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16/01/2023 | FRANCE | N°21/02642

France | France, Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 16 janvier 2023, 21/02642


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2023 DU 16 JANVIER 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02642 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E3WU



Décision déférée à la Cour : jugement du juge des contentieux de la protection - tribunal judiciaire d'EPINAL, R.G.n° 11.20.000422, en date du 22 juillet 2021,



APPELANT :

Monsieur [K] [T]

exploitant sous l'enseigne

HARMONIE 9

domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Alexandra CHAMPY, avocat au barreau de NANCY



INTIMÉE :

Madame [J] [R], ès qualité de représentant...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 16 JANVIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02642 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E3WU

Décision déférée à la Cour : jugement du juge des contentieux de la protection - tribunal judiciaire d'EPINAL, R.G.n° 11.20.000422, en date du 22 juillet 2021,

APPELANT :

Monsieur [K] [T]

exploitant sous l'enseigne HARMONIE 9

domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Alexandra CHAMPY, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Madame [J] [R], ès qualité de représentante légale de [H] [Z]

née le 28 août 1988 à [Localité 2] (ROUMANIE)

domiciliée [Adresse 1]

Bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/014175 du 28/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY

Représentée par Me Gérard WELZER de la SELARL WELZER, avocat au barreau d'EPINAL, substitué par Me Nicolas LITAIZE-THIERY, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2023, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 16 Janvier 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par par Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président, régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant un acte sous seing privé en date du 12 octobre 2018, [B] [Z] a souscrit auprès de Monsieur [K] [T], exploitant une activité sous l'enseigne Harmonie, un contrat de courtage matrimonial d'une durée d'un an, moyennant le prix de 2640 euros financé par l'octroi d'un crédit du même montant.

Lors de la conclusion de ce contrat, Monsieur [B] [Z] a remis à Monsieur [K] [T] un chèque non daté d'un montant de 2640 euros.

[B] [Z] est décédé le 4 décembre 2018, laissant pour unique héritière, sa fille, [H] [Z], née le 18 mai 2006.

Le 11 janvier 2019, Monsieur [K] [T] a encaissé le chèque de 2640 euros et a adressé à la succession de Monsieur [B] [Z] un chèque de 139,08 euros, correspondant aux deux premières mensualités de crédit déjà réglées.

Par lettre recommandée en date du 16 avril 2019, Madame [J] [R], représentante légale de [H] [Z], a vainement mis en demeure Monsieur [K] [T] de restituer la somme de 2640 euros.

Par acte d'huissier de justice du 18 août 2020, Madame [J] [R], en qualité de représentante légale d'[H] [Z], a fait assigner Monsieur [K] [T], exploitant l'agence matrimoniale sous l'enseigne Harmonie, devant le tribunal judiciaire d'Epinal aux fins de voir :

- annuler le contrat de courtage matrimonial conclu entre Monsieur [B] [Z] et Monsieur [K] [T],

- condamner Monsieur [K] [T] à lui payer :

* la somme de 2640 euros au titre du préjudice matériel,

* la somme de 3000 euros au titre du préjudice moral,

* la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que sa condamnation aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Welzer et Associés.

Par jugement contradictoire du 22 juillet 2021, le tribunal judiciaire d'Epinal a :

- déclaré recevables les demandes principales en paiement formées par Madame [J] [R], en sa qualité de représentante légale d'[H] [Z], à l'encontre de Monsieur [K] [T],

- débouté Madame [J] [R], en sa qualité de représentante légale d'[H] [Z], de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de courtage matrimonial et du contrat de crédit conclus le 12 octobre 2018 entre Monsieur [B] [Z] et Monsieur [K] [T],

- condamné Monsieur [K] [T] à payer à Madame [J] [R], en sa qualité de représentante légale de [H] [Z], la somme de 2640 euros à titre de dommages et intérêts,

outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- débouté Madame [J] [R], en sa qualité de représentante légale d'[H] [Z], de sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [K] [T] au paiement des dépens.

Dans ses motifs, le tribunal a relevé que Monsieur [K] [T] n'effectuait pas des opérations de crédit à titre habituel, chaque contrat de courtage n'étant pas systématiquement accompagné d'un contrat de crédit, mais qu'il octroyait des crédits à la consommation à ses clients à titre de facilité de paiement des honoraires qui étaient la contrepartie de la prestation qu'il s'engageait à exécuter à leur profit, ce qui n'était pas interdit par la réglementation. Il a également constaté que le taux pratiqué ne dépassait pas le taux d'usure et que Madame [J] [R] ne rapportait pas la preuve d'un dol du prêteur ayant vicié le consentement de Monsieur [B] [Z] lors de la conclusion du contrat de courtage matrimonial.

Le tribunal a cependant jugé que le fait que Monsieur [B] [Z] a remis un chèque non daté de 2640 euros à Monsieur [K] [T] ne devait pas permettre à ce dernier d'y apposer une fausse date au moment qu'il définissait unilatéralement, sans accord préalable des parties, et notamment en l'absence de tout manquement de Monsieur [B] [Z], de son vivant, à son obligation de paiement des échéances mensuelles de remboursement du crédit. Le tribunal a considéré qu'en procédant de la sorte, Monsieur [K] [T] a commis un manquement délictuel engageant sa responsabilité civile.

En outre, les premiers juges ont estimé que ce dernier ne démontrait pas l'exécution d'une prestation contractuelle pouvant justifier des honoraires à concurrence de 2640 euros, dès lors qu'il ne justifiait pas avoir adressé à Monsieur [B] [Z] des offres de rencontres correspondant à ses critères et avoir tenté de le mettre en relation avec plusieurs personnes en vue d'établir une relation.

Ils en ont déduit que la succession de Monsieur [B] [Z] a subi un préjudice matériel résultant du paiement par chèque d'honoraires pour une prestation non exécutée, préjudice évalué à la somme de 2640 euros.

Madame [J] [R] a en revanche été déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral, au motif qu'elle ne démontrait pas avoir subi un tel préjudice du fait de l'agissement fautif de Monsieur [K] [T] qui n'a pas été commis du vivant de Monsieur [B] [Z].

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 5 novembre 2021, Monsieur [K] [T] a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 21 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [K] [T], exerçant sous l'enseigne Harmonie, demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Epinal en date du 22 juillet 2021 en ce qu'il a :

* débouté Madame [J] [R] en sa qualité de représentante légale d'[H] [Z] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de courtage matrimonial et du contrat de crédit conclus le 12 octobre 2018 entre Monsieur [B] [Z] et lui,

* débouté Madame [J] [R] en sa qualité de représentante légale d'[H] [Z] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

En revanche,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Epinal en date du 22 juillet 2021 en ce qu'il l'a condamné à payer à Madame [J] [R] en sa qualité de représentante légale d'[H] [Z] la somme de 2640 euros à titre de dommages et intérêts outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,

En tout état de cause,

- condamner Madame [J] [R] en sa qualité de représentante légale d'[H] [Z] à lui payer la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'instance et d'appel.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 2 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [J] [R] demande à la cour, au visa des articles 131-2 et 511-5 du code monétaire et financier, de :

Rejetant toutes autres demandes,

- confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur [K] [T] à lui payer en sa qualité de représentante légale d'[H] [Z] la somme de 2640 euros à titre de dommages et intérêts outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,

- infirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Par conséquent,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que le contrat passé est nul,

- dire et juger que l'encaissement fait est nul car fait suite à un abus de blanc-seing,

- condamner Monsieur [K] [T] à verser à Madame [Z] la somme de 2640 euros au titre du préjudice matériel,

- condamner Monsieur [K] [T] à verser à Madame [Z] la somme de 3000 euros au titre du préjudice moral,

- condamner Monsieur [K] [T] à verser à Madame [Z] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que 2500 euros à hauteur de Cour,

- condamner Monsieur [K] [T] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 20 septembre 2022.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 14 novembre 2022 et le délibéré au 16 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [K] [T] le 21 juin 2022 et par Madame [H] [Z] représentée par son représentant légal Madame [J] [R], et Madame [P] [Z] le 2 mai 2022 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 20 septembre 2022 ;

Il sera indiqué à titre préliminaire que le jugement a été rendu à la demande de Madame [J] [R], en qualité de représentante légale d'[H] [Z], enfant mineur, et qu'il a condamné l'appelant à lui payer en cette qualité la somme de 2640 euros. L'appel a été interjeté contre elle ès qualités. Le bureau d'aide juridictionnelle a ordonné le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle accordée en première instance au profit d'[H] [Z] et désigné Maître [C].

Or il est mentionné sur les conclusions d'intimé que l'avocat intervient pour le compte de Madame [J] [R] (sans viser sa qualité de représentante légale) et de Madame [P] [Z] qui est la mère du défunt et dont l'irrecevabilité de l'intervention n'a pas été soulevée.

Il ressort du dispositif des conclusions au regard de la motivation qui y est développée que les condamnations réclamées sur appel incident au profit 'Mme [Z]' sont faites pour le compte de l'enfant [H] [Z].

* Sur la nullité du contrat de courtage matrimonial et son exécution

Selon l'article 1129, ' il faut être sain d'esprit pour consentir valablement à un contrat'.

L'article 1130 énonce que 'l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont d'une nature telle que, sans eux l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes'.

En vertu de l'article 9 du code de procédure civile, ' il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention '.

L'intimée qui soulève la nullité du contrat de courtage matrimonial souscrit le 12 octobre 2018 ne verse aucune pièce venant établir le vice du consentement du défunt au moment de la souscription du contrat qui l'aurait empêché consentir de manière libre et éclairée.

La nullité alléguée du contrat de prêt accessoire à la convention principale pour des motifs propre à ce contrat n'est pas plus de nature à établir l'insanité d'esprit de [B] [Z].

Dès lors, il convient de confirmer le jugement qui a écarté la demande de nullité du contrat de courtage souscrit le 12 octobre 2018 par [B] [Z].

Monsieur [K] [T] démontre avoir réalisé les prestations qu'il a consenties : édition d'une fiche destinée à définir les souhaits et la personnalité de [B] [Z] afin de pouvoir sélectionner les personnes répondant à ses attentes ; la réponse positive de [B] [Z] pour rencontrer 6 jeunes femmes dont le profil lui a été proposé par l'agence ; deux publicités passées dans des magazines présentant son profil ; des mails échangés d'une part avec [B] [Z] qui refuse un profil proposé et d'autre part avec une jeune femme d'accord pour le rencontrer.

De la sorte, ce motif, qui ne pourrait justifier que la résolution ou la résilitation du contrat ou des dommages-intérêts, n'est pas fondé.

** Sur le contrat de prêt

L'article L. 511-5 du code monétaire et financier interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel ; le fait de rapporter la preuve qu'une personne a consenti à une autre plusieurs crédits n'établit pas qu'elle s'y prête de manière habituelle (Crim, 2 mai 1994).

Comme l'a relevé le premier juge, l'intimée ne rapporte pas la preuve que Monsieur [K] [T] effectue à titre habituel des opérations de crédit : aucune pièce n'est versée à cet effet et le fait que le prêt en cause soit formalisé par un formulaire pré-imprimé n'est pas de nature à établir que l'appelant se prête de manière habituelle à des opérations de crédit.

Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisait à Monsieur [K] [T] de proposer à [B] [Z] un prêt onéreux pour financer le paiement de ses prestations, d'ailleurs le code de la consommation prévoit à son article L. 311-1 du code de la consommation, cité par l'intimée, la définition du prêteur comme celui qui consent un crédit dans le cadre de ses activités commerciales ou professionnelles, sans limiter cette faculté aux seuls établissements de crédit.

L'intimée ne justifie d'aucun motif de nullité du prêt.

Selon l'article L. 314-6 du code de la consommation, constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des opérations de même nature comportant des risques analogues.

L'article L. 341-48 de ce code précise qu'en cas de taux usuraire, les intérêts indûment perçus sont imputés de plein droit sur les intérêts normaux échus puis sur le capital et si le capital est éteint en principal et en intérêt, les sommes indûment perçues doivent être restituées.

Contrairement à ce qui est prétendu, le taux conventionnel de 12,7 % était inférieur au taux d'usure pour le quatrième trimestre 2018, lequel s'élevait, pour les crédits de trésorerie d'un montant inférieur à 3000 euros, à 21,21 %.

L'article L. 312-16 du code de la consommation impose au prêteur au sens de l'article L. 311-1 du même code - qualité de Monsieur [K] [T] en l'espèce - de vérifier, avant la conclusion du contrat de prêt, la solvabilité de l'emprunteur, y compris à partir d'éléments dont il demande la fourniture à celui-ci et consulter le fichier national des informations sur les incidents de paiements caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels ; le professionnel est tenu de vérifier les déclarations de l'emprunteur et de consulter le fichier avant l'octroi du crédit et de conserver la preuve des démarches accomplies (Civ. 1ère, 9 mars 2022, n° 20-19.548).

À défaut de remplir ses obligations, le prêteur encourt, aux termes de l'article L. 341-2 du code de la consommation, la déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Il ressort des éléments aux débats que [B] [Z] a rempli pour obtenir ce prêt une fiche de dialogue dans laquelle il a certifié que ses ressources mensuelles s'élevaient à 1550 euros et ses charges mensuelles - définies dans le document comme : 'loyer charges comprises, échéances de prêts encours, y compris échéance du présent crédit, autres' - à 261,54 euros. Les mensualités du crédit souscrit s'élevaient à 69,54 euros. Il a, avant son décès, remboursé sans incident les premières mensualités.

En revanche, Monsieur [K] [T] ne démontre pas avoir sollicité des pièces pour vérifier la réalité des déclarations de [B] [Z] ainsi qu'il l'aurait dû et il est spécifié dans le document portant information précontractuelle (page 3 pièce 3 intimée) qu'il ne peut pas consulter le fichier des incidents de paiement.

Néanmoins, l'intimée sollicite la nullité pour ce motif, alors qu'elle n'est pas encourue. L'intimée ne forme pas de demande de déchéance du droit aux intérêts - Monsieur [K] [T] ayant déjà procédé au remboursement des intérêts perçus.

*** Sur la validité de l'encaissement du chèque tiré par [B] [Z]

Il convient de rappeler que [B] [Z], par deux conventions du 12 octobre 2018, a conclu avec Monsieur [K] [T] d'une part un contrat de courtage matrimonial dont la prestation lui était facturée pour 2640 euros et d'autre part un contrat de prêt finançant un montant identique. [B] [Z] lui a remis un chèque de 2640 euros non daté. Monsieur [K] [T] a porté une date sur le chèque qu'il a encaissé en janvier 2019.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il ressort des documents contractuels (page 6 de la pièce 3 de l'intimée) que ce chèque a été remis à titre de 'caution' - terme s'entendant dans le contrat dans le sens de garantie de paiement - et qu'il devait être non daté, pour lui permettre de remplir cet usage.

L'absence de datation du chèque résultait donc d'un accord entre [B] [Z] qui avait complété l'intégralité de la formule à l'exception de la date d'émission et Monsieur [K] [T] qui l'avait accepté.

En portant le chèque à l'encaissement après y avoir apposé une date, Monsieur [K] [T] n'a fait que lui conférer l'usage de chèque de garantie qui lui était conventionnellement destiné entre les parties (Com. 22 septembre 2015, n°14-17.901) de telle sorte qu'il n'a commis aucune faute.

Dès lors, il convient d'infirmer le jugement qui a retenu à la charge de Monsieur [K] [T] une faute délictuelle en portant une date sur le chèque et en l'encaissant et qui l'a condamné à payer la somme de 2640 euros.

**** Sur le préjudice moral

Aucune faute n'est démontrée à la charge de Monsieur [K] [T] dans la conclusion et l'exécution du contrat de courtage matrimonial, pas plus que dans l'encaissement du chèque de garantie.

S'agissant du manquement aux obligations s'imposant au prêteur, le code prévoit comme seule sanction la déchéance du droit aux intérêts à laquelle Monsieur [K] [T] s'est indirectement soumis en remboursant l'intégralité des mensualités perçues en parallèle de l'encaissement du chèque de garantie du montant du seul capital emprunté. [H] [Z] ne subit en outre aucun préjudice moral de ce manquement.

***** Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Au regard des circonstances de la cause et de la situation de chacune des parties - [H] [Z] étant une enfant mineure dépourvue de ressource et bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale - il y a lieu de dire que chaque partie gardera la charge de ses propres dépens, de première instance et d'appel. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il fait supporter l'intégralité des dépens de première instance sur Monsieur [K] [T].

Il convient, pour ces mêmes motifs, de confirmer le jugement qui a débouté les deux parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de les débouter de leurs demandes formées sur ce fondement pour leurs frais à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a écarté la nullité du contrat de courtage matrimonial, la nullité du contrat de prêt, la demande d'indemnisation d'un préjudice moral et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme en ce qu'il a condamné Monsieur [K] [T] à payer à Madame [J] [R], en qualité de représentante légale d'[H] [Z], la somme de 2460 euros à titre de dommages-intérêts et aux dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Madame [J] [R], en qualité de représentante légale d'[H] [Z], de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de Monsieur [K] [T],

Dit que chaque partie gardera la charge de ses dépens de première instance et d'appel,

Déboute chacune des parties de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile, régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : M. BUQUANT.-

Minute en huit pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02642
Date de la décision : 16/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-16;21.02642 ?
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