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07/11/2022 | FRANCE | N°22/00273

France | France, Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 07 novembre 2022, 22/00273


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2022 DU 07 NOVEMBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00273 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E5MD



Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'EPINAL, R.G.n° 20/00470, en date du 25 janvier 2022,



APPELANTS :

Monsieur [S] [O]

né le 15 octobre 1956 à [Localité 4

] (54)

domicilié [Adresse 1]

Représenté par Me Ariane MILLOT-LOGIER de l'AARPI MILLOT-LOGIER, FONTAINE & THIRY, avocat au barreau de NANCY



Madame [W] [O]
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2022 DU 07 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00273 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E5MD

Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'EPINAL, R.G.n° 20/00470, en date du 25 janvier 2022,

APPELANTS :

Monsieur [S] [O]

né le 15 octobre 1956 à [Localité 4] (54)

domicilié [Adresse 1]

Représenté par Me Ariane MILLOT-LOGIER de l'AARPI MILLOT-LOGIER, FONTAINE & THIRY, avocat au barreau de NANCY

Madame [W] [O]

née le 28 septembre 1963 à [Localité 4] (54)

domiciliée [Adresse 2]

Représentée par Me Ariane MILLOT-LOGIER de l'AARPI MILLOT-LOGIER, FONTAINE & THIRY, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉES :

CNA INSURANCE COMPANY LIMITED, ayant pour dénomination commerciale CNA HARDY, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 3]

Représentée par Me Philippe LYON substituant Me Aline POIRSON de la SELARL LYON MILLER POIRSON, avocats au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Valentin GERVAIS, avocat au barreau de PARIS

S.A. CNA INSURANCE COMPANY (EUROPE), prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 3]

Représentée par Me Philippe LYON substituant Me Aline POIRSON de la SELARL LYON MILLER POIRSON, avocats au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Valentin GERVAIS, avocat au barreau de PARIS

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2022, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 07 Novembre 2022, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

FAITS ET PROCÉDURE :

La société par actions simplifiées (SAS) Artecosa devenue Signatures a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris le 5 février 2008 ; elle avait pour activité l'achat et la vente d''uvres d'art, lettres, dessins, tableaux, manuscrits et livres, l'organisation d'expositions temporaires ou perpétuelles ayant pour objet des objets de collections, revente ambulante d'objets mobiliers, auprès d'une clientèle de particuliers.

Elle a été placée sous procédure de sauvegarde le 23 janvier 2018 et en liquidation judiciaire le 27 décembre 2018. Elle a été sanctionnée par l'Autorité des Marchés Financiers le 13 novembre 2018.

La société à responsabilité limitée (S.A.R.L.) Courtage-Placement-Investissement (ci-après la société CPI) a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Epinal le 16 octobre 2000, elle avait pour activité agent et courtiers d'assurances.

Son gérant était Monsieur [U] [X] ; elle a été transformée en société par actions simplifiées (SAS) et a eu pour président la société à responsabilité limitée (S.A.R.L.) Financière MLP2 et pour directeur général Monsieur [T] [Y].

Elle a été placée en redressement judiciaire le 29 mai 2018 et en liquidation judiciaire le 21 mai 2019 ; la SCP Le Carrer-Najean en est le liquidateur.

Suivant contrat d'agence commerciale non-exclusif du 1er mars 2008, la société Artecosa a donné mandat à la société CPI de souscrire des contrats en son nom au titre d'apporteur d'affaires. La société Artecosa et la société CPI ont souscrit, auprès de la société CNA Insurance Company Limited, un contrat d'assurance groupe pour garantir leur responsabilité professionnelle.

Suivant bon de commande du 1er mars 2011, Monsieur [S] [O] a acheté à la SAS Artecosa une collection diversifiée pour la somme de 100000 euros. Le contrat a été signé à la rubrique 'signature du mandataire et tampon de la société exploitante' par Monsieur [U] [X] sans aucun tampon d'aucune société. La société Artecosa a précisé à Monsieur [S] [O], par courrier du 10 mai 2011, le contenu de sa collection soit six photographies et un manuscrit avec la valeur de chaque document.

Suivant bon de commande du 30 mars 2011, Monsieur [S] [O] a acheté à la SAS Artecosa une collection diversifiée pour la somme de 50000 euros. Le contrat a été signé à la rubrique 'signature du mandataire et tampon de la société exploitante' par Monsieur [U] [X] sans tampon d'aucune société. La société Artecosa a précisé à Monsieur [S] [O] par courrier du 30 mai 2011, le contenu de sa collection, soit six photographies et trois lettres manuscrites avec la valeur de chaque document.

Suivant bon de commande du 31 janvier 2012, Monsieur [S] [O] a acheté à la SAS Artecosa une collection diversifiée pour la somme de 150000 euros. Le contrat a été signé à la rubrique 'signature du mandataire et tampon de la société exploitante' par Monsieur [U] [X] sans tampon d'aucune société. La société Artecosa a précisé à Monsieur [S] [O] par courrier du 22 juin 2012 le contenu de sa collection, soit huit photographies et quatre lettres manuscrites avec la valeur de chaque document.

Suivant bon de commande du 3 mai 2013, Monsieur [S] [O] a acheté à la SAS Artecosa une collection diversifiée pour la somme de 55000 euros. Le contrat a été signé à la rubrique 'signature du mandataire et tampon de la société exploitante' par Monsieur [U] [X] sans tampon d'aucune société. La société Artecosa a précisé à Monsieur [S] [O], par courrier du 28 août 2013, le contenu de sa collection soit quatre photographies et une lettre manuscrite avec la valeur de chaque document.

Suivant bon de commande du 26 août 2014, Monsieur [S] [O] a acheté à la SAS Artecosa une collection diversifiée pour la somme de 140000 euros. Le contrat a été signé à la rubrique 'signature du mandataire et tampon de la société exploitante' par Monsieur [U] [X] sans tampon d'aucune société. La société Artecosa a précisé à Monsieur [S] [O], par courrier du 1er décembre 2014, le contenu de sa collection soit trois photographies et quatre lettres manuscrites avec la valeur de chaque document.

Suivant bon de commande du 2 décembre 2015, Monsieur [S] [O] a acheté à la SAS Artecosa une collection diversifiée pour la somme de 300000 euros. Le contrat a été signé à la rubrique 'signature du mandataire et tampon de la société exploitante' par Monsieur [U] [X] sans tampon d'aucune société.

Suivant bon de commande du 2 mars 2016, Monsieur [S] [O] a acheté à la SAS Artecosa une collection diversifiée pour la somme de 107750 euros. Le contrat a été signé à la rubrique 'signature du mandataire et tampon de la société exploitante' par Monsieur [U] [X] sans tampon d'aucune société.

La société Artecosa a précisé à Monsieur [S] [O], par courrier du 16 juin 2016, le contenu de sa collection soit huit photographies et quatre manuscrits avec la valeur de chaque document. Monsieur [S] [O] a vendu le 1er mars 2016 deux photographies et un manuscrit pour la somme de 107750 euros.

Suivant bon de commande du 3 février 2017, Monsieur [S] [O] a acheté à la SAS Artecosa une collection diversifiée pour la somme de 161650 euros. Le contrat a été signé à la rubrique 'signature du mandataire et tampon de la société exploitante' par Monsieur [T] [Y] sans tampon d'aucune société. La société Signatures a précisé à Monsieur [S] [O] par courrier du 14 juin 2017, le contenu de sa collection soit six photographies et cinq manuscrits avec la valeur de chaque document. Le paiement a été effectué par compensation avec la vente de la collection acquise le 31 janvier 2012.

Suivant bon de commande du 2 février 2013, Madame [W] [O] a acheté à la SAS Artecosa une collection diversifiée pour la somme de 105000 euros. Le contrat a été signé à la rubrique 'signature du mandataire et tampon de la société exploitante' par Monsieur [U] [X] sans tampon d'aucune société. La société Artecosa a précisé à Madame [W] [O], par courrier du 28 août 2013, le contenu de sa collection soit deux photographies et sept manuscrits avec la valeur de chaque document.

L'opération comportait également pour chaque achat, sauf celui de 2017, un document intitulé 'contrat de vente assorti d'un contrat de garde', identifié par un numéro de contrat et comportant plusieurs stipulations. La société Artecosa s'engageait ainsi à vendre à l'acquéreur une collection d''uvres d'art en cours de constitution pour un prix d'ores et déjà fixé, avec une garantie quant à l'origine et l'authenticité des éléments qui figureraient dans ladite collection. Un contrat de garde suivait, par lequel l'acquéreur confiait à la société Artecosa le soin de conserver sous certaines garanties de protection et d'assurance, ces 'uvres dans ses locaux.

L'ensemble comportait en son article V une promesse de vente en fin de contrat, aux termes de laquelle les parties convenaient 'de la possibilité pour la société d'acheter la collection au terme du contrat de garde', le prix étant majoré de 7,5 % par année de garde et de conservation si le dépôt avait une durée d'au moins 5 années pleines et entières.

Par actes d'huissier respectivement délivrés les 14 et 18 février 2020, Monsieur [S] [O] et Madame [W] [O] ont fait assigner, la société de droit anglais CNA Insurance Company Limited, en qualité d'assureur de la SAS CPI, et la SCP Le Carrer-Najean, en qualité de liquidateur de la SAS CPI, devant le tribunal judiciaire d'Epinal au visa de l'article L. 124-3 du code des assurances.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 5 décembre 2020, la SA CNA Insurance Company (Europe) est intervenue volontairement à l'instance et la SA CNA Insurance Company Limited a demandé à être mise hors de cause.

Par conclusions du 21 septembre 2021, la SA CNA Insurance Company (Europe) et la SA CNA Insurance Company Limited ont saisi le juge de la mise en état d'un incident.

Par ordonnance sur incident réputée contradictoire du 25 janvier 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Epinal a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la S.A. CNA Insurance Company (Europe),

- mis hors de cause la S.A. CNA Insurance Company Limited,

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action initiée par Madame [W] [O],

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action initiée par Monsieur [S] [O] relativement aux contrats souscrits les 1er mars 2011, 30 mars 2011, 31 janvier 2012, 3 mai 2013 et 26 août 2014,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription concernant les contrats 'souscrits par Monsieur [S] [O] les 2 décembre 2015, 2 mars 2016 et 3 février 2017',

- rejeté les demandes au titre des frais de défense,

- dit que les dépens suivront ceux de la procédure au fond,

- renvoyé le dossier à l'audience de mise en état du lundi 14 mars 2022 pour les conclusions des parties au fond.

Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a fait droit à la demande de mise hors de cause de la SA CNA Insurance Company limited en l'absence de toute contestation.

Le juge de la mise en état a retenu que le délai de prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu connaissance précédemment et il a expliqué qu'il est constant que le dommage résultant d'un manquement à une obligation d'information, de mise en garde et/ou de conseil, consiste en une perte de chance de ne pas contracter et se réalise en principe à la date de la conclusion du contrat litigieux, à moins que le demandeur rapporte la preuve qu'il ignorait à cette date, les manquements qu'il impute à son co-contractant, lui permettant de reporter le point de départ de la prescription à la date où il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance desdits manquements.

Au cas d'espèce, le juge a retenu que les consorts [O] ne pouvaient se prévaloir de la rémunération de la société CPI pour remettre en cause leurs investissements. Le juge a aussi précisé que les termes du contrat renvoyant à un rendement important de l'investissement étaient particulièrement clairs en ce qu'ils ne garantissaient pas le rachat des 'uvres par la société Artecosa/ Signatures avec un taux d'intérêts de 7,5% sur cinq ans. Le juge a aussi relevé que le seul élément garanti est l'origine et l'authenticité des 'uvres et non le prix de vente des biens. Soulignant le caractère fluctuant du marché des 'uvres d'art, le juge de la mise en état a estimé que les consorts [O] ne pouvaient pas ignorer et reprocher à la société CPI de ne pas les avoir informés de l'avis de l'Autorité des Marchés financiers du 20 novembre 2014 ou de la déconfiture de la société Aristophil intervenue en 2015, ce qui a déstabilisé le marché des manuscrits. En outre, le juge a considéré que la date du 13 novembre 2018 correspondant à l'interdiction d'exercer l'activité d'intermédiaire de biens divers pendant 10 ans à l'encontre de la société Signatures pour des faits relatifs à la période du 1er janvier 2014 au 29 février 2016 et notamment des brochures « Artecosa référent sur le marché de l'art » et « L'art investi dans le patrimoine » dont il n'est pas avéré qu'elles aient été transmises aux consorts [O] ne peut constituer le point de départ de la prescription. Il en est de même pour la date du 1er septembre 2015, date de la liquidation judiciaire de la société Aristophil.

Ainsi, le juge de la mise en état a considéré que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité devait être fixé au jour de la souscription des contrats, ce qui rend l'action de Monsieur [S] [O] prescrite pour les contrats souscrits le 1er mars 2011, 30 mars 2011, 31 janvier 2012, 3 mai 2013 et 26 août 2014 et a déclaré l'action de Madame [W] [O] prescrite.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 4 février 2022, les consorts [O] ont relevé appel de cette ordonnance.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 14 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les consorts [O] demandent à la cour, au visa des articles 122, 789 6° du code de procédure civile, des articles 1156 à 1164 et 1135 du code civil, de :

- déclarer leur appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la SA CNA Insurance Company Europe,

- mis hors de cause la SA CNA Insurance Company Limited,

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action initiée par Madame [W] [O],

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action initiée par Monsieur [S] [O] relativement aux contrats souscrit les 1er mars 2011, 30 mars 2011, 31 janvier 2012, 3 mai 2013 et 26 août 2014,

- déclarer irrecevable et mal fondé le moyen de prescription soulevé par les compagnies CNA Insurance Company Limited et CNA Insurance Company (Europe),

En conséquence, le rejeter et débouter les assureurs CNA Insurance Company Limited et CNA Insurance Company (Europe) de toutes leurs demandes, moyens fins et conclusions,

- décider que le juge de la mise en état était incompétent pour mettre hors de cause une partie,

- décider qu'il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la SA CNA Insurance Company Limited,

- juger recevable leur action introduite par assignations des 14 et 18 février 2020,

- débouter les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamner in solidum les compagnies CNA Insurance Company Limited et CNA Insurance Company (Europe) à leur verser la somme globale et forfaitaire de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 31 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA CNA Insurance Company Limited et la SA CNA Insurance Company Europe demandent à la cour, au visa des articles 31 et 789 du code de procédure civile, l'article 2224 du code civil, de :

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance entreprise dans toutes ses dispositions,

- mettre hors de cause la société CNA Insurance Company Limited,

- juger irrecevable l'action de Monsieur [O] concernant ses investissements des 1er mars 2011, 30 mars 2011, 31 janvier 2012, 3 mai 2013 et 26 août 2014 et de Madame [O] concernant son investissement du 2 février 2013 car prescrite,

- débouter Madame et Monsieur [O] de toutes leurs demandes à leur encontre concernant les investissements des 1er mars 2011, 30 mars 2011, 31 janvier 2012, 2 février 2013, 3 mai 2013 et 26 août 2014,

A titre subsidiaire,

- juger qu'à suivre l'argumentaire des consorts [O], le point de départ du délai de prescription doit être repoussé à la date d'échéance des contrats, soit d'un an après leur conclusion,

- juger irrecevable l'action de Monsieur [O] concernant ses investissements des 1er mars 2011, 30 mars 2011, 31 janvier 2012 et 3 mai 2013 et de Madame [O] concernant son investissement du 2 février 2013 car prescrite,

- débouter Madame et Monsieur [O] de toutes leurs demandes à leur encontre concernant les investissements des 1er mars 2011, 30 mars 2011, 31 janvier 2012, 2 février2013 et 3 mai 2013,

En tout état de cause :

- condamner in solidum Madame et Monsieur [O] au paiement, à leur profit d'une somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 27 juin 2022.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 12 septembre 2022 et le délibéré au 7 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les écritures déposées le 14 juin 2022 par Monsieur [S] [O] et Madame [W] [O] et le 31 mai 2022 par les sociétés CNA Insurance Company Limited et CNA Insurance Europe, auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 27 juin 2022 ;

Sur la mise hors de cause de la S.A. CNA Insurance Company Limited et l'intervention volontaire de la SA CNA Insurance Company Europe

A l'appui de leur contestation de l'ordonnance du juge de la mise en état ayant mis 'hors de cause' la société CNA Company Limited, les consorts [O] font valoir que cette demande ne ressort pas des compétences du juge de la mise en état telles que définies par l'article 789 du code de procédure civile ;

ils ajoutent que l'intervention volontaire de la société CNA Insurance Company Europe par conclusions au fond du 5 décembre 2020, ne lie pas le juge ;

ils considèrent qu'elle ne dispose pas de la preuve de la reprise des obligations de la première compagnie, tirée du contrat d'assurance du 4 décembre 2018, par la seconde et que la radiation de la première du RCS postérieurement à la délivrance de l'assignation, ne justifie pas cette demande ;

En réponse, la société CNA Insurance Company Limited indique avoir été radiée du RCS le 19 octobre 2020 ; en outre par acte du 4 décembre 2018, la police dont le bénéfice est sollicité a été transférée à effet du 1er janvier 2019 à la société CNA Insurance Company Europe (pièces 1-4 et 1-5 intimées) ; elles affirme par conséquent ne plus être débitrice d'une obligation de garantie au titre de la police FN 1801 à compter du 1er janvier 2019, ce qui justifie sa mise hors de cause ;

Il résulte des articles 122 et 789 du code de procédure civile que le juge de la mise en état est, dès sa désignation, seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir dont la qualité pour agir fait partie ; dès lors la demande de mise hors de cause formée par l'assureur, participe de cette notion de qualité pour défendre en l'occurrence, ce qui justifie la saisine du juge de la mise en état ;

S'agissant de son bien fondé, il apparaît que la société CNA Insurance Company Limited est radiée du RCS selon production d'un extrait du 28 octobre 2020 (pièces 1-4 intimées) ;

le traité de cession est produit en pièce 1-5 et liste les contrats transmis, dans laquelle le numéro de police sus énoncé n'est pas présent ;

Dès lors en l'absence de preuve du transfert des obligations de la première société au bénéfice de la seconde, l'ordonnance du juge de la mise en état sera infirmée en ce qu'elle a mis hors de cause la société CNA Insurance Company Limited ;

Sur la prescription de l'action

A l'appui de leur recours, les consorts [O] font valoir que le premier juge s'est mépris sur l'analyse des éléments de la cause à quatre niveaux, alors que celle-ci doit être faite in concreto :

- le point de départ à retenir repose sur une confusion ; ils n'avaient aucune possibilité d'agir dans le délai de cinq ans à compter de la souscription du contrat, dès lors que le code de la propriété intellectuelle ne les a pas informés des risques encourus ; le point de départ se situe ainsi au 1er mars 2016 ;

- l'absence de transparence sur la rémunération de l'intermédiaire a une influence sur la cause ; ainsi le C.P.I. n'a pas indiqué aux souscripteurs qu'il était rémunéré par la société Artecosa, perdant ainsi son indépendance, point qu'elle leur a caché ;

- les contrats comportaient tous une promesse de vente acceptée, portant sur le rachat au même prix que celui de la vente, de la collection au jour de la convention, obligation ultérieurement modifiée ; cela constituait une garantie pour les acquéreurs, la société Artecosa ayant accepté la promesse de vente ; ce n'est que lors de la réception du courrier du 8 janvier 2016 de la part de la société Artecosa portant modification de cette clause avec volonté d'effet rétroactif, qu'ils ont pris conscience du caractère très risqué des contrats souscrits ;

- eu égard à la nature des contrats par essence risqués, il est faux de prétendre que les éléments postérieurs à la conclusion du contrat ayant déstabilisé le marché, seraient sans influence sur le cours de la prescription ; ainsi la lettre du 8 janvier 2016 portant modification des conditions du contrat souscrit, établit à l'évidence, que les termes du contrat liaient la société Artecosa, ayant accepté la promesse de vente des acquéreurs ; c'est à ce moment là précisément qu'ils ont pu comprendre les effets sur les risques encourus en l'absence de promesse de rachat effective (pièce 19 appelants) ;

En réponse, la SA CNA Insurance Company Limited et la société CNA Insurance Europe font valoir que le point de départ du délai de prescription s'agissant d'une action fondée sur un manquement à une obligation d'information et de conseil, le dommage consistant en une perte de chance de ne pas contracter, se réalise à la date de conclusion du contrat en litige, solution régulièrement rappelée par les juridictions, dans les instances relatives à l'obligation de la banque ; elles affirment que ces décisions s'appliquent au cas d'espèce ;

elles reconnaissent cependant que ce n'est que par exception, lorsqu'il est démontré que la victime ne pouvait pas avoir connaissance, au jour de la conclusion du contrat, du dommage dont elle sollicite réparation, que le point de départ de la prescription est alors repoussé ; la partie qui l'invoque se doit alors de permettre d'apprécier si les manquements reprochés au professionnel dont la responsabilité est recherchée étaient décelables dès la conclusion du contrat ou s'ils ne se sont révélés qu'à l'occasion de l'exécution du contrat ; elles ajoutent qu'en l'espèce, le seul point qui importe, s'agissant de la prescription, est de déterminer à quelle date les consorts [O] ont eu, ou auraient dû avoir connaissance de ce que les investissements litigieux ne prévoyaient pas de garantie de rachat à la charge de la société Artecosa, de sorte qu'ils n'étaient pas dénués de tout risque ;

or elles affirment que les appelants invoquent vainement qu'ils ont découvert tardivement, que la société Artecosa n'était pas engagée par une promesse de rachat des oeuvres à leur profit alors que les termes du contrat sont clairs et qu'aucune obligation n'était mise à la charge de la société Artecosa de 'lever l'option' de la promesse de vente consentie par les acquéreurs, s'agissant d'une simple 'possibilité' ;

aussi aucune interprétation des termes du contrat n'est requise et la lettre de la société Artecosa du 8 janvier 2016, ne constitue ni une modification, ni une interprétation du contrat initial ; enfin la durée du contrat de garde n'impacte aucunement sur la connaissance par les acquéreurs de leurs droits, pas plus que la rémunération de l'intermédiaire, la société C.P.I. ;

Aux termes de l'article 2224 du code civil « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ;

le point de départ du délai de prescription est 'le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits' permettant d'exercer son action ;

S'agissant d'un manquement à une obligation d'information ou de mise en garde, le dommage ne consiste qu'en la perte de chance de ne pas contracter, laquelle se manifeste par principe, dès la conclusion du contrat ;

Cependant il y a lieu de distinguer selon que le dommage était connu de la victime, cas dans lequel le délai de prescription court à compter de la conclusion du contrat, ou que le dommage n'était pas connu, ce qui justifie de retarder le point de départ de la prescription au jour de sa connaissance ; en effet le principe est que la prescription ne court pas contre celui qui ne peut exercer ses droits ;

Ainsi Monsieur [O] et Madame [O] font valoir que lorsqu'ils souscrivent les contrats, ils n'ont pas compris qu'ils venaient de subir un dommage résultant d'un manquement à l'obligation d'information, se caractérisant par la perte de chance de ne pas contracter ; ainsi le manquement à l'obligation d'information créateur d'un dommage pour celui qui contracte, résulte de l'attitude du débiteur de l'obligation, que le créancier n'est pas en capacité de déceler avant la réalisation du dommage, ce qui justifie le report du point de départ du délai pour agir au moment de celle-ci ( Cass. Com. 22 janvier 2020 -17-20. 819 ; Cass Com 12 novembre 2020 I9-11.506 ; Cass. Com. et 6 janvier 2021 18-24. 954 s'agissant de l'obligation d'information du banquier) ;

En outre, le pouvoir d'apprécier si la manifestation du dommage était suffisamment caractérisée (à la date de souscription du contrat ou ultérieurement) au vu de tout autre élément de fait appartient, selon la Cour de cassation, aux juges du fond ;

En l'espèce le premier contrat signé le 1er mars 2011 par Monsieur [S] [O] et par Monsieur [U] [X], représentant de la société de courtage C.P.I., porte sur une somme de 100000 euros ;

en contrepartie et selon l'article I du contrat -objet du contrat-, la société Artecosa s'engage à lui vendre une collection d'oeuvres en cours de constitution dont le prix est dès à présent fixé, ce dans les 60 jours de la signature ; en cas de refus une nouvelle proposition interviendra dans les 30 jours suivants à peine de caducité de l'offre en cas de second refus ;

L'article III du contrat prévoit la souscription d'un contrat de garde par l'acquéreur pour une durée d'une année renouvelable par tacite reconduction ;

Enfin l'article V mentionne sous le titre 'promesse de vente en fin de contrat', premièrement que 'la Société et l'acheteur conviennent de la possibilité pour la Société d'acheter la collection au terme du contrat de garde', deuxièmement que 'la promesse de vente accordée à l'acheteur et acceptée en tant que promesse par la Société, se réalisera, au même prix que le prix de vente de la collection à l'acheteur. Ce prix sera néanmoins majoré de 7,5% par année de garde et de conservation si le dépôt a une durée d'au moins 5 années pleines et entières' et troisièmement, 'si l'acheteur a trouvé dans le même temps un acquéreur à un prix supérieur, il pourra réaliser la vente après en avoir informé la société par lettre recommandée' (pièce 9 appelant) ;

Les autres contrats souscrits par Monsieur [O] ainsi que celui du 3 mars 2013 par sa soeur Madame [W] [O] (pièce 17 appelants), sont rédigés en termes identiques pour la période de 2011 à 2017, qui englobe celle postérieure au 8 janvier 2016, date du courrier expédié aux appelants par la société Artecosa (pièce 19 appelant) portant prétendument modification des conditions initiales du contrat - établi sur le même formulaire- ;

Il en résulte que rédigés en termes clairs et intelligibles, les contrats permettent à l'acquéreur d'espérer revendre les biens objet du contrat si la société Artecosa en qualité d'acceptant de la promesse de vente formée par l'acheteur, lève l'option d'achat ou, à l'issue de la période de garde de 5 ans, céder la collection à un tiers à un prix intéressant ;

Certes ce contrat comporte un aléa lié à la réalisation ou non de la vente à un tiers ou à la levée d'option par la société venderesse, en contrepartie de quoi, après une période de 'blocage' de cinq années, le souscripteur sera rémunéré par un intérêt de 7,5% par an ;

Cependant cet aléa est la contrepartie de la rémunération du capital ;

Ainsi dès la date de la signature de leur convention, comportant des mentions claires et sans équivoque, Monsieur [S] [O] et Madame [W] [O] étaient en mesure de connaître la nature et les limites de l'engagement de leur co-contractant, sans qu'il y ait lieu de s'attacher au courrier de la société Artecosa du 8 janvier 2016 ou à la communication de l'AMF le 13 novembre 2018 ;

Dès lors le manquement allégué à l'obligation de conseil et d'information avancé par les appelants, se situe à la date de la conclusion des contrats en litige ;

ainsi il y a lieu de constater avec le premier juge, que l'action engagée par Monsieur [S] [O] est prescrite s'agissant des contrats souscrits les 1er mars 2011, 30 mars 2011, 31 janvier 2012, 3 mai 2013 et 26 août 2014 ;

l'action de Madame [W] [O] concernant le contrat du 3 mars 2013 est prescrite.

En revanche l'action engagée par Monsieur [S] [O] les 14 et 18 février 2020 pour les constats souscrits les 2 décembre 2015, 2 mars 2016 et 3 février 2017 est recevable ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Monsieur [S] [O] et Madame [W] [O] partie perdante, devront supporter les dépens ; en revanche, il ne sera pas fait droit aux demandes formées de part et d'autre, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance déférée, sauf en ce qu'elle a mis hors de cause la société CNA Insurance Company Limited ;

Statuant à nouveau sur les chefs de décision infirmés et y ajoutant,

Rejette la demande de mise hors de cause la société CNA Insurance Company Limited ;

Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [S] [O] et Madame [W] [O] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.-Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en douze pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00273
Date de la décision : 07/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-07;22.00273 ?
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