MINUTE : 49/2022
DU 15 DECEMBRE 2022
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REFERE N° RG 22/00050 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCTG
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RG n° 22/02560
5ème chambre civile
S.A.S. NANCYPORT
c/
CHAMBRE DE COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE DU GRAND NANCY
SYNDICAT MIXTE POUR LA GESTION DES PORTS LORRAINS
COUR D'APPEL DE NANCY
ORDONNANCE DE REFERE
Le 01 Décembre 2022 à neuf heures trente, devant Nous, Pascal BRIDEY, Président de Chambre, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de NANCY en date du 7 juillet 2022, tenant l'audience de référés, assisté de Céline PAPEGAY, Greffier,
ONT COMPARU :
S.A.S NANCYPORT, représentée par son Directeur Général, domicilié en cette qualité au siége social
[Adresse 7]
[Localité 5]
Non comparante, représentée par Maître Julie VUAGNOUX, Avocat au barreau de PARIS, membre du cabinet GOWLING WLG AARPI, avocat plaidant, et ayant pour avocat postulant Maître Barbara VASSEUR, membre de la SCP VASSEUR et PETIT, Avocat au barreau de NANCY
DEMANDERESSE EN REFERE
ET :
CHAMBRE DE COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE DU GRAND NANCY METROPOLE DE MEURTHE-ET-MOSELLE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Non comparante, représentée par Maître Loïc DEMAREST, membre de la SCP JOUBERT DEMAREST & MERLINGE, Avocat au barreau de NANCY
DEFENDERESSE EN REFERE
SYNDICAT MIXTE POUR LA GESTION DES PORTS LORRAINS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Non comparant, représenté par Maître Victoria GIESBERT, Avocat au barreau de PARIS, substituant Maître Laurent DE LA BROSSE, membre du cabinet OYAT AVOCATS, Avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, et ayant pour avocat postulant Maître Joëlle FONTAINE, membre de l'AARPI MILLOT-LOGIER FONTAINE & THIRY, Avocat au barreau de NANCY
INTERVENANT VOLONTAIRE
SUR QUOI :
Avons, après avoir entendu à l'audience du 01 Décembre 2022, les parties en leurs explications et conclusions et avisé les parties que la décision serait prononcée par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022 et ce, en application de l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, mis l'affaire en délibéré ;
Et ce jour, 15 Décembre 2022, assisté de Clara TRICHOT-BURTE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire, avons rendu l'ordonnance suivante :
EXPOSÉ DU LITIGE
Par ordonnance de référé du 24 octobre 2022, assortie de l'exécution provisoire de droit, le président du tribunal de commerce de Nancy s'est déclaré compétent pour connaître du litige opposant la chambre de Commerce et d'industrie (CCI) Grand Nancy Métropole Meurthe-et-Moselle à la société d'exploitation du port de [6] NANCYPORT, autorisé la CCI à pénétrer sur le port de [6] aux fins de faire dresser par Me [O] [M], commissaire de justice, un constat contradictoire de l'état du portique à colis lourds, objet de leur litige, d'y apposer des scellés pour en interdire son utilisation jusqu'à son enlèvement, faire enlever ce portique par tous techniciens habilités sur ce type de matériel, condamné la société NANCYPORT à payer à titre de provision à la CCI la somme de 45 000 € au titre de la redevance d'utilisation du portique litigieux à compter du 1er juillet 2021.
Par déclaration du 7 novembre 2022, la société NANCYPORT a interjeté appel de cette ordonnance.
Par assignation du 15 novembre 2022, la société NANCY PORT a fait citer la CCI devant le premier président de la cour d'appel de Nancy pour voir arrêter l'exécution provisoire de cette décision en ce qu'elle a autorisé l'enlèvement du portique à colis lourds du port de [6].
Elle a sollicité en outre la condamnation de la CCI aux dépens et au paiement d'une indemnité de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En l'état de ses dernières écritures développées oralement à l'audience, la société NANCYPORT indique qu'elle fonde ses prétentions sur l'article 514'3 du code de procédure civile et soutient que sa demande est recevable car la condition de postérité énoncée au deuxième alinéa de cette disposition ne s'applique pas aux ordonnances de référé, décisions assorties de plein droit de l'exécution provisoire.
La société NANCYPORT prétend disposer d'un moyen sérieux d'annulation de l'ordonnance querellée, estimant que le président du tribunal de commerce n'était pas compétent pour statuer sur le litige qui ressort, selon elle, de la compétence du tribunal administratif de Nancy puisque portant sur l'exécution d'un contrat de sous- délégation dans le cadre d'une mission de service public sur le domaine public portuaire.
Elle fait valoir par ailleurs que l'utilisation du portique litigieux qui lui est reprochée ne constitue pas un trouble manifestement illicite car elle résulte de la sous-délégation mise à sa disposition à compter du 1er juillet 2021 et elle considère que, s'agissant d'un bien de retour, ce portique appartient au syndicat mixte pour la gestion des ports lorrains (SMO).
Elle estime que l'exécution immédiate de l'ordonnance querellée entraîneraît des conséquences manifestement excessives sur le plan financier pour elle-même et pour le service rendu aux usagers du port fluvial de [6].
Par conclusions du 29 novembre 2022 développées oralement à l'audience, le syndicat mixte pour la gestion des ports lorrains demande au premier président de déclarer recevable et fondée son intervention principale volontaire, de déclarer qu'il a intérêt à obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance du président du tribunal de commerce du 24 octobre 2022, de faire droit aux demandes présentées par la SAS NANCY PORT et de condamner la CCI au paiement d'une indemnité de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 30 novembre 2022, développées oralement à l'audience, la CCI demande au premier président de déclarer la SAS NANCYPORT irrecevable en sa demande, de déclarer le syndicat mixte pour la gestion des ports lorrains irrecevable en son intervention volontaire accessoire et de les condamner in solidum à lui payer la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes des dispositions de l'article 514'3 du code de procédure civile, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
La SAS NANCYPORT prétend que le second alinéa de l'article 514'3 du code de procédure civile ne s'applique pas dans le cadre d'une ordonnance rendue en référé, comme c'est le cas en l'espèce, dès lors que le juge des référés ne peut pas décider de ne pas assortir sa décision de l'exécution provisoire puisqu'elle est de droit.
Mais il est à constater que, contrairement à ce que soutient la demanderesse, l'article 514'3 alinéa 2 susvisé n'exclut pas de son champ d'application les décisions exécutoires de droit notamment les ordonnances de référé.
Ces dispositions ne distinguent pas suivant que le juge de première instance peut ou ne peut pas écarter l'exécution provisoire.
Même dans l'hypothèse d'une décision exécutoire de droit, la partie qui demande l'arrêt de l'exécution devant le Premier président doit être à même de justifier qu'elle a présenté des observations sur l'exécution provisoire en première instance pour que sa demande puisse être jugée recevable.
Pour apprécier la survenance de conséquences manifestement excessives postérieurement à la décision de première instance, il est nécessaire pour la juridiction qui statue, de connaître celles qui existaient au moment du prononcé de la décision frappée d'appel.
Dans un souci de renforcer la portée de l'exécution provisoire de toutes les décisions de justice, le législateur a imposé à la partie qui envisage d'utiliser le recours exceptionnel que constitue la saisine du premier président de la cour d'appel, d'intégrer dans sa stratégie procédurale la notion de risque de conséquences manifestement excessives dès le procès de première instance.
Il n'est pas démontré ni même soutenu par la société NANCYPORT qu'elle a fait la moindre observation sur l'exécution provisoire devant le juge des référés du tribunal de commerce.
La demande d'enlèvement du portique était présentée en première instance par la chambre de Commerce et d'industrie et les conséquences de cet enlèvement étaient connues de la société NANCYPORT et ne sont pas apparues postérieurement au prononcé de l'ordonnance frappée d'appel.
Ainsi, faute pour la SAS NANCYPORT d'apporter la démonstration que l'exécution provisoire assortissant l'ordonnance querellée comporte un risque d'entraîner pour elle des conséquences manifestement excessives et que ces conséquences se sont révélées postérieurement à la décision de première instance, sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire doit être déclarée irrecevable.
Il en est de même pour l'intervention volontaire du syndicat mixte pour la gestion des ports lorrains lequel prétend à tort que cette intervention serait principale et non accessoire.
En vertu de l'article 329 du code de procédure civile, l'intervention est principale si elle élève une prétention de celui qui la forme. En revanche, elle est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie.
En réalité, le SMO ne fait que reprendre, dans les mêmes termes, les demandes et moyens de la société NANCYPORT.
Il ne peut élever dans l'instance d'appel, de prétention à son profit dès lors que cette prétention serait considérée comme nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile et donc irrecevable à hauteur d'appel.
Si le SMO n'est pas formellement soumis à l'obligation prévue par l'article 514-3 alinéa 2 du code de procédure civile dès lors qu'il n'a pas comparu en première instance, force est de constater que les prétentions énoncées dans le dispositif de ses écritures sont identiques à celles formulées par la société NANCYPORT.
L'intervention accessoire du syndicat mixte pour la gestion des ports lorrains ne peut qu'être déclarée irrecevable alors que la demande principale au soutien de laquelle elle est formée n'est pas elle-même recevable.
Il convient enfin de condamner la SAS NANCYPORT aux frais et dépens de la procédure et à verser à la chambre de Commerce et d'industrie Grand Nancy métropole Meurthe-et-Moselle, en remboursement de ses frais de procédure, une indemnité qu'il est équitable de fixer à la somme de 3000 €.
PAR CES MOTIFS
Nous Pascal BRIDEY, Président de chambre délégué par Monsieur le premier président, statuant par ordonnance contradictoire prononcée publiquement par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Déclarons irrecevable la demande de la SAS NANCYPORT tendant à voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nancy en date du 24 octobre 2022 ;
Déclarons irrecevable l'intervention volontaire accessoire du syndicat mixte pour la gestion des ports lorrains ;
Rejetons toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
Condamnons la SAS NANCYPORT à payer à la chambre de Commerce et d'industrie Grand Nancy Métropole Meurthe-et-Moselle une somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la SAS NANCYPORT aux entiers dépens.
Et Nous, avons signé, ainsi que le greffier, la présente ordonnance.
Le Greffier, Le Président,
Clara TRICHOT-BURTE Pascal BRIDEY
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