RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /23 DU 19 JANVIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/01389 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E7ZE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'EPINAL, R.G. n° 20/00852, en date du 24 mai 2022,
APPELANTE :
La S.A. BANQUE CIC EST
Société anonyme au capital de 225 000 000,00 €, immatriculée au registre du commerce et de sociétés de STRASBOURG sous le N° 754 800 712 dont le siège social est [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Hélène KIHL-FURQUAND de la SELARL LORRAINE DEFENSE & CONSEIL, avocat au barreau d'EPINAL
INTIMÉS :
Monsieur [C] [B] [I] [M]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 7] (88), domicilié [Adresse 2]
Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY
Madame [E] [B] [O] [M] épouse [U]
née le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 7] (88), demeurant [Adresse 5]
Non représentée bien que la déclaration d'appel lui ait été régulièrement signifiée à personne par acte de Maître [X] [S], commissaire de justice associé à [Localité 6] en date du 7 juillet 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Francis MARTIN Président de chambre,
Madame Nathalie ABEL, Conseillère,
Madame Fabienne GIRARDOT, Conseillère, chargée du rapport
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;
A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 19 Janvier 2023, par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant contrat authentique du 28 décembre 2008, la SA Banque CIC EST a consenti à la SNC Le Fontenoy, dont les associés étaient M. [C] [M] et Mme [G] [M], sa fille, un prêt de 164 000 euros remboursable en 84 mensualités au taux de 3%.
La SNC Le Fontenoy a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Châlons en Champagne du 19 mars 2009, et la SA Banque CIC EST a déclaré sa créance à la procédure collective le 26 mars 2009. La procédure a été clôturée le 3 novembre 2011 pour insuffisance d'actifs, et la SA Banque CIC EST a perçu la somme de 1 620 euros.
Par ordonnance du 30 juillet 2009 signifiée le 29 septembre 2009, le président du tribunal de commerce de Châlons en Champagne a enjoint à M. [C] [M], en sa qualité d'associé de la SNC Le Fontenoy, de payer à la SA Banque CIC EST la somme de 105 667,63 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2009 ainsi que les dépens. Cette ordonnance est devenue exécutoire le 2 novembre 2009 en l'absence d'opposition.
Le 20 novembre 2013, la SA Banque CIC EST a conclu un protocole transactionnel avec Mme [G] [M] (mettant fin à une instance introduite à son encontre par acte d'huissier du 4 juin 2013 suivant jugement de désistement du tribunal de commerce de Nanterre du 20 décembre 2013), aux termes duquel elle s'acquitterait de sa dette issue du prêt susvisé, fixée à la somme de 15 000 euros, en quinze mensualités de 1 000 euros à compter du 10 décembre 2013. Le dernier règlement est intervenu le 22 février 2015.
Le 24 mars 2016, la SA Banque CIC EST a fait inscrire une hypothèque judiciaire sur les parts et portions de M. [C] [M] dans un immeuble sis à [Adresse 2], détenu en indivision avec sa soeur, Mme [E] [M] épouse [U].
Sur la base de cette inscription, M. [C] [M] a fait l'objet d'une mesure de saisie-vente par procès-verbal du 12 octobre 2016, signifié le 14 octobre 2016, dont la mainlevée est intervenue le 18 novembre 2016.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 4 mars 2020, la SA Banque CIC EST a informé les consorts [M] de sa volonté d'exercer l'action oblique ouverte au créancier, en application des dispositions de l'article 1341-1 du code civil.
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Par actes d'huissier des 22 juin et 6 juillet 2020, la SA Banque CIC EST a fait assigner M. [C] [M] et Mme [E] [M] épouse [U] devant le tribunal judiciaire d'Epinal afin de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre M. [C] [M] et Mme [E] [M] épouse [U] sur l'immeuble situé [Adresse 2], et la licitation dudit immeuble sur une mise à prix de 70 000 euros.
Par conclusions d'incident transmises le 18 novembre 2020, M. [C] [M] a demandé au juge de la mise en état de déclarer la demande de la SA Banque CIC EST irrecevable pour cause de prescription, en faisant valoir que l'ordonnance d'injonction de payer du 30 juillet 2009 était soumise au délai de prescription de 10 ans courant à compter du 2 novembre 2009, et non à compter du jour de la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs le 3 novembre 2011. Il a ajouté que l'interruption de la prescription résultant de la saisie-vente du 12 octobre 2016 était non avenue en raison de sa mainlevée, et que l'hypothèque judiciaire, étant une mesure conservatoire, n'avait pas interrompu la prescription, ajoutant qu'il n'avait jamais effectué un acte assimilé à une reconnaissance du droit de la SA Banque CIC EST, ni réglé la moindre somme à la SA Banque CIC EST au titre de l'ordonnance d'injonction de payer, et précisant que la transaction conclue avec sa fille excluait la reconnaissance du droit de la SA Banque CIC EST de même que ses paiements, et que l'assignation introduite à l'encontre de celle-ci avait donné lieu à un désistement d'instance, rendant l'éventuelle interruption de prescription non avenue.
La SA Banque CIC EST a conclu à la recevabilité de son action, en indiquant que l'hypothèque judiciaire inscrite le 24 mars 2016, s'agissant d'une mesure conservatoire au sens de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, avait fait courir un nouveau délai de prescription de 10 ans. Elle a ajouté que la déclaration de créance du 5 mars 2009 avait interrompu le délai de prescription jusqu'à la clôture de la liquidation judiciaire de la SNC Le Fontenoy prononcée le 3 novembre 2011. Subsidiairement, le prêteur s'est prévalu d'un versement de 1 620,26 euros effectué par le mandataire le 24 novembre 2011 et de ce que Mme [G] [M] avait réglé la somme de 15 000 euros prévue au protocole transactionnel, avec un dernier paiement le 12 février 2015.
Mme [E] [M] épouse [U] s'en est rapportée sur la recevabilité des demandes de la SA Banque CIC EST.
Par ordonnance en date du 24 mai 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Epinal a :
- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de la SA Banque CIC EST,
- rejeté les demandes de M. [C] [M] au titre des frais de défense,
- condamné la SA Banque CIC EST aux dépens.
Le juge de la mise en état a retenu que le point de départ de la prescription du titre exécutoire, à savoir l'ordonnance d'injonction de payer du 30 juillet 2009, correspondait au 2 novembre 2009, date à laquelle cette ordonnance était devenue exécutoire. Il a ajouté que le délai de prescription ou de forclusion n'avait pas été interrompu par l'hypothèque judiciaire prise le 24 mars 2016, en ce qu'il ne s'agit pas d'une mesure conservatoire au sens de l'article 2244 du code civil, mais d'une sûreté qui ne constitue pas une voie d'exécution ou un acte d'exécution forcé. Il a expliqué que l'effet interruptif de la déclaration de créance s'appliquait à l'action en paiement du créancier et non au titre exécutoire. Il a relevé que M. [C] [M] n'avait ni reconnu sa dette, ni procédé au moindre paiement, et que le paiement effectué par le mandataire liquidateur ne constituait pas une reconnaissance de la dette, de même que les paiements opérés par Mme [G] [M] qui avaient été effectués aux termes d'une transaction mentionnant expressément que l'accord conclu ne valait nullement reconnaissance par elle du bien fondé de la demande formulée par le CIC Est à son encontre, dans son principe comme dans son montant.
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Le 15 juin 2022, la SA Banque CIC EST a formé appel de l'ordonnance du 24 mai 2022 tendant à son infirmation en tous ses chefs critiqués, hormis celui ayant rejeté les demandes de M. [C] [M] au titre des frais de défense.
Dans ses dernières conclusions transmises le 4 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA Banque CIC EST, appelante, demande à la cour :
- de déclarer son appel recevable et bien fondé,
- de dire que sa créance n'est pas prescrite,
- de déclarer recevable son action introduite à l'encontre des consorts [M]-[U],
- de débouter M. [C] [M] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner solidairement M. [C] [M] et Mme [E] [U] aux entiers dépens de l'incident et d'appel.
Au soutien de ses demandes, la SA Banque CIC EST fait valoir en substance :
- que le point de départ du délai de prescription ou de forclusion de 10 ans de l'ordonnance d'injonction de payer du 30 juillet 2019 est fixé au 2 novembre 2009, et que selon l'article 2244 du code civil, il a été interrompu par l'inscription d'hypothèque judiciaire du 24 mars 2016 prise sur la base d'un titre exécutoire, s'agissant d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté au sens de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, et qu'un nouveau délai de 10 ans a commencé à courir à compter du 24 mars 2016 ; que les dispositions de l'article 2244 ne peuvent se limiter aux mesures conservatoires prises sur autorisation du JEX (en amont du titre) mais concernent bien toutes les sûretés judiciaires au sens de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
- que la déclaration de créance auprès du liquidateur a interrompu le délai de prescription, en application de l'article L. 622-25-1 du code de commerce, pour agir tant contre le débiteur principal que les codébiteurs solidaires, au nombre desquels les associés de la SNC ; que cette interruption de la prescription vaut tant pour l'action aux fins d'obtention d'un titre que pour l'exécution du chef d'un titre existant ; que la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée le 3 novembre 2011 pour insuffisance d'actifs, de sorte qu'à compter de cette date, un nouveau délai de prescription de dix ans a commencé à courir ;
- que très subsidiairement, l'absence de contestation de la créance par le liquidateur, mandataire de la SNC, vaut reconnaissance par le débiteur du droit du créancier en son principe et en son montant, et interrompt le délai de prescription contre les autres ; que le paiement par l'un vaut reconnaissance de la dette et interrompt la prescription contre tous les autres codébiteurs solidaires ; que les paiements versés par Mme [G] [M] (selon le protocole d'accord signé le 20 novembre 2013 avec un dernier paiement effectué le 12 février 2015), comme ceux effectués par le mandataire dans le cadre de la procédure collective (le 24 novembre 2011), ont interrompu le délai de prescription à l'égard de tous les débiteurs solidaires.
Dans ses dernières conclusions transmises le 24 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [C] [M], intimé, demande à la cour sur le fondement des articles L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, 2240 et suivants du code civil, et 122 et 789 du code de procédure civile :
- de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état près le tribunal judiciaire d'Epinal du 24 mai 2022,
- de condamner la SA Banque CIC EST à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la SA Banque CIC EST aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, M. [C] [M] fait valoir en substance :
- que par application des dispositions des articles L.114-4 du code des procédures civiles d'exécution et des articles 2240 et suivants du code civil, l'hypothèque judiciaire définitive inscrite le 24 mars 2006 ne constitue pas une mesure conservatoire susceptible d'interrompre la prescription de l'exécution de l'ordonnance d'injonction de payer au visa de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ; que l'hypothèque judiciaire inscrite par la SA Banque CIC EST est une hypothèque légale relevant de l'article 2412 du code civil ;
- que l'effet interruptif de prescription de la déclaration de créance de la banque du 26 mars 2009, résultant de l'article L. 622-25-1 du code de commerce, ne vise que les actions en paiement, et qu'une telle action a été engagée dans le cadre de la procédure d'injonction de payer ayant abouti à l'ordonnance rendue le 30 juillet 2009, soit postérieurement à la déclaration de créance ;
- qu'il n'a jamais accompli d'acte, versé la moindre somme d'argent ou formulé quoi que ce soit qui puisse être assimilé à une reconnaissance du droit de la banque de nature à
interrompre la prescription du titre exécutoire ; que les règlements issus de la procédure de liquidation judiciaire de la SNC Le Fontenoy (dans le cadre d'une obligation légale) et de sa fille (au titre de l'action intentée contre elle) ne constituent pas des motifs d'interruption de la prescription de la décision qui l'a condamné, s'agissant de tiers au procès ; que la transaction conclue entre la banque et sa fille exclut toute reconnaissance du droit de la banque susceptible d'interrompre la prescription du titre exécutoire délivré à son encontre, de même que l'assignation délivrée à son encontre, l'interruption de prescription résultant de cette instance étant au surplus non avenue du fait du désistement d'instance de la banque ; que Mme [G] [M] n'ayant pas été condamnée solidairement avec son père, aucune solidarité ne s'appliquent entre eux.
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Mme [E] [M] épouse [U], régulièrement convoquée par acte d'huissier délivré à personne le 7 juillet 2022, n'a pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 14 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Il est constant que le délai de prescription de dix ans du titre exécutoire correspondant à l'ordonnance d'injonction de payer rendue à l'encontre de M. [C] [M] le 30 juillet 2009, signifiée le 29 septembre 2009, ressortant de l'application des dispositions de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, a commencé à courir à compter du 2 novembre 2009, date à laquelle le titre est devenu exécutoire en l'absence d'opposition dans le mois de sa signification, tel que justement retenu par l'ordonnance déférée.
Sur l'effet interruptif de prescription de l'hypothèque judiciaire inscrite le 24 mars 2016
L'article 2244 du code civil dispose que ' le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée '.
M. [C] [M] soutient que l'hypothèque judiciaire inscrite le 24 mars 2016 est une hypothèque judiciaire définitive qui ne relève pas de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution (' mesure conservatoire ') mais de l'article 2412 du code civil.
Au contraire, la SA Banque CIC EST retient que les dispositions de l'article 2244 ne peuvent se limiter aux mesures conservatoires prises sur autorisation du juge de l'exécution, en amont du titre, mais concernent toutes les sûretés judiciaires au sens de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution.
L'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution énonce que ' toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire '.
L'article L. 511-2 dudit code prévoit qu'une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire.
L'article L. 511-4 dudit code ajoute qu'à peine de caducité de la mesure conservatoire, le créancier engage ou poursuit, dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat, une procédure permettant d'obtenir un titre exécutoire s'il n'en possède pas.
Aussi, il ressort de ces dispositions combinées que les mesures conservatoires visées à l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution tendent à assurer le recouvrement des créances pour lesquelles soit le créancier ne dispose d'aucun titre exécutoire, soit il dispose d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire.
En l'espèce, il est constant que l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 31 juillet 2009 est exécutoire depuis le 2 novembre 2009.
Dans ces conditions, l'hypothèque judiciaire inscrite le 24 mars 2016 en vertu de l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire rendue le 31 juillet 2009 ne saurait revêtir la qualité de mesure conservatoire susceptible d'interrompre le délai de prescription ou de forclusion au sens des dispositions combinées des articles 2244 du code civil et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Dès lors, l'ordonnance déférée sera confirmée sur ce point.
Sur l'effet interruptif de la déclaration de créance du 26 mars 2009
M. [C] [M] fait valoir que l'effet interruptif de prescription de la déclaration de créance de la banque à la procédure collective de la SNC Le Fontenoy du 26 mars 2009, résultant de l'article L. 622-25-1 du code de commerce, ne vise que les actions en paiement.
Au contraire, la SA Banque CIC EST soutient qu'en application de l'article L. 622-25-1 du code de commerce, la déclaration de créance auprès du liquidateur de la SNC Le
Fontenoy a interrompu le délai de prescription du titre obtenu à l'encontre de M. [C] [M], associé de la SNC et tenu solidairement aux dettes sociales, jusqu'à la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs prononcée le 3 novembre 2011.
L'article L. 622-25-1 du code de commerce, dans sa version issue de l'ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014, dispose que ' la déclaration de créance interrompt la prescription jusqu'à la clôture de la procédure ; elle dispense de toute mise en demeure et vaut acte de poursuites '.
Il en résulte que la prescription de l'action en paiement du créancier dirigée à l'encontre du débiteur bénéficiant d'une procédure collective est interrompue par la déclaration de sa créance à cette procédure collective.
Or, l'obligation solidaire de l'associé au passif social de la SNC suppose des poursuites préalables engagées par le créancier à l'encontre de la personne morale.
Aussi, la condamnation en paiement de M. [C] [M], en sa qualité d'associé de la SNC, est intervenue postérieurement à la déclaration de créance de la SA Banque CIC EST à la liquidation judiciaire de la SNC.
La SA Banque CIC EST ne peut donc utilement soutenir que la déclaration de créance effectuée par la SA Banque CIC EST auprès du liquidateur de la SNC Le Fontenoy le 26 mars 2009 a également interrompu le délai de prescription du titre obtenu postérieurement à l'encontre de M. [C] [M] le 30 juillet 2009, devenu exécutoire le 2 novembre 2009, en sa qualité d'associé de la SNC Le Fontenoy, jusqu'à la clôture de la liquidation judiciaire de la SNC pour insuffisance d'actifs prononcée le 3 novembre 2011.
Dans ces conditions, la déclaration de créance du 26 mars 2009 n'a pas d'effet interruptif de prescription du titre exécutoire détenu à l'encontre de M. [C] [M].
Dès lors, l'ordonnance déférée sera confirmée sur ce point.
Sur la reconnaissance du droit de la banque de nature à interrompre la prescription du titre exécutoire
La SA Banque CIC EST soutient d'une part, que l'absence de contestation de la créance par le liquidateur, mandataire de la SNC, vaut reconnaissance par le débiteur du droit du créancier en son principe et en son montant, et interrompt le délai de prescription contre les autres, et d'autre part, que les paiements de Mme [G] [M] (selon le protocole d'accord signé le 20 novembre 2013 avec un dernier paiement effectué le 12 février 2015), et du mandataire dans le cadre de la procédure collective (le 24 novembre 2011), valent reconnaissance de la dette et interrompent la prescription contre tous les autres codébiteurs solidaires.
Au contraire, M. [C] [M] fait valoir qu'il n'a accompli aucun acte ni fait aucun paiement valant reconnaissance du droit de la banque ou reconnaissance de dette de nature à interrompre la prescription du titre exécutoire, et que Mme [G] [M] ou le liquidateur sont des tiers au titre exécutoire, qui ne prévoit pas au surplus de solidarité avec sa fille, ajoutant que l'instance introduite à son encontre a fait l'objet d'un désistement.
L'article 2240 du code civil dispose que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
En outre, l'article 2245 du code civil énonce que l'interpellation faite à l'un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d'exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers.
Or, M. [C] [M] n'est tenu solidairement des dettes sociales de la SNC que subsidiairement, dans le cadre d'une procédure distincte, de sorte que l'absence de contestation par le liquidateur de la SNC Le Fontenoy de la créance de la SA Banque CIC EST ne peut avoir d'effet interruptif de prescription du titre exécutoire obtenu à l'encontre de M. [C] [M] en sa qualité d'associé.
Au surplus, l'absence de contestation d'une créance dans le cadre de la procédure collective ne saurait valoir reconnaissance non équivoque du droit du créancier.
De même, le paiement opéré par le liquidateur ne saurait valoir reconnaissance de dette dans la mesure où il revêt un caractère obligatoire.
En outre, le premier juge a indiqué à juste titre que M. [C] [M] n'a pas reconnu sa dette ni procédé au moindre paiement.
Par ailleurs, il ressort des dispositions combinées des articles 2241, 2242, 2243 et 2245 du code civil que la demande en justice introduite par la SA Banque CIC EST à l'encontre Mme [G] [M], associée de la SNC Le Fontenoy et tenue à ce titre solidairement des dettes sociales avec M. [C] [M], n'a pas pu interrompre la prescription du titre exécutoire détenu à l'encontre de M. [C] [M], dans la mesure où cette interruption est devenue non avenue du fait du désistement de la SA Banque CIC EST de sa demande.
En outre, il ressort des termes mêmes du protocole transactionnel conclu entre la SA Banque CIC EST et Mme [G] [M] que les paiements effectués en exécution ne sauraient valoir reconnaissance du droit de la SA Banque CIC EST.
Aussi, les paiements effectués par Mme [G] [M] en exécution du protocole transactionnel n'ont pas interrompu la prescription du titre exécutoire détenu par la SA Banque CIC EST à l'encontre de M. [C] [M].
Dans ces conditions, la SA Banque CIC EST ne justifie d'aucune reconnaissance du droit de la SA Banque CIC EST susceptible de venir interrompre la prescription du titre exécutoire détenu à l'encontre de M. [C] [M].
Dès lors, l'ordonnance déférée sera confirmée sur ce point.
Sur la recevabilité de l'action de la SA Banque CIC EST
Il résulte des développements précédents que la prescription décennale du titre exécutoire détenu par la SA Banque CIC EST à l'encontre de M. [C] [M] a couru à compter du 2 novembre 2009 et n'a pas été interrompue.
Aussi, le titre exécutoire détenu à l'encontre de M. [C] [M] était prescrit au jour de l'acte introductif d'instance délivré les 22 juin 2020 et 6 juillet 2020.
Dans ces conditions, l'action oblique engagée par la SA Banque CIC EST à l'encontre de M. [C] [M] et Mme [E] [M] épouse [U] en vertu du titre exécutoire est irrecevable.
Dès lors, l'ordonnance déférée sera confirmée sur ce point.
Sur les demandes accessoires
L'ordonnance déférée sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La SA Banque CIC EST qui succombe en son appel sera condamné aux dépens.
M. [C] [M] a dû engager des frais non compris dans les dépens afin de faire valoir ses droits, de sorte qu'il convient de lui allouer une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SA Banque CIC EST à payer à M. [C] [M] la somme de 1 000 € (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SA Banque CIC EST aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en onze pages.