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01/12/2022 | FRANCE | N°21/02957

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 01 décembre 2022, 21/02957


ARRÊT N° /2022

PH



DU 01 DECEMBRE 2022



N° RG 21/02957 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E4NY







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F20/00467

19 novembre 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2









APPELANT :



Monsieur [U] [F]

[Adresse 5]

[Localit

é 3]

Représenté par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY





INTIMÉES :



S.C.P. [H] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la «SARL [7] » pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non comparant, ni représenté

...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 01 DECEMBRE 2022

N° RG 21/02957 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E4NY

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F20/00467

19 novembre 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [U] [F]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉES :

S.C.P. [H] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la «SARL [7] » pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non comparant, ni représenté

Association UNEDIC DELEGATION AGS - CGEA DE [Localité 2] prise en la personne de son représentant légal audit siège social

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Vincent LOQUET de la SELARL FILOR AVOCATS, substitué par Me Sophie DUMINIL, avocats au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Président : HAQUET Jean-Baptiste,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : TRICHOT-BURTE Clara

DÉBATS :

En audience publique du 29 Septembre 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 01 Décembre 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 01 Décembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [U] [F] été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société [7] à compter du 09 décembre 2019, en qualité de chauffeur escorteur.

La convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport s'applique au contrat de travail.

A compter du 10 juillet 2020, Monsieur [U] [F] a été placé en arrêt de travail pour maladie, prolongé de manière continue.

Par courrier du 26 août 2020, Monsieur [U] [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du tribunal de commerce de Nancy rendu le 01 décembre 2020, la société [7] a été placée en liquidation judiciaire, avec la désignation de Maître [H] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par requête du 02 décembre 2020, Monsieur [U] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de constater que la société [7] a frauduleusement sollicité l'application du régime de chômage partiel,

- de constater qu'il a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur,

- de dire et juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

- de fixer sa créance au passif de la société [7] pour les sommes suivantes :

- 1 500,00 euros de dommages et intérêts pour défaut de mutuelle complémentaire,

- 194,97 euros de rappel de salaires sur période de chômage partiel,

- 19,50 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire,

- 115,68 euros à titre d'indemnité de découcher,

- 11 875,14 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- 15 000,00 euros à titre principal de dommages et intérêts pour travail harcèlement moral,

- 15 000,00 euros à titre subsidiaire de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 15 000,00 euros à titre infiniment subsidiaire de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires,

- 11 875,14 euros à titre principal de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 1 979,19 euros à titre subsidiaire de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 487,80 euros d'indemnité légale de licenciement,

- 1 979,19 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

- 197,92 euros au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

- 2 500,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner la rectification de ses documents de fin de contrat et des bulletins de salaire des mois de mars, avril et mai 2020,

- de déclarer la décision à intervenir commune à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 2].

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 19 novembre 2021, lequel a :

- constaté que la société [7] n'a pas appliqué correctement le dispositif du chômage partiel,

En conséquence :

- fixé la créance de Monsieur [U] [F] à l'encontre de Maître [H] liquidateur judiciaire de la société [7] aux sommes suivantes :

- 194,97 euros bruts au titre du rappel de salaire sur la période de chômage partiel,

- 19,50 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 115,68 euros nets au titre de l'indemnité de découcher,

- 1 500,00 euros au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- débouté Monsieur [U] [F] de ses autres prétentions,

- ordonné à Maître [H] liquidateur judiciaire de la société [7] à rectifier, sans astreinte, les documents de fin de contrat de Monsieur [U] [F] conformément aux dispositions du jugement à intervenir ainsi que les bulletins de paie des mois de mars, avril et mai 2020,

- condamné Maître [H] liquidateur judiciaire de la société [7] à payer à Monsieur [U] [F] la somme de 300,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que le présent jugement est opposable au CGEA (AGS) dans la limite de ses garanties,

- dit que les dépens seront passés en frais privilégiés sur la liquidation judiciaire.

Vu l'appel formé par Monsieur [U] [F] le 17 décembre 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [U] [F] déposées sur le RPVA le 29 juin 2022, et celles de l'association UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA [Localité 2] déposées sur le RPVA le 06 avril 2022,

Bien que destinataire des conclusions des parties, la société [7], prise en la personne de Maître [H] en qualité de liquidateur judiciaire, n'est pas représentée à l'instance.

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 06 juillet 2022,

Monsieur [U] [F] demande :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- fixé sa créance à la somme de 1500 euros au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé

- débouté de ses autres prétentions

- de le confirmer pour le surplus

statuant à nouveau,

- juger qu'il a été victime de harcèlement moral

- juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail doit s'analyser à titre principal en un licenciement nul et à titre subsidiaire en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- de fixer sa créance au passif de la société [7] à :

- 1500 euros pour défaut de mutuelle complémentaire

- 11875,14 euros pour travail dissimulé

- 15000 euros à titre principal pour harcèlement moral

- 15000 euros à titre subsidiaire pour exécution déloyale du contrat de travail

- 15000 euros à titre infiniment subsidiaire à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires

- 11875 ,14 euros à titre principal pour licenciement nul

- 1979,19 euros à titre subsidiaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 497,80 euros d'indemnité légale de licenciement

-1979,19 euros d'indemnité compensatrice de préavis

- 197,92 euros de congés payés sur préavis

- que Maître [H] ès qualités soit condamnée à lui remettre ses documents de fin de contrat rectifiés conformément aux dispositions de la décision à intervenir, ainsi que les bulletins de paie des mois de mars, avril et mai 2020

y ajoutant,

- de condamner Maître [H] ès qualités à 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, y compris ceux liés à l'exécution de la décision à intervenir,

- de débouter le CGEA de [Localité 2] de l'intégralité de ses demandes.

L'association UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA [Localité 2] demande :

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a débouté Monsieur [U] [F] de ses demandes suivantes :

-1 500,00 euros de dommages et intérêts pour défaut de mutuelle complémentaire,

- 15 000,00 euros à titre principal de dommages et intérêts pour travail harcèlement moral,

- 15 000,00 euros à titre subsidiaire de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 15 000,00 euros à titre infiniment subsidiaire de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires,

- 11 875,14 euros à titre principal de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 1 979,19 euros à titre subsidiaire de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 487,80 euros d'indemnité légale de licenciement,

- 1 979,19 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

- 197,92 euros au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

- astreinte pour la rectification des documents de fin de contrat et des bulletins de salaire,

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a :

- constaté que la société [7] n'a pas appliqué correctement le dispositif du chômage partiel,

- fixé la créance de Monsieur [U] [F] à l'encontre de Maître [H] liquidateur judiciaire de la société [7] aux sommes suivantes :

- 194,97 euros bruts au titre du rappel de salaire sur la période de chômage partiel,

- 19,50 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 115,68 euros nets au titre de l'indemnité de découcher,

- 1 500,00 euros au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- dit que les dépens seront passés en frais privilégiés sur la liquidation judiciaire,

Statuant à nouveau sur ces points :

A titre principal :

- de débouter intégralement Monsieur [U] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

A titre subsidiaire :

- de minorer le quantum des rappels de salaires de diverses natures et des dommages et intérêts sollicités par Monsieur [U] [F],

- de prendre acte des limites légales et jurisprudentielles de garantie du CGEA AGS de [Localité 2],

En tout état de cause :

- de condamner Monsieur [U] [F] à payer au CGEA AGS de [Localité 2] la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de mettre à la charge de tout autre que le CGEA AGS de [Localité 2] les entiers frais et dépens de la présente instance.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'UNEDIC le 06 avril 2022, et en ce qui concerne le salarié le 29 juin 2022.

Sur la prise d'acte

I-

M. [U] [F] expose avoir subi un harcèlement moral de la part de son employeur, ayant fait l'objet d'injures, de non-paiement des salaires, d'un refus d'adhésion à la complémentaire santé, de sanction pécuniaire, à une utilisation illicite du système de géolocalisation.

Il invoque également un défaut de paiement intégral de sa paie du mois d'avril 2020, et des indemnités de repas et de découcher.

Il demande en conséquence d'analyser sa prise d'acte en un licenciement nul.

L'UNEDIC fait valoir que les faits invoqués par M. [U] [F] ne constituent pas des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il estime que la prise d'acte est exclusivement motivée par le refus de l'employeur d'accéder à sa demande de rupture conventionnelle.

Motivation

Le salarié qui reproche à l'employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat; la prise d'acte doit être adressée directement à l'employeur.

Le salarié qui prend acte de la rupture doit saisir le juge prud'homal pour qu'il statue sur les effets de cette rupture.

Lorsque la prise d'acte est justifiée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'un licenciement nul.

Lorsque les manquements reprochés à l'employeur ne sont pas établis ou ne sont pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la prise d'acte produit les effets d'une démission.

M. [U] [F] expose :

- que son employeur ne lui a pas proposé d'adhérer au contrat de santé collectif auquel il avait souscrit.

Il produit en pièce12 « échanges de sms » : 13 juillet « (') pourriez-vous m'apporter ma fiche de salaire et mon attestation de mutuelle svp (') » réponse : « et pour ta gouverne je fais du convoi exceptionnel je fais pas de mutuelle quand tu es rentré tu as signé un document que tu conserve ta mutuelle (...) ».

1-1 : ses bulletins de salaire ' il font apparaître des déductions pour « complémentaire incapacité invalidité décès » mais pas sur la ligne « complémentaire santé ». 

- que son employeur lui a appliqué le régime du chômage partiel, alors que l'activité a été partiellement maintenue

1-1 ses bulletins de salaire, M. [U] [F] réclamant un rappel pour le mois d'avril 2020

- 13 : ses fiches de temps de trajets pour les mois de mars, avril et mai 2020

- 14 : un avis de contravention pour des infractions routières (excès de vitesse) les 03 avril et 07 avril 2020.

- 15 : un mail du 18 août 2020 adressé à l'employeur par lequel il l'interroge sur une différence de 135 euros sur la fiche de paie de juin

- que son employeur s'est rendu coupable de travail dissimulé pendant cette période où lui a été appliqué le chômage partiel

- que son employeur a prétendu auprès de son épouse qu'il avait des relations extra-conjugales, ce qui a occasionné un arrêt de travail pour troubles anxieux

- que son employeur a procédé à une retenue sur son salaire du montant d'une contravention routière

- que son employeur lui a adressé des courriels et sms menaçants et injurieux

Il renvoie à ses pièces :

- 16 attestation de son épouse : « (') M.[S] s'est même permis de rentrée en contact avec moi même par téléphone afin d'essayer de nuire à mon couple en me racontant des histoires d'adultère que mon mari [F] [U] aurait eu envers moi. (...) »

- 4 : arrêt de travail du 10 juillet au 24 juillet 2020 pour « troubles anxieux Harcèlement au travail »

- 5 : prolongation d'arrêt de travail jusqu'au 07 août 2020

6 : prolongation d'arrêt de travail jusqu'au 23 août 2020 « Harcèlement professionnel Anxiété généralisée réactionnelle Synd dépressif »

- 17 : mail de Les Mustangs, sans date apparente, adressé à l'appelant : « (') J'ai hâte de vous retrouver le 10 août 2020 bien entendu votre arrêt de travail se terminant le 07/08 si vous avez l'intention de le prolonger sachez que là aussi c'est vu avec le service intéressé que je vous envoie un contrôle à vous et bien entendu à votre médecin si cela est imaginaire. A bon entendeur »

- 18 mail de Les Mustangs à M. [U] [F] en date du 21 août 2020 : « (') il est hors de question que je fasse confiance à une personne comme toi qui n'ose même pas honorer son contrat de travail à laquelle on est lié en remettant les clés du véhicule autre que par un tiers sur ce tes articles tu sais où tu peux te les mettre. »

- 19 un mail non daté, mais indiqué comme étant du 25 août 2020 dans les conclusions, adressé à Mme [F]

- 20 un mail non daté de [J] [S]

- 21 : un mail non daté de M. [J] [S] : « (') avant de jalouser [E] pour son virement n'oublie pas une chose c'est que lui il est resté intelligent dans ses démarches et il m'a pas cassé les couilles tu ne crois tout de même pas que je vais me rabaisser quand on cherche la bagarre on accepte les coups tu vois je te l'écris le dis pas »

- 23 sms non daté : « (...)Essaye d'aller aux prud'hommes te garantis que t'as perdu d'avance et tu sais très bien pourquoi » réponse : « menace » Réponse : « Promesse. Si t'as pas les couilles de démissionner je te vois mal chef d'entreprise ».

- 24 et 25 sms de M. [J] [S] indiqués dans les conclusions comme datés du 13 juillet et du 21 juillet.

- 26 à 29, courriels, sms et courrier de M. [J] [S].

Aucun élément matériel n'est produit quant à la géolocalisation.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, font présumer l'existence d'un harcèlement moral.

L'UNEDIC fait valoir que :

- les parties se connaissent depuis plus longtemps que la relation de travail, depuis une vingtaine d'années, qu'ils entretenaient des relations d'amitié qui explique « la liberté de parole entre les parties » ainsi que l'aide apportée par M. [S] à l'appelant, qui lui a demandé du travail en attendant de pouvoir créer son entreprise

- M. [U] [F] a demandé une rupture conventionnelle le 09 juillet 2020 pour le lendemain et s'est immédiatement mis en arrêt de travail suite au refus opposé par l'employeur ; M. [U] [F] va alors commencer à vouvoyer M. [S]

- M. [U] [F] a créé sa propre entreprise de transport le 06 juillet 2020 ; il a voulu quitter l'entreprise pour s'occuper pleinement de la sienne avec une indemnité substantielle de rupture conventionnelle

- M. [S] « manifestement de caractère sanguin, n'a effectivement pas apprécié d'être ainsi manipulé par son salarié et ami, ce qui explique de manière objective les réponses un peu vives qu'il a pu lui faire après ce retournement de situation début juillet 2020 »

- le médecin traitant n'a aucun pouvoir ni droit de mentionner que les symptômes dont souffre le salarié seraient en lien avec un harcèlement professionnel.

L'UNEDIC renvoie à ses pièces 1, 2 et 7.

La pièce 7 est une copie du site internet « société .com » ; il y est indiqué que M. [U] [F] est entrepreneur individuel, sous le nom « VOITURE PILOTE [U] » et qu'il est établi depuis le 06 juillet 2020.

La pièce 1 est une suite d'échanges de sms entre l'appelant et le chef de l'entreprise [7], entre juin 2020 et juillet 2020.

Il ressort de la lecture de ces messages que les relations entre M. [J] [S] et M. [U] [F] sont de nature amicale : « Salut [J] » « Salut [U] » ; les échanges sont très cordiaux.

Ces échanges concernent les missions de convoyage liées au travail, mais également sur leurs loisirs (EuroDisney).

Au cours des échanges produits il est question du projet de M. [U] [F] de créer son entreprise, et de l'aide apportée par M. [J] [S] dans ce cadre : « (') je t'en remercie encore tu fais beaucoup pour moi car je veux ouvrir ma micro entreprise et je sais que tu seras toujours là pour des conseils ».

Puis M. [U] [F] commence à vouvoyer M. [J] [S] quand il refuse une rupture conventionnelle : « Peux-tu me faire une rupture conventionnelle à partir de demain » « oui oui tu m'envoies une lettre de démission (...) » « Non je t'ai demandé une rupture tu auras un recommandé pour une rupture conventionnelle » (') « Après notre conversation par sms pour l'accord que vous m'avez donné pour une rupture conventionnel, je vous pris de m'envoyer celle ci par mail et vous ramènerai votre véhicule après réception » « Je te l'écris pour ta rupture c'est non. Mon véhicule s'il est pas là samedi tout simplement tu me connais y a pas 2 pois deux mesures chez moi. Essaye d'aller aux prud'hommes te garantis que t'as perdu d'avance et tu sais très bien pourquoi » « Menace ' » « Promesse. Si t'as pas les couilles de démissionner je te vois mal chef d'entreprise ».

Les pièces de l'UNEDIC démontrent que les échanges tendus entre l'appelant et le chef d'entreprise sont intervenus dans le cadre de leurs relations amicales, qui ont dégénéré quand un désaccord est survenu sur les modalités de la rupture, M. [U] [F] devant quitter l'entreprise pour s'engager dans son auto-entreprise créée le 06 juillet 2020, soit juste après ces échanges par sms, et avant son premier arrêt de travail qui a débuté le 10 juillet 2020.

L'UNEDIC établit donc, dans ces conditions, l'absence de harcèlement moral.

M. [U] [F] sera en conséquence débouté de sa demande de voir produire à sa prise d'acte les effets d'un licenciement nul, et de ses demandes financières s'y rattachant.

II-

M. [U] [F] demande à titre subsidiaire que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que l'employeur a manqué à son obligation de loyauté, en indiquant que les faits dont il a été fait état au soutien du grief de harcèlement moral sont des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles.

La lettre de prise d'acte (pièce 10) mentionne également le non-paiement du salaire de juin 2020 et de juillet 2020, et l'absence de remise des bulletins de salaire de ces deux mois.

L'UNEDIC fait valoir que les faits invoqués par M. [U] [F] ne constituent pas des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il estime que la prise d'acte est exclusivement motivée par le refus de l'employeur d'accéder à sa demande de rupture conventionnelle.

Sur la mutuelle, l'UNEDIC fait valoir que l'absence d'adhésion à la mutuelle n'est pas démontrée, et que les bulletins de salaire et le certificat de travail démontrent le contraire.

Il ajoute que M. [U] [F] ne justifie d'aucun préjudice.

Sur le rappel de salaire, il indique qu'il y a eu une erreur sur le mois d'avril, mais pas d'intention frauduleuse ; il estime que le calcul réalisé par M. [U] [F] est erroné.

Sur le travail dissimulé, l'UNEDIC fait valoir que le caractère intentionnel n'est pas établi.

Motivation

Le salarié qui reproche à l'employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat; la prise d'acte doit être adressée directement à l'employeur.

Le salarié qui prend acte de la rupture doit saisir le juge prud'homal pour qu'il statue sur les effets de cette rupture.

Lorsque la prise d'acte est justifiée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'un licenciement nul.

Lorsque les manquements reprochés à l'employeur ne sont pas établis ou ne sont pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la prise d'acte produit les effets d'une démission.

Il résulte des développements qui précèdent que les messages reçus par M. [U] [F] de la part de son employeur, sur un ton agressif, s'inscrivent davantage dans une problématique d'ordre personnel que professionnel.

L'article L911-7 du code de la sécurité sociale dispose que les entreprises dont les salariés ne bénéficient pas d'une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident déterminée selon l'une des modalités mentionnées à l'article L. 911-1 dont chacune des catégories de garanties et la part du financement assurée par l'employeur sont au moins aussi favorables que celles mentionnées aux II et III du présent article sont tenues de faire bénéficier leurs salariés de cette couverture minimale par décision unilatérale de l'employeur, dans le respect de l'article 11 de la loi no 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques.

La lecture des bulletins de salaire de M. [U] [F] produits aux débats fait apparaître qu'aucune déduction n'est opérée sur la ligne « complémentaire santé » ce qui indique que M. [U] [F] n'a pas été rattaché à une assurance de santé par l'employeur ; l'UNEDIC ne justifie pas d'une dispense d'adhésion qui aurait pu être demandée par M. [U] [F].

Ce manquement aux obligations contractuelles est établi.

M. [U] [F] renvoie à ses pièces 28 et 28 -1 pour justifier du retard de paiement du solde de la paie de juin 2020.

La pièce 28 est la copie d'un sms de l'entreprise : « (') Il est bien entendu qu'aucun versement de juin ne sera fait quelques choix des démarches entreprises sans le remboursement des 135 euros. (...) » Le document n'est pas daté.

La pièce 28-1 est une lettre de M. [J] [S] à l'appelant, datée du 19 août 2020 : « (') voici les documents demandés justifiant le prélèvement des 135 euros d'acompte que vous avez contesté. Je vous serais gré afin de le lever toute ambiguïté de me retourner avec la mention lu approuvé daté signer dans les plus brefs délais afin que je puisse vous faire parvenir au plus rapidement le solde de votre paye du mois de juin. »

Le grief est établi pour le retard de paiement du solde de la paie de juin 2020 pour 135 euros.

M. [U] [F] se plaint de l'existence d'un système de géolocalisation du véhicule sans en avoir été informé mais ne vise aucune pièce.

L'appelant reproche à l'employeur un travail dissimulé par déclaration de chômage partiel.

Aux termes de ses conclusions, il s'agit de la période d'avril 2020, M. [U] [F] réclamant un rappel pour le mois d'avril de 194,97 euros.

L'UNEDIC invoque une erreur, due à l'application d'un système nouveau et complexe.

Il résulte des conclusions respectives des parties que ce système a été mis en place à l'occasion du premier confinement consécutif à l'épidémie de COVID.

Compte tenu de ces éléments, l'intention de l'employeur, nécessaire pour retenir l'existence d'un travail dissimulé, n'est pas établie.

Sur l'absence de paiement de l'intégralité de la paie du mois d'avril 2020, M. [U] [F] explique que l'employeur lui a appliqué indûment le régime du chômage partiel ; qu'il en résulte un rappel de salaire de 194,97 euros, outre 19,50 euros au titre des congés payés afférents, et 115,68 euros au titre des indemnités de repas et de découcher.

L'UNEDIC invoque une erreur, dû à l'application d'un système nouveau et complexe. Il soutient que le calcul de M. [U] [F] est erroné, celui-ci n'ayant travaillé qu'une partie du mois, et qu'il y a donc une erreur sur le quantum.

L'erreur de l'employeur étant reconnue sur le principe, il lui appartient, dès lors qu'il soutient une erreur dans le quantum de ce qui est réclamé par le salarié, de démontrer ce qu'il doit réellement au titre du salaire et de ses accessoires, l'employeur étant en effet débiteur de l'obligation de paiement du salaire.

A défaut pour l'UNEDIC de démontrer l'erreur de quantum invoquée, il sera fait droit à la demande de confirmer le jugement sur le rappel de salaire pour le mois d'avril 2020, ainsi que sur l'indemnité de congés payés afférents, et pour l'indemnité de découcher.

Le grief est établi.

La sanction pécuniaire dénoncée, résultant d'une retenue de 135 euros correspondant à une amende pour contravention routière (pièce 14 de l'appelant), est évoquée par les pièces 28 et 28-1 précitées, mais ne ressort d'aucun des bulletins de paie produits.

Le grief est établi par aveu de l'employeur d'une retenue, impliquant le retard de paiement visé plus haut pour la paie de juin 2020.

Au terme de ce qui précède, seuls trois griefs invoqués pour fonder la prise d'acte sont établis : l'absence de proposition d'adhésion à une assurance complémentaire, une retenue sur salaire pour contravention routière (et retard de paiement consécutif de l'intégralité de la paie de juin 2020), et un rappel de salaire, et indemnités de repas et de découcher, pour le mois d'avril 2020.

Ces manquements de l'employeur sont insuffisants pour justifier une prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, qui s'analyse donc en une démission.

En conséquence, M. [U] [F] sera débouté de l'ensemble de ses demandes financières, qui se rattachent toutes à sa demande subsidiaire de voir dire la prise d'acte produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé une créance de M. [U] [F] au titre d'un travail dissimulé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour circonstances brutales et vexatoires de la rupture

La prise d'acte produisant les effets d'une démission, la demande est sans objet.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [U] [F] formule cette demande subsidiaire en visant les griefs avancés pour motiver sa prise d'acte.

L'UNEDIC estime que les faits reprochés ne caractérisent pas un manquement à l'obligation de loyauté.

Motivation

Il résulte de ce qui précède que trois griefs sont établis : l'absence de proposition d'adhésion à une assurance complémentaire, une retenue sur salaire pour contravention routière (et retard de paiement consécutif de l'intégralité de la paie de juin 2020), et un rappel de salaire, et indemnités de repas et de découcher, pour le mois d'avril 2020.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé la créance de l'employeur au titre d'un rappel de salaire, et indemnités de repas et de découcher, pour le mois d'avril 2020.

S'agissant des autres griefs, M. [U] [F] ne fait valoir et ne démontre aucun préjudice.

Il sera dès lors débouté de sa demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, M. [U] [F] sera condamné aux dépens.

Il sera également condamné à payer 800 euros à l'UNEDIC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 19 novembre 2021, en ce qu'il a fixé la créance de Monsieur [U] [F] à l'encontre de la société [7] aux sommes suivantes :

- 194,97 euros bruts au titre du rappel de salaire sur la période de chômage partiel,

- 19,50 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 115,68 euros nets au titre de l'indemnité de découcher ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. [U] [F] du surplus de ses demandes ;

Y ajoutant,

Dit que le présent arrêt est opposable à l'UNEDIC et à Maître [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [7] ;

Condamne M. [U] [F] à payer à l'UNEDIC 800 euros (huit cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [U] [F] aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en treize pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/02957
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;21.02957 ?
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