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12/01/2023 | FRANCE | N°22/00175

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 12 janvier 2023, 22/00175


ARRÊT N° /2023

PH



DU 12 JANVIER 2023



N° RG 22/00175 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E5BN







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F20/00019

24 décembre 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.A.R.L. MP FINANCE est prise en l

a personne de son représentant légal domicilié audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédérique MOREL, avocat au barreau de NANCY substituée par Me BABEL, avocat au barreau d'EPINAL







INTIMÉE :



Madame [L] [H]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Benjamin JOLLY, avocat a...

ARRÊT N° /2023

PH

DU 12 JANVIER 2023

N° RG 22/00175 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E5BN

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F20/00019

24 décembre 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.R.L. MP FINANCE est prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédérique MOREL, avocat au barreau de NANCY substituée par Me BABEL, avocat au barreau d'EPINAL

INTIMÉE :

Madame [L] [H]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Benjamin JOLLY, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : BRUNEAU Dominique

Siégeant comme magistrat chargé d'instruire l'affaire

Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 18 Novembre 2022 tenue par BRUNEAU Dominique, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 12 Janvier 2023 ;

Le 12 Janvier 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.

Mme [L] [H] a été engagée sous contrat d'apprentissage à durée déterminée, par la société Sarl MP Finance à compter du 01 août 2018 jusqu'au 31 août 2019, en qualité d'apprentie assistante commerciale, dans le cadre de la préparation d'un baccalauréat professionnel gestion -administration.

La relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d'un second contrat d'apprentissage à durée déterminée pour la période du 01 septembre 2019 au 31 août 2021, pour la préparation d'un BTS assistant de gestion.

Elle était affectée au sein de l'établissement de [Localité 5] de la société Sarl MP Finance.

En date du 15 octobre 2019, Mme [L] [H] déclare avoir été destinataire d'un courriel de la part de la gérante de la société, constituant un avertissement disciplinaire.

Par courrier du 20 novembre 2019 remis en main propre, Mme [L] [H] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 03 décembre 2019, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.

Un second courrier de convocation à entretien préalable au licenciement avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire a été adressé à Mme [L] [H] par lettre recommandée, en date du 21 novembre 2021.

Par courrier du 23 décembre 2019, Mme [L] [H] s'est vue notifier la rupture anticipée de son contrat d'apprentissage pour faute grave.

Par requête du 24 janvier 2020, Mme [L] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- d'annuler l'avertissement du 15 octobre 2019,

- de dire et juger que l'employeur a procédé à une rupture verbale,

- de dire et juger que l'auteur de la lettre de rupture ne peut être identifié avec certitude,

- de dire et juger que la rupture du contrat d'apprentissage de Mme [L] [H] est intervenue à l'initiative de l'employeur en dehors des cas de faute grave, force majeure ou d'inaptitude,

- de dire et juger que la rupture du contrat d'apprentissage de Mme [L] [H] est illicite,

- en conséquence, de condamner la société Sarl MP Finance à payer à Mme [L] [H] :

- 20 639,61 euros net de dommages et intérêts pour rupture anticipée illicite du CDD,

- 1 095,91 euros net de rappel de salaire sur mise à pied outre 109,59 euros net d'indemnité de congés payés afférente,

- 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir dans son intégralité.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 24 décembre 2021, lequel a :

- annulé l'avertissement du 15 octobre 2019,

- dit et jugé que la rupture n'est pas verbale,

- dit et jugé que l'auteur de la lettre de rupture peut être identifié avec certitude,

- dit et jugé que la rupture est bien à l'initiative de l'employeur et dépourvue de cause réelle et sérieuse,

- dit et jugé que la rupture du contrat d'apprentissage est illicite,

- en conséquence, condamné la société Sarl MP Finance à payer à Mme [L] [H] :

- 20 369,61 euros net de dommages et intérêts pour rupture anticipée illicite du CDD,

- 1 095,91 euros net de rappel de salaire sur mise à pied,

- 109,59 euros net d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire sur préavis,

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Sarl MP Finance de l'ensemble de ses demandes,

- débouté Mme [L] [H] du surplus de ses demandes,

- condamné la société Sarl MP Finance aux dépens.

Vu l'appel formé par la société Sarl MP Finance le 24 janvier 2022,

Vu l'appel incident formé par Mme [L] [H] le 15 juillet 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société Sarl MP Finance déposées sur le RPVA le 23 septembre 2022, et celles de Mme [L] [H] déposées sur le RPVA le 23 septembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 19 octobre 2022,

La société Sarl MP Finance demande à la cour:

- de dire recevable et bien fondé son appel,

- de dire recevable mais mal fondé l'appel incident de Mme [L] [H],

- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 24 décembre 2021 en ce qu'il a :

- annulé l'avertissement du 15 octobre 2019,

- dit et jugé que la rupture est bien à l'initiative de l'employeur et dépourvue de cause réelle et sérieuse,

- dit et jugé que la rupture du contrat d'apprentissage est illicite,

- en conséquence,l' a condamnée à payer à Mme [L] [H] les sommes de:

- 20 639,61 euros net de dommages et intérêts pour rupture anticipée illicite du CDD,

- 1 095,91 euros net de rappel de salaire sur mise à pied,

- 109,59 euros net d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire sur préavis,

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Sarl MP Finance aux dépens,

*

Statuant à nouveau :

- débouter Mme [L] [H] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [L] [H] àlui payer une somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et la procédure de première instance,

- condamné Mme [L] [H] aux entiers dépens.

Mme [L] [H] demande à la cour:

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- annulé l'avertissement du 15 octobre 2019,

- dit et jugé que la rupture est bien à l'initiative de l'employeur et dépourvue de cause réelle et sérieuse,

- dit et jugé que la rupture du contrat d'apprentissage est illicite,

- en conséquence, condamné la société Sarl MP Finance à lui payer les sommes de:

- 20 639,61 euros net de dommages et intérêts pour rupture anticipée illicite du CDD,

- 1 095,91 euros net de rappel de salaire sur mise à pied,

- 109,59 euros net d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire sur préavis,

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Sarl MP Finance de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Sarl MP Finance aux dépens.

- de l'infirmer pour le surplus,

*

Statuant à nouveau :

- de dire et juger que l'employeur a procédé à une rupture verbale,

- de dire et juger que l'auteur de la lettre de rupture ne peut être identifié avec certitude,

Y ajoutant :

- de débouter la société Sarl MP Finance de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner la société Sarl MP Finance à lui payer la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du CPC à hauteur d'appel.

SUR CE, LA COUR ;

La cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées sur le RPVA par la Sarl MP Finance le 23 septembre 2022, et par Mme [L] [H] le 23 septembre 2022.

- Sur l'existence d'une sanction disciplinaire du 15 octobre 2019 et la demande d'annulation.

- Sur la nature du courriel du 15 octobre 2019.

L'article L 1331-1 du code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ;

Il ressort de ce texte que les reproches adressés par voie de courriel par un employeur à un salarié pour des faits qu'il estime fautif constituent des sanctions.

Mme [L] [H] expose que Mme [J] [A], gérante de la société MP Finance lui a dressé le 15 octobre 2019 un courriel aux termes duquel il lui était formulé des reproches concernant des faits que l'employeur considérait comme fautif ; que ce courriel constitue donc un avertissement dont elle demande l'annulation.

La Sarl MP Finance indique que ce courriel n'avait pour but que d'appeler l'attention de la salariée sur son comportement et qu'en conséquence il ne peut être considéré comme ayant prononcé une sanction.

Il ressort du dossier que, le 15 octobre 2019, la Sarl MP Finance a adressé à Mme [L] [H] un courriel ainsi rédigé:

' Salut [L],

Je ne vais pas y aller par 4 chemins.

Vendredi tu as dépassé les bornes et ton comportement a été inacceptable...

J'ai essayé à plusieurs reprises de t'expliquer ce que j'attendais de toi.

Rien à faire tu as refusé de me laisser parler et de m'écouter.

A plusieurs reprises je t'ai demandé d'arrêter de monter dans les tours mais rien à faire.

Un collaborateur qui fait cela, c'est une faute professionnelle et c'est la mise à pied direct. C'est la dernière fois que ça se produit. Me faire envoyer chier comme Tu l'as fait vendredi c'est du manque de respect total et crois moi que j'ai du mal à le digérer... Il y a des limites à ne pas dépasser'.

Il ressort de ce texte que que l'employeur a formé à l'encontre de la salariée des reproches précis sur un comportement considéré par lui comme fautif, dont la réitération serait susceptible de justifier une sanction disciplinaire ;

Dès lors, ce courriel constitue une sanction de nature à affecter immédiatement ou non la présence de la salariée dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération, et présente la nature d'un avertissement.

- Sur l'annulation de la sanction.

Aux termes du courriel du 15 octobre 2019, la Sarl MP Finance reproche à Mme [L] [H]:

- un refus d'exécuter ses tâches ;

- un comportement violent et insultant à l'égard de sa gérante ;

- un comportement inadapté au téléphone en présence de client.

- Sur le grief relatif au refus d'exécuter les tâches demandées.

La Sarl MP Finance reproche à Mme [L] [H] d'avoir refusé d'exécuter des travaux de comptabilité.

Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que des tâches de cette nature soient comprises dans la formation de Mme [H].

Ce grief ne sera donc pas retenu.

- Sur le grief relatif au comportement violent et insultant à l'égard de la gérante.

La Sarl MP Finance apporte au dossier une attestation établie par Mme [S] [C] (pièce n° 6 de son dossier), dans laquelle son auteure déclare que, le 11 octobre 2019, Mme [L] [H] a adopté à l'encontre de la gérante de la société un comportement verbal virulent, et lui a dit: ' Va te faire foutre avec ta comptabilité de merde, démerde toi toute seule'.

Mme [L] [H] ne conteste pas la teneur des propos dont il s'agit mais soutient d'une part que l'attestante est une salariée de la société, et d'autre part que les propos reproduits n'avaient aucun caractère outrageant et ne constituaient pas un abus de sa liberté d'expression.

Sur le premier point, l'attestation contestée est conformé aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, peu important dès lors que son auteure soit une salariée de l'entreprise.

Sur le second point, les propos dont il s'agit, constituent un abus de sa liberté d'expression par la salariée en ce qu'il sont injurieux à l'égard de l'employeur et ont été tenus publiquement sur le lieu de travail.

Il convient donc de dire le grief établi.

- Sur le grief relatif à un comportement inadapté au téléphone en présence de client.

La Sarl MP Finance reproche à Mme [L] [H] d'avoir formulé des commentaires désobligeants sur des clients en présence d'autres clients ;

La Sarl MP Finance apporte au dossier une attestation établie par Mme [Z] [V] qui déclare: ' alors que je patientais en salle d'attente, j'ai entendu l'assistante ([L] [H]) en conversation téléphonique en train de se moquer d'un client. Elle a eu les propos suivants, je cite: 'quel connard ce monsieur X, il croit sérieusement qu'il va avoir un prêt avec aussi peu de tune. En plus je le connais, il trompe sa femme à tout va, c'est un vrai con. Je tiens à préciser que j'ai très distinctement entenu le nom et le prénom du client...Concernant ma demande de renégociation de crédit, je ne me suis pas sentie en confiance pour confier le dossier à MP Finance sachant que ladite personne aurait eu accès à mes informations personnelles'.

Au regard de ce qui précède, il convient de valider l'avertissement décerné à Mme [L] [H], et en conséquence d'infirmer la décision entreprise sur ce point.

- Sur la rupture du contrat d'apprentissage.

Il ressort des disposition de l'article L 6222-18 du code du travail que la rupture du contrat d'apprentissage, qui peut intervenir en cas de fautre grave de l'apprenti, prend la forme d'un licenciement prononcé selon les modalités prévues aux articles L 1232-2 à 1232-6 du code du travail.

Par lettre du 23 décembre 2019, la Sarl MP Finance a notifié à Mme [L] [H] la rupture du contrat d'apprentissage liant les parties en ces termes:

« Vous êtes engagée au sein de notre société depuis le 9 septembre 2019 date en vertu d'un contrat d'apprentissage vous préparant au diplôme de BTS Gestion de la PME.

Dans ce cadre, vous étiez amenée à effectuer principalement les tâches suivantes:

Secrétariat et gestion de l'accueil, des appels téléphoniques, des mails,

Gestion de la comptabilité de l'entreprise,

Gestion et suivi des dossiers de l'agence et plus particulièrement du responsable de l'agence.

Et, compte tenu de la nature de notre activité d'intermédiaire bancaire, nous sommes titulaires d'informations bancaires relatives à nos clients qui sont par nature confidentielles, raison pour laquelle, vous étiez soumises de par vos fonctions, à une obligation de secret professionnel renforcée.

Nous déplorons que vous ayez manqué à vos obligations, et plus particulièrement à votre obligation de secret professionnel, et de loyauté, cette dernière étant inhérente à tout contrat de travail.

En effet, le 20 novembre 2019, alors que vous étiez au téléphone, le responsable de l'agence de [Localité 5], Monsieur [B] [R], vous a surpris avec stupéfaction, annoncer ouvertement sans la moindre discrétion, que vous aviez candidaté dans des établissements concurrents à notre entreprise, et que votre candidature avait été retenue auprès de l'un de ces établissements. Pire encore, II apparaît que lors de cet échange, vous avez évoqué le fait que vous alliez préparer la liste des établissements bancaires partenaires de notre société, celle de nos apporteurs d'affaires, et l'identité de clients que nous accompagnons dans leurs projets au quotidien, afin de les communiquer auprès de nos concurrents.

Et ce en totale violation des obligations auxquelles vous êtes soumise, comme chaque salarié de notre société. Ce qui est tout à fait inacceptable.

Vos intentions nous ont été confirmées par notre interlocuteur de la Chambre de Commerce et de l'industrie de Laxou que nous avons rencontré le lundi 25 novembre 2019, qui nous a au surplus précisé que vous aviez dénigré l'agence MP Finance en ces termes: « MP Finance est connue sur [Localité 5], ils ont une sale réputation tout le monde le sait et c'est de la merde » Ce que nous ne pouvons cautionner.

Votre attitude est contraire aux obligations de bonne foi et de loyauté dont vous êtes tenue à l'égard de notre société en vertu du contrat d'apprentissage qui nous lie. Malheureusement, ce n'est pas la première fois que nous avons eu à déplorer un comportement fautif de votre part.

En effet, en date du vendredi 11 octobre 2019, alors que vous rejoigniez l'agence de [Localité 5] en compagnie de Mme [J] [A], Directrice de l'agence, il est avéré que vous avez fait preuve d'insubordination, et avez adopté une attitude insultante à son égard. Vous avez clairement refusé d'appliquer les consignes qui vous avaient été données par Mme [J] [A], qui vous avait demandé de vous occuper de la comptabilité, cette tâche faisant partie intégrante de votre apprentissage, et consistant à effectuer des opérations de tri de pointage à l'aide des relevés de compte, et de mettre en exergue les éléments manquants puis de les lui communiquer. Vous lui avez rétorqué dans un premier temps : « ce n'est pas à moi de le faire, débrouilles-toi avec ton comptable ».

Alors que Mme [J] [A] tentait de vous expliquer ce qu'elle attendait de vous en tant que collaboratrice de l'agence sous contrat d'apprentissage, et de vous raisonner, vous vous êtes énervée, lui avez coupé la parole à plusieurs reprises, pour conclure par ces termes « c'est terminé avec ta compta, tu n'as qu'à la confier à [Localité 4], je m'en occuperai plus ».

Une collaboratrice de l'agence qui se trouvait à proximité a été témoin de ta scène et a été choquée par votre attitude des plus irrespectueuses et empreinte d'insubordination.

De tels faits sont inacceptables et sont incompatibles avec le bon fonctionnement de notre entreprise, ainsi qu'avec l'essence même du processus d'apprentissage.

Mais ce n'est pas tout.

Une fois arrivée à l'agence, vous vous êtes installée sur votre poste de travail qui se situe à l'accueil et à proximité de la salle d'attente, de sorte que les clients qui patientent dans la salle d'attente sont susceptibles de vous entendre lorsque vous êtes au téléphone. Et, justement, alors que vous étiez au téléphone avec une collaboratrice de l'agence, vous avez ouvertement critiqué l'attitude d'un client en l'évoquant en ces termes: « il a du mal ce client il ne comprend jamais rien »;

Un de nos clients, qui patientait dans la salle d'attente, vous a entendu, et a été surpris par vos propos. Là encore, vous avez fait preuve d'une attitude nuisant à la réputation et à l'image de marque de notre société.

Ce que nous ne pouvons davantage tolérer.

Dans ces circonstances, vous comprendrez que nous n'avons d'autre choix que de mettre un terme à votre contrat d'apprentissage pour faute grave.'.

Mme [L] [H] expose que la rupture du contrat d'apprentissage est irrégulière en ce qu'il ressort des propos tenus par la dirigeante de la Sarl MP Finance lors de l'entretien préalable que la rupture était décidée antérieurement à cet entretien et qu'elle a fait l'objet d'une rupture verbale ; elle produit au dossier une attestation établie par la conseillère de la salariée qui reproduit le contenu de l'entretien.

La Sarl MP Finance soutient d'une part que l'attestation apportée est irrecevable en ce qu'elle n'est pas rédigée manuellement, et d'autre qu'il ressort de l'attestation elle-même que la décision de rupture n'était pas prise au préalable.

Il ressort de l'examen de l'attestation établie par Mme [F] [U] [N], conseillère de la salariée, que celle-ci mentionne l'identité et la profession de son auteure ainsi que les mentions prévues par l'article 202 du code de procédure civile ; que s'il est exact que l'attestation est dactylographiée, la Sarl MP Finance ne démontre pas le grief que lui causerait cette irrégularité.

Il ressort de cette attestation que, lors du début de l'entretien, Mme [A], dirigeante de la société MP Finance, a indiqué à Mme [H] qu'elle était convoquée 'pour qu'elle puisse expliquer ses comportementsqu'elle considère pour faute grave et pour lesquels elle envisage éventuellement son licenciement' ;

Que toutefois, à la fin de l'entretien, Mme [A] précise que 'La rupture est de fait, tu as commis plusieurs fautes' ;

Si la Sarl MP Finance soutient que les mots réellement prononcés étaient 'rupture de confiance', cette précision est indifférente quant à l'intention d'aboutir à la cessation du lien contractuel qui animait l'entreprise ;

Il ressort donc de ces derniers éléments que la décision de rupture était prise par la société antérieurement à l'entretien préalable, et qu'en conséquence la rupture est irrégulière.

La décision sera confirmée sur ce point.

Il ressort du dossier que le contrat liant Mme [L] [H] à la société MP Finance devait s'achever le 31 août 2021, et que sa rémunération mensuelle moyenne brut s'élevait à la somme de 1019,24 euros ; il est donc dû à Mme [H], au titre de la rupture irrégulière du contrat d'apprentissage, la somme de 20 639,61 euros et la décision sera réformée sur ce point ;

Elle sera en revanche confirmée en ce qu'elle a condamné la société à payer à Mme [H] les sommes de:

- 1 095,91 euros net de rappel de salaire sur mise à pied,

- 109,59 euros net d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire sur préavis ;

La Sarl MP Finance, qui succombe, supporeta les dépens de l'instance.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [L] [H] l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a exposés ; il sera fait droit à la demande à hauteur de 1500 euros.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement rendu le 24 décembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a:

- annulé l'avertissement du 15 octobre 2019 ;

- condamné la Sarl MP Finance à payer à Mme [L] [H] la somme de 20 369,61 euros net de dommages et intérêts pour rupture anticipée illicite du CDD ;

STATUANT A NOUVEAU sur ces points ;

DIT l'avertissement décerné le 15 octobre 2019 valide ;

CONDAMNE la Sarl MP Finance à payer à Mme [L] la somme de 20 639,61 euros (vingt mille six cent trente neuf euros et soixante et un centimes) net de dommages et intérêts pour rupture irrégulière du contrat d'apprentissage ;

LE CONFIRME pour le surplus ;

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

Y ajoutant:

CONDAMNE la Sarl MP Finance aux dépens d'appel ;

LA CONDAMNE à payer à Mme [L] [H] une somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en dix pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 22/00175
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;22.00175 ?
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