ARRÊT N° /2023
SS
DU 03 JANVIER 2023
N° RG 22/01346 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E7VW
Pole social du TJ de NANCY
16/881
28 avril 2022
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
SECTION 1
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Mme [T] [I], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation
INTIMÉE :
S.A.S. [5] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Ariane MILLOT-LOGIER de l'AARPI MILLOT-LOGIER, FONTAINE & THIRY, substitué par Me Philippe SOUCHAL, avocats au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : M. HENON
Siégeant en conseiller rapporteur
Greffier : Madame TRICHOT-BURTE (lors des débats)
En présence de Madame DEVIN, greffier en pré-affectation
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 22 Novembre 2022 tenue par M. HENON, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Raphaël WEISSMANN, président et Dominique BRUNEAU, conseiller, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 03 Janvier 2023 ;
Le 03 Janvier 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Faits, procédure, prétentions et moyens :
M. [A] [X], né en octobre 1943, retraité ayant pour dernier employeur la société [5] (ci-après dénommée la Société) a, selon formulaire du 1er octobre 2015, sollicité la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa fibrose pulmonaire, objectivée par certificat médical du docteur [B] [N] du 1er juillet 2015, au titre du tableau 30 A des maladies professionnelles.
La caisse primaire d'assurance maladie de Moselle (ci-après dénommée la caisse) a pris en charge cette pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels par décision du 6 mai 2016. Sur recours de la société, cette décision de prise en charge lui a été déclaré opposable par jugement du tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Moselle (ci-après dénommé TASS) du 1er juin 2018, confirmé par arrêt du 16 janvier 2020 de la cour d'appel de Metz.
Entre-temps, par décision du 12 mai 2016, la caisse a fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 5 % à compter du 2 juillet 2015 (lendemain de la date de consolidation) pour « Asbestose avec fibrose pulmonaire débutante ».
Le 10 juin 2016, la société a contesté ce taux devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Nancy, alors compétent.
Par jugement du 7 juin 2017, le tribunal a sursis à statuer dans l'attente de la décision du TASS concernant la demande en inopposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée le 1er octobre 2015 par M. [A] [X].
Au 1er janvier 2019, le dossier de contestation du taux d'IPP a été transmis en l'état au pôle social du tribunal de grande instance ' devenu tribunal judiciaire au 1er janvier 2020 ' de Nancy, nouvellement compétent.
Par jugement du 3 décembre 2020, le tribunal a déclaré le recours recevable et a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes, dans l'attende des conclusions de l'expertise médicale sur pièces du docteur [Y] [L], commis pour proposer, à la date de consolidation du 1er juillet 2015, un taux d'IPP.
Selon rapport d'expertise du 19 février 2021, le docteur [Y] [L] a proposé un taux d'IPP de 10 % au 1er juillet 2015.
Par jugement du 14 septembre 2021, le tribunal a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes, a prononcé la nullité du rapport d'expertise établi le 19 février 2021 par le docteur [Y] [L], a ordonné une expertise médicale sur pièces aux fins de proposer un taux d'IPP et a désigné le professeur [P] pour y procéder.
Selon rapport d'expertise du 9 décembre 2021, le professeur [P] a conclu en ces termes :
« A la date du 01 juillet 2015, le taux d'incapacité permanente partielle imputable au statut respiratoire de M. [A] [X] est fixé à 0 % ».
Par jugement du 28 avril 2022, le tribunal a :
- déclaré le recours de la société [5] bien fondé,
- homologué le rapport d'expertise du Docteur [F] [P] en date du 09 décembre 2021,
- déclaré inopposable à la SOCIETE [5] la décision du 12 mai 2016 de la CPAM de la MOSELLE ayant fixe le taux d'IPP de Monsieur [X] à 5%,
- dit que dans les rapports entre la société [5] et la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle, le taux d'incapacité permanente partielle de Monsieur [A] [X] à la date du 1er juillet 2015 au titre de sa maladie professionnelle du 1er juillet 2015 est fixé à 0 %,
- condamné la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle aux dépens de l'instance, les frais de consultation restant à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Par acte du 3 juin 2022, la caisse a relevé appel de l'ensemble des dispositions de ce jugement.
*
Suivant des conclusions reçues au greffe le 17 novembre 2022, la Caisse demande à la Cour de :
- déclarer son appel recevable et bien fondé ;
- infirmer le jugement rendu le 22 (en réalité 28) avril 2022 par le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Nancy en ce qu'il a homologué le rapport d'expertise du Professeur [P] et a déclaré inopposable à la Société [5] la décision du 12 mai 2016 ;
Et statuant à nouveau,
- confirmer sa décision du 12 mai 2016 fixant le taux d'incapacité permanente partielle de Monsieur [A] [X] à hauteur de 5 % ;
- déclarer opposable à la Société [5] l'attribution à Monsieur [A] [X] d'un taux d'incapacité permanente partielle de 5 % ;
- débouter la Société [5] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la Société [5] aux entiers frais et dépens ;
- le cas échéant, si la Cour l'estimait nécessaire, ordonner une consultation médicale et de donner pour mission au médecin consultant de fixer le taux d'incapacité permanente partielle au regard des séquelles reconnues imputables à la maladie professionnelle du 1er juillet 2015.
*
Suivant conclusions reçues au greffe le 17 novembre 2022, la Société [5] demande à la Cour de :
- confirmer le jugement rendu le 28 avril 2022 par le Tribunal judiciaire de Nancy en toutes ses dispositions (RG n° 16/00881),
En conséquence,
- débouter la CPAM de Moselle de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la CPAM de Moselle à lui verser la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la CPAM aux entiers dépens.
Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.
Motifs :
Selon l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
Il est de jurisprudence constante que l'incapacité permanente consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle est appréciée à la date de la consolidation de l'état de la victime, celle-ci relevant de l'appréciation souveraine du juge du fond (2e Civ., 21 juin 2012, pourvoi n° 11-20.323 ; 2e Civ., 9 juillet 2015, pourvoi n° 14-18.827 : 2e Civ., 4 mai 2017, pourvoi n° 16-15.876 ; 2e Civ., 15 février 2018, pourvoi n° 17-12.558, pour une fixation d'un taux à 0%).
Selon le barème indicatif d'invalidité en son point 6.7.4, il est donné une indication de taux de 1 à 5 % s'agissant de plaques pleurales calcifiées ou non.
La caisse soutient substantiellement que la fixation opérée correspond aux prévisions du barème, lequel indemnise les fibroses pleurales en dehors de toutes répercussions fonctionnelles, leur seule présence justifiant l'attribution d'un taux d'incapacité permanente.
Au cas présent, il convient de constater que si la décision de prise en charge de la caisse de la pathologie présentée par le salarié concerné a été contestée aux fins d'inopposabilité par l'employeur, il reste que cette contestation a été rejetée par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle du 1er juin 2018, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Metz du 16 janvier 2020, en sorte qu'il ne saurait dans ces conditions être remis en cause la présence de plaques pleurales en considération des énonciations du tableau n°30B des maladies professionnelles.
Cependant, la seule constatation de plaques pleurales ne saurait être de nature à justifier en elle-même d'une fixation d'un taux d'incapacité comme sollicitée par la caisse dès lors que les indications du barème présentent un simple caractère indicatif et que la détermination du taux procède de l'ensemble des critères énoncés à l'article L. 434-2 du code de sécurité sociale.
A cet égard, il résulte de l'analyse du rapport d'évaluation des séquelles par le médecin mandaté par l'employeur qui ne se trouvent pas contredites par la caisse que l'examen clinique est normal, sans complication cardio respiratoire et qu'aucun incidence fonctionnelle, en rapport avec la maladie professionnelle en cause ne peut être mise en évidence, les conclusions de l'expert étant concordantes.
Il s'ensuit qu'en l'absence de répercussion fonctionnelle objectivée à la date de consolidation, laquelle ne préjudice d'une éventuelle évolution ultérieure, il convient de fixer à 0 % le taux opposable à l'employeur d'incapacité permanente à la date de consolidation.
La caisse qui succombe sera condamnée aux dépens selon les conditions précisées au dispositif du présent arrêt par application combinée des articles 11 et 17 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et 696 du code de procédure civile, sans qu'il ne soit nécessaire de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nancy du 28 avril 2022 ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle aux dépens.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Clara TRICHOT BURTE, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en cinq pages