ARRÊT N° /2023
SS
DU 10 JANVIER 2023
N° RG 22/00753 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6MM
Pole social du TJ de NANCY
21/00171
01 mars 2022
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
SECTION 1
APPELANT :
Monsieur [W] [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Comparant et assisté de Me Joseph BOUDEBESSE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Mme [B] [G], regulièrement munie d'un pouvoir de représentation
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : Mme BUCHSER-MARTIN
Siégeant en conseiller rapporteur
Greffier : Madame TRICHOT-BURTE (lors des débats)
En présence de Madame COPIN, greffier stagiaire
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 07 Décembre 2022 tenue par Mme BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 10 Janvier 2023 ;
Le 10 Janvier 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE :
Monsieur [W] [E] est salarié de la SNC [5] en qualité de technicien.
Le 30 janvier 2020, la société [5] a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle, ci-après dénommée la caisse, une déclaration d'accident du travail qui serait survenu le 27 janvier 2020 à monsieur [W] [E], décrit comme suit : « le salarié a indiqué qu'il se sentait mail. L'infirmerie l'a pris en charge à 10h40, prise des constantes et électrocardiogramme fait révélé normal. Le salarié a pris un peu de repos à l'infirmerie et a repris son travail normalement, en quittant l'infirmerie à 11h35 ».
Elle était accompagnée d'un certificat médical établi le 27 janvier 2020 par le docteur [N], faisant état de « crise hypertensive avec tachycardie sur syndrome anxiodépressif ».
Le 6 février 2020, la SNC [5] a adressé à la caisse un courrier de réserves.
La caisse a diligenté une enquête.
Par courrier du 24 septembre 2020, elle a informé monsieur [W] [E] du refus de prise en charge de son accident au titre de la législation relative aux risques professionnels, au motif suivant : « l'accident du travail est caractérisé soit par un fait soudain et brutal, entraînant une lésion de l'organismes, soit par brusque apparition au temps et au lieu de travail d'une lésion de l'organisme. Or l'accident ne remplit ni l'une ni l'autre de ces conditions ».
Monsieur [W] [E] a contesté ce refus, et par décision du 21 avril 2021, la commission de recours amiable a rejeté son recours et confirmé la décision de la caisse.
Le 21 juin 2021, monsieur [W] [E] a saisi le tribunal judiciaire de Nancy d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable.
Par jugement n° RG 21/171 du 1er mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Nancy a :
- déclaré le recours de monsieur [W] [E] recevable et mal fondé,
- débouté monsieur [W] [E] de l'ensemble de ses demandes,
- confirmé les décisions de la caisse primaire d'assurance maladie du 24 septembre 2020 et de la commission de recours amiable du 21 avril 2021,
- condamné monsieur [W] [E] aux dépens de l'instance,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par acte du 28 mars 2022, monsieur [W] [E] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.
L'affaire a été appelée à l'audience du 7 septembre 2022 et renvoyée au 7 décembre 2022 à la demande des parties. Elle a été plaidée à cette dernière audience.
PRETENTIONS DES PARTIES :
Monsieur [W] [E], représenté par son avocat, a repris ses conclusions reçues au greffe le 18 août 2022, et a sollicité ce qui suit :
- infirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nancy du 1er mars 2022 en ce qu'il a :
déclaré le recours de monsieur [W] [E] mal fondé,
débouté monsieur [W] [E] de l'ensemble de ses demandes,
confirmé les décisions de la caisse primaire d'assurance maladie du 24 septembre 2020 et de la commission de recours amiable du 21 avril 2021,
condamné monsieur [W] [E] aux dépens de l'instance,
Et, statuant de nouveau,
- ordonner la prise en charge de ses lésions au titre de la législation sur les risques professionnels,
- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle, dument représentée, a repris ses conclusions reçues au greffe le 26 août 2022 et a sollicité ce qui suit :
- déclarer recevable mais mal fondé le recours de monsieur [W] [E],
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 01/03/2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de NANCY,
- débouter monsieur [W] [E] de sa demande de condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter l'appelant des fins de sa demande.
Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.
L'affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2023 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Sur l'accident du travail :
Aux termes de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Aux termes d'une jurisprudence constante, constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, et ce quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (soc.2 avril 2003, 00-21768, civ. 2e 11 octobre 2012 n° 11-15483).
La survenance de l'accident aux temps et lieu de travail a pour effet de le présumer imputable au travail, sauf preuve contraire d'une cause totalement étrangère au travail.
-oo0oo-
En l'espèce, monsieur [W] [E] fait valoir que le 27 janvier 2020, après un entretien avec son supérieur, il a repris son travail mais était ébranlé de telle sorte qu'il s'est rendu à l'infirmerie Il ajoute que ses constantes n'étaient pas normales puisque sa tension était de 17/9 à son arrivée, et de 13,6/9 à sa sortie, alors même qu'il prend un traitement qui régule sa tension et son rythme cardiaque. Il estime qu'il a subi une crise hypertensive qui doit être considérée comme un malaise, qui s'est manifesté aux temps et lieu de travail. Il précise qu'il ne lui appartient pas de démontrer que l'entretien avec son supérieur a excédé le cadre professionnel dans sa teneur et sa forme, mais qu'il incombe à la caisse de prouver que cet accident n'a aucun lien avec le travail. Il indique que les manquements qui lui étaient reprochés concernait le 21 janvier 2020 et que l'entretien du 27 janvier 2020 s'est tenu vers 9h10 et non 10h. Il précise qu'il ne lui était pas reproché de mal faire ou ne pas faire son travail, mais d'avoir badgé à 8h08 et être arrivé à son poste de travail à 9h04. Il ajoute qu'il a éprouvé un sentiment d'injustice à l'issue de cet entretien, où il était menacé de sanction disciplinaire, et que le contenu de cet entretien est sans incidence sur la prise en charge de ses lésions au titre de la législation sur les risques professionnels.
Il fait également valoir que le jour de l'entretien, il a quitté son poste de travail à midi alors qu'il devait finir à 13 heures. Il ajoute que son médecin traitant a pu détecter le jour même des signes d'un syndrome anxiodépressif, et lui a prescrit des anxiolytiques. Il indique qu'il a consulté pour la première fois un cardiologue en février 2020, qui a détecté des troubles du rythme ventriculaire et un état de stress important. Il précise que le syndrome anxiodépressif s'est déclaré dans la continuité de la crise de tachycardie et que la crise de tachycardie étant constitutive d'un accident du travail, le syndrome anxiodépressif doit bénéficier de la présomption d'imputabilité.
La caisse fait valoir que la discussion qui a eu lieu le 27 janvier 2020 vers 10 heures entre monsieur [E] et son supérieur hiérarchique n'était assortie ni de menace ni de sanction disciplinaire et relevait du pouvoir de direction de l'employeur et du contrôle du temps de travail, alors même que la société considérait que le comportement du salarié était agressif et ironique. Elle ajoute qu'au cours de l'enquête, monsieur [E] a indiqué s'être senti menacé et surveillé, ce qui a généré chez lui une poussée de tension. Elle précise que les collègues ayant constaté son état d'énervement ont déclaré qu'il se plaignait de harcèlement et menaçait de déposer plainte, monsieur [T] indiquant qu'il ignore pourquoi et monsieur [V] indiquant que le motif était que monsieur [E] s'était rendu à la machine à café plutôt qu'à son poste de travail. Elle précise qu'aucun fait soudain et brutal n'est caractérisé ni aucune lésion, de telle sorte que la présomption d'imputabilité ne peut s'appliquer, et qu'il n'y a eu aucun malaise au sens physique ou physiologique du terme, le simple fait de se rendre à l'infirmerie ne suffisant à caractériser l'existence d'un accident, monsieur [E] ayant ensuite repris son travail.
Elle fait également valoir que la conversation que monsieur [E] a eue avec son supérieur, et qu'il a retranscrite, ne présente aucun caractère anormal ni menaçant, alors même que les manquements qui lui sont reprochés ne sont pas contestés. Elle ajoute que le ressenti de monsieur [E] présente un caractère subjectif qui ne suffit pas à attribuer à l'échange verbal le caractère d'une altercation imputable à l'employeur. Elle relève qu'aucune anomalie n'a été constatée à l'infirmerie et que le certificat médical initial ne permet pas de caractériser une lésion résultant d'un fait accidentel, le médecin rédacteur dudit certificat ayant relaté des événements qu'il n'a pas personnellement constatés.
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Il résulte des pièces versées aux débats et des conclusions des parties que le 27 janvier 2020, monsieur [E] a eu un entretien avec son supérieur hiérarchique, à l'issue duquel il a présenté des signes d'énervement.
Monsieur [E], qui relate cet entretien en des termes extrêmement précis, indique qu'il lui était reproché un retard dans sa prise de poste, mais ne prétend à aucun moment que ces reproches auraient été faits sur un ton désobligeant ou agressif ou que cet entretien aurait constitué une altercation ou aurait eu un caractère houleux. Dès lors, ce seul entretien, relevant du pouvoir de direction de l'employeur, ne peut constituer un fait accidentel.
Bien plus, monsieur [E] n'apporte pas la preuve de quelconque lésion en lien avec l'entretien litigieux, notamment une crise de tachycardie.
En effet, il cite des mesures de tension qui auraient été réalisées à l'infirmerie le jour même, mais n'en apporte aucune preuve, l'employeur déclarant pour sa part que les constantes étaient normales. De même, une attestation d'un collègue, monsieur [C], aux termes de laquelle monsieur [E] « ne se sentait pas bien de 9h30 à 11h » est insuffisante pour objectiver quelconque malaise. A cet égard, il convient de rappeler que monsieur [E] ne conteste pas avoir repris normalement son travail après sa sortie de l'infirmerie, ce qui tend à confirmer l'absence de toute lésion.
Par ailleurs, monsieur [E] prétend apporter la preuve d'un lien entre cet entretien et des troubles du rythme cardiaque dont il souffrirait. Pour ce faire, il affirme qu'il aurait consulté le docteur [Y], cardiologue, pour des troubles du rythme pour la première fois en février 2020, soit peu de temps après l'entretien. Cependant, cette affirmation est contredite par le rapport médical du 30 avril 2019 (sa pièce 12) qui évoque déjà un suivi cardiologique par le docteur [Y] et un suivi « IRR pour réadaptation à effort dans le cadre d'une fibromyalgie primaire », outre des épisodes d'arythmie en 2016, le diagnostic étant « arythmie cardiaque ». Ses troubles du rythme cardiaque étaient dès lors très antérieurs au 27 janvier 2020.
De plus, monsieur [E] prétend apporter la preuve d'un lien entre cet entretien et un syndrome anxiodépressif. Cependant, à aucun moment dans son certificat médical initial, le docteur [N] n'indique que monsieur [E] souffrirait d'une syndrome anxiodépressif « réactionnel » à un choc psychologique lié à l'entretien du 27 janvier 2020. Dès lors, tout porte à croire que ce syndrome anxiodépressif, qui n'est de surcroit pas objectivé par un psychiatre, était préexistant aux faits litigieux.
Enfin, l'état d'énervement de monsieur [E], assorti de menaces de sa part de déposer plainte, ne peut caractériser une lésion.
Au vu de ce qui précède, en l'absence de présomptions précises, graves et concordantes permettant d'établir la réunion d'éléments objectifs corroborant les déclarations de monsieur [W] [E] quant à la survenance d'un fait accidentel et de lésions, la preuve de la matérialité d'un accident du travail n'est pas rapportée.
Dès lors, monsieur [W] [E] sera débouté de sa demande et le jugement sera confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Monsieur [W] [E] succombant, il sera condamné aux dépens de la procédure d'appel et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné monsieur [W] [E] aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement du 21/171 du pôle social du tribunal judiciaire de Nancy en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE monsieur [W] [E] aux entiers dépens d'appel.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par monsieur Guerric HENON, président de chambre et par madame Clara TRICHOT-BURTÉ, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Minute en six pages