RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
CINQUIEME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT N° /23 DU 22 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/00079 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E42C
Décision déférée à la Cour :
jugement du Tribunal de Commerce de NANCY, R.G. n° 2020.007698, en date du 29 novembre 2021,
APPELANT :
Monsieur [E] [W] né le [Date naissance 2]/1974 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Michaël DECORNY de la SCP MOUKHA DECORNY, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
BANQUE POPULAIRE DU SUD, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social [Adresse 3]/FRANCE
Représentée par Me Patrice CARNEL de la SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de Chambre et Monsieur Olivier BEAUDIER, conseiller, chargé du rapport ;
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice BOURQUIN Président de Chambre,
Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,
Monsieur Jean-Louis FIRON Conseiller
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 22 Février 2023, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 22 Février 2023, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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FAITS ET PROCEDURE
M. [E] [W], président de la société Weblsoft, a signé en qualité d'avaliste un billet à ordre d'un montant de 40 000 euros, créé le 17 octobre 2017, à échéance du 17 janvier 2018, souscrit par la société Weblsoft au profit de la société Banque Populaire du Sud.
La société Weblsoft a été placée en procédure de redressement judiciaire le 20 mars 2018 par le tribunal de commerce de Nancy, convertie en liquidation judiciaire suivant jugement en date du 30 juillet 2019.
Par acte du 22 septembre 2020, la société Banque Populaire du Sud a fait assigner M. [E] [W] devant le tribunal de commerce de Nancy.
Suivant jugement rendu contradictoirement le 29 novembre 2021, le tribunal de commerce de Nancy a :
- condamné M. [E] [W] à payer à la société Banque Populaire du Sud, la somme de 40 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2018,
- condamné M. [E] [W] aux dépens du présent jugement,
- condamné M. [E] [W] à payer à la société Banque Populaire du Sud la somme de 1500 euros.
Par déclaration en date du 12 janvier 2022, M. [E] [W] a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 29 novembre 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 22 septembre 2022, M. [E] [W] demande à la cour de :
- dire recevable et bien fondé l'appel de Monsieur [E] [W],
- ce faisant, infirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 29 novembre 2021.
Ainsi et statuant à nouveau,
- débouter, à hauteur de cour, la société Banque Populaire du Sud de l'intégralité de ses demandes, fins, moyens et conclusions à l'encontre de M. [E] [W],
En effet,
- débouter, à hauteur de cour, la société Banque Populaire du Sud de l'intégralité de ses demandes, fins, moyens et conclusions à l'encontre de M. [E] [W], en ce qui concerne l'aval à hauteur de la somme de 40 000 euros pour le crédit de trésorerie de 40 000 euros,
- en effet et en ce qui concerne cet engagement d'aval, condamner, à hauteur de cour et sur infirmation, la société Banque populaire du Sud, de manière reconventionnelle, à verser à M. [E] [W] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, pour manquement à son devoir de conseil (soutien abusif), manquement au devoir d'information et de mise en garde,
- prononcer, à hauteur de cour, la compensation judiciaire entre les dettes réciproques des deux parties,
- constater ainsi, à hauteur de cour, que M. [E] [W] ne doit plus rien à la société Banque Populaire du Sud, à ce titre,
- condamner, à hauteur de cour, la société Banque populaire du Sud, à payer à M. [E] [W] une somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Banque Populaire du Sud, aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de Me Michael Decorny, de la société Moukha-Decorny, avocat aux offres de droit.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 3 octobre 2022, la société Banque Populaire du Sud demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 29 novembre 2021, en ce qu'il a condamné M. [E] [W] à payer à la société Banque Populaire du Sud la somme de 40 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2018 et au paiement de la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter M. [E] [W] de sa demande de condamnation de la société Banque Populaire du Sud au paiement de somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts et de sa demande de compensation judiciaire,
- condamner M. [E] [W] au paiement de la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [E] [W] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, le cour renvoie expressément aux conclusions des parties visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS :
- Sur la demande de dommages-intérêts formée par M. [E] [W] :
Aux termes de l'article L. 650-1 du code de commerce, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.
Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours sont nulles.
Au visa des dispositions susvisées, M. [E] [W] recherche en cause d'appel la responsabilité de la société Banque Populaire du Sud, au titre de l'octroi le 17 octobre 2017 à la société Weblsoft, aujourd'hui en liquidation judiciaire, d'un prêt de trésorerie d'un montant de 40 000 euros. Il sollicite ainsi la condamnation de l'intimée au paiement de la somme de 40 000 euros, à titre de dommages-intérêts, ainsi que la compensation de ces derniers avec la créance non-contestée de la banque, exigible au 17 janvier 2018 en vertu de l'aval du billet à ordre.
Il résulte toutefois des dispositions de l'article L. 511-21 du code de commerce que l'aval d'une lettre de change, en ce qu'il garantit le paiement d'un titre, dont la régularité n'est pas discuté, constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles propres du droit des changes, de sorte que l'avaliste n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde.
M. [E] [W], président de la société Weblosft, ne conteste en l'espèce pas la régularité du billet à ordre, d'un montant de 40 000 euros, émis le 17 octobre 2017, à échéance au 17 janvier 2018. Ce billet à ordre est une mode de paiement de la créance mentionnée et ne constitue pas une garantie prise en contrepartie du prêt du trésorerie consenti à la société Weblsoft, étant observé que la lettre de change ne fait aucune référence à ce dernier. Les considérations sur le fait que la lettre de change est datée du même jour que l'acceptation du prêt de trésorerie par le dirigeant de la société Weblsoft sont en l'espèce inopérantes.
Contrairement à ce que soutient l'appelant, l'aval ainsi donné du billet ordre garantit uniquement le paiement d'un titre cambiaire, lequel ne peut être assimilé au cautionnement d'un concours financier accordé par un établissement de crédit à une société commerciale, dont la nullité peut être recherchée sur le fondement des dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce, en cas de fraude, d'immixtion caractérisée du débiteur ou de disproportion des garanties prise en contrepartie de ce dernier.
Au surplus, même à supposer que l'aval du billet à ordre créé le 17 octobre 2017 constituerait une garantie prise en contrepartie du prêt de trésorerie souscrit par la société Weblsoft, comme le soutient l'appelant, il convient d'observer que M. [E] [W] ne démontre, aucune disproportion, dans la mesure où ce prêt est d'un montant strictement équivalent (40 000 euros).
Il s'ensuit que la société Banque Populaire du Sud n'était pas tenue d'informer M. [E] [W], en sa qualité d'avaliste et non de caution personne physique, des conséquences personnelles de l'aval du billet à ordre donné, étant encore observé que celui-ci, président de la société Weblosft, connaissait parfaitement les difficultés de son entreprise, ce qui est attesté par les courriels échangés avec la banque qu'il produit lui-même aux débats. L'appelant n'invoque au surplus aucun risque d'endettement personnel qui serait né de la signature du billet à ordre litigieux.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné M. [E] [W] à payer à la société Banque Populaire du Sud la somme de 40 000 euros, au titre de l'aval du billet à ordre, et de débouter ce dernier de ses demandes de dommages-intérêts et de compensation.
- Sur les demandes accessoires :
M. [E] [W] succombant dans ses prétentions est condamné aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel. Il est débouté de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles de procédure exposés devant le tribunal et la cour.
Il convient de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné M. [E] [W] à payer à la société Banque Populaire du Sud la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance.
M. [E] [W] est condamné à payer à la société Banque Populaire du Sud la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déboute M. [E] [W] de toutes ses demandes ;
Condamne M. [E] [W] à payer à la société Banque Populaire du Sud la somme de 2 000 € (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d'appel.
Condamne M. [E] [W] aux entiers frais et dépens de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrice BOURQUIN Président de Chambre, à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en six pages.