ARRÊT N° /2023
PH
DU 09 FEVRIER 2023
N° RG 22/00468 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E5YR
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY
F 21/00253
03 février 2022
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2
APPELANTE :
Madame [G] [T] [K] [H]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Anne GRANDIDIER, avocat au barreau de NANCY substituée par Me VARGUN, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.S. EPALIA prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE substituée par Me ALEXANDRE, avocates au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président : WEISSMANN Raphaël,
Président : HAQUET Jean-Baptiste,
Conseiller : STANEK Stéphane,
Greffier lors des débats : RIVORY Laurène
DÉBATS :
En audience publique du 15 Décembre 2022 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 09 Février 2023 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
Le 09 Février 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Madame [G] [H] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société S.A.S EPALIA à compter du 02 avril 2007, en qualité d'assistante d'exploitation affectée au site de [Localité 5].
La convention collective nationale des industries et du commerce de la récupération s'applique au contrat de travail.
Au dernier état de ses fonctions, la salariée occupait le poste d'assistante d'exploitation et attachée commerciale sédentaire, niveau IV, échelon A.
A compter du 15 avril 2020, Madame [G] [H] a été placée en arrêt de travail, pour maladie.
Par décision de la médecine du travail du 07 décembre 2020 à l'occasion d'une visite de reprise, elle a été déclarée inapte au poste d'assistante d'agent d'exploitation et de commerciale sédentaire.
Par courrier du 11 janvier 2021, Madame [G] [H] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 18 janvier 2021. Ledit entretien a été reporté au 27 janvier 2021 suivant courrier du 20 janvier 2021, après consultation du comité social et économique en date du 19 janvier 2021.
Par courrier du 30 janvier 2021, Madame [G] [H] a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.
Par requête du 20 mai 2021, Madame [G] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :
- de dire son licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse,
- de condamnation de la société S.A.S EPALIA à lui verser les sommes suivantes :
- 4 616,00 euros à titre d'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis, outre 461,60 euros au titre des congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil,
- 2 308,00 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil,
- 55 392,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement prononcé en violation des dispositions de l'article L.1226-2 du code du travail avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,
- 27 696,00 à titre d'indemnité pour absence de consultation du comité social et économique, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,
- 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
- de prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 03 février 2022, lequel a :
- débouté Madame [G] [H] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société S.A.S EPALIA de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Madame [G] [H] aux entiers dépens de l'instance.
Vu l'appel formé par Madame [G] [H] le 24 février 2022,
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de Madame [G] [H] déposées sur le RPVA le 17 octobre 2022, et celles de la société S.A.S EPALIA déposées sur le RPVA le 21 novembre 2022,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 novembre 2022,
Madame [G] [H] demande :
- de la recevoir dans ses conclusions d'appel et la déclarer bien fondée,
- de déclarer irrecevable et mal fondée la société S.A.S EPALIA dans ses demandes, fins et conclusions,
- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy en date du 3 février 2022 qui
- l'a déboutée Madame [G] [H] de l'ensemble de ses demandes,
- l'a condamnée Madame [G] [H] aux entiers dépens de l'instance,
Et statuant à nouveau :
- de juger que la société S.A.S EPALIA n'a pas respecté son obligation de reclassement,
- de juger que la société S.A.S EPALIA n'a pas respecté la procédure de licenciement,
- de juger que le licenciement de Madame [G] [H] est privé de cause réelle et sérieuse,
Par conséquent :
- de condamner la société S.A.S EPALIA à payer à Madame [G] [H] les sommes suivantes :
- 4 616,00 euros à titre d'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis,
- 461,60 euros au titre des congés payés y afférents,
- d'appliquer les intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil,
- 2 308,00 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil, soit le 18 mai 2021 ,
- 55 392,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement prononcé en violation des dispositions de l'article L.1226-2 du code du travail avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2021, date de saisine du Conseil,
- 27 696,00 à titre d'indemnité pour absence de consultation du comité social et économique, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2021, date de la saisine du Conseil,
- 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens
- de condamner la société S.A.S EPALIA aux entiers dépens,
- d'ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.
La société S.A.S EPALIA demande :
- de confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Nancy en toutes ses dispositions,
En conséquence :
- de débouter Madame [G] [H] de l'intégralité de ses demandes,
- de condamner Madame [G] [H] à lui payer la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,
- de condamner Madame [G] [H] aux entiers frais et dépens liés à la présente instance.
SUR CE, LA COUR
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 21 novembre 2022, et en ce qui concerne la salariée le 17 octobre 2022.
Sur le licenciement
Mme [G] [H] estime que la société EPALIA n'a pas respecté son obligation de reclassement ; elle reproche à l'employeur de ne pas avoir fait de recherche de reclassement dans le périmètre défini par les préconisations du médecin du travail et par la volonté de la salariée, au besoin par les mesures visées par l'alinéa 4 de l'article L1226-2 du code du travail.
Elle reproche également à l'employeur de ne pas avoir consulté le comité social et économique. Elle indique que la réunion du comité a eu lieu le 19 janvier 2021, soit après le courrier de l'employeur du 06 janvier 2021.
La société EPALIA rappelle le contenu de l'avis d'inaptitude, et souligne que Mme [G] [H] a indiqué dans le formulaire de recherche de reclassement qu'elle n'accepterait pas un poste de reclassement situé à plus de 50 kilomètres de son domicile.
La société EPALIA précise qu'elle n'a pas d'implantation dans le périmètre des 50 kilomètres du domicile de l'appelante.
Elle ajoute qu'elle a régulièrement communiqué avec elle sur la procédure de recherche d'un reclassement.
Elle indique que le comité social et économique a été consulté le 19 janvier 2021 quant à la procédure de recherche d'un reclassement; elle estime que de toute façon cette consultation n'était pas nécessaire en l'absence de solution de reclassement.
Motivation
Aux termes des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté
.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants» ou aménagement du temps de travail.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le CSE a été consulté sur le licenciement de Mme [G] [H] le 19 janvier 2021 (pièce 1 de la société EPALIA), soit après que la procédure de licenciement a été engagée par lettre du 11 janvier 2021 (pièce 9 de Mme [G] [H]) par laquelle la société EPALIA a convoqué la salariée à un entretien préalable à son licenciement pour inaptitude, en visant l'avis du médecin du travail du 07 décembre 2020, entretien dont la date était fixée au 18 janvier 2021.
En raison du non-respect de la consultation du CSE, qui est un préalable à l'engagement de la procédure de licenciement, la société EPALIA a privé ce dernier de fondement ; il sera donc fait droit à la demande de voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; le jugement sera réformé sur ce point.
Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme [G] [H] demande la condamnation de la société EPALIA à lui payer 55 392 euros, précisant que cela équivaut à 24 mois de salaire.
La société EPALIA fait valoir que l'indemnisation de la salariée ne peut se situer qu'entre 3 mois et 11,5 mois de salaire, en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail ; elle ajoute que faute pour l'appelante de fournir des éléments sur la réalité de son préjudice, son indemnisation devrait être ramenée à 3 mois de salaire, soit 6924 euros.
Motivation
Aux termes des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans les tableaux intégrés à l'article, dont le second concerne les entreprises employant habituellement moins de 11 salariés.
Mme [G] [H] fait valoir qu'elle avait plus de 13 ans d'ancienneté, insiste sur son âge et indique que ses perspectives d'évolution professionnelle sont très largement limitées.
Compte tenu de l'ancienneté de Mme [G] [H] et de son âge (54 ans) au jour du licenciement, et en l'absence d'autres éléments d'appréciation, il sera fait droit à sa demande à hauteur de 17 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2021, date de la saisine du conseil des prud'hommes.
Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis
Mme [G] [H] demande la condamnation de la société EPALIA à ce titre au paiement de 4616 euros, outre 461,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
La société EPALIA demande de débouter Mme [G] [H] de la demande au titre des congés payés, dans l'hypothèse où il serait fait droit à la demande d'indemnité de préavis.
Motivation
Ni la durée du préavis ni le montant du salaire de référence ne sont discutés
.
En application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article L1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis ouvre droit aux congés payés.
En conséquence, il sera fait droit à la demande de Mme [G] [H], en ce compris la demande des intérêts aux taux légal, à compter du 20 mai 2021.
Sur la demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
Mme [G] [H] fait grief à l'employeur de ne pas avoir respecté le délai de cinq jours entre la convocation et l'entretien préalable, et que cet entretien a été mené par son ancienne responsable qui n'en avait pas reçu mandat, et qui y a mis fin au bout de dix minutes.
Elle fonde sa demande sur l'article L1235-2 du code du travail.
La société EPALIA fait valoir que Mme [G] [H] a disposé de 14 jours entre l'information qu'un entretien préalable allait être organisé et la date de sa tenue, qu'elle a assisté à l'entretien et a bénéficié de l'assistance d'un représentant du personnel, et qu'elle savait qu'une procédure de licenciement allait être engagée à son encontre, la lettre du 06 janvier 2021 énonçant les motifs s'opposant à son reclassement. Elle ajoute que Mme [G] [H] ne démontre pas ce qu'elle invoque au sujet de la personne qui a mené l'entretien pour l'employeur.
La société EPALIA fait également valoir que cette indemnité ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Motivation
Aux termes des dispositions de l'article L1235-2 dernier alinéa du code du travail, l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, il sera fait droit à la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Mme [G] [H] sera dès lors déboutée de sa demande au titre d'un non-respect de la procédure.
Sur la demande d'indemnité pour absence de consultation du comité social et économique
Mme [G] [H] reproche à l'employeur de ne pas avoir consulté le CSE sur la recherche de reclassement, et réclame sur ce fondement que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse, mais également une indemnité équivalent à 12 mois de salaire, au visa de l'article L1235-3.
La société EPALIA fait valoir que l'indemnité réclamée et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont pas cumulables.
Motivation
Il ressort de la lecture du dernier alinéa de l'article L1235-3 du code du travail et des articles L1235-12 et L1235-15 que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'indemnité pour défaut de consultation du CSE ne peuvent se cumuler que dans l'hypothèse d'un licenciement pour motif économique.
Mme [G] [H] n'ayant pas fait l'objet d'un licenciement économique, elle sera déboutée de sa demande.
Sur la demande d'exécution provisoire
L'arrêt n'étant susceptible que d'un pourvoi, dont l'exercice n'est pas suspensif d'exécution, la demande est sans objet.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant à l'instance, la société EPALIA sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Elle sera par ailleurs condamnée à payer à Mme [G] [H] 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 03 février 2022, sauf en ce qu' il a débouté la société S.A.S EPALIA de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société EPALIA à payer à Mme [G] [H]:
- 17 000 euros (dix sept mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 4 616,00 euros (quatre mille six cent seize euros) à titre d'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis,
- 461,60 euros (quatre cent soixante et un euros et soixante centimes) au titre des congés payés y afférents ;
Dit que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2021 ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Y ajoutant,
Condamne la société EPALIA à payer à Mme [G] [H] 1000 euros (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société EPALIA aux dépens de première instance et d'appel.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en huit pages