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04/11/2022 | FRANCE | N°22/00074

France | France, Cour d'appel de Nancy, Première présidence, 04 novembre 2022, 22/00074


COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

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N° RG 22/00074 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E4ZV



Minute : 5/2022

du 04 Novembre 2022





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



A l'audience du 16 Septembre 2022, présidée par Monsieur Marc JEAN-TALON, Premier Président de la Cour d'Appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier et statuant sur la requête enregis

trée au secrétariat de la Première Présidence le 06 Janvier 2022 sous le numéro N° RG 22/00074 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E4ZV, conformément aux...

COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

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N° RG 22/00074 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E4ZV

Minute : 5/2022

du 04 Novembre 2022

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

A l'audience du 16 Septembre 2022, présidée par Monsieur Marc JEAN-TALON, Premier Président de la Cour d'Appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier et statuant sur la requête enregistrée au secrétariat de la Première Présidence le 06 Janvier 2022 sous le numéro N° RG 22/00074 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E4ZV, conformément aux dispositions de l'article 149-2 du Code de Procédure Pénale et formée par :

Monsieur [R] [U]

né le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 4] (Pays-Bas)

ayant élu domicile chez Maître Julien MARGUET, avocat

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Maître Julien MARGUET, avocat au barreau de NANCY.

L'agent judiciaire de l'État étant représenté par Maître François JAQUET, membre de la SCP TERTIO AVOCATS, avocat au barreau de NANCY.

Le ministère public étant représenté aux débats par Monsieur Philippe RENZI, avocat général près la cour d'appel de NANCY.

Vu la requête déposée le 6 janvier 2022 par Maître [Z] [K] au nom de M. [R] [U] et ses conclusions ultérieures notifiées par lettre recommandée avec avis de réception les 21 juin 2022 et 15 juillet 2022 ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'État notifiées par lettre recommandée avec avis de réception les 4 mars et 21 juin 2022 ;

Vu les conclusions du procureur général près la cour d'appel de Nancy, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 23 mai 2022 ;

Vu l'avis de fixation à l'audience du 16 septembre 2022 ;

Vu les articles 149 à 150, R. 26 à R. 40-22 du code de procédure pénale ;

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [U] s'est vu notifier le 23 avril 2021 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nancy, dans le cadre d'une procédure de comparution à délai différée devant le tribunal correctionnel de Nancy, la prévention d'avoir à Gye le 19 avril 2021 commis les délits de blanchiment du produit d'un délit de trafic de stupéfiants, de blanchiment douanier et de transfert irrégulier de sommes d'argent.

Il a été placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 23 avril 2021.

Par décision du 5 mai 2021, le tribunal correctionnel de Nancy a ordonné le renvoi de la procédure et maintenu M. [U] en détention provisoire.

La même juridiction a rejeté le 26 mai 2021 la demande de mise en liberté de M. [U].

Puis par jugement du 28 mai 2021, le tribunal correctionnel de Nancy a déclaré M. [U] coupable d'avoir commis les faits reprochés, l'a condamné à la peine de trois années d'emprisonnement et a ordonné son maintien en détention.

La cour d'appel de Nancy, statuant par arrêt du 22 juillet 2021, a renvoyé M. [U] des fins de la poursuite.

Suivant requête parvenue au greffe le 6 janvier 2022, M. [R] [U] a sollicité l'indemnisation de sa détention provisoire à hauteur des sommes de :

- 4.500 euros au titre de son préjudice économique,

- 15.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- outre 2.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Aux termes de ses diverses écritures, l'agent judiciaire de l'État n'a pas contesté la recevabilité de la requête de M. [R] [U] mais a réclamé la réduction de la demande au titre du préjudice moral et de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que le rejet de celle présentée au titre du préjudice matériel.

Le procureur général près cette cour a conclu au caractère satisfactoire de l'offre présentée au titre du préjudice moral, au rejet de la demande formulée au titre du préjudice économique et à la réduction à de plus justes proportions de celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Lors des débats, tenus à l'audience du 16 septembre 2022, les parties ont comparu et maintenu, chacune, la position développée dans leurs écritures.

Le demandeur a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la requête

En application de l'article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

Le droit à réparation suppose toutefois que soient démontrées la réalité des préjudices invoqués et l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la détention et ces préjudices.

En l'espèce, M. [R] [U] a bénéficié d'une décision de relaxe rendue le 22 juillet 2021 par la cour d'appel de Nancy, devenue définitive, a présenté sa requête dans le délai de six mois fixé par l'article 149-2 du code de procédure pénale et n'apparaît pas se trouver dans l'un des cas d'exclusion prévus par l'article 149 précité.

Sa requête est donc recevable.

Sur le bien-fondé de la requête

S'agissant du préjudice moral

Le préjudice moral est évalué en tenant compte en particulier de :

- de la situation personnelle et familiale du requérant,

- de sa situation professionnelle,

- de l'existence ou non d'antécédents judiciaires,

- des conditions de la détention,

- de la durée de la détention.

M. [R] [U], alors âgé de 24 ans, a été placé en détention provisoire du 23 avril 2021 au 22 juillet 2021, soit durant 91 jours.

Il a ainsi nécessairement subi un préjudice moral résultant du choc carcéral ressenti par toute personne brutalement et injustement privée de liberté, et prolongé durant plus de trois mois.

L'évaluation du préjudice moral tient compte du choc carcéral subi, compris comme celui ressenti lors d'une incarcération injustifiée

Ces troubles ont été aggravés par le fait que de nationalité hollandaise et vivant en Hollande, il ne parlait pas ou peu la langue française, ce qui peut être présumé au regard de l'assistance d'un interprète au cours de la procédure, et n'a pas bénéficié de visites, ainsi qu'il l'allègue sans être démenti par M. le procureur général, qui dispose de l'accès aux pièces pénitentiaires.

En revanche il n'est pas établi qu'il vivait une relation amoureuse stable avec celle qu'il présentait au cours de l'enquête comme « une copine » alors même qu'il se déclarait « célibataire sans enfants ».

En définitive, l'allocation de la somme de 11.000 euros réparera intégralement le préjudice moral subi par M. [R] [U] du fait de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet.

S'agissant du préjudice matériel

M. [U] expose qu'il exerçait au moment de son interpellation la profession de magasinier et qu'il a en conséquence subi un préjudice économique équivalant à trois mois de salaire.

Il n'entend toutefois justifier de cette perte qu'en faisant référence à ses propres déclarations devant les enquêteurs, ce qui apparaît manifestement insuffisant. Il peut au surplus être relevé qu'il partait en vacances lors de son interpellation.

La demande de ce chef doit en conséquence être rejetée.

S'agissant des frais non compris dans les dépens

Il serait inéquitable que M. [R] [U] conserve la charge intégrale des frais non compris dans les dépens qu'il a déboursés du fait de la présente instance, qui seront évalués à la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Déclarons recevable en la forme la requête de M. [R] [U] ;

Lui allouons, en indemnisation de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet, les sommes de :

11.000 euros, en réparation de son préjudice moral,

2.000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons le surplus de la demande ;

Rappelons qu'en application de l'article R. 40 du code de procédure pénale, la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.

Laissons les frais à la charge de l'État.

Ainsi fait, jugé et prononcé par Monsieur Marc JEAN-TALON, premier président de la cour d'appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier, conformément aux dispositions de l'article 149-1 du code de procédure pénale.

Le greffier Le premier président

Céline PAPEGAY Marc JEAN-TALON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00074
Date de la décision : 04/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-04;22.00074 ?
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