ARRET N°
DU 06 JANVIER 2023
N° RG 22/00606 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E6B5
LA COUR D'APPEL DE NANCY, troisième chambre civile section 1, a rendu l'arrêt suivant :
Saisie d'un appel d'une décision rendue le 01 octobre 2021 par le Tribunal Judiciaire de NANCY (17/03972)
APPELANTE :
Madame [G] [V]
née le 09 Janvier 1991 à [Localité 2] ([Localité 2])
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Hervé MERLINGE de la SCP JOUBERT, DEMAREST & MERLINGE, substitué par Me Kevin DUPRAT, avocats au barreau de NANCY
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/002673 du 25/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)
INTIMES :
Monsieur [X] [B]
né le 08 Janvier 1990 à [Localité 2] ([Localité 2])
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Guylène ADRIANT substituée par Me Yves STELLA, avocats au barreau de NANCY
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/002565 du 25/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)
Monsieur LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS ès-qualité d'administrateur ad hoc du mineur [U] [V] né le 23/11/2014
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représenté par Me Olivier BAUER de la SELEURL CABINET DE MAITRE OLIVIER BAUER substitué par Me Charlotte MOUTON, avocats au barreau de NANCY
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/003600 du 29/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des conseils des parties, en application de l'article 805 du Code de Procédure Civile,
Madame LEFEBVRE, conseiller à la cour d'appel de Nancy, siégeant en rapporteur,
Madame TRICHOT BURTE, greffière,
Lors du délibéré :
Présidente de Chambre : Madame BOUC,
Conseillères : Madame LEFEBVRE, qui a rendu compte à la Cour conformément à l'article 805 du Code de Procédure Civile,
Madame WELTER,
DEBATS :
Hors la présence du public à l'audience du 28 Octobre 2022 ;
L'affaire ayant été préalablement communiquée pour avis au Ministère Public ;
Conformément à l'article 804 du Code de Procédure Civile, un rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience de ce jour ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être mis à disposition au greffe le 06 Janvier 2023 ;
Le 06 Janvier 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu, par mise à disposition par Madame FOURNIER, greffier, l'arrêt dont la teneur suit :
Copie exécutoire le
Copie le
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 23 novembre 2014 à [Localité 7], Madame [G] [V] a donné naissance à un enfant, [U].
Par déclaration en date du 11 août 2014, Monsieur [X] [B] a reconnu cet enfant.
Par acte en date du 20 octobre 2017, Madame [V] a fait assigner Monsieur [B] à comparaître devant le tribunal judiciaire de Nancy et a demandé l'annulation de la reconnaissance de Monsieur [B].
Par jugement en date du 15 décembre 2017, le juge aux affaires familiales de Nancy, saisi par requête de Monsieur [B] le 21 septembre 2016, a sursis à statuer sur les demandes de ce dernier tendant à voir fixer les mesures concernant l'enfant.
Par ordonnance en date du 15 mai 2018, le juge de la mise en état a désigné Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nancy en qualité d'administrateur ad hoc pour représenter le mineur [U] dans le cadre de l'instance.
Par jugement avant dire droit en date du 7 juin 2019, le tribunal a déclaré la demande recevable, sursis à statuer sur toutes les demandes, et ordonné une expertise empreintes génétiques.
Le rapport d'expertise déposé au greffe le 9 janvier 2020 a conclu à la paternité de Monsieur [B] en ce qui concerne l'enfant [U] avec une probabilité de 99,99 %.
Par jugement contradictoire du 1er octobre 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :
- dit que Monsieur [B] est le père de l'enfant [U], né le 23 novembre 2014 à [Localité 7],
- débouté Madame [V] de sa demande tendant à voir annuler l'acte de reconnaissance de paternité de Monsieur [B],
- condamné Madame [V] à payer à Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nancy ès qualités d'administrateur ad hoc de l'enfant mineur [U], la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts par application de l'article 1240 du code civil,
- condamné Madame [V] à payer à Monsieur [B], la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts par application de l'article 1240 du code civil,
- condamné Madame [V] aux dépens de l'instance.
Par déclaration au greffe en date du 10 mars 2022, Madame [V] a interjeté appel de ce jugement dans ses dispositions relatives à l'annulation de la reconnaissance de paternité, aux dommages et intérêts et aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 9 septembre 2022, Madame [V] demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable et bien fondé,
Y faisant droit,
- réformer la décision entreprise,
- débouter les intimés de leurs demandes de dommages et intérêts,
- les condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Au soutien de son appel, elle fait valoir les moyens suivants :
° Les demandes de dommages et intérêts auxquels elle a été condamnée sont injustes et juridiquement infondées. Madame [V] avait un doute légitime sur la paternité de Monsieur [B]. Aucune faute n'a été commise par Madame [V].
° [U] n'était pas au courant de la procédure et n'a donc pas pu subir de préjudice moral.
° Le fait que Monsieur [B] n'ait pas pu voir l'enfant ne relève pas de la présente procédure qui concerne seulement la paternité et non le droit de visite et d'hébergement.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 22 juillet 2022, Monsieur [B] demande à la cour de :
- dire et juger l'appel de Madame [V] recevable mais mal fondé,
- l'en débouter purement et simplement.
Ce faisant,
- confirmer le jugement du 1er octobre 2021 en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
- condamner Madame [V] aux entiers dépens d'appel, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir les moyens suivants :
° Madame [V] a coupé brutalement tous liens avec le concluant peu de temps après l'annonce de sa grossesse, lui faisant croire qu'il n'était pas le père de l'enfant à naître.
° Monsieur [B] a subi un important préjudice moral du fait de la procédure. Le temps perdu n'est pas rattrapable.
Aux termes de ses conclusions transmises le 25 mai 2022, Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nancy ès qualités d'administrateur ad'hoc de [U], demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 1er octobre 2021,
- constater la paternité de Monsieur [B] sur l'enfant [U],
- juger que Madame [V] a commis une faute,
- condamner Madame [V] à lui verser la somme de 2 500 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi pour la privation de filiation qu'elle lui a imposée,
- débouter Madame [V] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Madame [V] aux entiers dépens.
Il fait valoir les moyens suivants :
° Le comportement de Madame [V], niant la paternité de Monsieur [B] durant plus de six années, alors même que ce dernier a tenté à plusieurs reprises de faire valoir ses droits de père, a engendré un préjudice certain à son fils, contraint de grandir sans père.
Par un avis du 13 octobre 2022, le ministère public s'est dit favorable à la confirmation du jugement.
L'ordonnance de clôture est en date du 29 septembre 2022.
A l'audience du 28 octobre 2022, l'affaire a été mise en délibéré au 6 janvier 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'octroi d'une indemnisation
A hauteur d'appel, Madame [V] ne remet pas en cause les résultats du test de paternité réalisé du 9 janvier 2020, le débat porte sur l'octroi de dommages et intérêts à Monsieur [B] et à Monsieur Le Bâtonnier de l'ordre des avocats ès qualité d'administrateur ad hoc du mineur [U] [V].
En vertu de l'article 1240 du code civil, « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Il est rappelé que la réparation du dommage doit être intégrale et ne tient ainsi pas compte de la situation financière et personnelle du créancier.
Sur l'indemnisation de Monsieur [B]
Monsieur [B] a reconnu l'enfant [U] par déclaration anticipée du 11 août 2014 et en raison de sa rupture avec Madame [V] n'a pas eu connaissance de la date de la naissance de l'enfant. Marquant une volonté d'établir des relations avec son enfant, Monsieur [B] a saisi le juge des affaires familiales du tribunal de grande instance de Nancy le 21 septembre 2016 afin de faire reconnaître ses droits.
Or, c'est à la suite de cette instance que l'appelante a soulevé la contestation de paternité de Monsieur [B], par assignation du 30 octobre 2017 alléguant des doutes quant à sa paternité notamment en raison de la tenue d'une autre relation intime lors de la période médicale de conception de l'enfant.
Cette action a alors eu pour effet de suspendre l'action en reconnaissance des droits de Monsieur [B] selon le jugement du 15 décembre 2017 rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nancy. Cette instance n'a pu reprendre que suite au jugement du 1er octobre 2021 déféré. La demande de Monsieur [B] a alors été paralysée par l'action de Madame [V].
Par ailleurs, Monsieur [B] verse aux débats plusieurs attestations démontrant que la rupture du couple par Madame [V] est survenue brutalement lorsque cette dernière était enceinte. Il est aussi fait mention de la volonté de Monsieur [B] de prendre en charge l'enfant malgré les allégations sur sa paternité formulée par Madame [V]. Ce dernier justifie une demande d'information concernant la mise en 'uvre d'une médiation familiale selon courrier du Centre Lorraine de Consultation conjugale et de la Médiation familiale du 19 janvier 2017.
En outre, les demandes de Monsieur [B] apparaissent en adéquation avec l'intérêt de l'enfant car il ne souhaite pas le séparer de la mère qui garderait le droit de résidence de l'enfant mais il sollicite un droit de visite et d'hébergement croissant avec le temps.
Ainsi, il ressort de l'ensemble de ces éléments que Monsieur [B] démontre une véritable volonté de prendre en charge l'enfant [U] mais que c'est le comportement de Madame [V] qui l'a empêché à prendre sa place de père depuis la naissance de l'enfant. Cette attitude nécessairement fautive de Madame [V] a engendré un préjudice pour Monsieur [B] privé des premiers instants de vie et d'évènements de son enfant qui est désormais âgé de 8 ans.
Il convient, dès lors, de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné Madame [V] à payer à Monsieur [B] la somme de 3500 euros pour l'indemnisation de son préjudice.
Sur l'indemnisation de l'enfant [U]
En application des dispositions de l'article 1240 du code civil précitées, une mère peut être condamnée à réparer les préjudices subis par l'enfant lorsqu'elle a contribué, en toute connaissance de cause, à la négation du lien de paternité.
Madame [V] allègue que l'enfant [U] n'avait pas connaissance de la procédure de contestation de paternité et ne peut alors avoir subi un préjudice.
Or, ce moyen ne peut être retenu car même si l'enfant n'avait pas connaissance du contentieux, il n'apparait pas non plus qu'il a eu connaissance de la reconnaissance de paternité de Monsieur [B], ce qui signifie qu'il ne sait pas que ce dernier s'est présenté comme son père avant même sa naissance démontrant sa volonté de le prendre en charge.
Ce n'est alors que l'attitude de Madame [V] contestant ce lien qui n'a pas permis au père et à l'enfant d'établir des relations. L'absence de connaissance de sa filiation par l'enfant constitue alors un nécessaire préjudice pour ce dernier notamment dans la construction de son identité. En effet, ce dernier n'a pas eu de figure paternelle pendant ses premières années de vie alors même que Monsieur [B] était disposé à remplir son rôle. Ce préjudice est bien constitué sans qu'il soit besoin de discuter des questions relatives aux modalités de l'autorité parentale sur l'enfant.
Le jugement de première instance ayant reconnu un préjudice à l'enfant et la condamnation de Madame [V] à verser à Monsieur le Bâtonnier à l'ordre des avocats agissant en tant qu'administrateur ad'hoc la somme de 2 500 euros doit ainsi être confirmé.
Sur les dépens
Madame [V], partie qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de la procédure, exposés en appel, lesquels seront recouvrés selon les règles relatives à l'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, après débats en chambre du conseil et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu par le juge des affaires familiales du tribunal judiciaire de Nancy le 1er octobre 2021,
Y ajoutant,
Condamne Madame [G] [V] au paiement des dépens d'appel qui seront recouvrés selon les règles relatives à l'aide juridictionnelle.
L'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au Greffe de la Cour le six Janvier deux mille vingt trois, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Et Madame la Présidente a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.
Signé : I. FOURNIER.- Signé : C. BOUC.-
Minute en sept pages.