ARRÊT N° /2023
SS
DU 03 JANVIER 2023
N° RG 22/01218 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E7NG
Pole social du TJ d'EPINAL
21/00006
04 mai 2022
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
SECTION 1
APPELANT :
Monsieur [T] [J]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Emmanuelle LARRIERE, avocat au barreau d'EPINAL
INTIMÉE :
MDPH 88 prise en la personne de son représentant légal audit siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Mme [C] [R], regulièrement munie d'un pouvoir de représentation
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : Mme BUCHSER-MARTIN
Siégeant en conseiller rapporteur
Greffier : Madame TRICHOT-BURTE (lors des débats)
En présence de Madame [X], greffier en pré-affectation
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 23 Novembre 2022 tenue par Mme BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 03 Janvier 2023 ;
Le 03 Janvier 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE :
Monsieur [T] [J] est né le 24 octobre 1963.
Par demande du 30 janvier 2020 adressée à la maison départementale des personnes handicapées de des Vosges, il a sollicité l'attribution d'une allocation aux adultes handicapés (AAH).
Par décision du 9 juillet 2020, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a rejeté sa demande au motif que son taux d'incapacité évalué au regard du guide barème pour l'évaluation des déficiences et des incapacités des personnes handicapées est inférieur à 50%.
Monsieur [T] [J] a saisi la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées d'un recours amiable, qui a été rejeté par décision du 5 novembre 2020.
Le 22 janvier 2021, monsieur [T] [J] a saisi le tribunal d'Epinal d'un recours à l'encontre de cette décision.
Par jugement du 3 novembre 2021, ledit tribunal a notamment déclaré le recours recevable, sursis à statuer, ordonné une expertise médicale et commis le docteur [E] pour y procéder.
Le rapport de consultation a été reçu au greffe le 4 janvier 2022 et le médecin expert a conclu à la fixation d'un taux d'incapacité inférieur à 50% et inférieur à 79% sans restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi.
Par jugement RG 21/6 du 4 mai 2022, le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal a :
- dit que monsieur [T] [J] ne remplit pas les conditions d'attribution de la prestation sollicitée,
- déboute monsieur [T] [J] de sa demande,
- confirmé les décisions des 9 juillet et 5 novembre 2020 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ;
- condamné monsieur [T] [J] aux dépens, à l'exception des frais de consultation médicale d'expertise qui resteront à la charge de l'organisme social.
Par acte du 24 mai 2022, monsieur [T] [J] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 23 novembre 2022.
PRETENTIONS DES PARTIES :
Monsieur [T] [J], représenté par son avocat a repris ses conclusions reçues au greffe le 19 septembre 2022 et a sollicité ce qui suit :
- déclarer recevable et bienfondé son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal le 4 mai 2022
Y faisant droit,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
dit que monsieur [J] ne remplit pas les conditions d'attribution de la prestation sollicitée ;
débouté monsieur [J] de sa demande ;
confirmé les décisions des 9 juillet et 5 novembre 2020 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ;
condamné monsieur [J] aux dépens, à l'exception des frais de consultation médicale d'expertise qui resteront à la charge de l'organisme social
Et statuant à nouveau,
- juger qu'il présente un taux d'incapacité au moins égal à 50%, ainsi qu'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi
En conséquence,
- infirmer les décisions des 9 juillet et 5 novembre 2020 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées
- juger qu'il peut prétendre au bénéfice de l'allocation adulte handicapé depuis le 21 juillet 2020
- condamner la MDPH 88 à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la MDPH 88 aux entiers dépens de l'instance.
La maison départementale des personnes handicapées des Vosges, dument représentée, a repris ses conclusions reçues au greffe le 15 novembre 2022 et a sollicité la confirmation du jugement.
L'affaire a été mise en délibéré au 3 janvier 2023 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Sur l'attribution d'une allocation à adulte handicapé :
Aux termes des articles L821-1 et D821-1 du code de la sécurité sociale, toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les collectivités mentionnées à l'article L751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et dont l'incapacité permanente est au moins égale à 80% perçoit, dans les conditions prévues au titre 2 du livre 8 dudit code, une allocation aux adultes handicapés.
Aux termes de l'article L146-8 du code de l'action sociale et des familles, une équipe pluridisciplinaire évalue les besoins de compensation de la personne handicapée et son incapacité permanente sur la base de son projet de vie et de références définies par voie réglementaire et propose un plan personnalisé de compensation du handicap.
Aux termes de l'article R146-28 du même code, l'équipe pluridisciplinaire détermine, le cas échéant, un taux d'incapacité permanente en application du guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2-4 au décret n° 2004-1136 du 21 octobre 2004 relatif au code de l'action sociale et des familles (partie réglementaire). Elle se fonde en outre sur les référentiels prévus par des réglementations spécifiques pour l'accès à certains droits ou prestations.
Aux termes du guide-barème susvisé :
- un taux de 50 % correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne. L'entrave peut soit être concrètement repérée dans la vie de la personne, soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d'efforts importants ou de la mobilisation d'une compensation spécifique. Toutefois, l'autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne.
- un taux d'au moins 80 % correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle. Cette autonomie individuelle est définie comme l'ensemble des actions que doit mettre en 'uvre une personne, vis-à-vis d'elle-même, dans la vie quotidienne. Dès lors qu'elle doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillée dans leur accomplissement, ou ne les assure qu'avec les plus grandes difficultés, le taux de 80 % est atteint. C'est également le cas lorsqu'il y a déficience sévère avec abolition d'une fonction.
Le guide-barème rappelle que le taux d'incapacité d'une personne est déterminé à partir de l'analyse de ses déficiences et de leurs conséquences dans sa vie quotidienne et non sur la seule nature médicale de l'affection qui en est l'origine, et s'appuie sur une analyse des interactions entre la déficience (c'est-à-dire toute perte de substance ou altération d'une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique, la déficience correspondant à l'aspect lésionnel et équivalant, dans la définition du handicap, à la notion d'altération de fonction) l'incapacité (c'est-à-dire toute réduction résultant d'une déficience, partielle ou totale, de la capacité d'accomplir une activité d'une façon ou dans les limites considérées comme normales pour un être humain, l'incapacité correspondant à l'aspect fonctionnel dans toutes ses composantes physiques ou psychiques et équivalant, dans la définition du handicap, à la notion de limitation d'activité) , et le désavantage (c'est-à-dire les limitations voire l'impossibilité de l'accomplissement d'un rôle social normal en rapport avec l'âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels, le désavantage et donc la situation concrète de handicap résultant de l'interaction entre la personne porteuse de déficiences et/ ou d'incapacités et son environnement).
Aux termes des articles L821-2 et D821-1 du code de la sécurité sociale, l'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes : son incapacité permanente est supérieure ou égale à 50 % et la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par l'article D821-1-2.
Aux termes de l'article D821-1-2 du même code, pour l'application des dispositions du 2° de l'article L821-2, la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu'il suit :
1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :
a) Les déficiences à l'origine du handicap ;
b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;
c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;
d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.
Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.
2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard :
a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;
b) Soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;
c) Soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.
3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.
4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.
5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :
a) L'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L. 243-4 du code de l'action sociale et des familles ;
b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;
c) Le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 241-5 du code de l'action sociale et des familles.
-oo00oo-
En l'espèce, monsieur [T] [J] fait valoir qu'il est atteint de spondylarthrite ankylosante depuis l'âge de 20 ans, qui se manifeste par des douleurs inflammatoires permanentes au niveau des épaules, genoux et mains. Il ajoute qu'il s'est luxé deux clavicules et présente des limitations d'amplitude des deux épaules., qu'il a été opéré d'une hernie inguinale en 2011, qu'il a été victime d'un accident du travail la même année et a souffert de de côtes fêlées et qu'il a présenté une méniscopathie du genou gauche en 2012. Il indique que ces pathologies objectivent une déficience importante compte tenu de leurs répercussions sur sa vie sociale, professionnelle et domestique justifiant un taux d'incapacité d'au moins 50%.
Il fait également valoir qu'il a toujours travaillé dans le bâtiment et est titulaire d'un CAP de fraiseur, mais qu'il présente les restrictions au travail suivantes : pas de gestes répétés au-dessus du plan des épaules, pas de port de charges et pas de marches et de station debout prolongées. Il ajoute qu'il a des difficultés à réaliser des gestes nécessitant une motricité fine. Il précise qu'il est reconnu travailleur handicapé depuis 1987 et qu'en 1984, la COTOREP lui avait attribué un taux d'invalidité de 60%. Il indique que l'expert n'a pas pris en compte toutes ses pathologies.
La maison départementale des personnes handicapées des Vosges fait valoir que les déficiences relevées dans les conclusions de l'expert peuvent être qualifiées de modérées ce qui correspond à un taux inférieur à 50%. Elle ajoute que le taux d'incapacité dépend du retentissement fonctionnel des pathologies et d'une liste de pathologies.
-oo00oo-
Un taux d'incapacité inférieur à 50% a été attribué à monsieur [T] [J] par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.
Aux termes de son rapport d'expertise, le docteur [E], expert saisi par les premiers juges, a confirmé ce taux d'incapacité aux motifs suivants : il existe une raideur moyenne des deux épaules, la symptomatologie algique et fonctionnelle ne permet plus au patient d'avoir une activité professionnelle justifiant des gestes répétés au-dessus du plan des épaules, nécessitant le port de charges ou des marches ou station debout prolongées, mais il reste autonome pour les actes essentiels de la vie et ses difficultés sont compatibles avec une activité à temps complet à un poste adapté au handicap actuel.
Les conclusions de l'expert sont compatibles avec le certificat médical joint à la demande d'AAH mentionne, au titre de la pathologie motivant la demande, une spondylarthrite ankylosante, engendrant des douleurs inflammatoires des épaules, genoux et mains, l'incapacité étant fluctuante et le seul retentissement fonctionnel de la pathologie étant des difficultés à la motricité fine.
Par ailleurs, si monsieur [J] n'exerce plus d'activité professionnelle depuis 2011, il ne verse aux débats aucun élément permettant de justifier cette absence d'activité professionnelle par quelconque handicap.
S'il prétend que ses pathologies ont des répercussions sur sa vie sociale et domestique, il ne caractérise aucunement lesdites répercussions qui ne sont pas mentionnées dans le certificat de son médecin traitant.
Enfin, il importe peu qu'un taux d'invalidité de 60% lui ait été attribué par la COTOREP en 1984, le taux devant être évalué au jour de la demande, en l'espèce le 30 janvier 2020.
Au vu de ce qui précède, monsieur [T] [J] n'apporte au débats aucun élément permettant de remettre en cause le taux retenu par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées et par l'expert, il sera débouté de sa demande et le jugement sera confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Monsieur [T] [J] succombant, il sera condamné aux dépens de la procédure d'appel et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné monsieur [T] [J] aux dépens de première instance à l'exception des frais d'expertise.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement RG 21/6 du 4 mai 2022 du pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE monsieur [T] [J] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE monsieur [T] [J] aux entiers dépens d'appel.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par monsieur Guerric HENON, président de chambre et par madame Clara TRICHOT-BURTÉ, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Minute en sept pages