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04/11/2022 | FRANCE | N°21/02193

France | France, Cour d'appel de Nancy, Première présidence, 04 novembre 2022, 21/02193


COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

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N° RG 21/02193 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2XY



Minute : 7/2022

du 04 Novembre 2022





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



A l'audience du 16 Septembre 2022, présidée par Monsieur Marc JEAN-TALON, Premier Président de la Cour d'Appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier et statuant sur la requête enregis

trée au secrétariat de la Première Présidence le 09 Septembre 2021 sous le numéro N° RG 21/02193 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2XY, conformément a...

COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

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N° RG 21/02193 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2XY

Minute : 7/2022

du 04 Novembre 2022

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

A l'audience du 16 Septembre 2022, présidée par Monsieur Marc JEAN-TALON, Premier Président de la Cour d'Appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier et statuant sur la requête enregistrée au secrétariat de la Première Présidence le 09 Septembre 2021 sous le numéro N° RG 21/02193 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2XY, conformément aux dispositions de l'article 149-2 du Code de Procédure Pénale et formée par :

Monsieur [E] [F]

né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 6] (Roumanie)

demeurantChez Madame [J] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Maître Anne-Lise TRUDON, avocat au barreau d'EPINAL, substitué par Maître François VALLAS, avocat au barreau d'EPINAL.

L'agent judiciaire de l'État étant représenté par Maître Hélène MASSIN TRACHEZ, membre de la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST, avocat au barreau de NANCY, substituée par Maître Charlotte JACQUENET, avocat au barreau de NANCY.

Le ministère public étant représenté aux débats par Monsieur Philippe RENZI, avocat général près la cour d'appel de NANCY.

Vu la requête déposée le 2 septembre 2021 par Maître Anne-Lise TRIDON au nom de M. [E] [F] ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'État le 15 novembre 2021 notifiées le lendemain par lettre recommandée avec avis de réception et les conclusions récapitulatives reçues le 6 décembre 2021 et notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 14 décembre 2021 ;

Vu les conclusions du procureur général près la cour d'appel de Nancy, du 22 février 2022, notifiées le lendemain par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu l'avis de fixation à l'audience du 16 septembre 2022 ;

Vu les articles 149 à 150, R. 26 à R. 40-22 du code de procédure pénale ;

EXPOSE DU LITIGE

M. [E] [F] a fait l'objet le 18 juillet 2016 d'un mandat d'arrêt émis par le juge d'instruction du tribunal judiciaire d'Epinal pour avoir commis les faits de vols en réunion et avec effraction et de vols avec effraction, aux mois de septembre, octobre et décembre 2014.

Par ordonnance du 10 mars 2017, le juge d'instruction a notamment ordonné le renvoi de M. [F] devant le tribunal correctionnel pour avoir commis les faits de vol en réunion et avec effraction et de vol avec effraction, au mois d'octobre 2014.

Par jugement de défaut rendu le 26 septembre 2017, le tribunal correctionnel d'Epinal a déclaré M. [F] coupable des faits reprochés et l'a condamné à la peine de 15 mois d'emprisonnement, maintenant les effets du mandat d'arrêt.

Le mandat d'arrêt a été mis à exécution le 22 mars 2021, M. [F], qui a formé opposition au jugement de défaut, étant placé en détention provisoire le 25 mars 2021.

Selon jugement rendu le 13 avril 2021, devenu définitif, le tribunal correctionnel d'Epinal, a reçu l'opposition de M. [F], a mis à néant le jugement du 26 septembre 2017 et a renvoyé M. [F] des fins de la poursuite.

Suivant requête parvenue au secrétariat de la première présidence le 2 septembre 2021, M. [E] [F] a sollicité l'indemnisation de sa détention provisoire à hauteur des sommes de :

- 3.232,88 euros au titre de son préjudice matériel, correspondant à une perte de salaire (1.063,30 euros), une chance de percevoir des salaires (911,40 euros), des frais de transport et d'hébergement (178,10 euros), les frais de transport de sa concubine (96,56 euros) et les frais d'avocat (983,52 euros),

- 7.500 euros en réparation de son préjudice moral.

Aux termes de ses diverses écritures, l'agent judiciaire de l'État n'a pas contesté la recevabilité de la requête de M. [E] [F] mais a conclu à la réduction des demandes à hauteur de 1.001,23 euros au titre du préjudice matériel et de 6.000 euros au titre du préjudice moral.

Le procureur général près cette cour a conclu à la réduction à de plus justes proportions des indemnités réclamées.

Lors des débats, tenus à l'audience du 16 septembre 2022, les parties ont comparu et maintenu, chacune, la position développée dans leurs écritures.

Le demandeur a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la requête

En application de l'article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

En l'espèce, M. [E] [F] a bénéficié d'une décision de relaxe rendue par jugement du 13 avril 2021, devenu définitif, a présenté sa requête dans le délai de six mois fixé par l'article 149-2 du code de procédure pénale et n'apparaît pas se trouver dans l'un des cas d'exclusion prévus par l'article 149 précité.

Sa requête est donc recevable.

Sur le bien-fondé de la requête

S'agissant du préjudice moral

Le préjudice moral est évalué en tenant compte en particulier de :

- de la situation personnelle et familiale du requérant,

- de sa situation professionnelle,

- de l'existence ou non d'antécédents judiciaires,

- des conditions de la détention,

- de la durée de la détention.

M. [E] [F], alors âgé de 34 ans, vivant en concubinage, a été placé en détention provisoire du 22 mars 2021 au 13 avril 2021, soit durant 23 jours.

Il a ainsi nécessairement subi un préjudice moral résultant du choc carcéral ressenti par toute personne brutalement et injustement privée de liberté, ce choc étant prolongé durant 23 jours.

L'aggravation de ce préjudice n'est pas justifiée par des difficultés linguistiques que M. [F] aurait rencontrées, puisqu'il exerçait une activité professionnelle en France et vivait depuis quelques semaines avec une compagne parlant français, ni par une rupture des liens familiaux, puisque le concubinage évoqué, durant depuis deux mois environ, était très récent.

Le fait qu'un long délai se soit écoulé entre le mandat d'arrêt et sa mise à exécution ne peut générer un préjudice supplémentaire.

En définitive, l'allocation de la somme de 6.114 euros réparera intégralement le préjudice moral subi par M. [E] [F] du fait de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet.

S'agissant du préjudice matériel

Sur la perte de revenus

Durant la période antérieure à son incarcération, M. [F] était régulièrement employé par la société [4] en qualité d'intérimaire et mis à disposition comme solier de la société [5].

Ainsi que le démontre la DPAE effectuée le 22 mars 2021, il devait commencer à travailler le 23 mars 2021 dans le cadre d'une nouvelle mission.

La durée de cette mission n'étant pas précisée, il y a lieu, comme le soutient l'agent judiciaire de l'Etat, de se fonder sur la durée moyenne des missions précédentes, correspondant à 4 mois de travail sur une période de 8 mois, soit, pour l'incarcération ayant duré 23 jours, 11,5 jours de travail à raison de 7 h par jour et de 10,81 euros par l'heure (dernier salaire payé), soit au total la somme de 870,21 euros.

M. [F] a retrouvé une activité professionnelle le 3 mai 2021 et n'a ainsi pas travaillé après sa sortie de détention du 14 avril au 2 mai, équivalant à 12 jours d'inactivité déduction faite des week-ends. S'agissant d'une seule perte de chance de retrouver du travail, alors qu'en toute hypothèse M. [F] n'avait travaillé avant son incarcération qu'un temps réduit, le préjudice subi sera évalué à 25 % du temps de travail espéré, soit (12 j x 7 h x 10,81 €) : 4 = 227,01 euros.

Sur les frais de transport et d'hébergement

M. [F] démontre par la production d'un billet de train et d'une facture d'hôtel avoir dû régler la somme de 178,10 euros pour revenir sur son lieu de résidence après élargissement. Cette somme doit lui être remboursée.

Sur les frais de transport de sa compagne

Les dispositions de l'article 149 du code de procédure civile ne réparent que le préjudice personnel du requérant, en sorte que la demande à ce titre, qui vise à compenser le préjudice subi par la compagne de M. [F], doit être rejetée.

Sur les frais d'avocat

Ceux-ci ne peuvent être pris en charge, ci-après, qu'au titre des frais non compris dans les dépens.

Le préjudice matériel de M. [F] sera en conséquence entièrement réparé par l'allocation de la somme de 1.275,32 euros.

S'agissant des frais non compris dans les dépens

Il serait inéquitable que M. [E] [F] conserve la charge intégrale des frais non compris dans les dépens qu'il a déboursés du fait de la présente instance. La somme de 983,52 euros, justifiée par une facture, lui sera en conséquence accordée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Déclarons recevable en la forme la requête de M. [E] [F] ;

Lui allouons, en indemnisation de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet, les sommes de :

1.275,32 euros au titre de son préjudice matériel,

6.114 euros en réparation de son préjudice moral,

983,52 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons le surplus de la demande ;

Rappelons qu'en application de l'article R. 40 du code de procédure pénale, la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.

Laissons les frais à la charge de l'État.

Ainsi fait, jugé et prononcé par Monsieur Marc JEAN-TALON, premier président de la cour d'appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier, conformément aux dispositions de l'article 149-1 du code de procédure pénale.

Le greffier Le premier président

Céline PAPEGAY Marc JEAN-TALON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 21/02193
Date de la décision : 04/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-04;21.02193 ?
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