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08/12/2022 | FRANCE | N°21/01968

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 08 décembre 2022, 21/01968


ARRÊT N° /2022

PH



DU 08 DECEMBRE 2022



N° RG 21/01968 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2IG







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

20/00488

06 juillet 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [Y] [R]

[Adresse 2]r>
[Adresse 2]

Représenté par Me Frédérique MOREL, avocat au barreau de NANCY, substitué par Me Pierre-André BABEL, avocat au barreau d'EPINAL









INTIMÉE :



S.A.S. SAINT CHRISTOPHE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal audit siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Marie-...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 08 DECEMBRE 2022

N° RG 21/01968 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2IG

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

20/00488

06 juillet 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [Y] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Frédérique MOREL, avocat au barreau de NANCY, substitué par Me Pierre-André BABEL, avocat au barreau d'EPINAL

INTIMÉE :

S.A.S. SAINT CHRISTOPHE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal audit siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Marie-Christine DRIENCOURT, avocat au barreau de NANCY, substitué par Me Thierry PELLETIER, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Président : HAQUET Jean-Baptiste,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : TRICHOT-BURTE Clara

DÉBATS :

En audience publique du 29 Septembre 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 01 Décembre 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 08 Décembre 2022 ;

Le 08 Décembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [Y] [R] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société DPI DALIER PASCAL INVESTISSEMENT à compter du 03 juillet 2006, en qualité de comptable.

A compter du 11 avril 2017, le contrat de travail s'est poursuivi avec la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE.

Le 28 mars 2018, Monsieur [Y] [R] a été élu représentant du personnel.

A compter du 20 octobre 2020, Monsieur [Y] [R] est placé en arrêt de travail pour maladie, prolongé de façon continue.

Par courrier du 13 novembre 2020, Monsieur [Y] [R] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par requête du 14 décembre 2020, Monsieur [Y] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- juger nulle sa convention de forfait,

- de qualifier la prise d'acte de rupture de son contrat de travail en un licenciement,

- de dire et juger ce licenciement nul,

- de condamner la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE à lui payer :

- 42 918,55 euros à titre d'heures supplémentaires,

- 4 291,85 euros à titre de d'indemnité de congés payés sur heures supplémentaires,

- 9 600,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 960,00 euros à titre de d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 14 043,73 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 50 000,00 euros à titre d'indemnité de licenciement nul,

- 72 000,00 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur,

- 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE aux éventuels dépens,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 06 juillet 2021, lequel a:

- dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Monsieur [Y] [R] produit les effets d'une démission,

- condamné Monsieur [Y] [R] à verser à la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE les sommes suivantes :

- 9 600,00 euros (NEUF MILLE SIX CENTS EUROS) au titre du préavis non effectué,

- 960,00 euros (NEUF CENT SOIXANTE EUROS) au titre, des congés payés y afférents,

- dit que la convention de forfait jours signée entre les parties est privée d'effet,

- condamné la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE à verser à Monsieur [Y] [R] les sommes suivantes :

- 33 701,78 euros (TRENTE-TROIS MILLE SEPT CENTUN EURO SOIXANTE-DIXHUIT CENTIMES) au titres des heures supplémentaires réalisées pour la période du 16/12/2017 au 13/11/2020,

-3 370,18 euros (TROIS MILLE TROIS CENT SOIXANTE-DIX EUROS DIX-HUIT CENTIMES) au titre des congés payés y afférents,

- débouté Monsieur [Y] [R] pour le surplus de ses demandes,

- débouté la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE pour le surplus demandes,

- condamné les parties au partage des dépens par moitié,

- rappelé que le présent jugement est exécutoire de droit par provision dans la limite de l'article R.1454-28 du code du travail, étant précisé que la moyenne des salaires calculée sur les trois derniers mois est de 3 200,00 euros.

Vu l'appel formé par Monsieur [Y] [R] le 03 août 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [Y] [R] déposées sur le RPVA le 22 avril 2022, et celles de la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE déposées sur le RPVA le 05 septembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 07 septembre 2022,

Monsieur [Y] [R] demande :

- de déclarer recevable et bien fondé son appel,

- de déclarer recevable mais mal fondé l'appel incident de la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il dit que la convention de forfait jours signée entre les parties est privée d'effet,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission,

- le condamne à verser à la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE les sommes suivantes :

- 9 600,00 euros (NEUF MILLE SIX CENTS EUROS) au titre du préavis non effectué,

- 960,00 euros (NEUF CENT SOIXANTE EUROS) au titre, des congés payés y afférents,

- condamne la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE à lui verser les sommes suivantes :

- 33 701,78 euros (TRENTE-TROIS MILLE SEPT CENTUN EURO SOIXANTE-DIX HUIT CENTIMES) au titres des heures supplémentaires réalisées pour la période du 16/12/2017 au 13/11/2020,

-3 370,18 euros (TROIS MILLE TROIS CENT SOIXANTE-DIX EUROS DIX-HUIT CENTIMES) au titre des congés payés y afférents,

- débouté Monsieur [Y] [R] pour le surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau :

- de dire que la prise d'acte de rupture du contrat de travail est justifiée et produit les effets d'un licenciement nul,

En conséquence :

- de condamner la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE à lui payer les sommes suivantes:

- 42 918,55 euros à titre d'heures supplémentaires,

- 4 291,85 euros à titre de d'indemnité de congés payés sur heures supplémentaires,

- 9 600,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 960,00 euros à titre de d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 12 755,32 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 50 000,00 euros à titre d'indemnité de licenciement nul,

- 72 000,00 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur,

- de condamner la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE à lui payer la somme de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (première instance et appel),

- de débouter la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE de l'intégralité de ses demandes,

- de condamner la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE aux dépens.

La société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE demande :

- de déclarer Monsieur [Y] [R] recevable mais mal fondé en son appel,

- de dire qu'il ne prouve pas, par des éléments probants, en quoi sa prise d'acte de rupture devrait être requalifiée en un licenciement nul imputable à l'employeur,

- de dire que Monsieur [Y] [R] n'a pas respecté le préavis contractuel à la suite de sa prise d'acte de rupture du contrat de travail,

- en conséquence, de condamner Monsieur [Y] [R] au paiement des sommes suivantes :

- 9 600,00 euros à titre de préavis,

- 960,00 euros à titre de congés payés sur préavis,

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 6 juillet 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de sa demande de requalification de démission en une rupture imputable à l'employeur,

- d'infirmer le jugement pour le surplus en ce qu'il l' a condamnée au paiement d'heures supplémentaires et de congés payés y afférents,

- de débouter Monsieur [Y] [R] de l'intégralité de ses demandes,

Subsidiairement :

- de condamner Monsieur [Y] [R] au remboursement du montant des forfaits jours, en l'occurrence 203 jours de RTT à hauteur de 6 210,00 euros outre les congés payés y afférents à hauteur de 621,00 euros,

- de prononcer la compensation entre la condamnation ci-dessus et toute éventuelle condamnation mise à la charge de la société ,

- de condamner Monsieur [Y] [R] au paiement de la somme de 4 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [Y] [R] aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 05 septembre 2022, et en ce qui concerne le salarié le 22 avril 2022.

Sur les heures supplémentaires

M. [Y] [R] explique que sa durée de travail est en principe fixée dans le cadre d'un forfait annuel de 218 jours par an, et qu'il n'a jamais bénéficié : d'un contrôle du nombre de jours travaillés, d'un entretien annuel sur l'organisation, la charge de travail et l'amplitude de ses journées.

Il fait également valoir que depuis de nombreuses années, sa charge de travail s'est accrue, et que parallèlement le service comptabilité auquel il appartient est passé de 6 personnes en 2012 à 2, dont lui-même, en 2020. Il précise qu'il était contraint de travailler pendant ses congés et qu'il travaillait souvent tard le soir et même les samedi et dimanche.

La société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE précise ne pas contester qu'il n'a pas été formalisé d'entretien annuel, mais qu'un point oral était fait avec le salarié en décembre de chaque année.

Elle estime que l'absence d'entretien annuel permet à M. [Y] [R] de réclamer des heures supplémentaires fondées sur le forfait-jours, c'est-à-dire à condition qu'il justifie avoir travaillé au-delà du forfait annuel de 220 jours, ce qu'il ne fait pas.

A titre subsidiaire, elle demande de déduire l'intégralité des jours de repos dont M. [Y] [R] a profité en vertu de la convention de forfait, soit 6210 euros, outre 621 euros de congés payés, et de prononcer une compensation.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L3121-60 du code du travail, l'employeur s'assure régulièrement que la charge du salarié, soumis à une convention de forfait en jours, est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.

En l'espèce, il résulte des conclusions respectives des parties que M. [Y] [R] travaillait dans le cadre d'une convention de forfait en jours de 220 jours par an.

La société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE ne démontre pas qu'elle contrôlait régulièrement la charge de travail et l'amplitude de travail de son salarié, évoquant simplement « un point oral » chaque année en décembre, non justifié, et dont le contenu n'est même pas précisé.

Dans ces conditions, la convention de forfait est sans effet à l'égard de M. [Y] [R].

Le jugement sera confirmé sur ce point.

La convention de forfait en jours étant sans effet à l'égard de M. [Y] [R], celui-ci est en droit de demander le paiement des heures travaillées au-delà de la durée légale de travail.

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction.

Il ressort de cette règle que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties mais que le salarié doit appuyer sa demande en paiement d'heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, M. [Y] [R] produit en pièce 11 un « décompte heures supplémentaires », qui indique jour par jour, du 03 avril 2017 au 12 octobre 2020 ses horaires de travail.

Cet élément est suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

La société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE ne produit aucun élément de contrôle des horaires de travail du salarié pour tenter de contredire ses éléments.

Elle ne critique pas davantage ses demandes financières.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de M. [Y] [R] au titre des heures supplémentaires, ainsi qu'au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé sur le quantum des condamnations à ce titre.

Sur la demande de remboursement des forfait-jours

La société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE demande à titre subsidiaire de déduire l'intégralité des jours de repos dont M. [Y] [R] a bénéficié en vertu de la convention de forfait, en l'occurrence les heures de RTT à hauteur de 203 heures, soit 6210 euros, outre 621 euros au titre des congés payés.

La société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE renvoie à sa pièce 9, qui est un tableau de calcul de ce qui est réclamé, le nombre de jours réclamé étant de 29, convertis en 203 heures, puis valorisées sur la base d'un taux horaire de 21,10 euros.

M. [Y] [R] critique la pièce en indiquant qu'à supposer qu'elle émane de l'expert-comptable, ce dernier ne fait qu'enregistrer ce qui lui est communiqué par l'employeur. Il ajoute que les repos compensateurs étaient dus dans tous les cas de figure, et que les heures supplémentaires réellement accomplies au-delà de la durée forfaitisée doivent être rémunérées en sus du forfait.

Motivation

Lorsque la convention de forfait en jours à laquelle était soumis le salarié lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu.

En l'espèce, M. [Y] [R] ne conteste ni le nombre de jours avancé par l'employeur dont il a bénéficié en exécution de la convention de forfait-jours, qui lui est déclarée inopposable, ni la valorisation qui en est faite.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de remboursement et de compensation avec le paiement des heures supplémentaires.

Sur la prise d'acte

M. [Y] [R] indique avoir pris acte de la rupture, pour les motifs présentés dans sa lettre du 13 novembre 2020, qu'il reprend dans ses conclusions : le paiement de ses heures supplémentaires à hauteur de 42 918,55 euros, outre 4291,85 euros au titre des congés payés ; une mutation qui lui a été imposée de [Localité 3] à [Localité 5] ; des pressions morales, dont il résulte une souffrance morale et physique : surcharge de travail, absence totale de reconnaissance, invectives et mails désobligeants de sa hiérarchie, évolution professionnelle compromise.

Il ajoute que le mépris et l'attitude hostile de sa hiérarchie s'est aggravée depuis son élection en qualité de représentant du personnel.

M. [Y] [R] précise que ces conditions de travail dégradées ont porté atteinte à sa santé.

Il demande une indemnité pour licenciement nul.

Il se déduit de ces griefs et prétention que M. [Y] [R] argue d'un harcèlement moral.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3, le salarié présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [Y] [R] fait valoir que le service comptabilité comprenait 6 personnes en 2012, et a été réduit à 2 personnes.

Il renvoie à des attestations en pièces 16 à 19, et 25, 27 et 28.

- pièce 16 ' attestation de M. [L] [S], qui précise avoir été le collègue de travail de M. [Y] [R] de mai 2011 à février 2020 : « (') Le service comptabilité, dont dépendait Monsieur [R], s'est vu réduire drastiquement en terme d'effectif, imposant une surcharge de travail aux collaborateurs qui en faisaient encore partie. (') Toute la charge en retombant sur les épaules de Monsieur [R] et ses équipes. (...) »

- pièce 17 ' attestation de Mme [G] [D] : « Depuis mon arrivée dans ce service comptable il y a toujours eu beaucoup de retard puisque des postes avaient été vacants suit à des longues maladies, ruptures ' et [Y] [R] est resté seul quelques mois alors que pour fonctionner le minimum était 4 personnes. [Y] faisait des journées continues avec une légère pause à midi pour pallier le retard dans le travail et de plus il était seul à « SAVOIR » puisque les nouveaux embauchés dont moi-même n'ont pas eu de formation ni de période en « doublons » pour se familiariser avec les méthodes de travail. [Y] a du tous nous « former » à l'organisation de l'entreprise, utilisation des différents logiciels. Le service était constamment en surcharge de travail. (') En mai 2020, à la reprise du confinement nous n'étions plus que 2 sans organisation de travail, livrés à nous-mêmes. (...) »

- pièce 18 ' attestation de M. [W] [Z] : « J'atteste que Monsieur [R] [Y] était très investi dans son travail. Il lui arrivait même de diminuer son temps de pause du midi, pour faire face au surcroît d'activité et surcharge de travail, de par la diminution de l'effectif de personnel du service, de mois en mois. (...) »

- pièce 19 ' attestation de M. [E] [B] : « (') Je suis arrivé dans la société à la suite de la diminution mois après mois du personnel en décembre 2018. La masse de travail à laquelle Mr [R] devait faire face était trop importante pour un service de comptabilité d'une seule personne. Malgré l'arrivée courant 2019 d'un chef comptable et d'une comptable, la surcharge de travail était toujours importante. Durant la période de décembre 2018 à mars 2020 (période de ma présence), Monsieur [R] ne prenait qu'une très courte pause repas durant sa journée. (...) ».

- pièce 25 ' mail de M. [T] [C], directeur pièces de rechanges, en date du 25 novembre 2015 : « [U], après échange avec [Y], nous avons besoin de nous organiser sur les comptes clients impayés. Nous avions comme tu le sais, avec [A], un suivi draconien de ces comptes et nous n'avions jamais de surprise sauf cas exceptionnel. [Y] et [P], et à juste titre, n'ont pas le temps de les sortir tous les mois, comme le faisait [A], et c'est ennuyeux. Ils souhaitent que l'on débatte de cela. (...) »

- pièce 27 ' mail de M. [U] [I], directeur général, donnant des pistes et consignes sur les nouvelles embauches de personnels au service comptabilité pour palier des départs.

- pièce 28 ' lettre de Mme [K] [O] du 30 janvier 2019, adressée au Directeur M. [I] ; dans cette lettre de 3 pages, Mme [O] décrit la lourdeur de ses tâches au service comptabilité, l'obligeant, malgré les procédures de rationalisation de son travail qu'elle a initié, à ne plus prendre de pause déjeuner ni pause toilettes ; elle explique également que cela l'a amenée à se voir prescrire des antidépresseurs et anxiolytiques, avant un arrêt maladie pour cause de brun-out.

M. [Y] [R] explique que sa hiérarchie a été méprisante à son égard.

Il renvoie à ses pièces 5, 21 et 22.

- pièces 5 : échanges de mail ' il ne ressort de la lecture de ces mails aucun propos ou ton méprisant, à l'exception d'une seule expression employée par M. [N] [V], Directeur financier, le 21 juin 2019 : « [H], comme échangé, ci-joint planning CP ETE COMPTA. Restera encore le cas [R] dont nous débattrons lundi avec [X] (voir mail sans réponse) » ; mais M. [Y] [R] n'est pas destinataire de ce mail.

- pièce 21 : échange de mails du 13 octobre 2020 entre M. [Y] [R] et le directeur financier M. [N] [V] ; si le ton de la réponse du directeur financier est par endroits un peu sec, la tonalité globale n'est pas méprisante ou agressive.

- pièce 22 : mail reçu de M. [N] [V] le 27 janvier 2020 ; si le ton est sec, il n'est ni méprisant ni agressif.

M. [Y] [R] produit en pièces 13 ses arrêts de travail du 20 octobre 2020 au 15 novembre 2020, et en pièce 31 un courrier du médecin du travail à l'employeur, en date du 30 octobre 2020, indiquant notamment : « Son état de santé actuel nécessite la poursuite de l'arrêt de travail. »

L'ensemble de ces éléments de fait laisse présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral managérial par la surcharge de travail.

La société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE explique que le service était composé de 3 salariés depuis le rachat de la société DPI, et expose en page 9 de ses conclusions la répartition des tâches entre les salariés, au nombre de quatre.

Elle ajoute qu'un certain nombre de tâches sont gérées depuis 2013 par la comptabilité de [Localité 4].

La société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE renvoie à sa pièce 6 qui est une attestation de l'employeur, indiquant les noms des trois salariés en 2012, puis octobre 2018, puis juin 2019.

Ces explications et cette pièce de la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE ne sont pas de nature à combattre la présomption de harcèlement managérial par surcharge de travail.

Ce motif justifie la prise d'acte du salarié, qui produira les effets d'un licenciement nul.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul

M. [Y] [R] réclame des dommages et intérêts à hauteur de 50 000 euros, compte tenu de son ancienneté et de l'attitude de l'employeur, sans plus de précision, et ce même si, indique-t-il, il a retrouvé un travail rapidement.

La société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE s'oppose à la demande, estimant que la prise d'acte doit s'analyser en une démission.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L1235-3-1 du code du travail, en cas de licenciement nul, et lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce, M. [Y] [R] n'explicite pas l'étendue de son préjudice, et indique avoir retrouvé du travail rapidement.

L'employeur fait valoir que M. [Y] [R] réclame 50 000 euros, en précisant que son indemnité minimale est de 19 200 euros.

Compte tenu de l'ancienneté de M. [Y] [R] et de ce qu'il a retrouvé du travail rapidement, il sera fait droit à sa demande, dans ces conditions, à hauteur de 19 200 euros, soit l'équivalent de six mois de salaires.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur

M. [Y] [R] réclame une indemnité calculée sur la base d'une durée de 22 mois et demi, précisant avoir été élu membre du CSE le 28 mars 2018, pour un mandat de 4 ans, outre 6 mois supplémentaire au titre de la protection, sur le fondement de l'article L2411-10 du code du travail.

La société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE s'oppose à la demande en faisant valoir que c'est lui qui a décidé d'aller rejoindre un autre employeur ce qui l'empêche de cumuler un salaire en qualité de membre du CSE jusqu'au 28 septembre 2022 au sein de la société et un salaire chez son nouvel employeur.

Motivation

En application des dispositions des articles L2411-7 et suivants du code du travail, sont protégés les membres du CSE, pendant leur mandat, outre 6 mois après la fin du mandat, selon l'article L2411-10 du même code.

En l'espèce, la prise d'acte de M. [Y] [R] s'analyse en un licenciement nul.

Cette rupture est intervenue sans respect de la procédure de licenciement applicable aux représentants du personnel.

En conséquence, et en application des textes précités, M. [Y] [R] a droit à une indemnité égale au salaire qu'il aurait dû percevoir pour la période de protection restant à courir, les arguments de l'employeur étant sans emport.

Le calcul de l'indemnité n'étant pas discuté à titre subsidiaire par la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE, il sera fait droit à la demande.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur les demandes au titre de l'indemnité de licenciement et l'indemnité de préavis

M. [Y] [R] réclame une indemnité de préavis qu'il indique être égale à 3 mois de salaire, et une indemnité de licenciement qu'il indique être calculée au regard de l'article 4,11 de la convention collective applicable.

La société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE s'oppose aux demandes, indiquant que la rupture s'analyse en une démission.

Motivation

En application des dispositions de l'article L1235-3-1 du code du travail, dans le cas d'un licenciement nul, le salarié a droit à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, ainsi qu'à une indemnité de préavis.

En l'espèce, les demandes n'étant pas discutées à titre subsidiaire par l' employeur, il y sera fait droit.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 06 juillet 2021, en ce qu'il a dit que la convention de forfait jours signée entre les parties est privée d'effet ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ;

Condamne la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE à payer à M. [Y] [R]:

- 42 918,55 euros à titre d'heures supplémentaires,

- 4 291,85 euros à titre de d'indemnité de congés payés sur heures supplémentaires,

- 9 600,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 960,00 euros à titre de d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 12 755,32 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 19 200 euros à titre d'indemnité de licenciement nul,

- 72 000,00 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur ;

Condamne M. [Y] [R] à payer à la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE 6210 euros au titre des RTT, outre 621 euros au titre des congés payés afférents ;

Dit que la compensation s'opère pour les sommes précitées ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Y ajoutant,

Condamne la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE à payer à M. [Y] [R] 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SAINT CHRISTOPHE LORRAINE aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en douze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01968
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;21.01968 ?
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