RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /22 DU 08 DECEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/02687 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E32B
Décision déférée à la cour :
Jugement du tribunal judiciaire de Val de Briey, R.G. n° 19/00969, en date du 04 octobre 2021,
APPELANT :
Monsieur [T] [J] [E]
né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 5] (Portugal), de nationalité française, domicilié [Adresse 3] (LUXEMBOURG)
Représenté par Me Damien L'HOTE, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉES :
Madame [K] [B] [X],
domiciliée [Adresse 1]
Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY
la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORR AINE, Société coopérative à capital et personnel variables, dont le siège social est [Adresse 4], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de METZ sous le numéro D 775 616 162, agissant poursuites et diligeces de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me François CAHEN, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Francis MARTIN président de chambre, chargé du rapport,
Madame Nathalie ABEL, conseillère,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;
A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 08 Décembre 2022, par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET , greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le Ã
Copie délivrée le Ã
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant l'offre préalable acceptée le 2 mai 2007, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine (ci-après 'le Crédit Agricole') a accordé à M. [T] [J] [E] et à Mme [K] [B] [X] un prêt immobilier d'un montant de 214 000 euros en capital remboursable en 240 mensualités de 1308 euros incluant des intérêts au taux contractuel nominal de 4,10% l'an, ce prêt étant destiné à l'acquisition d'un immeuble d'habitation situé à [Adresse 1].
Les emprunteurs ont cessé de rembourser le prêt à compter de novembre 2017 et le Crédit Agricole leur a notifié la déchéance du terme par courriers du 15 mai 2019 (réitérés par courriers du 30 septembre 2019).
Par actes d'huissier de justice en date des 16 et 24 octobre 2021, le Crédit Agricole a fait assigner M. [T] [J] [E] et Mme [K] [B] [X] devant le tribunal judiciaire de Val de Briey, afin de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 166 983,39 euros en principal, avec intérêts au taux de 4,10% sur la somme de 157 249,52 euros à compter du 30 septembre 2019, outre une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [T] [J] [E] a conclu au rejet des demandes du Crédit Agricole, tandis que Mme [K] [B] [X], bien que régulièrement représentée, n'a pas conclu devant le tribunal.
Par jugement rendu le 4 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Val de Briey a :
- condamné solidairement M. [T] [J] [E] et Mme [K] [B] [X] à payer au Crédit Agricole la somme de 166 983,39 euros en principal, avec intérêts au taux de 4,10% sur la somme de 139 055,32 euros à compter du 30 septembre 2019 et au taux légal pour le surplus,
- débouté M. [T] [J] [E] de ses demandes,
- débouté le Crédit Agricole de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M. [T] [J] [E] et Mme [K] [B] [X] aux dépens.
Par déclaration faite le 10 novembre 2021, M. [T] [J] [E] a interjeté appel de ce jugement (sauf en ce qui concerne la disposition du jugement déboutant le Crédit Agricole de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile).
Par conclusions déposées le 29 septembre 2022, M. [T] [J] [E] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :
- à titre principal, déclarer prescrite l'action du Crédit Agricole,
- subsidiairement, dire que 'le comportement du Crédit Agricole a été fautif à hauteur du montant du crédit souscrit et que le montant des dommages et intérêts se compense avec les sommes dues', en conséquence débouter le Crédit Agricole de toutes ses réclamations à son encontre,
- plus subsidiairement, condamner Mme [K] [B] [X] à le garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre,
- condamner le Crédit Agricole aux dépens et à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de son appel, M. [T] [J] [E] expose notamment :
- que suite à la rupture de ses relations avec Mme [K] [B] [X], cette dernière a acquis seule l'immeuble financé par le prêt, qu'il n'a pas été informé du déblocage des fonds par la banque et qu'aucune notification du contrat de prêt ne lui a été remise,
- que l'action de la banque est prescrite par application des dispositions de l'article L218-2 du code de la consommation,
- que la banque a commis une faute et a engagé sa responsabilité en constatant que l'immeuble financé par le prêt n'était acquis que par Mme [K] [B] [X], alors qu'il avait toujours la qualité d'emprunteur,
- que le Crédit Agricole n'a pas procédé à son égard à la mise en garde à laquelle est tenu le prêteur envers l'emprunteur,
- que le Crédit Agricole a agi avec légèreté en ne prenant aucune garantie sur l'immeuble et en le laissant vendre sans obtenir le remboursement de sa créance.
Par conclusions déposées le 16 septembre 2022, le Crédit Agricole demande à la cour de déclarer M. [T] [J] [E] recevable mais mal fondé en son appel, de déclarer Mme [K] [B] [X] irrecevable en ses prétentions, de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner in solidum M. [T] [J] [E] et Mme [K] [B] [X] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le Crédit Agricole fait valoir :
- que les demandes formées par Mme [K] [B] [X] pour la première fois à hauteur d'appel (puisqu'elle n'a pas conclu devant le tribunal) sont irrecevables en application de l'article 564 du code de procédure civile,
- que l'arrêt rendu le 5 mai 2015 par la cour d'appel de Metz et ayant confirmé le jugement qui a débouté M. [T] [J] [E] de sa demande d'annulation du prêt litigieux a autorité de la chose jugée,
- que M. [T] [J] [E] ne conteste pas avoir signé et accepté le contrat de prêt dont le remboursement est poursuivi,
- que M. [T] [J] [E] a bénéficié de la mise en garde prévue par les articles L312-1 et suivants du code de la consommation,
- que l'absence de garanties prises sur l'immeuble que lui reproche M. [T] [J] [E] constitue une critique non fondée : il existe une caution CAMCA et une hypothèque judiciaire provisoire a été prise.
Par conclusions déposées le 6 mai 2022, Mme [K] [B] [X] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de débouter le Crédit Agricole de l'ensemble de ses prétentions à son encontre et de le condamner à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir à titre principal, comme M. [T] [J] [E], que l'action en paiement du Crédit Agricole est prescrite. A titre subsidiaire, elle relève, d'une part, que la banque bénéficie d'une caution servie par la CAMCA, d'autre part qu'eu égard aux graves difficultés de santé qu'elle rencontre et qui l'ont placée en situation d'invalidité, l'assurance prêt doit se substituer à elle dans le remboursement des mensualités du prêt.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des prétentions de Mme [K] [B] [X]
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers.
En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [K] [B] [X], bien que représentée en première instance, n'a pas déposé de conclusions devant le tribunal et n'a donc formulé aucune prétention.
En appel, elle conclut à titre principal à l'irrecevabilité des demandes du Crédit Agricole pour cause de prescription. Cette fin de non-recevoir n'a pour objet que de faire écarter les prétentions adverses (en l'occurrence l'action en paiement du Crédit Agricole) et peut donc être opposée en tout état de la procédure.
Par conséquent, il n'y a pas lieu de déclarer irrecevable la fin de non-recevoir tirée par Mme [K] [B] [X] de la prescription de l'action du Crédit Agricole.
Sur la prescription de l'action du Crédit Agricole
L'article L218-2 du code de la consommation dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
En l'espèce, il ressort des décomptes de créance produits par le Crédit Agricole que M. [T] [J] [E] et Mme [K] [B] [X] ont cessé de rembourser leur prêt à compter du 15 novembre 2017.
En outre, le Crédit Agricole a prononcé la déchéance du terme du prêt par lettres recommandées avec AR du 15 mai 2019 (lettres réitérées le 30 septembre 2019).
Or, ce n'est que les 16 et 24 octobre 2021 que le Crédit Agricole a fait assigner M. [T] [J] [E] et Mme [K] [B] [X] en paiement, sans qu'il ressorte des décomptes produits que des règlements soient intervenus entre-temps.
Par conséquent, il apparaît que le Crédit Agricole a agi plus de deux ans après que les emprunteurs ont cessé de régler les mensualités de leur prêt, de sorte que l'action en paiement introduite tardivement en octobre 2021 doit être déclarée irrecevable comme étant prescrite.
Le jugement déféré sera donc infirmé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le Crédit Agricole, qui est la partie perdante, supportera les dépens de première instance et d'appel et il sera débouté de sa demande de remboursement de ses frais de justice irrépétibles. En revanche, pour des motifs tirés de l'équité, il n'y a pas lieu de condamner le Crédit Agricole sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
DECLARE recevable le fin de non-recevoir opposée par Mme [K] [B] [X] à l'action en paiement du Crédit Agricole,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté le Crédit Agricole de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau,
DECLARE irrecevable comme étant prescrite l'action en paiement du Crédit Agricole formée contre M. [T] [J] [E] et Mme [K] [B] [X],
DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE le Crédit Agricole aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en six pages.