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01/12/2022 | FRANCE | N°21/01168

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 01 décembre 2022, 21/01168


ARRÊT N° /2022

PH



DU 01 DECEMBRE 2022



N° RG 21/01168 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EYQ6







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

18/00023

07 avril 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2







APPELANT :



Monsieur [D] [B], comparant

[Adresse 1]

[LocalitÃ

© 4]

Représenté par Me Laurent BENTZ de la SELARL EPITOGES, substitué par Me Julie PICARD, avocats au barreau d'EPINAL









INTIMÉE :



S.A.S. SDEL LORRAINE prise en la personne de son représentant légal audit siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Julien FOURAY de la SELARL K...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 01 DECEMBRE 2022

N° RG 21/01168 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EYQ6

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

18/00023

07 avril 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [D] [B], comparant

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Laurent BENTZ de la SELARL EPITOGES, substitué par Me Julie PICARD, avocats au barreau d'EPINAL

INTIMÉE :

S.A.S. SDEL LORRAINE prise en la personne de son représentant légal audit siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Julien FOURAY de la SELARL KNITTEL - FOURAY ET ASSOCIES, substitué par Me Antoine PIERSON, avocats au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Président : HAQUET Jean-Baptiste,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : TRICHOT-BURTE Clara

DÉBATS :

En audience publique du 29 Septembre 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 01 Décembre 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 01 Décembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [D] [B] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société Imhoff à compter du 2 décembre 1985, en qualité de technicien génie climatique.

À compter du 1er décembre 2006, la société Imhoff est rachetée par le groupe Vinci et fusionnée dans la société SDEL Lorraine, filiale du groupe Vinci.

À compter du 1er janvier 2007, M. [B] a accédé aux fonctions de chef d'entreprise et est soumis au forfait jour. Au dernier état de ses fonctions, il occupait le poste responsable d'affaires, ce à compter du 1er janvier 2016.

La convention collective nationale des cadres du bâtiment s'applique au contrat de travail.

Par courrier du 13 octobre 2017, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 20 octobre 2017, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 3 novembre 2017, il a été licencié pour faute grave.

Par requête du 13 mai 2020, il a saisi le conseil de prud'hommes d'Épinal, aux fins de voir :

- dire et juger recevables et bien fondées ses demandes,

- dire et juger son déclassement professionnel irrégulier et illégal,

- annuler sa convention de forfait jours,

- dire et juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour faute grave,

- condamner la société SDEL Lorraine à lui verser les sommes suivantes :

* 10 000 euros au titre du préjudice moral,

* 151 600,80 euros au titre des heures supplémentaires,

* 15 160,08 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires,

* 20 000 euros au titre des repos compensateurs,

* 180 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 3 799,38 euros au titre de la mise à pied à titre conservatoire,

* 379,93 euros au titre des congés payés sur mise à pied à titre conservatoire,

* 34 050 euros au titre du préavis,

* 3 405 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 170 262,45 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- condamner la société SDEL Lorraine aux entiers dépens.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Épinal rendu le 7 avril 2021, lequel a :

- dit et jugé que son déclassement professionnel est régulier et légal,

- dit et jugé que le licenciement de M. [B] repose sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave,

- condamné la société SDEL Lorraine à verser à M. [B] les sommes suivantes:

* 97 041,30 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 3.799,38 euros au titre de la mise à pied conservatoire et 379,93 euros au titre des congés payés y afférents,

* 17 938,26 euros au titre du préavis et 1 93,83 euros au titre des congés payés y afférents,

* 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté le salarié de toutes ses autres demandes,

- rappelé qu'en application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire pour les sommes visées à l'article R.1454-14 du code du travail, calculés sur la moyenne des trois derniers mois, fixée à 5 880 euros brut,

- débouté la société SDEL Lorraine de ses demandes,

- condamné les parties aux entiers dépens à hauteur de moitié chacune.

Vu l'appel formé par M. [B] le 6 mai 2021,

Vu l'appel incident formé par la société SDEL Lorraine le 8 octobre 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de M. [B] déposées sur le RPVA le 6 mai 2022, et celles de la société SDEL Lorraine déposées sur le RPVA le 7 juin 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 septembre 2022,

M. [B] demande à la cour :

- de confirmer le jugement rendu en ce qu'il a estimé la demande de dommages et intérêts en lien avec le déclassement recevable,

- d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il a dit et jugé son déclassement professionnel régulier et légal,

En conséquence :

- de dire et juger son déclassement professionnel irrégulier et illégal,

- de condamner la Société SDEL Lorraine à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- de dire et juger le forfait-jours illégal, et inopposable à M. [B],

En conséquence :

- d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande de rappel de salaires,

- de condamner la société SDEL Lorraine à payer à M. [B] les sommes suivantes :

* 151 600,80 euros titre des heures supplémentaires,

* 15 160,08 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires,

* 20 000 euros au titre des repos compensateurs,

- d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il n'a pas considéré son licenciement comme étant abusif,

En conséquence :

- de condamner la société SDEL Lorraine à lui payer les sommes suivantes :

* 180 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 34 050 euros au titre du préavis,

* 3 405 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 170 262,45 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils ont condamné la société SDEL Lorraine à payer à lui la somme de 3 799,38 euros au titre de la mise à pied à titre conservatoire, ainsi que 379,93 euros au titre des congés payés sur mise à pied à titre conservatoire,

- de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils ont condamné la société SDEL Lorraine à lui payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

- de condamner la société SDEL Lorraine à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour,

- de condamner la société SDEL Lorraine aux entiers dépens.

La société SDEL Lorraine demande à la cour :

- de déclarer recevable mais mal fondé l'appel de M. [B] et l'en débouter,

- de déclarer recevable et fondé l'appel incident de la société SDEL Lorraine,

Y faisant droit :

- de réformer le jugement du conseil de prud'hommes d'Épinal en date du 7 avril 2021 en ce qu'il a :

* considéré la demande formulée au titre du préjudice moral comme recevable,

* dit et jugé que le licenciement de M. [B] reposait sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave,

* condamné la société SDEL Lorraine à verser à M. [B] les sommes suivantes:

* 97 041,30 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 3 799,38 euros au titre de la mise à pied conservatoire outre 379,93 euros au titre des congés payés afférents,

* 17 938,26 euros à titre de préavis outre 1 793,83 euros au titre des congés payés afférents,

* 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau :

- de dire et juger irrecevable la demande formulée par M. [B] à hauteur de 10 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral, et l'en débouter,

- de dire et juger que le licenciement de M. [B] repose sur une faute grave,

Par conséquent :

- de débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- de condamner M. [B] à payer à la société SDEL Lorraine la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 de première instance,

- de confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

En tout état de cause :

- de débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- de condamner M. [B] à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- de condamner M. [B] aux éventuels dépens de l'instance.

SUR CE, LA COUR,

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures de M. [B] déposées sur le RPVA le 6 mai 2022, et à celles de la société SDEL Lorraine déposées sur le RPVA le 7 juin 2022.

Sur le déclassement professionnel allégué :

* Sur la recevabilité de la demande :

La société SDEL Lorraine considère d'abord que cette demande est irrecevable pour ne pas avoir été mentionnée dans le dispositif de la requête déposée devant le conseil de prud'hommes d'Épinal. Depuis l'abrogation de l'article R. 1452-7 du code du travail, il ne serait plus possible de présenter de nouvelles demandes, même se rattachant au même contrat de travail.

M. [B] réplique que l'oubli de sa demande au titre du déclassement dans le dispositif de sa requête initiale était une simple erreur matérielle. Une requête rectifiée aurait été déposée par la suite. La suppression de l'article R. 1452-7 du code du travail n'empêcherait pas de formuler des demandes nouvelles dès lors qu'elles se rattachent aux prétentions originelles par un lien suffisant.

Sur ce :

Contrairement à ce que prétend la société SDEL Lorraine, le conseil des prud'hommes n'a pas statué sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts formée par M. [B]. La société SDEL Lorraine n'ayant pas déposé de requête en omission de statuer devant cette juridiction sa demande à ce titre à hauteur d'appel est dès lors irrecevable.

* Sur le fond :

M. [B] fait valoir qu'il a fait l'objet d'un déclassement à compter du 1er janvier 2016, passant du poste de chef d'entreprise à celui de responsable d'affaire. Cette modification, présentée initialement comme provisoire pour une durée de trois mois, se serait révélée définitive. Il verse aux débats, sur ce point, des attestations et un courriel, et critique celles produites par son contradicteur comme étant dictées par l'intérêt du litige. En tout état de cause, aucun avenant ne lui aurait été proposé pour valider cette modification.

Suite à cette rétrogradation, M. [B] n'aurait plus eu l'autorisation de valider un simple courrier, un recommandé, un devis, une commande ou un contrat de sous-traitance. Toutes les demandes d'achat auraient été soumises à la validation de M. [CI] [S], responsable d'achat. Le document de demande d'achat communiqué par la société SDEL Lorraine ferait d'ailleurs apparaître en filigrane la mention « NE VAUT PAS COMMANDE ». En outre, c'est la direction de la société qui aurait fait le choix des sous-traitants.

M. [B] aurait aussi subi la fin du remboursement de ses frais kilométriques et de la participation à l'assurance et aux frais fixes de son véhicule, au profit d'un véhicule de fonction nettement moins favorables. Ces avantages auraient été contractualisés et, en tout état de cause, il se serait agi d'un engagement contractuel n'ayant jamais été dénoncé dans les règles par la société SDEL.

Il explique qu'il a été moralement et économiquement contraint de signer l'entretien individuel et le contrat d'accompagnement individuel sur lequel apparaissait cette modification de ses attributions.

Selon la société SDEL Lorraine, M. [B] ne prouve aucun préjudice découlant du déclassement qu'il allègue. Par ailleurs, la modification du poste de ce salarié n'aurait jamais été présentée comme temporaire, les attestations adverses sur ce point étant mensongères et rédigées pour les besoins de la cause. Le courriel produit à ce titre par M. [B] concernerait la période de son arrêt de travail, et non celle objet du litige. L'intéressé aurait été volontaire pour faire l'objet d'un tel changement et suivre les formations et le coaching correspondants, comme il l'aurait confirmé lors de l'entretien professionnel de l'année 2016, sans contrainte ni réserve. Peu importerait l'absence d'avenant au contrat de travail.

La société SDEL Lorraine fournit des lettres et demandes d'achat et de devis pour prouver que M. [B] conservait un pouvoir décisionnel, le rôle du responsable d'achat n'étant que de formaliser la commande. Des documents prouveraient également qu'il imposait le choix de ses sous-traitants. L'intimée conteste le caractère avantageux du remboursement des frais kilométriques par rapport au bénéfice d'un véhicule de fonction, outre que les modalités de remboursement peuvent être modifiées unilatéralement par l'employeur. M. [B] aurait d'ailleurs accepté par écrit ce changement.

Sur ce :

M. [B] explique avoir été, en raison de la lourde charge de travail qu'il subissait en qualité de chef d'entreprise, arrêté par son médecin traitant pendant une quinzaine de jours au mois de décembre 2015. Il ajoute avoir ensuite souhaité être soulagé, même s'il allègue que ce désir était provisoire, de cette charge. Le 31 mars 2016, il a signé un contrat d'accompagnement individuel (pièce n° 1 de la société SDEL Lorraine) avec son employeur, visant notamment à lui permettre de « relativiser les enjeux et diminuer la pression qu'il se met » et à « déléguer et rester dans son rôle de responsable d'affaires référent ». Ayant ainsi accepté cette nouvelle fonction pour les motifs ainsi exprimés, et ce au-delà de la période de trois mois qui venait à échéance au moment de la signature de ce contrat, il a, le 22 août 2016, validé par sa signature sur le compte-rendu afférent (pièce n° 3 de la société SDEL Lorraine) avoir tenu les propos suivants lors de l'entretien professionnel avec M. [S] pour l'année 2016 : « la situation de responsable d'affaires me convient et je vais appliquer la fonction de RA Vinci ».

Il n'apporte aucune preuve sur la contrainte économique et morale qu'il prétend avoir subi pour signer un tel document, un livret de famille qui fait apparaître que son épouse et lui ont trois enfants et des attestations d'assurance n'ayant aucun caractère probant à ce titre.

Ne produisant aucun élément afin d'étayer le préjudice moral qu'il prétend avoir subi en raison d'une modification dont il est ainsi établi qu'il l'a pleinement acceptée, M. [B] ne peut prétendre en tout état de cause à aucuns dommages et intérêts.

La décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur la validité de la convention de forfait jours :

M. [B] fait valoir qu'il n'a signé aucun contrat ou avenant prévoyant la possibilité de recourir à une convention de forfait, ni les modalités impératives qui doivent y être mentionnées selon l'avenant à la convention collective en date du 11 décembre 2012. La convention de forfait invoquée par la société SDEL Lorraine serait donc illégale. En outre, il n'aurait fait l'objet d'aucun entretien annuel et individuel de suivi, pourtant prévu par l'avenant du 1er juin 2004. Les seules mentions figurant sur le compte-rendu d'entretien professionnel seraient insuffisantes, d'autant que les pages n'en seraient pas paraphées. Aucun suivi régulier, notamment concernant les éventuelles surcharges de travail ou le respect des durées minimales de repos, ne seraient justifiées. Enfin, n'étant plus considéré comme un cadre dirigeant, M.[B] ne pourrait pas se voir imposer une convention de forfait jours.

La société SDEL Lorraine invoque la convention collective de la métallurgie, validée par la Cour de cassation et dont les garanties seraient identiques à celles offertes par l'avenant à celle du 11 décembre 2012 applicable au cas d'espèce. M. [B] aurait évoqué les questions liées à sa charge de travail lors des entretiens annuels dont il verse les compte-rendus aux débats, qualifiant la situation de satisfaisante. Ces entretiens annuels seraient paginés et titrés en bas de page sur chaque page, de sorte que M. [B] en aurait validé le contenu peu important l'absence de paraphe.

Sur ce :

L'avenant n°1 du 11 décembre 2012 à la convention collective nationale des cadres du bâtiment relatif à la convention de forfait en jours stipule notamment que le contrat de travail ou son avenant signé par le cadre devra préciser un certain nombre de mentions ensuite énumérées.

En l'espèce, M. [B] affirme ne pas avoir accepté une telle convention, et la société SDEL Lorraine ne prétend pas le contraire. Elle ne produit aucun contrat de travail ou convention de forfait jour signés par le salarié et reprenant les mentions listées dans l'avenant du 11 décembre 2012.

Dès lors, en tout état de cause, contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes d'Épinal, aucune convention de forfait en jours n'est opposable à M. [B]. Il convient donc d'étudier la demande qu'il a formée au titre des heures supplémentaires.

Sur la demande formée au titre des heures supplémentaires non payées :

M. [B] indique que, sur les trois dernières années, ses horaires de travail étaient les suivants: 7h30-12h et 13h30-20h, soit 11 heures par jour. Il verse aux débats des attestations pour étayer cette affirmation. Selon lui, elles ont trait à la situation existante jusqu'en 2015, mais ce rythme aurait été au minimum le même après cette année. Il produit en outre des courriels au cours de l'année 2017, qui établiraient qu'il ne pouvait sérieusement vaquer à ses occupations. Les seuls éléments produits par l'employeur seraient des courriels relatifs à sa vie privée et à ses activités personnelles, qui prouveraient à tout le moins qu'il était constamment au travail et ne pouvait finalement jamais vaquer à ses occupations personnelles.

La société SDEL Lorraine souligne que M. [B] n'a jamais protesté, tout au long de la relation contractuelle, contre l'absence de paiement d'heures supplémentaires, et a même, lors des entretiens annuels, insisté sur le caractère adapté de sa charge de travail. En outre, il se fonderait sur une prétendue moyenne utilisée sans distinction des horaires et des heures effectuées selon les jours et semaines précis.

Les attestations produites concernent la période antérieure à l'année 2015, alors que la société SDEL Lorraine n'était pas encore l'employeur de M. [B], et l'un de ses auteurs serait l'associé de M. [B] dans la société dont ce dernier serait le président. Par ailleurs, le fait que des courriels aient été adressés à ce salarié en début, puis en fin de journée, ne signifierait pas qu'entre ces deux extrêmes, il puisse revendiquer un temps de travail effectif. Il ne s'agirait en outre que de quelques éléments épars. Des courriels, non explicitement identifiés comme étant privés ou personnels, établiraient également qu'il consacrait de longues heures de sa journée de travail à des activités purement personnelles, et il poursuivrait son décompte jusqu'au 3 novembre 2017 malgré sa mise à pied dès le 12 octobre 2017.

Sur ce :

Il ressort des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail en sa rédaction applicable au litige qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, il résulte des termes mêmes de leurs attestations que MM. [NW] Imhoff et [X] [I] (pièces n° 20 et 22) n'ont travaillé avec M. [B] que jusqu'à l'année 2009 pour le premier et jusqu'au mois de janvier 2015 pour le second, alors que son employeur était encore la société Imhoff Industrie. L'appelant allègue que son rythme était au minimum le même après l'année 2015, sans étayer cette affirmation.

Le fait qu'il ait envoyé quelques courriels professionnels, ponctuellement, entre 7 h 30 et 8 h 00 ou entre 19 h 30 et 20 h 00 (pièce n°21), n'est pas plus de nature à éclairer la cour sur les heures supplémentaires réalisées par M. [B], d'autant que certains des messages qu'il produits ont été envoyés entre 12 h 00 et 13 h 30, horaires pendant lesquels il ne revendique pas avoir travaillé. En contrepartie, la société SDEL Lorraine prouve que, sur ses heures de travail, ce salarié vaquait à ses occupations personnelles en procédant à des échanges de courriels sans rapport avec son activité au sein de l'entreprise.

Dès lors, la cour constate que M. [B], qui ne produit par ailleurs aucun tableau récapitulatif des heures de travail qu'il aurait accomplies, ne fournit pas d'éléments suffisamment précis quant aux heures non prétendument non rémunérées permettant à l'employeur d'y répondre utilement.

Il sera en conséquence débouté de sa demande, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts au titre du repos compensateur :

M. [B] sollicite à ce titre la somme de 20.000 euros. Dès lors qu'il ne peut pas revendiquer de créance au titre des heures supplémentaires, il en va de même s'agissant du repos compensateur. Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point.

Sur le licenciement pour faute grave :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

« (...)

« Vous êtes employé, en dernier lieu, par la Société SDEL Lorraine au titre des fonctions de responsable d'affaires au sein de l'établissement d'[Localité 5]. Votre poste de travail constitue une fonction clé de l'entreprise au titre de laquelle vous êtes responsable vis-à-vis du client et devez assurer le suivi et la gestion des affaires et chantiers dont vous avez la charge. Plus particulièrement dans le cadre de vos affaires, vous avez la responsabilité notamment : des devis, de la négociation, du pilotage et de l'organisation des moyens humains et matériels nécessaires à la réalisation de l'affaire, du respect des règles de sécurité, de la surveillance et du contrôle de qualité et de conformité des prestations réalisées, des achats, de la facturation et des encaissements, de la réception définitive du chantier.

Au titre de vos fonctions, vous avez pu suivre, avec votre adhésion, des formations de coaching vous permettant d'assurer parfaitement vos missions et responsabilité, ce d'autant que vous revendiquez un niveau d'expertise particulièrement élevé. Malheureusement les faits récemment portés à notre connaissance révèlent que vous avez, à plusieurs reprises, gravement et sciemment manqué à vos obligations contractuelles et aux obligations essentielles de vos fonctions comme des procédures en vigueur au sein de notre Société. D'une part, nous devons actuellement faire face à la mise en cause de notre responsabilité par notre client de la communauté de commune Auberive Vingeanne et Montsaugeonnais (CCAVM) / Fromagerie RIANS et ayant pour objet la réalisation du chantier « Fromagerie Germain »

Vous aviez la responsabilité de ce marché au titre duquel un grand nombre de non conformités ont malheureusement été déplorés s'agissant des soudures réalisées par les sous-traitants.

C'est lors d'un contrôle opéré par la société TECNAL, autre prestataire du marché, que la difficulté a été mise en avant. Le contrôle effectué par la Société TECNAL a relevé que les soudures réalisées sur les tuyauteries intégrées au process industriel de cette société étaient non conformes, de sorte que les sous-traitants ont été contraints de reprendre ces dernières. Face à cette situation, le bureau d'études a initié, à la demande du client principal, un contrôle destructif sur dix soudures afin de vérifier si la non-conformité constatée par la Société TECNAL était susceptible de constituer une polémique généralisée et sérielle sur l'ensemble du lot tuyauterie. Des investigations supplémentaires ont ensuite été sollicitées pour inspecter l'ensemble des soudures.

Dans un premier temps, vous avez tenté de minimiser l'ampleur et les conséquences des premières constatations auprès de notre société. En définitive le 12/10/2017, nous avons été fermement mis en demeure et enjoint par notre client de reprendre l'intégralité de l'installation, soit environ deux mille cinq cents soudures s'étendant sur 5 kilomètres de conduites, qui ont été réalisées par les sous-traitants que vous avez sélectionnés. Comme vous ne pouvez l'ignorer, notre société doit contractuellement répondre des fautes commises par le sous-traitant sélectionné par vos soins, à l'égard du maître d'ouvrage. Les répercussions, en termes de responsabilité, sont considérables.

Il s'agit d'un chantier qui a débuté mi-mai 2017 et qui était sur le point d'être réceptionné, puisqu'une grande partie des tuyauteries était déjà isolée. La reprise des soudures non conforme représente un coût supérieur à la valeur du marché. Cette situation est inacceptable à plus d'un titre et révèle de graves manquements à vos obligations.

Ainsi, il apparaît que l'organisation de votre travail que vous avez retenue pour l'accomplissement et la réalisation de ce chantier ne permettait à aucun moment le contrôle des prestations auxquelles nous étions tenues, dès lors que le chef de chantier était lui-même affecté et borné à des tâches d'exécution. L'ampleur des anomalies et non conformités constatées démontre encore votre absence de suivi, de contrôle de la qualité et de la sécurité des prestations de soudures qui ont été réalisées.

Plus généralement, vous avez ignoré et en réalité violé les procédures internes à notre Société. C'est d'ailleurs à ce point vrai que les non conformités ont été révélés à l'initiative du client, alors que le chantier était sur le point d'être réceptionné ! Vous avez dès lors gravement manqué à vos obligations de suivi, de contrôle et de sécurité dont vous avez la responsabilité et ce, dans les conditions susceptibles d'entraîner la responsabilité de votre société en cas d'accident.

C'est d'autant plus vrai que s'agissant d'un marché relatif à la construction d'un bâtiment à vocation industrielle fromagerie, les tuyauteries doivent faire l'objet d'une attention particulière, compte tenu des risques de fuites et des risques bactériologiques.

Plus encore, les investigations que nous avons menées font ressortir que vous aviez imposé aux sous-traitants deux impératifs prioritaires pour la réalisation de ces prestations de soudure : la rapidité et la limitation des coûts tout en acceptant de reléguer l'aspect qualitatif au dernier rang.

Cette attitude vient encore confirmer le caractère délibéré de vos graves manquements concernant le suivi du chantier et le contrôle de qualité et de sécurité des prestations. Le caractère délibéré de vos manquements se trouve également consacré dès lors que vous ne pouvez ignorer les procédures et standard de qualité que notre société s'impose depuis plus de deux ans, dans ses relations avec ses clients et qui contribuent à son image de marque, ainsi qu'à la renommée du réseau ACTEMIUM dont elle fait partie.

Votre comportement est d'autant plus inacceptable qu'il fait encourir à notre société un risque financier conséquent, puisque la reprise des prestations mises en cause est actuellement estimée à un montant pouvant être supérieur à celui du marché.

A cela s'ajoute encore la désorganisation causée à notre société par le temps et les moyens humains mobilisés pour proposer des solutions d'urgence qu'impose désormais la situation que vous avez créée. De par votre faute, l'image de notre société se trouve compromise et met en péril non seulement ses futures relations commerciales avec ce client mais affecte également celle du réseau ACTEMIUM auquel nous appartenons et dont le groupe RIANS constitue un client récurrent.

Malheureusement, ces faits ne sont pas isolés et sont répétés. Ainsi, au cours du mois d'août 2017, vous aviez également en charge une affaire portant sur la réalisation d'un container que vous avez confiée à un sous-traitant sélectionné par vos soins. Ce container était destiné à la méthanisation du zoo de [Localité 7] et nécessitait la prise en compte de contraintes techniques.

Lors d'une visite réalisée à notre initiative le 9/10/2017chez le sous-traitant, nous avons pu vérifier le container en cours de réalisation. Or, à notre grande surprise, celui-ci était affecté de diverses malfaçons et omissions par rapport aux contraintes techniques telles que l'absence de réservations pour le passage des tuyauteries, l'absence de retouches sur l'extérieur au droit des fixations et des soudures des supports.

Encore une fois, ces non conformités ont été soulevées à l'occasion d'un contrôle ne relevant pas de votre initiative. L'ampleur du constat que nous avons été malheureusement été contraints de faire ce jour à démonte, sur cette affaire encore, un manquement à vos obligations de suivi et de contrôle de la prestation, ce qui est en totale contradiction avec vos affirmations préalables selon lesquelles vous suiviez le sous-traitant et que tout allait bien sur cet ouvrage. Vous dissimulez donc sciemment la réalité des situations et marchés dont vous avez la responsabilité.

Par ailleurs, les nombreux non-respects des contraintes techniques démontrent que vous n'avez pas remis de cahier de charges au sous-traitant, ceci au mépris des règles de l'art et des standards qualités en vigueur dans notre société, qui ont à maintes reprises été portées à votre connaissance. L'importance des anomalies constatées pour cet autre ouvrage, que vous étiez pourtant prêt à faire livrer en l'état si un contrôle de notre initiative n'avait pas été réalisé, aurait également pu nous porter préjudice, tant en terme financier, qu'en terme d'image vis-à-vis de notre client.

Vous ignorez donc volontairement les procédures internes de contrôle technique et de qualité. Cette situation a occasionné une désorganisation, puisque nous avons dû à nos frais mobiliser en urgence du personnel affecté à l'exécution d'autres chantiers pour rattraper la réalisation de l'ouvrage avant la livraison au client.

D'autre part, dans le cadre de nos investigations menées suite au litige relatif au chantier « Fromagerie Germain », nous avons été amenés à découvrir d'autres faits constituant une exécution fautive de votre contrat de travail, caractérisée par une violation manifeste des règles applicables.

En premier lieu, les éléments recueillis lors de notre enquête sur le chantier « Fromagerie germain » ont révélé, ce qui nous avait été naturellement dissimulé, que du matériel loué par votre société, en l'espèce une nacelle ainsi qu'un chariot télescopique, avaient été utilisées par le personnel des sous-traitants, sur votre autorisation. Or, nous vous rappelons, comme vous le savez, que l'utilisation du matériel loué par notre société est strictement réservée au personnel appartenant à notre société. L'utilisation par le personnel des sous-traitants que vous avez permise contrevient ainsi aux règles de sécurité en vigueur et dont vous devez garantie l'application en tant que responsable d'affaires.

A cet égard, votre comportement est intolérable et inconséquent. En effet, les garanties de notre assurance ne couvrent pas les utilisations du matériel loué par notre société faites par des tiers à la société. Vos agissements sont d'autant plus graves qu'ils exposent notre société au risque de voir sa responsabilité pleinement engagée en cas d'accident causant des dommages aux biens comme aux personnes.

En second lieu, toujours dans le cadre de nos investigations, nous avons encore découvert, qu'un sous-traitant qui n'avait pas été déclaré, était intervenu sur le chantier, situation dont vous aviez parfaitement connaissance. Ainsi, transgressant encire une fois les réglementations élémentaires et essentielles qui encadrent strictement, à peine de sanctions administratives, fiscales, civiles et/ou pénale pour notre Société, le recours à la sous-traitance, vous avez laissé un sous-traitant non déclaré intervenir sur ce chantier.

L'ensemble de ces faits montrent que vous manquez sciemment et à plusieurs reprises aux obligations élémentaires attachées à vos missions dont celles de responsable d'affaires, qui encore une fois constitue une fonction clé de l'entreprise.

La teneur de vos arguments présentés pendant l'entretien allant jusqu'à évoquer une prétendue insuffisance de nos assurances professionnelles, reflète votre état d'esprit et votre rejet des valeurs projetés par votre société et inhérente à notre groupe. Nous ne pouvons dès lors plus vous confier la gestion des affaires pour lesquelles vous paraissez vous sentez libre de commettre de sérieux manquements dans divers domaines et ce quelle que soit la gravité des conséquences que cela peut entrainer pour notre société.

L'ensemble de ces griefs pris ensemble ou isolément constitue une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire dans l'entreprise et justifiant dès lors votre licenciement immédiat, sans préavis, ni indemnité de rupture. Nous sommes donc contraints de vous licencier pour faute grave. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans la société s'avère impossible.

Le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 3 novembre 2017 sans indemnité de préavis, ni de licenciement. Nous vous libérons de toute obligation de non concurrence que vous auriez pu souscrire au profit de notre société quel qu'en soit le fondement ou le support juridique. A cet égard, vous nous quitterez libre de tout engagement.

(...) »

M. [B] explique, de manière générale, que les faits qui lui sont reprochés relèvent de l'insuffisance professionnelle, et non du champ disciplinaire. Il rappelle qu'il avait été déclassé, et n'exerçait plus, au moment des faits, aucune responsabilité. En outre, de nombreux responsables de la bonne exécution du chantier interviendraient sur celui-ci en sus du responsable d'affaires.

La société SDEL Lorraine réplique que M. [B] était responsable vis-à-vis des clients de la société et devait assurer le suivi et la gestion des affaires et chantiers dont il avait la charge. Selon cette société, nonobstant l'absence d'avenant à son contrat de travail, ce salarié connaissait parfaitement le contenu de ses fonctions de responsable d'affaires, comme il l'avait d'ailleurs reconnu par écrit.

- Sur la soudure réalisée à l'occasion du chantier de la fromagerie Rians :

M. [B] insiste sur le fait que le lot attribué à la société SDEL Lorraine n'imposait pas de contrôle interne des soudures, mais uniquement un contrôle externe. Ce contrôle interne aurait incombé à la société Tecnal, qui a précisément détecté le défaut dont la responsabilité est imputée à M. [B]. Ce dernier n'aurait, de surcroît, eu en charge que le comparatif financier des offres des différentes sociétés consultées pour ce marché, l'intervention des sous-traitants étant validée par M. [S], qui serait passé sur le chantier à plusieurs reprises sans émettre la moindre réserve sur la qualité du travail effectué. Le chef de chantier et le responsable du projet n'auraient, eux aussi, remis en cause à aucun moment la qualité des soudures réalisées.

M. [B] conteste aussi être à l'origine de délais d'exécution des travaux excessifs, ceux-ci étant imposés par le marché et le maître d''uvre.

Il ne pourrait pas non plus être reproché à M. [B] un manque de réactivité à des mises en demeure, alors que, le 1er septembre 2017, il aurait alerté par courriel M. [S] d'un problème sur les travaux effectués par la société Tecnal qui lui avait été signalé.

Enfin, le chiffrage du coût de la remise en état allégué par la société SDEL Lorraine à hauteur de 842.649 euros aurait été réalisé de manière unilatérale, sans justificatif ni expertise.

La société SDEL Lorraine explique que M. [B] avait la charge et la responsabilité de ce marché, et avait sélectionné les sous-traitants. Il aurait indiqué que seule la société NTCSI était en mesure de se soumettre au tarif du budget qu'il avait lui-même fixé. Ensuite, l'organisation de travail qu'il avait retenue n'aurait pas permis le contrôle des prestations auxquelles était tenue la société, dès lors que le chef de chantier avait lui-même été affecté et borné à des tâches d'exécution. Il aurait imposé aux sous-traitants deux impératifs prioritaires, à savoir la rapidité et la limitation des coûts, acceptant de reléguer l'aspect qualitatif au dernier rang. Il aurait en outre choisi de ne fixer au chef de chantier que des travaux d'exécution, sans tâche de contrôle des sous-traitants.

Les attestations adverses seraient parfaitement grotesques et témoigneraient de la non-conformité des soudures réalisées par la société NTCSI et, pour l'une d'elles, du rôle joué par M.[B] en matière technique. La société SDEL Lorraine ajoute que le cahier des clauses techniques précisait que les assemblages soudés devaient être réalisés sous gaz neutre intérieur et extérieur. Or, l'inertage aurait été, en l'espèce, insuffisant voire inexistant.

Ce salarié aurait fait preuve d'intransigeance et de manque de réactivité, ce qui aurait généré un préjudice considérable pour son employeur, la remise en état du lot tuyauterie représentant un coût total de 842.619 euros. La conformité des soudures aurait dû faire l'objet d'une attention particulière compte tenu des fuites et des risque bactériologiques.

La société SDEL Lorraine souligne le caractère délibéré des manquements qu'elle reproche à M. [B] : un courriel qu'il a envoyé le 1er septembre 2017 le démontrerait notamment. La faute grave serait donc patente, d'autant que l'image de la société en aurait été affectée et que celle-ci aurait été désorganisée par le temps et les moyens humains mobilisés pour proposer des solutions palliatives d'urgence.

Sur ce :

La société SDEL Lorraine verse aux débats la page d'un document interne à la société Vinci dans lequel il est noté que le responsable d'affaires est le pilier du système, et qu'il est notamment responsable vis-à-vis du client et suit les affaires du début à la fin : devis, négociation, pilotage des moyens humains et matériels nécessaires à la réalisation achats, facturation, encaissements, réception définitive et parfois contentieux. M. [B] fait valoir que la réalité n'était pas conforme à ce descriptif, mais il a pourtant déclaré lors de son entretien professionnel en 2016 : « la situation de responsable d'affaires me convient et je vais appliquer la fonction de RA Vinci ».

Il résulte d'ailleurs des documents communiqués par la société SDEL Lorraine en pièce n° 60 (devis, demandes d'achat et bons de commande) que ce salarié a joué un rôle actif dans la sélection du sous-traitant, la société NTCSI, et dans la détermination du budget qui lui était alloué pour remplir sa mission. Il a notamment écrit de sa main « NTCSI doit pouvoir faire les 150.000 euros ». Le fait que ce choix ait été validé postérieurement à un niveau supérieur ne signifie pas qu'il ait été dépourvu de prérogatives.

Par ailleurs, le chef de chantier, M. [F] [WC], a attesté (pièce n° 17 de l'employeur) qu'il avait averti M. [B] sur la faible qualité des prestations de ce sous-traitant à l'occasion de travaux antérieurs, et qu'il n'en avait pas tenu compte, mettant l'accent sur la modicité du prix du marché. M. [WC] ajoutait que M. [B] l'avait cantonné à des travaux d'exécution, contrairement à la pratique habituelle. Les attestations rédigées par MM.[H] [O] (pièce n° 25 du salarié), celle-ci étant d'ailleurs totalement non-conforme avec l'article 202 du code de procédure civile, et [JO] [G] (pièce n° 26 du salarié), ne reflètent donc que très imparfaitement la réalité puisque le pouvoir d'un salarié ne se limite pas à sa capacité à signer lui-même certains documents. M. [U] [M], dirigeant de la société NTCSI, a attesté que M. [B] n'avait en charge que le comparatif des offres des sous-traitants, mais, ne faisant pas partie de la société SDEL Lorraine, son avis ne peut être pris en compte qu'avec une grande réserve sur ce point.

M. [E] [N], soudeur, et [A] [P] attestent (pièces n° 42 et 43 de l'employeur) que la vérification du travail incombait au chef de chantier, mais M. [WC] lui-même a indiqué qu'il n'en avait rien été sur le chantier de la fromagerie Rians, auquel MM. [N] et [P] n'affirment pas avoir participé. M. [N] affirme d'ailleurs que le responsable d'affaires est en charge des aspects financiers, mais aussi techniques, ce qui désigne M.[B] comme responsable des malfaçons qui ont été relevées.

L'appelant prétend à tort que les malfaçons n'étaient apparentes sur les soudures qu'en leur aspect intérieur, alors que le compte-rendu de la réunion du 7 septembre 2017 (pièce n° 10 de l'employeur) fait apparaître « des soudures extérieures jugées très épaisses et irrégulières avec des présences d'affaissement et de points d'arrêt de soudure » (page 3), et « une (...) soudure (') suspicieuse vue de l'extérieur » (page 4). Cette réunion s'est déroulée en présence de M. [H] [O], responsable de projet SDEL Lorraine, et d'un expert soudeur indépendant.

La responsabilité de M. [B] dans le surcoût engendré par les défauts de soudure du chantier de la fromagerie Rians est donc engagée, quel que soit le montant exact du surcoût que cela a généré pour son employeur.

Dès lors le grief est établi.

- Sur le chantier du container à méthanisation du zoo de [Localité 7] :

M. [B] rappelle, à ce titre également, que sa mission était limitée. L'employeur ne démontrerait pas la réalité du grief qu'il allègue, et que les réserves ont été levées sans que le client ne fasse manifestement la moindre remarque.

La société SDEL Lorraine considère que ce chantier était affecté des mêmes malfaçons et omissions que celui de la fromagerie Rians. M. [B] n'aurait pas remis de cahier des charges au sous-traitant. Il se serait ainsi rendu responsable de méconnaissance et de violation des obligations et des procédures internes de contrôle technique, de qualité et de sécurité.

Sur ce :

M. [V] [R], responsable de bureau d'études atteste (pièce n° 19 de l'employeur) avoir constaté avec M. [S], lors d'une visite de contrôle réalisée le 9 octobre 2017, que plusieurs oublis et malfaçons évidentes affectaient le container qui devait être livré au zoo de [Localité 7] deux jours plus tard. La liste de ces malfaçons a été transmise à M. [B], qui a sollicité le jour-même M. [T] [KS] et la société Coster, sous-traitante, pour que les réserves soient levées. Dans son courriel du même jour (pièce n° 20 de l'employeur), M. [Y] [Z] représentant la société Coster met en cause M. [B] pour lui avoir dit, quinze jours auparavant à l'occasion de son passage sur le chantier à [Localité 6], que le travail était bien fait alors que le lot tuyauterie était terminé.

Ces éléments caractérisent à la fois le rôle éminent de l'appelant dans la supervision du chantier et la coordination de ses acteurs, contrairement à la position qu'il défend dans le cadre de la présente instance, et ses carences manifestes dans ce rôle.

Ce grief est donc également établi.

- Sur la mise à disposition du matériel loué par la société SDEL Lorraine :

M. [B] affirme ne jamais avoir donné une quelconque autorisation à des sous-traitants d'utiliser le matériel de levage loué par son employeur, et avoir réagi ensuite en demandant au service achat d'imputer au sous-traitant les frais liés aux dégâts occasionnés sur les engins concernés, alors que M. [S] n'aurait, lui, eu aucune réaction.

La société SDEL Lorraine affirme que l'interdiction d'utilisation du matériel loué par ses soins par un tiers avait été rappelée par la direction. Le salarié ayant attesté que M. [B] n'a pas donné l'autorisation aux sous-traitants d'utiliser les engins de location n'ayant pas été aux côtés de l'appelant jour et nuit, le document qu'il produit en justice serait mensonger. Or, les sous-traitant lui-même indiquerait avoir été autorisé par M. [B] à utiliser les différents engins. Il s'agirait d'un acte d'insubordination particulièrement grave en matière de sécurité.

Sur ce :

Dans un courrier du 29 octobre 2017 (pièce n° 25 de l'employeur), M. [M] a affirmé que M. [B] avait mis à sa disposition un chariot élévateur et une nacelle. M. [WC] a, dans une attestation (pièce n° 27 de l'employeur), considéré qu'un accord sur cette utilisation entre M. [B] et le sous-traitant était évident. MM. [FM] [J], [C] [YD] et [W] [L], responsables d'affaires au sein de la société SDEL Lorraine, ont attesté que l'interdiction d'une telle pratique leur était régulièrement rappelée lors de réunions.

L'attestation de M. [O] (pièce n° 32 du salarié), outre qu'elle contrevient en plusieurs points à l'article 202 du code de procédure civile, n'établit nullement l'absence d'autorisation donnée par M. [B].

Dès lors, même si ce dernier a fait imputer financièrement à ce sous-traitant les dégâts causés à ces engins par l'utilisation qu'il lui avait donnée, ce grief est également établi, contrairement à ce qu'a considéré le conseil de prud'hommes d'Épinal.

- Sur l'intervention d'un sous-traitant non déclaré sur le chantier de la fromagerie Rians :

Selon M. [B], c'est la société Coster, sous-traitant de second rang, qui aurait lui-même fait intervenir ses propres sous-traitants sans aviser qui que ce soit.

La société SDEL Lorraine réfute cette thèse en affirmant que son salarié était informé de cette intervention et a même félicité ce sous-traitant non déclaré. Un courriel de M. [W] [TW] le démontrerait.

Sur ce :

Comme l'a justement développé le conseil de prud'hommes d'Épinal, il ne peut être déduit des deux documents produits par la société SDEL Lorraine (courriel de M. [W] [TW], pièce n° 29, et attestation de M. [NW] [K], pièce n° 30) que M. [B] a lui-même autorisé l'intervention de la société LTI sur le chantier de la fromagerie Rians. En particulier, le fait que M. [B] ait été informé de l'intervention de cette entreprise, à une date que M. [TW] ne précise pas, et ait félicité ses personnels pour la qualité du travail accompli, ne saurait emporter cette conséquence.

Dès lors, ce grief n'est pas caractérisé à l'encontre de M. [B].

- Sur les conséquences tirées par l'employeur des griefs établis :

Les trois griefs imputables à l'appelant constituent, par leur cumul, le préjudice financier, organisationnel et d'image qui en a découlé par la société SDEL Lorraine, une cause réelle et sérieuse du licenciement de M. [B].

Toutefois, les deux premiers relèvent de l'insuffisance professionnelle, aucune mauvaise volonté ou violation consciente des règles applicables n'étant établie.

S'agissant du grief relatif à la location à des sous-traitants du matériel loué par la société SDEL Lorraine, même si elle contrevenait aux principes rappelés lors de réunions, ne suffit pas à caractériser le caractère grave de la faute ainsi commise, en ce que notamment M. [B] a réagi pour que le préjudice financier nés des dégâts causés à ces engins ne soit pas à la charge de son employeur (pièce n° 58 de l'intimée). Cette faute n'empêchait pas la poursuite de la mission de ce salarié pendant la durée de son préavis.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

S'agissant des sommes alloués à M. [B] relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse, il ne conteste que le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents qu'en ce que les heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées n'ont pas été intégrés dans leur calcul. Or, pour les motifs évoqués ci-avant, il ne peut revendiquer avoir accompli ces heures supplémentaires.

En définitive, la décision entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions soumises à la cour.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

Il n'y a pas lieu de revenir sur les dispositions prévues par le conseil de prud'hommes d'Épinal en ce qu'il avait condamné la société SDEL Lorraine à verser à M. [B] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté ladite société de sa demande sur ce fondement et condamné les parties aux dépens à hauteur de la moitié chacune.

S'agissant de ces derniers, il sera appliqué la même répartition à hauteur d'appel. M.[B] sera condamné à verser à la société SDEL Lorraine la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré, ,

Déclare irrecevable la demande de la société SDEL Lorraine visant à voir réformer le jugement du conseil des prud'hommes d'[Localité 5] en date du 7 avril 2021 en ce qu'il a considéré la demande d'une somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral comme recevable ,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Dit que les dépens d'appel seront à la charge des parties répartis par parts égales.

Condamne M. [D] [B] à verser à la société SDEL Lorraine la somme de 800 euros (huit cents euros) au titre des frais irrépétible,

Rejette la demande formée par M. [B] au titre des frais irrépétibles.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en dix huit pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01168
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;21.01168 ?
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