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07/11/2022 | FRANCE | N°22/00055

France | France, Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 07 novembre 2022, 22/00055


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2022 DU 07 NOVEMBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00055 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E4YI



Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé - tribunal judiciaire d'EPINAL,

R.G.n° 21/00183, en date du 15 décembre 2021,



APPELANTE :

SA ABEILLE IARD & Santé, anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES,

prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]

Représentée par Me Ariane MILLOT-LOGIER de l'AARPI MILLOT-LOGI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2022 DU 07 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00055 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E4YI

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé - tribunal judiciaire d'EPINAL,

R.G.n° 21/00183, en date du 15 décembre 2021,

APPELANTE :

SA ABEILLE IARD & Santé, anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]

Représentée par Me Ariane MILLOT-LOGIER de l'AARPI MILLOT-LOGIER, FONTAINE & THIRY, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Clémence CARRADU, substituant Me Sabine LIEGES, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [I] [U]

né le 10 janvier 1972 à [Localité 4] (88)

domicilié [Adresse 2]

Représenté par Me Rémi STEPHAN substitué par Me Joris DEGRYSE de la SELARL WELZER, avocats au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller, chargé du rapport,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2022, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 07 Novembre 2022, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSÉ DU LITIGE

Selon contrat du 1er octobre 2020, la SCI de la Vaux a donné à bail à Monsieur [I] [U] des locaux situés [Adresse 3]), moyennant un loyer trimestriel de 1500 euros HT, comprenant notamment un atelier, des sanitaires, une partie stockage et un parking.

Les locaux étaient assurés auprès de la SA Aviva assurances selon contrat du 10 novembre 2020.

Dans la nuit du dimanche 11 au lundi 12 avril 2021, un incendie s'est déclaré dans le garage. Le cabinet d'expertise Laboratoire Lavoué, mandaté par la SA Aviva assurances, a conclu dans son rapport établi le 26 mai 2021 à un incendie d'origine volontaire.

Par acte du 24 août 2021, Monsieur [U] a fait assigner la SA Aviva assurances devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Épinal sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile aux fins de condamnation à lui payer une provision de 30000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, ainsi que la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par ordonnance contradictoire du 15 décembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Épinal a :

- condamné la SA Aviva assurances à payer à Monsieur [U] la somme de 15000 euros à titre de provision,

- condamné la SA Aviva assurances aux dépens et à payer à Monsieur [U] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'ordonnance est exécutoire par provision.

Pour statuer ainsi, le juge des référés a indiqué que, même si le rapport d'expertise amiable conclut à un incendie volontaire, l'enquête pénale a été diligentée à la suite de la plainte de Monsieur [U], la SA Aviva assurances n'ayant elle-même déposé aucune plainte. Il en a conclu que l'obligation d'indemnisation n'était pas sérieusement contestable.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 10 janvier 2022, la SA Aviva assurances a relevé appel de cette ordonnance.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 18 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA Abeille Iard & Santé, anciennement dénommée Aviva assurances, demande à la cour, au visa des articles 835 alinéa 2 du code de procédure civile et L. 121-13 du code des assurances, de :

- la recevoir en son appel,

- infirmer l'ordonnance rendue le 15 décembre 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire d'Epinal en toutes ses dispositions,

- débouter Monsieur [U] de sa demande de provision compte tenu des contestations sérieuses opposées par elle sur sa garantie,

- condamner Monsieur [U] aux dépens et à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 23 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [U] demande à la cour, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, de :

- débouter Aviva assurances, désormais Abeille Iard & Santé de l'ensemble de ses demandes,

- déclarer son appel incident recevable et fondé,

- infirmer l'ordonnance du 15 décembre 2021 en ce qu'elle a condamné la SA Aviva assurances à lui payer la somme de 15000 euros à titre de provision,

Statuant à nouveau,

- condamner la SA Aviva Assurances, désormais Abeille Iard & Santé, à lui payer la somme de 60000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

Y ajoutant,

- condamner la SA Aviva assurances, désormais Abeille Iard & Santé, aux dépens et à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 5 septembre 2022.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 12 septembre 2022 et le délibéré au 7 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LES DEMANDES PRINCIPALES

Selon le second alinéa de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier 'dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable'.

Pour solliciter l'infirmation de l'ordonnance ayant alloué une provision à Monsieur [U], la SA Abeille Iard & Santé soulève l'existence d'une contestation sérieuse quant à son obligation d'indemniser son assuré.

Elle fait valoir la clause de déchéance de garantie figurant au paragraphe 8, page 7 des conditions générales selon laquelle : 'Si, à l'occasion de la déclaration d'un sinistre, nous établissons votre mauvaise foi ou une tentative de tromperie portant notamment sur la nature, les circonstances, les causes ou les conséquences de l'événement, vous perdez votre droit à la garantie'.

Monsieur [U] conclut à l'absence de contestation sérieuse en exposant qu'en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances, il appartient à l'assureur de démontrer l'existence d'une faute intentionnelle de l'assuré.

Cependant, la SA Abeille Iard & Santé n'invoque pas une faute intentionnelle de Monsieur [U], mais une déchéance de garantie pour fausse déclaration de mauvaise foi.

En outre, s'agissant d'une instance en référé tendant à l'allocation d'une provision, supposant l'absence de contestation sérieuse quant à l'existence de l'obligation, la SA Abeille Iard & Santé n'est pas tenue de démontrer la faute intentionnelle de Monsieur [U], ni une tentative de tromperie de sa part, mais seulement l'existence d'éléments permettant de suspecter une fraude de sa part. En effet, en cas de suspicion légitime de fraude, seul le juge du fond peut lever ou confirmer cette contestation sérieuse.

En revanche, la SA Abeille Iard & Santé fait valoir à tort une contestation sérieuse résidant dans la nécessité d'apprécier les clauses du contrat.

Contrairement à ce qu'elle soutient, aucune analyse ou interprétation de la clause de déchéance de garantie figurant au paragraphe 8, page 7 des conditions générales n'est nécessaire.

Selon cette clause, 'Si, à l'occasion de la déclaration d'un sinistre, nous établissons votre mauvaise foi ou une tentative de tromperie portant notamment sur [...] les circonstances, les causes de l'événement, vous perdez votre droit à la garantie'.

Or, le désaccord entre les parties porte sur l'éventuelle implication de Monsieur [U] dans l'incendie, ce qui relève de l'appréciation des faits et des pièces produites, et non d'une quelconque interprétation de la clause prévoyant une déchéance de garantie en cas notamment de tromperie sur les causes du sinistre.

Pour démontrer l'existence d'une contestation sérieuse, la SA Abeille Iard & Santé produit le rapport d'expertise réalisé par le cabinet Laboratoire Lavoué en date du 26 mai 2021, ayant conclu à un incendie volontaire avec épandage massif d'huile moteur.

Selon ce rapport, le feu a pris naissance dans l'habitacle, côté conducteur, d'un véhicule Citroën Picasso se trouvant dans le garage.

L'expert a indiqué qu'aucune trace d'effraction depuis l'extérieur n'était visible, notamment en l'absence de traces de ripage sur le mur.

Il a mentionné que Monsieur [U] n'avait pas activé son alarme car, selon ce dernier, le pavé à code était défectueux depuis plusieurs semaines, et qu'il n'avait malgré cela pas demandé l'intervention d'un technicien de la société de télésurveillance Nexecur.

Le rapport d'expertise fait état de la présence d'une huile minérale sur le sol dans le bureau et dans l'atelier. Monsieur [U] l'avait expliquée par la fonte des conduits en plastique du récupérateur d'huile de vidange dont le contenu se serait alors déversé au sol, qui aurait été dispersé par les eaux d'extinction de l'incendie, puis étalé par lui-même avec une raclette qu'il avait utilisée pour évacuer ces eaux d'extinction. Toutefois, les résultats d'analyse mettent également en évidence la présence de cette huile en hauteur sur l'établi se trouvant en vis-à-vis du véhicule Citroën Picasso, ce qui ne peut s'expliquer par le passage de la raclette.

Monsieur [U] critique ce rapport au motif que l'expert a écarté l'origine électrique de l'incendie, alors que le circuit électrique était défectueux et probablement à l'origine du sinistre.

Cependant, l'étude des dommages a permis de conclure que le feu a pris naissance dans l'habitacle, côté conducteur, du véhicule Citroën Picasso se trouvant dans le garage, ce qui conduisait à exclure une origine relative au circuit électrique du bâtiment.

Par ailleurs, Monsieur [U] fait valoir que le juge ne peut pas se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties. Il expose que l'expert, rémunéré par l'assureur, n'était pas indépendant, et que l'expertise n'a pas été réalisée contradictoirement.

Cependant, outre le fait que Monsieur [U] était présent lors des opérations d'expertise, plusieurs constatations et conclusions de ce rapport sont corroborées par d'autres pièces produites aux débats.

Ainsi, selon le procès-verbal de constat d'huissier établi le 14 juin 2021 par Maître [M], assistant Monsieur [J], enquêteur d'assurances, Monsieur [U] a déclaré à ce dernier qu'une semaine avant l'incendie, il s'était 'pris la tête' avec un 'manouche', 'ceux qui mettent le feu'. Il est dès lors d'autant plus étonnant qu'il n'ait pas demandé à la société de surveillance de réparer le pavé à code afin que son alarme soit fonctionnelle, alors même qu'il continuait à en régler le coût.

En outre, il résulte d'un second procès-verbal de constat d'huissier établi le 18 juin 2021 par Maître [M], assistant Monsieur [J], que Monsieur [K] [G] a déclaré que le fût contenant l'huile de vidange se trouvait 'toujours au fond près des ordinateurs', et non près des véhicules comme lors de l'incendie. À cet égard, il est indifférent que Monsieur [G] ait ou non été salarié du garage, dès lors qu'il connaissait bien les lieux. Et toujours selon ce procès-verbal de constat d'huissier, Monsieur [I] [X], ancien stagiaire du garage, a confirmé que le fût de vidange se trouvait habituellement au fond du garage, près du mur, du côté du bureau.

Enfin, concernant la motivation du juge des référés selon laquelle l'enquête pénale a été diligentée à la suite de la plainte de Monsieur [U], la SA Aviva assurances n'ayant elle-même déposé aucune plainte, elle ne peut être retenue.

La SA Abeille Iard & Santé explique en effet qu'elle n'avait pas à déposer plainte pour incendie volontaire alors qu'une enquête est en cours et qu'une plainte pour tentative d'escroquerie à l'assurance était de ce fait prématurée.

Compte tenu des développements qui précèdent, la SA Abeille Iard & Santé établit une suspicion légitime de fraude, que seul le juge du fond peut lever ou confirmer. Il y a là une contestation sérieuse faisant obstacle à l'allocation d'une provision.

En conséquence, l'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a condamné la SA Aviva assurances à payer à Monsieur [U] la somme de 15000 euros à titre de provision.

Statuant à nouveau, Monsieur [U] sera débouté de sa demande de provision.

SUR LES DÉPENS ET L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Monsieur [U] succombant dans ses prétentions, l'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a condamné la SA Aviva assurances aux dépens et à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau et y ajoutant, Monsieur [U] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, à payer à la SA Abeille Iard & Santé la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et il sera débouté de ses propres demandes présentées sur ce même fondement, tant en première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire d'Épinal le 15 décembre 2021 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Monsieur [I] [U] de sa demande de provision ;

Condamne Monsieur [I] [U] à payer à la SA Abeille Iard & Santé, anciennement dénommée Aviva assurances, la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Monsieur [I] [U] de ses demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel ;

Condamne Monsieur [I] [U] aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en six pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00055
Date de la décision : 07/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-07;22.00055 ?
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