

Il ressort de cette règle que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties mais que le salarié doit appuyer sa demande en paiement d'heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

M. [D] [M] renvoie à sa pièce 3 et indique qu'aucune trace de paiement ne figure sur les bulletins de salaire.

Cette pièce 3 est constituée de tableaux, indiquant par année, de 2015 à 2019, et par mois, le nombre d'heures supplémentaires accomplies, le salarié indiquant les jours concernés dans le mois (mardi, samedi ') mais non la date. La dernière feuille de cette pièce fait un total des heures et les valorise. Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur, sur lequel repose le contrôle des heures de travail effectuées par ses salariés, d'y répondre.

La société [K] fait valoir que ces documents ne sont pas suffisamment précis, et conteste leur fiabilité.

Elle ne produit aucune pièce relative aux heures de travail accomplies par son salarié.

Au vu de ces éléments, l'existence d'heures supplémentaires est établie.

Compte tenu des pièces produites par le salarié, et de la prescription des demandes antérieures au 18 février 2018, il sera fait droit à sa demande à hauteur de 2670 euros, outre 26,70 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les dommages et intérêts pour défaut de visite médicale

La société [K] fait valoir que M. [D] [M] ne démontre ni manquement ni préjudice ; l'employeur ajoute que le rôle du médecin du travail n'est pas de constater les conditions de travail, et qu'au surplus la visite aurait eu lieu au début de la relation de travail pour laquelle le salarié n'expose aucun grief.

M. [D] [M] indique n'avoir fait l'objet d'aucune visite médicale ni à son embauche ni pendant son activité ; il estime que les pièces médicales qu'il produit aux débats démontrent son préjudice.

Motivation

Il résulte des dispositions de l'article L4624-1 du code du travail que le salarié doit bénéficier d'une visite médicale d'embauche, puis d'un renouvellement tous les cinq ans ; il peut également bénéficier de visites ponctuelles, notamment à son initiative.

En l'espèce, ainsi que le fait valoir l'employeur, les griefs adressés par M. [D] [M] sont nés au cours de l'exécution du contrat.

M. [D] [M] ne démontre dès lors aucun préjudice né de l'absence de visite médicale d'embauche.

Il sera dès lors débouté de sa demande, le jugement étant réformé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

M. [D] [M] explique avoir été choqué de l'attitude de l'employeur ; il souligne avoir été contraint de suivre un traitement médical ; il précise avoir été contraint de déménager et indique qu'il n'a toujours pas les documents lui permettant de percevoir ses droits ; il expose être dénigré par M. [G] [K] qui a colporté de fausses accusations, et être incapable de reprendre une activité professionnelle. Il fait également valoir être toujours suivi médicalement plus de trois ans après son arrêt maladie.

La société [K] fait valoir que le salarié ne précise pas quels documents lui auraient été remis avec retard, et quel trouble cela aurait causé ; que le lien de causalité entre son traitement et des mauvais traitements de l'employeur n'est pas démontré ; qu'elle n'est pas la cause de son déménagement, mais que cela correspond à un nouvel emploi de M. [D] [M] entre août 2020 et février 2021.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article 1240 du code civil, celui qui cause à autrui un dommage s'oblige à le réparer.

En l'espèce, si M. [D] [M] ne produit aucun élément et ne donne aucune précision sur la question de la restitution de ses effets personnels, il indique avoir déménagé en juillet 2020 de son logement qui se situait en face de la boulangerie, pour échapper à la surveillance de son employeur qui l'épiait.

Seule sa pièce 10 précitée relate ce fait, mais la personne qui atteste ne fait que rapporter les doléances du salarié sur ce point.

Au soutien de son grief de refus de communication des documents rectifiés de fin de contrat, il produit simplement en pièce 17 la copie d'un accusé de réception adressé à la société [K] le 16 décembre 2020, sans autre document permettant de connaître l'objet de cet envoi.

Les pièces médicales précitées de l'intimé (5 à 7) établissent de manière suffisante le lien entre le harcèlement subi et les troubles psychologiques subis par M. [D] [M].

M. [D] [M] justifie de cet état jusqu'en mars 2020 (arrêt de travail en pièce 6 précité, mentionnant « syndrome dépressif réactionnel à harcèlement professionnel, selon patient ») ; il ne justifie pas de son état au-delà de cette période, les attestations de paiement d'indemnités journalières de la CPAM (pièce 4 de M. [D] [M]) jusqu'au 02 juillet 2020, ne comportent aucune mention permettant de faire le lien entre l'arrêt et les troubles mentionnés dans les pièces médicales.

Compte tenu du préjudice justifié jusqu'en mars 2020, il sera fait droit à la demande de dommages et intérêts à hauteur de ce qui a été justement apprécié par le conseil des prud'hommes, dont le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la remise des documents de fin de contrat

La société [K] demande l'infirmation du jugement sur ce point, en faisant valoir que ces documents de fin de contrat ont été transmis au salarié, puisque ce dernier les produits aux débats.

M. [D] [M] demande que soit ordonnée la rectification des documents de fin de contrat, sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision.

Motivation

En application des articles L1121-16 et L1234-19 du Code du travail, il sera fait droit à la demande, à l'exception de l'astreinte, celle-ci n'apparaissant pas justifiée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La société [K] sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc le 27 janvier 2022, en ce qu'il a :

- dit qu' il y a prescription sur les demandes antérieures au 18 février 2018,

- dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Monsieur [D] [X] [M] du 20 août 2020 prendra tous les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- condamné la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] à verser à Monsieur [D] [X] [M] les sommes de :

- 1 595, 00 euros pour indemnité de licenciement légale,

- 3 190,00 euros pour indemnité compensatrice de préavis,

- 319,00 préavis pour congés payés sur préavis,

- 1 000,00 euros pour dommages-intérêts,

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la moyenne des 3 derniers mois de salaire s'élève à 1 238,09 euros brut,

- condamné la société S.A.R.L BOULANGERIE PATISSERIE [K] SARL aux entiers dépens et aux éventuels frais d'exécution ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau dans ces limites,

Condamne la société [K] à payer à M. [D] [M] :

- 1595 euros pour licenciement abusif

- 2670 euros au titre des heures supplémentaires, outre 26,70 euros au titre des congés payés afférents ;

Condamne la société [K] à remettre à M. [D] [M] les documents de fin de contrat mis en conformité avec le présent arrêt ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Y ajoutant,

Condamne la société [K] aux dépens d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en treize pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/00588
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;22.00588 ?
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