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10/11/2022 | FRANCE | N°21/01966

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 10 novembre 2022, 21/01966


ARRÊT N° /2022

PH



DU 10 NOVEMBRE 2022



N° RG 21/01966 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2IC







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

19/00040

06 juillet 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [R] [Y]

[Adresse 2]r>
[Localité 4]

Représenté par Me Fabrice GOSSIN, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



S.A.S. PHARMA LAB Prise en la personne de son représentant légal en exercice,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marine CHOLLET de la SELARL FRÉDÉRIC VERRA ET MARINE CHOLLET, avocat au barreau de NANCY




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ARRÊT N° /2022

PH

DU 10 NOVEMBRE 2022

N° RG 21/01966 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2IC

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

19/00040

06 juillet 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [R] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Fabrice GOSSIN, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.A.S. PHARMA LAB Prise en la personne de son représentant légal en exercice,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marine CHOLLET de la SELARL FRÉDÉRIC VERRA ET MARINE CHOLLET, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Président : HAQUET Jean-Baptiste,

Conseillers : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 08 Septembre 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 10 Novembre 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 10 Novembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [R] [Y] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société CERP LORRAINE à compter du 01 octobre 1988, en qualité de responsable de zone.

A compter du 01 janvier 2001 suite à un avenant à son contrat de travail, Monsieur [R] [Y] a travaillé dans le cadre d'un forfait annuel en jours.

La convention collective nationale de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaire s'applique au contrat de travail.

A compter du 1er septembre 2010, suite à une opération d'absorption, le contrat de travail de Monsieur [R] [Y] a été transféré à la société PHARMALAB.

Par courrier du 06 janvier 2017, Monsieur [R] [Y] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 13 janvier 2017.

Par courrier du 25 janvier 2017, Monsieur [R] [Y] a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Par requête déposée le 24 janvier 2019, Monsieur [R] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins de :

- dire et juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement,

- condamner la société PHARMA LAB à lui verser :

- 105 594,90 euros brut au titre de rappel d'heures supplémentaires outre 10 559,49 euros brut au titre des congés payés s'y rapportant,

- 57 937,25 euros net au titre du repos compensateur, outre 5 793,73 euros net au titre des congés payés s'y rapportant,

- 150 000,00 euros au visa de l'article L 1235-3 du code du travail,

- ordonner la remise des bulletins de salaire et attestation Pôle Emploi rectifiés.

A titre reconventionnel, la société PHARMA LAB a demandé le remboursement des jours de réduction de travail indûment perçus à hauteur de 12 264,37 euros net.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 06 juillet 2021, lequel a:

- constaté que la prescription de l'action portant sur la rupture du contrat de travail de Monsieur [R] [Y] a été acquise le 24 septembre 2018,

- constaté que Monsieur [R] [Y] a saisi la juridiction de céans par acte réceptionné le 25 janvier 2019,

- dit que les demandes de Monsieur [R] [Y] relatives à son licenciement sont prescrites,

- débouté Monsieur [R] [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- débouté la société PHARMA LAB de sa demande au titre du remboursement des jours de réduction de travail indûment perçue,

- débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- partagé les dépens de l'instance par moitié entre les parties.

Vu l'appel formé par Monsieur [R] [Y] le 03 août 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [R] [Y] déposées sur le RPVA le 21 avril 2022, et celles de la société PHARMA LAB déposées sur le RPVA le 14 juin 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 15 juin 2022,

Monsieur [R] [Y] demande :

- de dire et juger qu'il est bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,

- de dire et juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement,

- en conséquence, de condamner la société PHARMA LAB à lui verser:

- 59 540,06 euros brut au titre de rappel d'heures supplémentaires non payées entre 2019 et 2020, outre 5 954,00 euros brut au titre des congés payés s'y rapportant,

- 17 228,08 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité de prise de repos compensateur, outre 1 722,88 euros brut au titre des congés payés s'y rapportant,

- 150 000,00 euros au visa de l'article L 1235-3 du code du travail,

- de condamner la société PHARMA LAB à lui verser 5 000,00 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- de statuer ce que de droit s'agissant des dépens.

La société PHARMA LAB demande :

Sur la rupture du contrat de travail :

- de constater que la prescription de l'action portant sur la rupture du contrat de travail de Monsieur [R] [Y] a été acquise le 24 septembre 2018,

- de constater que Monsieur [R] [Y] a saisi la juridiction de céans par acte réceptionné le 25 janvier 2019,

- en conséquence, de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nancy en date du 6 juillet 2021 en ce qu'il a :

- constaté que la prescription de l'action portant sur la rupture du contrat de travail de Monsieur [R] [Y] a été acquise le 24 septembre 2018,

- constaté que Monsieur [R] [Y] a saisi la juridiction de céans par acte réceptionné le 25 janvier 2019,

- dit que les demandes de Monsieur [R] [Y] relatives à son licenciement sont prescrites,

- débouté Monsieur [R] [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Sur l'exécution du contrat de travail :

- de constater que Monsieur [R] [Y] a introduit sa demande au titre des heures supplémentaires, repos compensateur et congés payés afférents le 24 janvier 2019,

- de constater que Monsieur [R] [Y] ne verse aux débats strictement aucun élément suffisamment précis susceptible de fonder sa demande au titre des heures supplémentaires,

- de constater que les éléments produits par Monsieur [R] [Y] manquent de tout sérieux, voire sont captieux,

- de constater que Monsieur [R] [Y] n'apporte aucune précision susceptible de justifier sa demande au titre des repos compensateurs,

- de constater qu'en cas d'inopposabilité, la convention de forfait en jours est inopposable à l'ensemble des parties,

- en conséquence, de juger que concernant les prétentions de Monsieur [R] [Y] au titre des heures supplémentaires, repos compensateur et congés payés afférents, les demandes antérieures au 25 janvier 2016 sont prescrites, car antérieures de plus de trois ans à la date de saisine du conseil de prud'hommes de Nancy,

*

A titre principal,

- de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nancy en date du 6 juillet 2021 en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [R] [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- de débouter Monsieur [R] [Y] de sa demande au titre des heures supplémentaires, et des congés payés y afférents,

- de débouter Monsieur [R] [Y] de sa demande au titre du repos compensateur, et des congés payés y afférents,

- de débouter Monsieur [R] [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- de juger que les sommes revendiquées au titre des heures supplémentaires et repos compensateurs, ainsi que les congés payés y afférents, sont à apprécier en brut,

*

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait estimer que le salarié a effectué des heures supplémentaires,

- de juger que les prétentions à titre de rappel de salaire sur une période antérieure au 25 janvier 2016 sont prescrites,

- de juger que Monsieur [R] [Y] ne peut revendiquer plus que les sommes de :

- 12 660,81 euros bruts au titre des heures supplémentaires pour l'année 2016,

- 1 135,69 euros bruts au titre des repos compensateurs pour l'année 2016,

*

A titre reconventionnel et subsidiaire,

- de juger que la rémunération versée à Monsieur [R] [Y] a emporté rémunération totale des heures supplémentaires par lui revendiquées pour la période entre 2014 et 2017,

*

En toute hypothèse,

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en date du 6 juillet 2021 en ce qu'il a :

- débouté la société PHARMA LAB de sa demande au titre du remboursement des jours de réduction de travail indûment perçue,

- statuant à nouveau :

- à titre principal, de condamner Monsieur [R] [Y] à lui verser la somme de 12 264,37 euros nets, en remboursement des jours de réduction de travail indûment perçus,

- à titre subsidiaire, de condamner Monsieur [R] [Y] à lui verser la somme de 8 458,14 euros nets, en remboursement des jours de réduction de travail indûment perçus,

- de condamner Monsieur [R] [Y] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [R] [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 14 juin 2022, et en ce qui concerne le salarié le 21 avril 2022.

Sur le licenciement

La société PHARMA LAB soutient que la demande de M. [R] [Y] relative au licenciement est prescrite, en application des dispositions de l'article 40 de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017.

M. [R] [Y] demande d'infirmer le jugement en ce qu'il a décidé que la demande était prescrite.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article 40II de l'ordonnance du 22 septembre 2017, la prescription édictée par l'alinéa 2 de l'article L1471-1 du code du travail, soit douze mois à compter de la notification de la rupture, s'applique aux prescriptions en cours depuis le 23 septembre 2017, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit deux ans.

En l'espèce, la rupture du contrat de travail est intervenue le 25 janvier 2017 ; la prescription a donc commencé à courir à partir de cette date pour une durée de deux ans ; le 23 septembre 2017, s'est substituée à cette durée la nouvelle prescription d'un an, sans que puisse être dépassé l'ancien délai de deux ans.

Le 23 septembre 2017, la prescription avait déjà couru pendant 7 mois et 28 jours ; ce délai, ajouté au nouveau délai d'un an, ne dépassait pas l'ancien délai de deux ans ; dès lors, à compter du 23 septembre 2017, commençait à courir le nouveau délai d'un an.

Ce délai expirait donc le 23 septembre 2018.

M. [R] [Y] a saisi le conseil des prud'hommes par requête déposée le 24 janvier 2019, soit au-delà de la date du 23 septembre 2018.

En conséquence, ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail sont prescrites ; la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a jugé en ce sens.

Sur le forfait jours

M. [R] [Y] fait valoir que le forfait auquel il était soumis est privé d'effet depuis 2001, la question de l'amplitude de ses journées de travail et de sa charge de travail n'ayant jamais été évoquée lors des entretiens individuels annuels.

La société PHARMA LAB ne conteste pas l'absence d'entretien sur la charge de travail ; elle ne répond pas aux arguments du salarié.

Motivation

Il résulte des dispositions de l'article L3121-65 du code du travail que dans le cadre d'une convention de forfait en jours, l'employeur doit s'assurer que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires, et doit organiser une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

En l'espèce, l'employeur ne conteste pas ne pas avoir organisé cet entretien annuel.

La convention de forfait en jours est donc inopposable à M. [R] [Y].

La convention de forfait en jours étant sans effet, la durée de travail applicable est la durée légale, toute heure exécutée au-delà de cette durée légal constituant une heure supplémentaire.

Sur les heures supplémentaires

Il convient de souligner que si dans le dispositif de ses conclusions, M. [R] [Y] réclame un rappel d'heures supplémentaires sur 2019 et 2020, les parties ne discutent que de la période comprise entre 2014 et 2017, le contrat de travail ayant par ailleurs pris fin en janvier 2017.

- sur la prescription des demandes

La société PHARMA LAB estime qu'en application de l'article L3245-1 du code du travail, la demande est prescrite pour les demandes portant sur les années 2014, 2015 et jusqu'au 24 janvier 2016.

M. [R] [Y] ne répond pas sur la question de la prescription.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En l'espèce, la société PHARMA LAB fait valoir que la prescription de trois ans pour les demandes portant sur une période antérieure de trois ans à la saisine du conseil des prud'hommes, en date du 25 janvier 2019, conduit à considérer prescrites les demandes jusqu'au 24 janvier 2016.

La prescription de l'article L3245-1 court à partir du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître le fait qu'il invoque, à savoir l'existence d'heures supplémentaires par l'effet de l'inopposabilité de la convention de forfait en jour. Cette connaissance résulte du constat, à la fin de chaque année, de l'absence d'entretien sur son exécution, et l'accomplissement des heures de travail.

Elle a donc commencé à courir le 1er janvier 2015 pour l'année 2014, le 1er janvier 2016 pour l'année 2015, et le 1er janvier 2017 pour l'année 2016.

Pour 2014, l'action était prescrite le 1er janvier 2017 ; pour 2015, elle était prescrite le 1er janvier 2018 ; pour 2016, elle était prescrite le 1er janvier 2019.

M. [R] [Y] a saisi le conseil des prud'hommes le 24 janvier 2019 ; aux termes de l'article 2248 du code civil, « les juges ne peuvent pas suppléer d'office le moyen résultant de la prescription » ; la prescription opposée par la société PHARMA LAB étant moins rigoureuse que celle résultant de l'application de la loi, il sera donc fait droit à sa demande de voir déclarer l'action prescrite pour les demandes antérieures au 24 janvier 2016.

- sur l'existence d'heures supplémentaires

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

 

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [R] [Y] produit en pièce 21 des tableaux par année, indiquant ses horaires de travail, jour par jour.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

En application des développements qui précèdent, seules doivent être considérées les demandes relatives à la période à compter du 25 janvier 2016.

La société PHARMA LAB fait valoir que le salarié a modifié ses demandes à ce titre par rapport à la première instance, et en appel entre ses premières et dernières écritures.

En application des développements qui précèdent, seules doivent être considérées les observations de l'employeur sur les demandes relatives à la période à compter du 25 janvier 2016.

La société PHARMA LAB fait valoir, s'agissant de l'année 2016, que M. [R] [Y] revendique 524 heures supplémentaires dans le tableau qu'il produit, alors que son calcul d'heures aboutit à 742 heures. Pour 2017, la société PHARMA LAB indique que l'appelant indique avoir effectué 20 heures supplémentaires, alors que dans le détail il indique 25 heures, et que le tableau qu'il produit fait état de 15 heures.

L'intimée indique également que l'appelant réclame le paiement d'heures supplémentaires pour la période du 04 au 13 juillet, alors qu'il se trouvait en RTT toute la semaine ; qu'il prétend avoir effectué des heures supplémentaires du 5 au 11 septembre 2016, et du 12 au 19 septembre 2016, alors qu'il était en congés payés du 6 au 14 septembre inclus. ; que le 22 août 2016, il déclare 8 heures de travail, alors qu'il se trouvait en congés payés.

Elle renvoie ensuite à sa pièce 7, indiquant avoir surligné en rouge sur le tableau produit par le salarié les jours de repos pour lesquels il a déclaré 8 heures de travail.

La société PHARMA LAB précise fournir en pièce 8, puis corrigé en pièce 14, le décompte des heures réalisées par M. [R] [Y].

L'appelant considère que les tableaux produits par l'employeur ne sont pas probants, comportant également des erreurs, comme le fait de comptabiliser 7 heures de travail par jour de congés pris ces trois dernières années.

Motivation

Nonobstant les erreurs matérielles relevées par l'employeur, les éléments présentés par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Alors qu'il appartient à l'employeur de justifier des heures de travail accomplies par ses salariés, le document auquel renvoie la société PHARMA LAB (sa pièce 8) est contesté par M.[R] [Y] ; ce document n'est pas signé par le salarié, et ne repose sur aucun document récapitulatif d'heures travaillées, qui serait signé par lui.

Il s'agit d'un tableau Excel, récapitulatif d'horaires de travail, mais dont la société PHARMA LAB n'explique pas sur quel système de décompte automatique, fiable et infalsifiable, il serait fondé, à défaut d'être fondé sur un décompte validé par le salarié.

Il convient donc de constater que la société PHARMA LAB ne justifie pas, en réponse aux demandes et pièces de M. [R] [Y], des heures de travail accomplies.

La pièce 7 que la société PHARMA LAB présente comme surlignée en rouge n'est produite qu'en noir et blanc ; si elle n'est donc pas exploitable dans cette mesure, il apparaît inutile d'en demander la production « en couleur » dans la mesure où l'intimée ne produit pas d'autre pièce justificative d'une revendication indue de son point de vue, de la part de M.[R] [Y], que la demande de congé du salarié du 06 septembre 2016 au 14 septembre 2016 (pièce 11), demande signée par le salarié et validée par l'employeur le 1er septembre 2016.

Dans son tableau en pièce 21, M. [R] [Y] n'indique aucune heure travaillée pour cette période.

Dans ces conditions, il convient de se baser sur les tableaux produits par M. [R] [Y] en pièce 21, mais uniquement pour la période non prescrite.

M. [R] [Y] valorise les heures supplémentaires en détaillant son calcul en avant-dernière et dernière pages de ses écritures ; il ressort des écritures de la société PHARMA LAB en pages 47 et 48 un accord sur le taux horaire appliqué par le salarié, soit 33,65 euros.

Au vu des pièces produites, l'employeur devra verser au salarié les sommes dont la cour dispose de suffisamment d'éléments pour estimer la créance, pour la période non prescrite, à hauteur de 13 617 euros, outre 1361,70 euros au titre des congés payés afférents.

- sur le paiement effectif des heures supplémentaires

La société PHARMA LAB explique que M. [R] [Y] a perçu une rémunération supérieure à celle qu'il aurait dû théoriquement percevoir s'il n'y avait pas eu de convention de forfait ; elle estime que, cette convention étant remise en cause, il convient de constater que la rémunération du salarié a opéré paiement des heures supplémentaires.

Elle rappelle que M. [R] [Y] réclame 21 966,66 euros pour 2016, et soutient qu'il a perçu pour cette année 183 % du salaire minimum conventionnel, ce qui correspond à 35 263,96 euros de plus que le minimum conventionnel.

M. [R] [Y] ne répond pas à ces arguments.

Motivation

Il résulte de l'accord du 14 janvier 2016, rattaché à la convention collective applicable, relatif aux salaires minima pour l'année 2016, que pour le niveau IX, soit le niveau de M.[R] [Y] indiqué sur ses bulletins de salaire, notamment pour 2016, la rémunération annuelle garantie était de 42 455 euros, soit 3538 euros par mois.

Il ressort des bulletins de paie de M. [R] [Y] produit en pièce 22 que pour 2016 son salaire mensuel de base était de 5104,08 euros.

Le différentiel est de 1566,08 euros par mois, soit 18 792,96 euros pour l'année.

Il convient dès lors de constater que la rémunération perçue par M. [R] [Y] dans le cadre de la convention de forfait en jour a emporté paiement des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, qu'il réclame à la suite de l'inopposabilité de la dite convention.

Sur la demande au titre des repos compensateurs

Il convient de souligner au préalable que si dans le dispositif de ses conclusions, M.[R] [Y] réclame un rappel d'heures supplémentaires sur 2019 et 2020, les parties ne discutent que de la période comprise entre 2014 et 2017, le contrat de travail ayant par ailleurs pris fin en janvier 2017.

M. [R] [Y] réclame à ce titre pour 2016 seulement, ne revendiquant rien pour 2017, la somme de 3836,10 euros, outre 383,61 euros au titre des congés payés afférents, sans détailler son calcul.

La société PHARMA LAB fait valoir à titre subsidiaire, précisant que le salarié ne peut faire état d'une demande pour la période antérieure au 25 janvier 2016, que M. [R] [Y] n'a pas effectué plus de 145 heures à 25 % et 130 heures à 50 %, soit un dépassement du contingent de 55 heures, et que seules 50 % de ces heures, en application de l'article L3121-38 du code du travail, doivent être retenues, l'entreprise comptant moins de 20 salariés.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou le cas échéant à un repos compensateur équivalent.

L'article 3121-30 du même code dispose que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel ; les heures effectuées au-delà de ce contingent ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Selon l'article L3121-38, à défaut d'accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos compensateur est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné à l'article L3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.

En l'espèce, M. [R] [Y] ne conteste ni que l'entreprise compte moins de 20 salariés, ni la méthode de calcul exposée par la société PHARMA LAB, alors que l'employeur propose un calcul de valorisation favorable au salarié dans la mesure où il applique à l'ensemble des heures supplémentaires une majoration de 50 %, en ce donc comprises les heures supplémentaires majorées à 25 %.

La valorisation est faite au taux horaire évoqué au précédent paragraphe.

Compte tenu du volume d'heures supplémentaires retenu au terme du développement précédent, il sera fait droit à la demande de M. [R] [Y] à hauteur de 1589,96 euros (283 heures supplémentaires ' 220 heures correspondant au contingent annuel = 63 heures /2 = 31,5 c'est- à-dire 50 % des heures pour une entreprise de moins de 20 salariés ; 31,5 heures x 33,65 euros x 1,5 c'est-à-dire majoration à 50 % = 1589,96 euros), outre 159 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de remboursement des RTT

La société PHARMA LAB expose que M. [R] [Y] a bénéficié de jours de RTT, notamment de 10 jours en 2016 ; elle estime que, la convention de forfait étant privée d'effet selon l'appelant, le paiement des jours de réduction de temps de travail est devenu indû.

Elle valorise sa demande sur la base d'un salaire de 291,66 euros par jour, auquel elle ajoute les charges patronales.

M. [R] [Y] fait valoir que les jours de RTT ont été décomptés de ses demandes de rappel de salaire, « en témoigne le relevé d'heures supplémentaires fourni ». Il estime dès lors que la société PHARMA LAB n'est pas fondée à demander le paiement en restitution de l'indû de jours non rémunérés.

Motivation

Lorsque la convention de forfait en jours à laquelle était soumis le salarié lui est déclarée inopposable, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu.

En l'espèce, il ne ressort pas de la pièce 21 de M. [R] [Y] ni de ses décomptes présentés dans ses écritures que, ainsi qu'il le soutient, il aurait déduit de ses prétentions ce qui correspondrait aux jours de RTT.

M. [R] [Y] ne critique pas le décompte des jours de RTT réclamé par la société PHARMA LAB ; l'intimée indique que 10 jours de RTT ont été accordés en 2016, période non prescrite.

La société PHARMA LAB valorise ces jours sur la base du calcul du salaire mensuel brut moyen, ramené à la journée, soit 291,66 euros ; elle ajoute « les charges patronales », sans les détailler, et sans non plus les expliciter.

Il résulte du bulletin de paie de M. [R] [Y] du mois d'octobre, qui est le dernier bulletin de paie produit pour l'année 2016, que son salaire brut était de 67510,80 euros, soit 6751,08 euros par mois, soit 225,03 euros par jour.

Il sera donc fait droit à la demande de condamnation de M. [R] [Y] au titre du remboursement des RTT pour 2016 à hauteur de 2250,30 euros, soit 10 jours à 225,03 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à titre principal, la société PHARMA LAB sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Elle sera également condamnée à payer à M. [R] [Y] 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 06 juillet 2021, en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes liées à la rupture du contrat de travail ;

Statuant à nouveau, dans les limites de l'appel,

Déclare inopposable à M. [R] [Y] la convention de forfait en jours à laquelle il était soumis dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ;

Déclare prescrites les demandes relatives aux heures supplémentaires antérieures au 24 janvier 2016 ;

Constate que la rémunération servie à M. [R] [Y] a opéré paiement des heures supplémentaires qui lui sont dues ;

Condamne la société PHARMA LAB à payer à M. [R] [Y] 1589,96 euros (mille cinq cent quatre vingt neuf euros et quatre vingt seize centimes) au titre des repos compensateurs ;

Condamne la société PHARMA LAB à payer à M. [R] [Y] 159 euros (cent cinquante neuf euros) au titre congés payés afférents aux repos compensateurs ;

Condamne M. [R] [Y] à payer à la société PHARMA LAB 2250,30 euros (deux mille deux cent cinquante euros et trente centimes) au titre des jours de RTT ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Y ajoutant,

Condamne la société PHARMA LAB à payer à M. [R] [Y] 2500 euros (deux mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société PHARMA LAB aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en treize pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01966
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;21.01966 ?
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