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23/01/2023 | FRANCE | N°22/00108

France | France, Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 23 janvier 2023, 22/00108


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2023 DU 23 JANVIER 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00108 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E44J



Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de VAL DE BRIEY,

R.G.n° 19/00921, en date du 16 décembre 2021,



APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DE GARANTIE DES NOTAIRES DU RESSORT DE LA COUR D'APPEL DE N

ANCY, prise en la personne de son Président en exercice, Maître [R] [AL], Notaire, pour ce domicilié au siège, sis [Adresse 3]

Représentée par Me Corinne A...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 23 JANVIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00108 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E44J

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de VAL DE BRIEY,

R.G.n° 19/00921, en date du 16 décembre 2021,

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DE GARANTIE DES NOTAIRES DU RESSORT DE LA COUR D'APPEL DE NANCY, prise en la personne de son Président en exercice, Maître [R] [AL], Notaire, pour ce domicilié au siège, sis [Adresse 3]

Représentée par Me Corinne AUBRUN-FRANCOIS de la SCP AUBRUN-FRANCOIS AUBRY, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Hervé KUHN, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [U] [TI]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 5] (54)

domicilié professionnellement [Adresse 1]

bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/005076 du 24/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY

Représenté par Me Stéphanie GERARD, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 12 Décembre 2022, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Puis, à cette date, le délibéré a été prorogé au 23 Janvier 2023.

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 23 Janvier 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Président, régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [U] [TI], notaire, est titulaire de l'office notarial de [Localité 6] situé [Adresse 4].

Le 19 octobre 2011, le Président de la chambre des notaires a informé le parquet de Nancy d'une insuffisance de couverture des fonds clients découverte à l'occasion de l'inspection annuelle de l'étude, qui avait fait apparaître que 1396651,32 euros de dépenses n'avaient pas été comptabilisées entre 2008 et 2011.

Par ordonnance du 27 novembre 2015, Monsieur [U] [TI] a été renvoyé pour des faits d'abus de confiance par officier public devant le tribunal correctionnel de Nancy qui l'a condamné, par jugement du 15 juin 2016, à une peine de 18 mois de prison avec sursis. Statuant sur l'appel de Monsieur [U] [TI], la cour d'appel de Nancy a, par arrêt en date du 15 décembre 2016, infirmé le jugement sur sa culpabilité et l'a relaxé des fins de la poursuite.

Par assignation en date du 9 mars 2017, une procédure disciplinaire a été engagée par la Chambre Interdépartementale des notaires à l'encontre de Monsieur [U] [TI]. Par jugement en date du 10 juillet 2017, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Nancy du 10 décembre 2018, le tribunal judiciaire a prononcé la destitution de Monsieur [U] [TI]. Par arrêt en date du 25 mars 2020, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 10 décembre 2018 au motif que la cour n'avait pas constaté, dans sa décision, que le notaire, ou son avocat, avait été entendu en dernier. La procédure a donc été renvoyée devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée. Par arrêt en date du 19 novembre 2020, elle a infirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a constaté les manquements de Monsieur [U] [TI] à l'obligation de contrôle de la représentation des fonds clients et aux règles de la probité, de l'honneur et de la délicatesse. Statuant à nouveau pour le surplus, la cour a prononcé l'interdiction temporaire de Monsieur [U] [TI] pour une durée de 10 ans. Il a repris ses fonctions le 3 novembre 2021.

Par jugement du 13 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a refusé de le déclarer démissionnaire d'office.

-o0o-

Parallèlement aux poursuites dont Monsieur [U] [TI] a fait l'objet sur les plans pénal et disciplinaire, ce dernier s'est trouvé dans l'impossibilité de faire face au paiement de sommes dues à ses clients.

Il a sollicité le 24 octobre 2011 la caisse régionale de garantie des notaires de la cour d'appel de Nancy (ci après la caisse) pour régler à cinq de ses clients la somme de 468437,65 euros. Le 8 novembre 2011, il a souscrit une reconnaissance de dette de 409920,48 euros et a consenti à l'affectation hypothécaire de biens lui appartenant à titre de garantie. Le 20 décembre 2011, il a également accordé un nantissement sur ses parts de la SCI de la Reine pour une créance de 410000 euros. Par arrêt du 28 janvier 2019, l'acte de cautionnement hypothécaire également consenti le 20 décembre 2011 sur les biens de la SCI de la Reine au profit de la caisse de garantie a été annulé.

Au total et à la demande du Monsieur [U] [TI] dans un premier temps puis dans un deuxième temps de l'administrateur de son étude - à qui Monsieur [U] [TI] qui avait indiqué être dans l'impossibilité d'honorer le paiement des sommes dues en décembre 2011 et mai 2012 -, la caisse régionale de garantie a réglé la somme de 1741969,17 euros aux clients de l'étude.

-o0o-

Une procédure de saisie immobilière a par la suite été engagée et par arrêt du 18 janvier 2018 confirmant un jugement du 7 juillet 2016, la créance de Monsieur [U] [TI] a été fixée à 491904,58 euros. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi contre cette décision le 6 juin 2019.

Par jugement du 14 juin 2018, le juge de l'exécution de Nancy a constaté la carence du débiteur et a ordonné la reprise sur vente forcée.

Par jugement d'adjudication du 19 septembre 2019, le bien immobilier apporté en garantie a été cédé pour le prix de 151000 euros, outre les frais de la vente.

Par jugement du 2 juillet 2019, le juge de l'exécution de Val-de-Briey a déclaré irrecevable Monsieur [U] [TI] en sa demande de nullité de l'acte notarié et l'a débouté de sa demande de main-levée de la saisie attribution, à laquelle la caisse de garantie a procédé sur les droits d'associé et valeurs mobilières de Monsieur [TI] par acte d'huissier du 15 février 2019, dénoncé à l'intéressé le 18 février 2019. La cour d'appel, par arrêt du 18 janvier 2021, a confirmé cette décision. Le pourvoi contre cette décision été rejeté.

Par acte du 26 novembre 2021, la caisse régionale a fait procéder à la saisie-attribution dans les mains de Maître [TI], tiers saisi, de 410630,73 euros en vertu de l'acte notarié du 8 novembre 2011, qu'elle lui a dénoncé en qualité de débiteur le 29 novembre 2021.

Une contestation est pendante devant le juge de l'exécution de Val-de-Briey.

Monsieur [U] [TI] et la SCI de la Reine ont assigné Maître [IN], président de la chambre, Maître [WK] et Maître [PS], administrateurs successifs de l'étude, reprochant notamment au premier d'avoir reçu l'hypothèque et le nantissement et de l'avoir contraint à consentir ces actes alors même que la caisse n'avait pas la qualité de créancier et aux seconds d'une part de n'avoir pas mis en jeu le contrat d'assurance de responsabilité civile professionnelle, alors que les détournements de fonds ont été réalisés par la comptable de l'étude et qu'il n'a commis aucune faute non intentionnelle, alors qu'il s'était dessaisi de son étude à la date du 13 octobre 2011, et d'autre part d'avoir saisi sans pouvoir la caisse régionale de garantie des notaires.

Par jugement du 23 décembre 2019, le tribunal l'a déclaré irrecevable pour ses demandes d'annulation des actes authentiques par lesquels l'hypothèque et le nantissement avaient été reçus, demande déjà rejetée à l'occasion du contentieux opposant Monsieur [TI] à la caisse par la cour d'appel dans son arrêt du 8 novembre 2011 et de ses demandes de main-levée d'hypothèque, la caisse n'étant pas partie à l'instance et l'a débouté de ses demandes d'indemnisation contre Maître [IN], dont les actes n'étaient pas annulés, et contre Maîtres [WK] et [PS], retenant que Monsieur [TI], informé des réclamations avait fait le choix de saisir la caisse de garantie et n'avait fait aucune déclaration auprès de son assureur de responsabilité civile. Ce jugement a été confirmé par arrêt du 28 juin 2021.

-o0o-

Suivant exploit d'huissier en date du 18 septembre 2019, la caisse régionale de garantie des notaires prise en la personne de son représentant légal a fait assigner Monsieur [U] [TI] devant le tribunal de grande instance de Val de Briey afin de voir :

- déclarer son action recevable et bien fondée,

- condamner Monsieur [U] [TI] à lui verser la somme de 1307531,64 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à complet paiement,

- condamner Monsieur [U] [TI] à lui verser la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement contradictoire du 16 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Val de Briey a :

- déclaré les demandes de la caisse régionale de garantie des notaires irrecevables,

- rejeté la demande en paiement de la caisse régionale de garantie des notaires,

- condamné la caisse régionale de garantie des notaires à payer à Monsieur [U] [I] [TI] la somme de 1000 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la caisse régionale de garantie des Notaires aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que dans le cadre de son action, la caisse se trouvait subrogée dans les droits de Monsieur [U] [I] [TI] - s'agissant d'une erreur matérielle, la caisse se trouvant en réalité subrogée dans les droits de ses clients indemnisés - et ne disposait donc que des actions bénéficiant à ceux-ci, encadrées par les mêmes règles de prescription.

Il a considéré que le point de départ du délai de prescription était le jour de la signature des quittances subrogatives, dès lors que la caisse connaissait à cette date le montant des sommes dues et la défaillance de Monsieur [U] [I] [TI].

Il a jugé que l'existence d'une procédure pénale et d'une procédure de destitution aussi longues soient-elles, n'ont ni interrompu la prescription, ni reporté celle-ci, ces procédures n'étant pas expressément prévues comme cause d'interruption ou de suspension de la prescription.

Par ailleurs, il a considéré que la présente instance était distincte de la procédure de saisie immobilière engagée par la caisse et qu'elle ne portait pas sur les mêmes sommes. Il en a déduit que cette procédure d'exécution portant sur un titre exécutoire différent n'avait pas pu interrompre le délai de prescription applicable en l'espèce.

Il a également jugé que les mises en demeure n'ont pas interrompu la prescription dès lors que l'énumération de l'article 2244 du code civil est limitative et que la mise en demeure n'étant qu'une forme d'interpellation pré-contentieuse, elle n'interrompt pas la prescription.

Le tribunal a constaté que la quittance la plus récente produite aux débats datait du 8 juillet 2014 et que l'action avait été engagée par assignation délivrée le 18 septembre 2019, soit plus de cinq ans après. Il a donc jugé que l'action était prescrite et les demandes de la caisse irrecevables.

-o0o-

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 17 janvier 2022, la caisse régionale de garantie des notaires prise en la personne de son représentant légal a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 6 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la caisse régionale de garantie des notaires prise en la personne de son représentant légal demande à la cour, au visa de l'article 1346 du code civil, du décret n°55-604 du 20 mai 1955, du décret n°56-220 du 29 février 1956, des articles 2224, 2230, 2241 du code civil, des articles 480 et 568 du code de procédure civile, de :

- la recevoir en son action et la déclarer bien fondée,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Val de Briey en date du 16 décembre 2021 en ce qu'il a jugé son action prescrite,

Statuant à nouveau,

- juger que la demande de la caisse de garantie des notaires près la cour d'appel de Nancy à l'encontre de Monsieur [U] [TI] n'est pas prescrite,

- recevoir la Caisse de Garantie des Notaires en son action et la déclarer bien fondée,

Faisant application des dispositions de l'article 568 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [U] [TI] à verser à la caisse de garantie des notaires la somme de 1307531,64 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à complet paiement,

- débouter Monsieur [U] [TI] de toutes ses demandes,

- condamner Monsieur [U] [TI] à verser à la caisse de garantie des notaires la somme de 6000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- et condamner Monsieur [U] [TI] en tous les dépens de première instance et d'appel.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 14 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [U] [TI] demande à la cour de :

- dire et juger recevable mais mal fondé l'appel de la caisse interdépartementale de garantie des notaires de Lorraine,

En conséquence,

- l'en débouter et,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Val de Briey,

- débouter la caisse interdépartementale de garantie des notaires de Lorraine de toutes ses demandes à l'encontre de Monsieur [U] [TI],

- condamner la caisse interdépartementale de garantie des notaires de Lorraine à payer à Maître Stéphanie Gérard une somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- et condamner la caisse interdépartementale de garantie des notaires de Lorraine en tous les dépens d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 27 septembre 2022.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 17 octobre 2022 et le délibéré au 12 décembre 2022, prorogé au 23 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par la caisse le 6 juillet 2022 et par Monsieur [U] [TI] le 14 septembre 2022 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 27 septembre 2022 ;

* Sur le recours de la caisse et les règles générales de l'exercice et de la prescription de son action

Le décret n° 55-604 du 20 mai 1955 organise, à ses articles 11 et 12, une garantie de la responsabilité professionnelle des notaires, en instituant dans le ressort de chaque cour d'appel une caisse commune garantissant la responsabilité des notaires à l'égard de leur clientèle. Le texte précise que cette garantie joue sans que puisse être opposé aux créanciers le bénéfice de discussion prévu à l'article 2298 devenu l'article 2305 du code civil, et sur la seule justification de l'exigibilité de la créance et de la défaillance du notaire, établie par la production d'une lettre recommandée, à lui adressée avec demande d'avis de réception, afin d'obtenir l'exécution de ses obligations, et demeurée plus d'un mois sans effet. Cette garantie s'applique, notamment, au remboursement des sommes d'argent, à la restitution des titres et valeurs quelconques reçus par les notaires à l'occasion des actes de leur ministère ou des opérations dont ils sont chargés en raison de leurs fonctions.

L'article 23 du décret n° 56-220 du 29 février 1956 énonce que les sommes payées par la caisse régionale donnent lieu à recours de celle-ci sur le notaire défaillant.

La caisse qui règle au titre de son obligation de garantie des sommes à un client du notaire bénéficie en outre de la subrogation légale prévue à l'article 1251 3° du code civil, dans sa rédaction applicable en 2014 et antérieurement, l'ensemble des paiements au profit des clients ayant en l'espèce été réalisés entre 2011 et 2014.

Dans le cadre du recours subrogatoire du fait du paiement, le débiteur peut opposer au créancier subrogé les exceptions et moyens de défense dont il aurait pu disposer contre son créancier originaire, telle la prescription s'écoulant selon le régime applicable à l'action de ce dernier.

La caisse ne conteste pas que son action est soumise à la prescription quinquennale édictée à l'article 2224 pour les actions de nature personnelle.

La caisse indique dans ses conclusions fonder son recours sur la subrogation légale, de telle sorte que le point de départ de la prescription se situe, pour chacun des versements faits, à la date à laquelle le bénéficiaire dudit versement se savait ou aurait dû se savoir créancier de l'étude notariale et qu'il connaissait son droit ou les faits lui permettant de poursuivre le notaire pour obtenir le paiement de sa créance.

La date exacte à laquelle chacun des clients a eu ou aurait dû avoir connaissance des faits lui permettant d'exercer son action contre le notaire n'est pas spécifiquement débattue entre les parties, étant entendu qu'elle était nécessairement antérieure pour chacun d'eux à la date à laquelle la caisse s'est substituée au notaire.

La caisse invoque les contestations développées par Monsieur [U] [TI] au cours d'instances auxquelles elle n'était pas partie, sur le principe même de la prise en charge à laquelle elle a procédé ou sur le fait qu'il aurait dû bénéficier de la garantie de son assureur de responsabilité professionnelle. Ces moyens sont inopérants sur le fait de savoir si elle avait connaissance des faits lui permettant d'exercer son action, dans la mesure où ils n'étaient en aucun cas de nature à exclure l'obligation personnelle du notaire de lui rembourser les sommes qu'elle avait avancées pour son compte.

L'article 23 du décret n° 56-220 du 29 février 1956, applicable spécifiquement à la matière, désignant la caisse pour exercer le recours en garantie contre le notaire défaillant, il est indifférent qu'elle a été remboursée en partie par son propre assureur des sommes qu'elle a versées aux clients de l'étude, et la caisse est d'ailleurs recevable à exercer l'action sans mettre en cause son assureur.

** Sur l'écoulement et l'interruption de la prescription

La caisse justifie avoir procédé au règlement des sommes suivantes, à la demande de Monsieur [U] [TI] ou des administrateurs de son étude :

- 158618,02 euros à Madame [V] [M] selon quittance du 16 novembre 2011, visé dans les garanties consenties par actes notariés des 8 novembre et 20 décembre 2011,

- 62774,64 euros à Madame [FX] [UO] selon quittance du 30 novembre 2011, visé dans les garanties consenties par actes notariés des 8 novembre et 20 décembre 2011,

- 190000 euros à Monsieur [GH]et et Madame [C] selon quittance du 16 novembre 2011, visé dans les garanties consenties par actes notariés des 8 novembre et 20 décembre 2011,

- 44517,07 euros à la SCI Champyon selon quittance du 3 janvier 2012, visé dans les garanties consenties par actes notariés des 8 novembre et 20 décembre 2011,

- 124170,79 euros aux consorts [LP] selon quittance du 9 février 2012,

- 201847,86 euros à Madame [JZ] selon quittance du 16 avril 2012, à Monsieur [JZ] selon quittance du 18 avril 2012 et à un ensemble de co-héritiers représentés par un généalogiste selon quittance du 6 avril 2012,

- 500 euros à Monsieur [G] selon quittance du 8 août 2012,

- 5000 euros aux époux [E] selon quittance du 29 mars 2012,

- 10000 euros à Monsieur [LV] selon quittance du 20 janvier 2012,

- 5000 euros à Madame [T] selon quittance du 3 janvier 2013,

- 65022,64 euros à la banque CIC EST selon quittance du 16 février 2012,

- 2800 euros à Monsieur [X] selon quittance du 30 novembre 2012,

- 1629,69 euros aux époux [S] selon quittance du 7 février 2012,

- 14000 euros à Monsieur [BI] selon quittance du 10 janvier 2012, visé dans les garanties consenties par actes notariés des 8 novembre et 20 décembre 2011,

- 14000 euros à Monsieur [Y] selon quittance du 13 janvier 2012, visé dans les garanties consenties par actes notariés des 8 novembre et 20 décembre 2011,

- 178242 euros aux consorts [JU], c'est-à-dire à Madame [GS] [JU] selon quittance du 22 avril 2012, Madame [NW] [JU] selon quittance du 18 avril 2012, Monsieur [CA] [JU] selon quittance du 17 avril 2012, Monsieur [TD] [JU] selon quittance du 12 avril 2012, Madame [L] [JU] selon quittance du 12 avril 2012, Madame [YR] [JU] selon quittance du 12 avril 2012, Madame [F] [JU] selon quittance du 12 avril 2012 et Monsieur [EL] [JU] selon quittance du 18 avril 2012,

- 7521,61 euros aux consorts [JU], c'est-à-dire Monsieur [TD] [JU] selon quittance du 19 mars 2012, Madame [F] [JU] selon quittance du 17 mars 2012, Madame [L] [JU] selon quittance du 8 mars 2012, Madame [YR] [JU] selon quittance du 19 mars 2012, Madame [NW] [JU] selon quittance du 20 mars 2012, Monsieur [EL] [JU] selon quittance du 19 mars 2012, Monsieur [CA] [JU] selon quittance du 19 mars 2012 et Madame [GS] [JU] selon quittance du 20 mars 2012,

- 203827,67 euros à l'association d'entraide missionnaire de la sainte famille selon quittance du 2 décembre 2011,

- 55014 euros aux consorts [B] c'est à dire Madame [OG] [B] selon quittance du 7 juin 2012, Madame [EG] [J] selon quittance du 4 mai 2012, Madame [GC] [B] selon quittance du 5 mai 2012 et Madame [BH] [B] selon quittance du 9 mai 2012,

- 7325,11 euros aux consorts [YG] c'est à dire Monsieur [ER] [YG] selon quittance du 4 avril 2012 et Madame [ST] [YG] selon quittance du 24 avril 2012,

- 9612,31 euros aux consorts [UZ]-[H] c'est à dire Monsieur [P] [UZ] selon quittance du 25 juin 2012 et Madame [H] selon quittance du 25 juin 2012,

- 62695,22 euros à la SCI Champyon selon quittance du 18 mars 2010,

- 30781,81 euros à Monsieur [VE] selon quittance du 18 mars 2013,

- 11814,91 euros aux consorts [CV] c'est à dire Madame [F] [CV] selon quittance du 18 juin 2012, Monsieur [EB] [CV] selon quittance du 18 juin 2012, Madame [N] [CV] selon quittance du 15 juin 2012, Madame [KJ] [CV] selon quittance du 17 juin 2012, Monsieur [OB] [CV] selon quittance du 18 juin 2012, Madame [YR] [CV] selon quittance du 14 juin 2012, Madame [XF] [CV] selon quittance du 18 juin 2012, Madame [O] [CV] selon quittance du 1er juillet 2012, Madame [XA] [CV] selon quittance du 21 juin 2012, Madame [NR] [CV] selon quittance du 15 juin 2012 et Madame [MK] [CV] selon quittance du 22 juin 2012,

- 2022,09 euros aux consorts [D] c'est à dire Madame [DD] [D] selon quittance du 19 juillet 2012, Madame [II] [D] selon quittance du 19 juillet 2012, Madame [UU] [D] selon quittance du 19 juillet 2012, Madame [F] [D] selon quittance du 19 juillet 2012, Monsieur [KO] [D] selon quittance du 20 juillet 2012, Monsieur [RH] [D] selon quittance du 18 juillet 2012, Madame [YR] [D] selon quittance du 23 juillet 2012, Madame [AV] [D] selon quittance du 27 juillet 2012 et Monsieur [MF] [D] selon quittance du 27 juillet 2012,

- 7018 euros à Monsieur [PX] selon quittance du 9 novembre 2012,

- 7062 euros aux époux [YW] selon quittance du 23 octobre 2012,

- 5306 euros à Monsieur [MA] selon quittance du 26 octobre 2012,

- 4198 euros à Monsieur [SY] selon quittance du 23 octobre 2012,

- 16209 euros aux époux [ID] selon quittance du 22 octobre 2012,

- 9991 euros à la SCI KJA selon quittance du 25 octobre 2013,

- 33400,76 euros aux consorts [A] selon quittance du 17 octobre 2013,

- 445 euros à Madame [KE] selon quittance du 10 novembre 2012,

- 2616 euros à la SCI Dulbine selon quittance du 30 mars 2013,

- 283 euros aux consorts [K] - c'est à dire Monsieur [EL] [K] selon quittance du 17 février 2013, Madame [YL] [W] selon quittance du 15 février 2013 et Monsieur [WV] [K] selon quittance du 18 février 2013,

- 9742 euros aux époux [YB] selon quittance du 21 octobre 2013,

- 47178 euros à Monsieur [HY] selon quittance du 21 décembre 2013,

- 14992,49 euros à Madame [SN] selon quittance du 23 décembre 2013,

- 23460,85 euros à la succession de [UJ] [Z] selon quittance du 8 juillet 2014, somme réglée le 28 novembre 2011,

- 31723,98 euros à Monsieur [GM] [TI] selon quittance du 12 août 2014, somme réglée par chèques datés des 17 février et 26 mai 2014.

Elle a fait délivrer le 18 septembre 2019 son assignation à Monsieur [U] [TI] visant à obtenir sa condamnation à lui régler 1307531,64 euros.

Selon l'article 2241 du code civil, le cours de la prescription est interrompu par la demande en justice.

- Sur l'effet de la mise en demeure du 12 juillet 2019

Une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception n'équivaut pas à une demande en justice et n'a pas d'effet interruptif sur la prescription (Civ. 1 , 21 janvier 1997, Bull. 1997, I, n° 27 ; Civ. 2 ,16 décembre 2010, Bull. 2010, II, n° 211, 10 décembre 2015, Bull. 2015, II n°275), de telle sorte que la mise en demeure du 12 juillet 2019 adressée en recommandé dont Monsieur [U] [TI] a signé l'accusé de réception le 13 juillet 2019 n'est pas susceptible d'avoir interrompu l'écoulement de la prescription.

- Sur l'effet des diverses procédures dans lesquelles Maître [TI] a été partie

Par principe, l'effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice ne s'étend pas à une demande différente de la première par son objet (Civ. 3, 19 janvier 2000, Bull. 2000, III, n°11 ; Civ. 1, 13 novembre 2003, Bull. 2003, I, n°227), à moins que les deux actions, quoique ayant des causes différentes, tendent aux mêmes fins, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première (Civ. 1, 13 décembre 2012, n°11-23.886, 9 mai 2019, n°18-14.736).

Sur l'effet des procédures diligentées concernant la validité et la mise en oeuvre des sûretés

En l'espèce, si la caisse est intervenue compte tenu de l'absence de couverture des encours clients dont l'origine se trouve dans les manquements à l'obligation de contrôle de la représentation des fonds clients et aux règles de la probité, de l'honneur et de la délicatesse commis par Monsieur [U] [TI] qui ont été sanctionnés disciplinairement, il ne peut être retenu que le recours en remboursement de chacun des paiements auquel la caisse a procédé auprès des clients procède du même fait dommageable ou tend aux même fins. En effet, la caisse a été actionnée pour régler les sommes dues à de nombreux clients, concernés chacun par des opérations différentes confiées à l'étude de Maître [TI]. Dès lors chacune des dettes prise en charge par la caisse trouve son origine dans des dossiers distincts confiés à l'étude et les actions concernant le remboursement de certains des paiements faits au profit des clients de l'étude n'ont ni le même objet ni la même fin que les actions poursuivant le remboursement des règlements faits aux autres clients. En conséquence, les causes d'interruption de la prescription pour le recouvrement de paiement fait pour certains des dossiers de l'étude ne sont pas susceptibles de s'étendre à l'action en recouvrement des paiements faits pour les autres.

Il résulte des pièces (1 et 2 appelante et 8 intimé) que lorsque la mise en jeu de sa garantie a été réclamée pour la première fois, la caisse s'est fait consentir par Monsieur [U] [TI] des garanties par deux actes notariés des 8 novembre et 20 décembre 2011 pour cinq dossiers du cabinet ayant abouti aux six paiements suivants :

- 158618,02 euros à Madame [V] [M] selon quittance du 16 novembre 2011,

- 62774,64 euros à Madame [FX] [UO] selon quittance du 30 novembre 2011,

- 190000 euros à Monsieur [GH] et Madame [C] selon quittance du 16 novembre 2011,

- 44517,07 euros à la SCI Champyon selon quittance du 3 janvier 2012,

- 14000 euros à Monsieur [BI] selon quittance du 10 janvier 2012,

- 14000 euros à Monsieur [Y] selon quittance du 13 janvier 2012.

Le total du montant des remboursements avancés par la caisse ainsi garantis s'élève à 483909,55 euros.

Au regard des termes de l'assignation poursuivant Monsieur [U] [TI] pour un montant total de 1307531,64 euros - s'agissant du montant toujours réclamé à hauteur de cour - et des pièces n°7 et 8 de l'appelante dont il ressort que le total des règlements faits pour des sommes dues par Maître [TI] à ses clients s'élève à 1717452,12 euros, il se déduit que le recours dont est saisi la cour ne porte pas sur ces 6 paiements - la mise en demeure pièce n°8 précisant clairement que le reliquat se composait de la somme de 409920,48 euros dont l'intimé s'était reconnu redevable dans l'acte de cautionnement du 8 novembre 2011.

Il ressort des actes notariés des 8 novembre et 22 décembre 2011 les éléments suivants :

- tous les deux portent la mention suivante : 'La Caisse Régionale de Garantie des Notaires de la Cour d'Appel de Nancy a été saisie par Maître [TI], par courrier, du 24 octobre 2011, de son impossibilité de faire face à son obligation de couverture de ses encours clients, notamment au titre de cinq dossiers, dans l'attente d'autres investigations comptables', suivie de la mention 'Annexe 1' figurant sur le seul acte du 8 novembre 2011.'

- l'acte d'hypothèque du 8 novembre 2011 se poursuit ainsi : ' Par délibération de ce jour, le conseil d'administration de la Caisse Régionale de Garantie des Notaires de la Cour d'Appel de Nancy a d'ores et déjà accepté de verser aux lieu et place de Maître [TI], au bénéfice des clients en cause, envers lesquels il se reconnaît redevable, la somme de 409920,48 euros. Maître [TI] se reconnaît dès lors débiteur de la somme de 409920,48 euros envers la Caisse Régionale de Garantie des Notaires de la Cour d'Appel de Nancy. (...) À la sûreté et garantie du remboursement de la dette de 409920,48 euros majoré des accessoires évalués à 20 % et de l'exécution de toutes les obligations résultant du présent acte, Maître [TI] affecte et hypothèque au profit de la Caisse Régionale de Garantie des Notaires de la Cour d'Appel de Nancy qui accepte le bien ci-après désigné ....'

- l'acte de nantissement du 22 décembre 2011 poursuit pour sa part dans ces termes :

'Par délibération du 8 novembre 2011, le conseil d'administration de la Caisse Régionale de Garantie des Notaires de la Cour d'Appel de Nancy a d'ores et déjà accepté de verser aux lieu et place de Maître [TI], au bénéfice des clients en cause, envers lesquels il se reconnaît redevable, la somme de 410000 euros. (...) Maître [TI] se reconnaît dès lors débiteur de la somme de 410000 euros envers la Caisse Régionale de Garantie des Notaires de la Cour d'Appel de Nancy. (...) Pour garantir la créance de Maître [TI] décrite ci-dessus et ce à concurrence de la somme de 410000 euros, en principal, plus tous les intérêts, frais et accessoires, le constituant déclare affecter, en nantissement à titre de gage ...'

- le courrier du 24 octobre 2011, annexé au premier acte, ne visait que les 5 dossiers mentionnés ci-dessus.

Il résulte clairement de ces actes que les garanties accordées ne concernaient que les prises en charge des encours clients au titre de 5 dossiers visés dans le courrier du 24 octobre 2011 pour lesquels Monsieur [U] [TI] se reconnaissait redevable envers la caisse qui avait déjà admis le principe de sa garantie en faveur des clients concernés.

Les procédures diligentées concernant la validité et la mise en oeuvre des sûretés ainsi consenties - à savoir notamment la procédure de saisie immobilière qui a donné lieu au jugement du 7 juillet 2016 arrêtant la créance garantie à 491904,58 euros, confirmé par arrêt du 18 janvier 2018, le pourvoi ayant été rejeté le 6 juin 2019, puis au jugement d'adjudication pour 151000 euros du bien immobilier, la procédure de saisie-attribution ayant donné lieu à l'arrêt du 18 janvier 2021 et la nouvelle procédure de saisie-attribution réalisée par acte du 26 novembre 2021 contre laquelle un recours est pendant devant le juge de l'exécution de Briey - ont interrompu la prescription pour le recours portant sur le remboursement de ces 6 versements.

En revanche, l'ensemble des autres paiements, seuls concernés par le présent recours de la caisse, qui ne bénéficiaient pas des garanties ainsi prises, ne sont pas affectés par les actes interruptifs résultant des procédures mentionnées : visant au remboursement d'autres créances que les versements objets des garanties consenties, les actions ne tendent pas aux mêmes fins et l'interruption de la prescription pour les six versements garantis de sûreté ne s'étend pas à l'action en remboursement des autres versements.

Il en va de même des procédures qui ont abouti à l'annulation de l'engagement hypothécaire de la SCI Reine, contraire à son objet social, qui ne peuvent pas avoir d'effet interruptif sur le recours en remboursement de sommes non concernées par l'acte annulé.

Sur l'effet de la procédure opposant Monsieur [U] [TI] et la SCI de la Reine à Maître [IN], Maître [PS] et Maître [WK]

Il apparaît que dans le cadre de cette procédure, Monsieur [U] [TI] et la SCI de la Reine ont poursuivi la nullité des actes des 8 novembre et 22 décembre 2011 et la mainlevée des inscriptions d'hypothèques et des publications et qu'ils ont recherché la responsabilité de Maître [IN] en raison de la nullité de ces actes et de Maîtres [WK] et [PS] pour n'avoir pas émis une déclaration de responsabilité auprès de l'assureur de responsabilité civile professionnelle du notaire.

S'agissant des premières demandes, elles ont été déclarées irrecevables en première instance en raison de l'absence de la caisse à la procédure ; la responsabilité de Maître [IN] a été exclue, la nullité des actes qu'il avait rédigés n'ayant pas été prononcée ; de même que celle de Maîtres [WK] et [PS] à l'encontre desquels aucune faute n'était caractérisée.

À hauteur d'appel, les demandes déclarées irrecevables n'étaient plus poursuivies. La cour a exclu toute faute de Maître [IN] à l'encontre de Maître [TI] et a retenu que la SCI n'avait subi aucun préjudice en raison du cautionnement hypothécaire qui avait été annulé par arrêt du 28 janvier 2019, l'acte n'ayant produit aucun effet. S'agissant des deux autres notaires, administrateurs de son étude, la cour a retenu que Monsieur [U] [TI] avait fait le choix de saisir la caisse pour les cinq premiers dossiers, qu'il avait été informé du sort identique réservé par la suite aux autres dossiers, qu'il n'avait lui même fait aucune déclaration à son assureur qui en outre était susceptible de dénier sa garantie, les manquements relevés dans l'arrêt de la chambre des appels correctionnels étant susceptibles d'être assimilés sur le plan civil à une faute dolosive, de telle sorte qu'aucune faute des deux administrateurs n'était démontrée.

Dès lors, cette action, en ce qu'elle visait la responsabilité de Maîtres [WK] et [PS] pour s'être abstenus d'effectuer une déclaration de sinistre à l'assureur de responsabilité professionnelle - étant ajouté que, même si l'assureur avait dû sa garantie, la caisse avait l'obligation de procéder aux règlements qu'elle a effectués auprès des clients en application du décret n° 55-604 du 20 mai 1955 - ne tendait pas aux mêmes fins que l'action engagée aujourd'hui pour obtenir le remboursement des sommes versées aux clients de l'étude par la Caisse.

L'action tendant à obtenir la nullité des actes de garantie et la responsabilité du notaire rédacteur n'a pas non plus la même fin que la présente action.

Il s'ensuit que l'effet interruptif de prescription attaché aux actes réalisés dans le cadre de cette procédure ne peut s'étendre à l'action engagée par la caisse par l'assignation du 18 septembre 2019.

La caisse avait indemnisé tous les clients de l'étude avant le 3 juillet 2014. En effet si le relevé qu'elle verse aux débats (pièce 7) fait état de dates postérieures pour la succession de [WP] [TI] et pour la succession [RC], il ressort de la quittance de Monsieur [GM] [TI] qu'il a perçu la totalité du montant réglé par des chèques datés de février et mai 2014 (pièce 89) et la quittance [RC] n'est pas fournie, pas plus qu'une pièce justifiant de la date de versement des fonds.

La caisse ne justifie d'aucune cause d'interruption de la prescription antérieure à la délivrance de l'assignation le 18 septembre 2019 ; or le dernier paiement effectué par la caisse l'a été au profit de Monsieur [Z] par des virements des 27 juin et 8 juillet 2014 (pièce 88 appelante). Il s'ensuit, sans qu'il ne soit besoin d'entrer davantage dans le détail des différents versements, que l'action de la caisse était déjà prescrite lors de la délivrance de cette assignation.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré.

*** Sur les dépens et les frais irrépétibles

La caisse sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel, le jugement étant confirmé en ce qu'il a mis à sa charge les dépens de première instance.

Maître [U] [TI] étant bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale, il convient d'allouer non sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile mais sur le fondement de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, une somme de 3000 euros à son conseil.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Val-de-Briey le 16 décembre 2021 en toutes ses dispositions contestées,

Y ajoutant,

Condamne la caisse régionale de garantie des notaires de la cour d'appel de Nancy aux dépens d'appel,

La condamne à payer au conseil de Maître [U] [TI] la somme de 3000 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Le présent arrêt a été signé par Madame BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : M. BUQUANT.-

Minute en quatorze pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00108
Date de la décision : 23/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-23;22.00108 ?
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