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01/12/2022 | FRANCE | N°21/01967

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 01 décembre 2022, 21/01967


ARRÊT N° /2022

PH



DU 01 DECEMBRE 2022



N° RG 21/01967 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2IE







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

20/00321

22 juillet 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [F] [W], comparant

[A

dresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Fabrice GOSSIN, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



S.A.R.L. SIM AVENIR prise en la personne de son représentant légal audit siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hervé MONTAUT de la SELAFA ACD, avocat au barreau d'EPINAL









COMPOS...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 01 DECEMBRE 2022

N° RG 21/01967 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2IE

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

20/00321

22 juillet 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [F] [W], comparant

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Fabrice GOSSIN, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.A.R.L. SIM AVENIR prise en la personne de son représentant légal audit siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hervé MONTAUT de la SELAFA ACD, avocat au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Président : HAQUET Jean-Baptiste,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : TRICHOT-BURTE Clara

DÉBATS :

En audience publique du 29 Septembre 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 01 Décembre 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 01 Décembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [F] [W] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée par la société Breton à compter du 1er juin 1987, en qualité de métreur, statut ETAM de niveau F au dernier état de ses fonctions.

A compter du 1e juillet 2009, le contrat de travail de M. [W] a été repris par la société Sim Avenir.

La convention collective nationale du bâtiment s'applique au contrat de travail.

Par courrier du 16 septembre 2019 remis en main propre, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 24 septembre 2019, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 18 octobre 2019, il s'est vu notifier un avertissement.

A compter du 2 janvier 2020, il a été placé en arrêt de travail pour maladie.

Par requête du 19 août 2020, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins de voir :

- dire et juger qu'il a été victime de harcèlement moral et de manquement à l'obligation de sécurité,

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur avec les effets d'un licenciement nul,

- condamner la société Sim Avenir à lui verser les sommes suivantes :

* 10 941,47 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 094,15 euros brut à titre de congés payés s'y rapportant,

* 33 549,34 euros net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 100 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 20 000 euros brut à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- ordonner la remise de bulletins de salaire et attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir,

- condamner la société Sim Avenir à verser 5 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement au visa de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamner la société Sim Avenir aux entiers frais et dépens.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 22 juillet 2021, lequel a :

- dit et jugé que la demande de résiliation du contrat de M. [W] ne peut pas être prononcée aux torts de l'employeur,

en conséquence :

- débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [W] à payer à la société Sim Avenir la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront à la charge de la partie demanderesse.

Vu l'appel formé par M. [W] le 3 août 2021,

Vu l'appel incident formé par la société Sim Avenir le 13 mai 2022,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de M. [W] déposées sur le RPVA le 10 juin 2022, et celles de la société Sim Avenir déposées sur le RPVA le 1er septembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 septembre 2022,

M. [F] [W] demande à la cour :

A titre principal :

- de dire et juger qu'il a été victime de harcèlement moral et de manquement à l'obligation de sécurité,

en conséquence :

- de dire et juger son licenciement nul,

- de condamner la société Sim Avenir à lui verser sommes suivantes :

* 10.941,47 euros brut à titre d'indemnité de préavis,

* 1 094,15 euros brut à titre de congés s'y rapportant ou certificat CCPTP,

* 33 549,34 euros net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 100 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- d'ordonner la remise de bulletins de salaire et attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir,

- de condamner la société Sim Avenir à verser 5 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers frais et dépens,

à titre subsidiaire :

- de dire et juger que M. [F] [W] a été victime de harcèlement moral et de manquement à l'obligation de sécurité,

en conséquence :

- de dire et juger son licenciement abusif,

- de condamner la société Sim Avenir à lui verser sommes suivantes :

* 10.941,47 euros brut à titre d'indemnité de préavis,

* 1 094,15 euros brut à titre de congés s'y rapportant ou certificat CCPTP,

* 33 549,34 euros net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 100 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- d'ordonner la remise de bulletins de salaire et attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir,

- de condamner la société Sim Avenir à verser 5 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers frais et dépens,.

La société Sim Avenir demande à la cour :

A titre principal, in limine litis :

- de déclarer irrecevables les conclusions d'appelant déposées par M. [W] le 20 octobre 2021,

- en conséquence, de prononcer la caducité de la déclaration d'appel formulée par M. [W] et partant, de constater que la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Nancy en date du 22 juillet 2021 acquiert force de chose jugée,

à titre subsidiaire,

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 22 juillet 2021 en ce qu'il a :

- dit et jugé que la demande de résiliation du contrat de M. [W] ne peut pas être prononcée aux torts de l'employeur,

en conséquence :

- débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [W] à payer à la société Sim Avenir la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront à la charge de la partie demanderesse.

en conséquence :

- de débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

- de le condamner à verser à la société Sim Avenir la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [W] aux entiers dépens de l'instance.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures de M. [W] déposées sur le RPVA le 10 juin 2022, et celles de la société Sim Avenir déposées sur le RPVA le 1er septembre 2022.

Sur la demande au titre de la caducité de l'appel :

La société Sim Avenir fait valoir qu'il résulte des dispositions du code de procédure civile, notamment en son article 954, et de la jurisprudence que l'appelant doit mentionner distinctement, dans ses conclusions, l'énoncé des chefs de jugement expressément critiqués ou l'annulation du jugement. Dans le cas d'espèce, les chefs de jugement critiqués ne seraient repris ni dans le dispositif des conclusions, ni ailleurs dans ces conclusions.

Motivation :

Aux termes de l'article 914 du code de procédure civile, les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à prononcer la caducité de l'appel. Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement.

Il s'en déduit que la cour n'est pas compétente pour se prononcer sur cette demande de caducité. Elle déclarera irrecevable cette demande aux fins de caducité.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En droit, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En premier lieu, si M. [W] évoque un retrait d'un véhicule de service et la non-délivrance d'attestations obligatoires, force est de constater qu'il ne développe nullement ces points et n'étaye ces griefs par aucun document.

Il convient ensuite d'examiner successivement les autres reproches qu'il forme à l'égard de la société Sim Avenir.

* Sur l'avertissement en date du 18 octobre 2019 :

- Sur la régularisation des salaires dus au titre de la période de mise à pied  :

M. [W] explique que le gérant de la société Sim Avenir a essayé d'obtenir de sa part une convocation en main propre, puis a exigé qu'il restitue les clés et son téléphone. Il l'aurait, en outre, privé volontairement de plus de 3.200 euros bruts sur les mois de septembre et d'octobre 2019, ne régularisant la situation qu'après un courrier syndical au mois de novembre suivant. De ce fait, M. [W] aurait été placé en arrêt maladie jusqu'au 6 octobre 2019 pour un syndrome anxieux réactionnel.

La société Sim Avenir réplique que la mise à pied conservatoire est prévue par le code du travail et que, suite à l'abandon de la procédure de licenciement, la rémunération correspondante a été dûment versée à ce salarié avec la rémunération du mois de novembre 2019.

Motivation :

Il est constant que la régularisation des salaires dus pendant la période de mise à pied conservatoire, soit du 16 septembre au 18 octobre 2019, est intervenue à la fin du mois de novembre 2019.

Cette régularisation aurait pu intervenir dès la fin du mois d'octobre, puisque, sur le bulletin de salaire correspondant, la date de fin de mise à pied apparaît, et était donc connue.

- Sur le chantier de M. [B] :

M. [W] considère que la procédure disciplinaire engagée contre lui était fondée sur un dossier totalement vide. Ainsi, il fait valoir que, contrairement à ce que prétend l'employeur, le chantier de M. [B] se situait au premier étage d'un immeuble et non au quatrième et que seuls deux salariés étaient présents. La référence du type de placoplâtre nécessaire ne lui jamais été transmise avant le 14 juin 2019. Le préjudice pour la société serait inexistant et, en tout état de cause, celle-ci aurait méconnu la prescription de deux mois attachée aux procédures disciplinaires.

La société Sim Avenir maintient que le BA 13 choisi par M. [W] n'était pas le bon, qu'il en était informé, que le manque à gagner sur ce chantier était bien de 7.080 euros et que la pièce adverse produite pour démontrer que le chantier a nécessité deux personnes et non quatre est un faux.

Motivation :

La société Sim Avenir verse aux débats les notes manuscrites préparatoires au chantier de M. [W] (pièce n°13), qui font notamment apparaître que la dépose des modules chauffants en plafond étaient prévus et évoquaient des panneaux radiants en plénum. Or, comme le révèle l'attestation de M. [O] [R] (pièce n°17 du salarié), M. [W] et lui sont arrivés sur le chantier avec des BA 13 coupe-feu, donc non adaptés. Le débat sur le montant du surcoût occasionné par cette erreur de matériel commise par l'appelant est, dès lors, secondaire, dès lors que son employeur en a nécessairement subi des conséquences financières.

Toutefois, ces faits du 10 juin 2019 étaient effectivement prescrits lorsque l'employeur a entrepris, le 18 septembre 2019, de convoquer son salarié à un entretien disciplinaire, par application de l'article L. 1332-4 du code du travail qui dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

- Sur le chantier de Mme [K] :

M. [W] fait valoir que le refus d'intervention des poseurs était lieu au fait que ce qui leur était demandé était trop compliqué pour eux. Il aurait ensuite trouvé une autre solution à la demande de cette cliente.

La société Sim Avenir produit des attestations pour étayer le fait que M. [W] a commandé un revêtement de sol incompatible avec les exigences de la compagnie d'assurance AXA et techniquement inadapté.

Motivation :

Les attestations de MM. [M] [H], chargé d'affaires, et [L] [J], peintre en bâtiment (pièces n° 15 et 45 de l'employeur), confirment que M. [W] a commandé pour ce chantier un revêtement de sol type « coco » qui, à tout le moins, ne pouvait pas être posé puisque la société AXA avait exigé la pose d'un produit identique à celui qui était installé avant le sinistre, à savoir une moquette. L'attestation de Mme [S] [K] est insuffisante pour contredire ces éléments, dans la mesure où elle n'apparaît pas été informée des exigences de l'assureur.

Il ne peut donc pas être reproché à la société Sim Avenir d'avoir retenu ce grief contre ce salarié.

- Sur le chantier de la préfecture :

M. [W] explique que, partant en congés le 2 septembre 2019, il n'avait pas le temps matériel d'établir un second devis après le premier du 29 août 2019. La société Sim Avenir souligne ne pas avoir été informée de l'absence de réalisation de ce second devis avant le départ en congé de son salarié, et avoir dû y procéder en urgence le 18 septembre 2019.

Motivation :

Le seul fait qu'un devis ait dû être différé d'un délai qui, si M. [W] n'avait pas été mis à pied, aurait pu ne pas excéder de beaucoup deux semaines, sans qu'une urgence soit établie par la société Sim Avenir, ne caractérisait aucune faute de nature à justifier une faute disciplinaire.

- Sur le chantier du [Localité 5] :

M. [W] soutient qu'il n'a jamais donné de date d'exécution des travaux à la Métrople du [Localité 5] : selon M. [YY] [E], représentant cette collectivité, ce planning aurait été établi en concertation entre lui, la direction du conservatoire et MM. [H] et [Z]. C'est donc M. [H] qui serait responsable de l'erreur commise, et M. [R] confirmerait que le calendrier de cette opération a été définie à une réunion à laquelle M. [W] était absent.

La société Sim Avenir lui oppose un courriel de M. [E] du 30 août 2019 (pièce n°16) faisant état d'une concertation avec M. [W] s'agissant d'une réalisation d'une grande partie des prestations au cours des quinze jours suivants.

Motivation :

M. [E] a attesté avoir reçu l'accord, pour la réalisation des travaux dans le courant de la première quinzaine du mois de septembre 2019, de MM. [H] et [Z] d'une part (courriel du 27 août 2019, pièce n° 23 du salarié), et de M. [W] d'autre part (courriel du 30 août, pièce n° 16 de l'employeur). Ces deux informations ne sont pas incompatibles, étant précisé que M. [W] a indiqué que M. [H] et lui exerçaient en partie les mêmes attributions. Par ailleurs, M. [E] n'a pas prétendu que cet engagement de M. [W] avait été donné le 3 juillet 2019, et l'attestation de M. [R] est donc très peu utile.

Ce courriel du 30 août 2019 émanant d'un représentant d'une collectivité territoriale totalement extérieure à la société Sim Avenir démontre la réalité du grief imputé à l'appelant, et le fait d'avoir retenu celui-ci à l'appui de l'avertissement du 18 octobre 2019 ne peut donc pas être reproché à cette société.

- Sur les attestations visant à établir la mauvaise qualité du travail et le mauvais état d'esprit de M. [W]

La société Sim Avenir verse aux débats plusieurs attestations de MM. [A], [RV], [H], [N], [D], [T] afin de confirmer les termes suivants figurant dans la lettre d'avertissement : « Votre manque de rigueur et de professionnalisme nous amène à prendre envers nos clients des engagements que nous ne pourrons pas tenir et renvoie une image négative de votre société. Nous constatons de votre part un comportement délétère qui nuit à l'ambiance au sein de notre société ».

M. [W] rétorque que la société Sim Avenir a ainsi tenté de le discréditer pour des faits ou des situations sans rapport avec les griefs figurant sur l'avertissement ou qui n'ont jamais donné lieu à des remarques, observations ou courriers.

Motivation :

Le passage de la lettre d'avertissement cité par la société Sim Avenir est particulièrement vague et imprécis, et ne peut donc pas, en tout état de cause, étayer la sanction qu'elle avait décidée.

* Sur la modification du lieu de travail :

M. [W] expose que, lorsqu'il a repris son travail après la procédure disciplinaire, il a été obligé de s'installer dans un local destiné au rangement. L'espace pour passer entre son bureau et une armoire aurait été d'environ 25 centimètres.

La société Sim Avenir réplique qu'elle a pris l'initiative de réorganiser les bureaux pour répondre à la demande de M. [W] de disposer du calme et de la tranquillité qui lui sont nécessaires pour travailler sereinement. La pièce attribuée à ce salarié aurait fait l'objet d'une réhabilitation complète, et serait parfaitement adapté à l'exercice d'une activité professionnelle.

Motivation :

A l'appui de cette doléance, l'appelant ne verse aux débats que des lettres qu'il a lui-même écrites (pièce n° 9), un mot de Mme [X] [C] dans laquelle celle-ci a précisément indiqué avoir « opéré quelques changements afin de rendre l'espace plus aéré et plus agréable » (pièce n° 29), et la photographie de la partie d'une étagère et de l'extrémité d'un meuble (pièce n° 33), dont aucune conséquence ne peut être tirée car elle ne fait apparaître qu'un détail de la pièce et qu'il n'est pas établi que ces éléments mobiliers étaient inamovibles.

Le courrier de l'inspection du travail à la société Sim Avenir du 10 décembre 2019 ne fait que reprendre les dires de M. [W], qui ne prétend pas qu'une suite ait été donnée à cette démarche.

Ainsi, aucun reproche ne peut être fait à l'employeur sur ce point.

* Sur les heures supplémentaires :

M. [W] soutient qu'il effectuait de nombreuses heures supplémentaires et qu'à son retour dans l'entreprise, il ne s'est plus vu confier de dossiers spécifiques. Cet élément s'ajouterait aux autres pour confirmer le harcèlement moral dont il a été victime.

La société Sim Avenir explique qu'il n'existe pas de droit acquis aux heures supplémentaires, qu'a continué à réaliser M. [W].

Motivation :

M. [W] n'a apporté aucune précision sur ce point, n'étayant cette prétention par aucune argumentation. Elle ne peut donc pas être retenue.

* Sur les délais de versement des indemnités maladie complémentaires et journalières

L'appelant fait valoir que le reversement des sommes perçues du groupe PRO BTP au titre des indemnités complémentaires lui a été fait, de manière volontaire, avec un retard systématique entre les mois d'avril et de septembre 2020. De même, son employeur aurait omis d'adresser à la CPAM l'attestation de salaire au-delà de six mois d'arrêt : de ce fait, M. [W] n'aurait plus perçu aucune indemnité à la date de dépôt de la saisine.

La société Sim Avenir répond qu'elle a, dès réception des décomptes envoyés par PRO BTP, reversé les indemnités à M. [W] via le bulletin de paie, et que le cabinet Sofilor, qui devait établir pour son compte l'attestation en cas d'arrêt de travail se prolongeant au-delà de six mois, a connu des difficultés qui ont occasionné un retard indépendant de la volonté de l'intimée. La situation serait régularisée depuis le mois de septembre 2020.

Motivation :

La société Sim Avenir a apporté des explications tout à fait satisfaisantes s'agissant des indemnités versées par le groupe PRO BTP et transitant par elle, que ce soit le fait que la somme de 650,02 euros pour la période du 18 avril 2020 au 1er mai 2020 était comprise dans celle de 1.300,04 euros figurant sur le bulletin de salaire du mois de juin 2020 (comme le révèle l'examen de ce bulletin) ou celui qu'elle n'a été destinataire par PRO BTP du détail des indemnités journalières revenant à M. [W] pour la période du 16 mai au 2 juin 2020 que par un courriel de cet assureur du 1er octobre 2020. Elle communique en outre un courrier non daté de la société Sofilor confirmant ses explications et se terminant par la formule « Nous vous présentons toutes nos excuses ainsi qu'à M. [W] pour le désagrément que ce retard a occasionné. »

Les allégations de M. [W] quant à un retard apporté volontairement au paiement des indemnités pour maladie à son salarié ne peuvent donc pas être retenues.

* Sur les attestations de MM. [U] [G] et [I] [V] :

M. [W] produit deux attestations (pièces n° 30 et 31) pour établir le comportement caractériel et sournois du gérant de la société Sim Avenir, M. [Y] [P], à l'égard de l'ensemble de son personnel et notamment vis-à-vis de lui.

La société Sim Avenir se prévaut de l'irrégularité de l'attestation de M. [V], non manuscrite, et du fait que MM. [G] et [V] ont quitté l'entreprise, respectivement, le 31 juillet 2015 et le 13 août 2018, et qu'ils ne peuvent donc pas attester des conditions de travail actuelles de M. [W].

Motivation :

M. [W] se plaint du harcèlement moral qu'il a subi à compter de l'année 2019. Les attestations de salariés qui avaient quitté l'entreprise à cette période ne sont donc pas pertinentes puisque l'appelant n'émet pas de doléance pour les années antérieures. En tout état de cause, l'attestation de M. [G] est extrêmement générale et non étayée par des faits précis, et celle de M. [V], outre qu'elle ne respecte pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, ne fait état d'aucun agissement de M. [P] à l'égard de M. [W].

Ces deux documents ne permettent donc pas d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

En définitive, M. [W] ne peut utilement reprocher à son employeur que d'avoir retenu, dans l'avertissement qu'il lui a délivré le 18 octobre 2019, un grief prescrit et un autre non caractérisé, étant précisé que deux autres griefs pouvaient justifier cette sanction qui est la moins lourde sur l'échelle disciplinaire, et d'avoir différé d'un mois la régularisation des salaires dus pendant la période de mise à pied conservatoire. Ces doléances sont très limitées et ne permettent pas, considérés dans leur ensemble et en prenant en compte le fait que l'intéressé ait été suivi par un psychiatre à compter du 18 octobre 2019 et en arrêt de travail suite à un syndrome anxieux réactionnel depuis le 3 janvier 2020 pour une cause non connu précisément et dans un contexte nécessairement perturbé, de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Le licenciement de M. [W] n'est donc ni nul, ni abusif. La décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

M. [W] sera condamné à verser à la société Sim Avenir la somme de 500 euros au titre de frais irrépétibles à hauteur d'appel et sera débouté de sa propre demande.

Il sera en outre condamné aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne M. [F] [W] à verser à la société Sim Avenir la somme de 500 euros (cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel,

Déboute M. [F] [W] de sa demande au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel,

Condamne M. [F] [W] aux entiers dépens d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01967
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;21.01967 ?
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