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04/11/2022 | FRANCE | N°21/02729

France | France, Cour d'appel de Nancy, Première présidence, 04 novembre 2022, 21/02729


COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

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N° RG 21/02729 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E35J



Minute : 8/2022

du 04 Novembre 2022





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



A l'audience du 16 Septembre 2022, présidée par Monsieur Marc JEAN-TALON, Premier Président de la Cour d'Appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier et statuant sur la requête enregis

trée au secrétariat de la Première Présidence le 18 Novembre 2021 sous le numéro N° RG 21/02729 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E35J, conformément au...

COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

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N° RG 21/02729 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E35J

Minute : 8/2022

du 04 Novembre 2022

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

A l'audience du 16 Septembre 2022, présidée par Monsieur Marc JEAN-TALON, Premier Président de la Cour d'Appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier et statuant sur la requête enregistrée au secrétariat de la Première Présidence le 18 Novembre 2021 sous le numéro N° RG 21/02729 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E35J, conformément aux dispositions de l'article 149-2 du Code de Procédure Pénale et formée par :

Monsieur [R] [X]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 3] (Vosges)

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Maître Gérard WELZER, membre de la SELARL WELZER et ASSOCIES, avocat au barreau d'EPINAL, substitué par Maître Andreas GARCIA TRULA, avocat au barreau de NANCY.

L'agent judiciaire de l'État étant représenté par Maître François JAQUET, membre de la SCP TERTIO AVOCATS, avocat au barreau de NANCY.

Le ministère public étant représenté aux débats par Monsieur Philippe RENZI, avocat général près la cour d'appel de NANCY.

Vu la requête déposée le 17 novembre 2021 par Maître Me [K] [I] au nom de M. [R] [X] ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'État notifiées par lettre recommandée avec avis de réception les 2 février et 9 mars 2022 ;

Vu les conclusions du procureur général près la cour d'appel de Nancy, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 23 mai 2022 ;

Vu l'avis de fixation à l'audience du 16 septembre 2022 ;

Vu les articles 149 à 150, R. 26 à R. 40-22 du code de procédure pénale ;

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [X] a été mis en examen le 23 novembre 2017 par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc pour avoir commis entre le 1er janvier 2017 et le 20 novembre 2017 des faits de viols aggravés et d'agressions sexuelles aggravées.

Il a été placé le même jour en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention.

Par ordonnance du 8 février 2018, le magistrat instructeur a ordonné la remise en liberté de M. [X], accompagnée d'une mesure de contrôle judiciaire.

Puis, selon ordonnance du 30 juillet 2021, devenue définitive, le magistrat instructeur a dit n'y avoir lieu à suivre.

Suivant requête parvenue au secrétariat de la première présidence le 17 novembre 2021, M. [R] [X] a sollicité l'indemnisation de sa détention provisoire à hauteur des sommes de :

- 4.156,55 euros au titre de son préjudice matériel, correspondant aux pertes de salaire,

- 79.000 euros en réparation de son préjudice moral.

Il soutient en particulier qu'il n'avait jamais été incarcéré, que les faits reprochés étaient extrêmement graves, qu'il n'a cessé de dire son innocence pendant toute la durée de l'instruction, qu'il est papa de quatre enfants et n'a pas pu les voir comme il le souhaitait pendant plus de deux mois et qu'il était parfaitement inséré d'un point de vue social.

Aux termes de ses diverses écritures, l'agent judiciaire de l'État ne conteste pas la recevabilité de la requête de M. [X] mais conclut à la réduction des demandes, offrant le versement de la somme de 9.000 euros au titre du préjudice moral et celle de 2.230 euros au titre du préjudice matériel.

Le procureur général près cette cour fait valoir que la somme proposée par l'agent judiciaire de l'Etat apparaît conforme aux préjudices subis.

Lors des débats, tenus à l'audience du 16 septembre 2022, les parties ont comparu et maintenu, chacune, la position développée dans leurs écritures.

Le demandeur a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la requête

En application de l'article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

En l'espèce, M. [X] a bénéficié d'une décision de non-lieu rendue par le magistrat instructeur du tribunal judiciaire de Bar-le-Duc, devenue définitive, a présenté sa requête dans le délai de six mois fixé par l'article 149-2 du code de procédure pénale et n'apparaît pas se trouver dans l'un des cas d'exclusion prévus par l'article 149 précité.

Sa requête est donc recevable.

Sur le bien-fondé de la requête

S'agissant du préjudice moral

Le préjudice moral est évalué en tenant compte en particulier de :

- de la situation personnelle et familiale du requérant,

- de sa situation professionnelle,

- de l'existence ou non d'antécédents judiciaires,

- des conditions de la détention,

- de la durée de la détention.

M. [R] [X], alors âgé de 36 ans et père de 4 enfants, a été placé en détention provisoire du 23 novembre 2017 au 8 février 2018, soit durant 78 jours.

Il a ainsi nécessairement subi un préjudice moral résultant du choc carcéral ressenti par toute personne brutalement et injustement privée de liberté, et prolongé durant plus de deux mois.

Les circonstances que M. [X] n'avait pas été incarcéré auparavant, qu'il lui a été reproché des faits de haute gravité et qu'il a clamé son innocence durant le temps de sa détention ne constituent pas un facteur d'aggravation du préjudice moral découlant directement de la détention.

En revanche il doit être tenu compte du fait que M. [X] est le père de quatre enfants, âgés de 3, 5, 9 et 19 ans au moment de l'incarcération, et qu'il a été privé de relations avec eux durant la période de détention, en particulier à l'occasion des fêtes de fin d'année 2017, ce qui est de nature à majorer le préjudice subi.

En définitive, l'allocation de la somme de 10.500 euros réparera intégralement le préjudice moral subi par M. [X] du fait de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet.

S'agissant du préjudice matériel

M. [X] était opérateur de production au sein du laboratoire INNOTHERA à [Localité 4]. Il n'a pas repris son travail avant le mois d'avril 2018.

Il expose avoir subi des pertes de salaire de décembre 2017 à mars 2018 qu'il calcule en déduisant des salaires perçus en décembre 2018 et décembre 2019 (1.570 euros) les salaires réellement perçus au cours des mois de décembre 2017 (1.006,58 euros), janvier 2018 (212,55 euros), février 2018 (88,13 euros) et mars 2018 (816,19 euros).

Toutefois le salaire mensuel brut mentionné aux bulletins de paie d'octobre 2017 à mars 2018 est de 1.521,75 euros. Ce montant doit être retenu comme base de salaire, sans égard aux salaires de fin 2017 ou 2018, postérieurs à la période de détention.

Au mois de novembre 2017, M. [X] indique n'avoir pas subi de perte.

Au mois de décembre 2017, la perte est de 1.521,75 - 1.006,58 euros que M. [X] a perçus selon son bulletin de paie, soit un solde négatif de 515,17 euros.

Au mois de janvier 2018, la perte est de 1.521,75 ' 212,55 euros que M. [X] a perçus selon son bulletin de paie, soit un solde négatif de 1.309,20 euros.

Au mois de février 2018, la perte de salaire, résultant de l'impossibilité de travailler du fait de la détention, est de 1.521,75 : 30 x 8, soit 405,80 euros comme offert par l'agent judiciaire de l'Etat.

Il résulte du bulletin de paie du mois de mars 2018 que M. [X] s'est trouvé en arrêt de travail pour maladie à compter du 9 février 2018, lendemain de sa sortie de détention. Il n'est fourni par le requérant aucune justification de l'éventuelle perte subsistant après intervention de sa caisse de sécurité sociale et de son assurance complémentaire. La perte de salaire n'est alors pas justifiée au-delà du 8 février 2018 et les demandes de ce chef devront être rejetées.

Le préjudice matériel subi par M. [X] s'élève alors à la somme de 2.230,17 euros.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Déclarons recevable en la forme la requête de M. [R] [X] ;

Lui allouons, en indemnisation de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet, les sommes de :

2.230,17 euros, au titre de son préjudice matériel,

10.500 euros, en réparation de son préjudice moral ;

Rejetons le surplus de la demande ;

Rappelons qu'en application de l'article R. 40 du code de procédure pénale, la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.

Laissons les frais à la charge de l'État.

Ainsi fait, jugé et prononcé par Monsieur Marc JEAN-TALON, premier président de la cour d'appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier, conformément aux dispositions de l'article 149-1 du code de procédure pénale.

Le greffierLe premier président

Céline PAPEGAY Marc JEAN-TALON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 21/02729
Date de la décision : 04/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-04;21.02729 ?
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