ARRÊT N° /2023
SS
DU 03 JANVIER 2023
N° RG 22/01412 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E722
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de L'AUBE
21500268
15 mars 2018
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
SECTION 1
APPELANTE :
Madame [J] [K]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Didier LEMOULT de la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de l'AUBE
Dispensée de comparaitre
INTIMÉS :
S.A.R.L. [7] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 5]
[Localité 3]
Ayant pour représentant Me Benjamin MADELENAT de la SELARL SELARL SF CONSEIL ET ASSOCIES, avocat au barreau de l'AUBE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'AUBE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Mme [T] [X], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : M. HENON
Siégeant en conseiller rapporteur
Greffier : Madame TRICHOT-BURTE (lors des débats)
En présence de Madame DEVIN, greffier en pré-affectation
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 22 Novembre 2022 tenue par M. HENON, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 03 Janvier 2023 ;
Le 03 Janvier 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Faits, procédure, prétentions et moyens :
Mme [J] [K], salariée de la société [7], a été victime d'un accident du travail le 2 avril 2015, faisant une chute d'un échafaudage.
Par courrier du 14 avril 2015, la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Aube a notifié la décision de prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle.
Par requête enregistrée au greffe le 16 septembre 2015, Mme [K] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de l'Aube aux fins de voir reconnue la faute inexcusable de son employeur.
Par jugement du 15 mars 2018, le TASS de l'Aube a :
- débouté la société [7] de sa demande tenant à la nullité de la requête faute pour elle de prouver un grief,
- dit que la société [7] n'avait commis aucune faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail de Mme [K] en date du 2 avril 2015,
- débouté Mme [K] de sa demande.
Par déclaration reçue au greffe le 20 avril 2018, Mme [K] a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt avant dire droit du 22 mai 2019, la Cour d'appel de Nancy a :
- Réformé le jugement du TASS de Troyes du 21 décembre 2017,
- Dit que l'accident du travail dont a été victime Mme [K] le 2 avril 2015 est dû à la faute inexcusable de la société [7],
- Ordonné la majoration à son taux maximum de la rente servie à Mme [K],
- Dit que le coût de cette majoration sera récupéré par la CPAM de l'Aube auprès de la société [7] en application de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale,
- Ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [P] [E] avec pour mission de :
- entendre contradictoirement les parties et leurs conseils dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel,
- recueillir les renseignements nécessaires sur l'identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut exact, son mode de vie antérieure à l'accident et sa situation actuelle,
- se faire communiquer par la victime tous documents médicaux la concernant notamment ceux consécutifs à l'accident litigieux et à son état de santé antérieur,
- procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,
et,
- d'évaluer la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent,
- d'évaluer le préjudice esthétique,
- d'évaluer le préjudice d'agrément,
- d'évaluer le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de possibilités de promotion professionnelle,
- d'évaluer le préjudice esthétique,
- d'évaluer le préjudice d'agrément.
- Dit que l'expert devra préciser contradictoirement aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l'expertise la méthodologie, le coût et le calendrier prévisible de ses opérations et qu'il devra, en cas de difficultés ou de nécessité d'une extension de la mission en référer au magistrat chargé du contrôle de l'expertise qui appréciera la suite à y donner,
- Dit que l'expert désigné pourra, en cas de besoin, s'adjoindre le concours de tout spécialiste de son choix, dans un domaine distinct du sien, après en avoir simplement avisé les conseils des parties et le magistrat chargé du contrôle des expertises,
- Dit que l'expert adressera un pré-rapport aux conseils des parties qui, dans les quatre semaines de la réception, lui feront connaître leurs observations auxquelles il devra répondre dans son rapport définitif,
- Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe du tribunal dans les quatre mois à compter de l'acceptation de sa mission, sauf prorogation dûment sollicitée auprès du juge chargé du contrôle des opérations d'expertise, et en adresser une copie aux conseils des parties,
- Fixé à 720 euros la consignation des frais à valoir sur la rémunération de l'expert,
- Dit que ces frais seront avancés par la CPAM de l'Aube qui en récupérera le montant auprès de la société [7],
- Dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera tiré toute conséquence de droit de cette abstention,
- Réservé les autres chefs de demandes et les dépens,
- Renvoyé l'affaire à l'audience de la Cour d'appel de Nancy, chambre sociale du 17 décembre 2019 à 13h30, la notification du présent arrêt valant convocation des parties à cette audience.
L'expert a déposé son rapport d'expertise le 13 janvier 2020.
L'affaire a été radiée le 16 juin 2020 et réinscrite à la demande de Mme [J] [K] du 15 juin 2022.
Suivant conclusions de reprise d'instance après radiation reçues au greffe le 18 novembre 2022, Mme [J] [K] demande à la Cour de :
- la déclarant recevable et bien fondée,
- condamner la CPAM de l'Aube à lui verser :
Souffrances endurées : 1,5/7 = 900 euros
Préjudice esthétique : 0,5/7 = 1 200 euros
Préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle : 8 000 euros
- condamner la CPAM de l'Aube à lui payer la majoration de la rente de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale,
- condamner la SARL [7] au paiement d'une somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, comprenant la première audience, l'expertise, la seconde audience, ainsi qu'aux entiers dépens à la charge de la CPAM de l'Aube conformément à l'arrêt du 22 mai 2019 qui avait mis à charge de celle-ci l'avance des frais d'expertise.
*
Suivant conclusions reçues au greffe le 17 novembre 2022, la Société demande à la Cour de :
- débouter Madame [K] de sa demande indemnitaire au titre de la 'perte de chances professionnelles de promotion' ;
- juger que son indemnisation au titre des souffrances endurées ne saurait dépasser 600 euros, et ramener à de plus juste proportion ses demandes au titre du préjudice esthétique;
- juger que chaque partie gardera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens de première instance comme d'appel ;
- statuer ce que de droit sur le surplus des demandes de Madame [K] ayant trait à la majoration de la rente.
La caisse expose s'en rapporter sur la fixation du préjudice et demande et de faire droit à son action récursoire.
Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.
Motifs :
Il convient préalablement de relever qu'il a déjà été statué sur la majoration de rente et ses modalités de paiement par arrêt du 22 mai 2019.
Selon l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale :
Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
Il résulte de ce texte, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par le texte précité, à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
Sur les souffrances physiques et morales endurées :
Ce poste de préjudice indemnise les souffrances tant physiques que morales endurées par le salarié du fait des maladies professionnelles qu'il a subi et des traitements, interventions, hospitalisations dont il a fait l'objet.
La salariée demande la fixation à titre à la somme de 900 euros.
L'employeur expose que ce poste a été évalué à 1/7 par l'expert et non pas 1.5 /7 en sorte qu'il convient de réduire l'indemnisation à ce titre à la somme de 600 euros.
L'expert ayant quantifié ce chef de préjudice à 1/7, au regard de cette appréciation , il convient de fixer l'indemnisation de ce chef à la somme de 600 euros.
Sur le préjudice esthétique permanent :
Le salarié rappelant les termes du rapport d'expertise, sollicite à ce titre la fixation de la réparation à la somme de 1 200 euros.
L'expert a évalué ce chef de préjudice à 0,5/7. Au regard de cette appréciation et des éléments contenus dans le rapport d'expertise, il convient de fixer la réparation à ce titre à la somme de 500 euros.
Sur le préjudice de perte de promotion professionnelle :
Pour prétendre à l'indemnisation par application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale de la perte ou de la diminution de possibilités de promotion professionnelle, la victime doit démontrer que de telles possibilités préexistaient, étant par ailleurs relevé que le préjudice professionnel se trouve indemnisé par la rente et sa majoration.
La salariée fait état d'une déclaration d'inaptitude à son poste comme à tout poste au sein de l'entreprise de peinture et de l'abandon de sa profession, ce qui l'a conduit à obtenir un agrément d'assistante maternelle lui procurant une rémunération mensuelle brute sans commune mesure avec l'exercice de sa profession. Elle précise que ce changement de voie professionnelle sera indemnisé à concurrence de 8 000 euros.
Cependant, la salariée demande en réalité la réparation du déclassement professionnel résultant de l'accident qui est indemnisé par la rente et sa majoration. La demande à ce titre ne saurait être accueillie.
Sur le paiement des préjudices :
Aux termes des dispositions de l'article L.452-3, alinéa 3, du Code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices subis par la victime est versée directement aux bénéficiaires par la Caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.
En conséquence les chefs de préjudices fixés ci-dessus seront payés par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube qui en récupérera la montant auprès de la société [7], employeur.
Sur les mesures accessoires :
L'employeur qui succombe sera condamné aux dépens selon les conditions précisées au dispositif du présent arrêt par application combinée des articles 11 et 17 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et 696 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Vu l'arrêt de cette cour du 22 mai 2019,
Fixe la réparation des préjudices subis par Mme [J] [K] du fait de la faute inexcusable de la société [7] comme suit :
- Souffrances physiques et morales : 600 euros (six cents euros)
- Préjudice esthétique : 500 euros (cinq cents euros)
Dit que ces sommes seront payées à Mme [J] [K] par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube qui en récupérera le montant auprès de la société [7] ;
Condamne la société [7] à payer à Mme [J] [K] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [7] aux dépens dont les chefs sont nés postérieurement au 1er janvier 2019.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Clara TRICHOT BURTE, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en six pages