RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
CINQUIEME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT N° /22 DU 19 OCTOBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/00344 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EWYU
Décision déférée à la Cour :
jugement du Tribunal de Commerce de NANCY, R.G. n° 2020. 00002, en date du 22 juin 2020,
APPELANT :
Monsieur [T] [Z], né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 7] , demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Pauline BARREAU, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL- [Localité 6] agisssant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège, [Adresse 5] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de NANCY sous le numéro 448 743 153
Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY
Avocat plaidant Me Patrice VOILQUE avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de Chambre et Monsieur Olivier BEAUDIER, conseiller, chargé du rapport ;
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice BOURQUIN Président de Chambre,
Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,
Monsieur Jean-Louis FIRON Conseiller
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2022, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 19 Octobre 2022, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Le 8 novembre 2013, la société 'Le Billot du Boucher' a conclu avec la société Caisse de Crédit Mutuel (ci-après désigné le Crédit Mutuel) un prêt professionnel de 30 000 euros, remboursable en 60 mensualités. M. [T] [Z], gérant de cette société, s'est porté caution de l'emprunt pour une durée de 84 mois, dans la limite de 36 000 euros.
Suivant jugement du 23 juin 2015, le tribunal de commerce de Nancy a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société 'Le Billot du Boucher'. Le Crédit Mutuel a déclaré sa créance auprès du mandataire liquidateur désigné par ce tribunal.
Par acte d'huissier en date du 13 décembre 2019, le Crédit Mutuel a assigné M. [T] [Z] devant le tribunal de commerce de Nancy , aux fins de condamnation au paiement, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui régler la somme de 27 818,79 euros avec intérêts au taux contractuel, à compter du 26 novembre 2019, dans la limite de 36 000 euros, de celle de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Suivant jugement réputé contradictoire en date du 22 juin 2020, le tribunal de commerce de Nancy a :
- condamné M. [T] [Z] à payer à la société Caisse de Crédit Mutuel la somme de 27 818,79 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 26 novembre 2019, dans la limite de 36 000 €,
- condamné M [T] [Z] aux dépens du présent jugement,
- condamné M [T] [Z] à payer à la la société Caisse de Crédit Mutuel la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Suivant déclaration en date du 9 février 2021, M. [T] [Z] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance en date du 11 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a débouté le Crédit Mutuel de sa demande de production de pièces par l'appelant sous astreinte et a condamné celui-ci aux dépens de l'incident, ainsi qu'au paiement d'une somme de 500 euros, au titre des frais irrépétibles de procédure.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 avril 2022, M. [T] [Z] demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles du code de procédure civile,
Vu les dispositions du code de la consommation,
Vu les dispositions du code civil,
Vu la Jurisprudence,
Vu les pièces,
- dire et juger les présentes conclusions recevables et régulières, et les disant bien
fondées.
- A titre principal :
- déclarer nulle et de nul effet la signification intervenue le 21 juillet 2020 par la société Rothham-Jacoby-Vautrin du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy en date du 22 juin 2020,
En conséquence,
- déclarer non avenu le jugement réputé contradictoire rendu par le tribunal de commerce de Nancy en date du 22 juin 2020.
A titre subsidiaire :
- dire et juger recevable l'appel interjeté par M. [T] [Z] par déclaration en date du 9 février 2021,
- réformer le jugement déféré rendu par le tribunal de commerce de Nancy en date du 22 juin 2020.
Statuant à nouveau,
- dire la caisse de Crédit Mutuel déchue de ses droits à poursuite au titre du cautionnement donné par M. [T] [Z] en date du 8 novembre 2013.
En conséquence,
- déclarer la caisse de Crédit Mutuel mal fondée en ses demandes,
- débouter la caisse de Crédit Mutuel de ses demandes,
- condamner la caisse de Crédit Mutuel à payer à M. [T] [Z] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le manquement de la caisse de Crédit Mutuel à son devoir de mise en garde.
En tout état de cause :
- condamner la caisse de Crédit Mutuel aux entiers dépens,
- condamner la caisse de Crédit Mutuel à payer à M. [T] [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions de fond et d'intervention volontaire transmises par voie électronique le 12 mai 2022, la société Caisse de Crédit Mutuel Essey-les-Nancy demande à la cour de :
Vu les articles 2292 et suivants du code civil,
Vu la jurisprudence et les pièces communiquées,
Vu les articles 1134 et 1148 du code civil dans sa version applicable aux faits d'espèce,
- débouter M. [T] [Z] de sa demande tendant à voir déclarer non avenu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 22 juin 2020,
- Débouter M. [T] [Z] de sa demande tendant à voir la Caisse de Crédit Mutuel déchue de ses droits à poursuite au titre du cautionnement qu'il avait donné le 8 novembre 2013, - le débouter de sa demande tendant à obtenir la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour prétendu manquement de la caisse à son devoir de mise en garde.
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
- condamner M. [T] [Z] à régler à la Caisse de Crédit Mutuel Essey-les-Nancy la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner en tous les dépens.
La procédure a été clôturée initialement, suivant ordonnance en date du 15 juin 2022. Une ordonnance de révocation de clôture est intervenue à cette même date et une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 13 juillet 2022.
MOTIFS :
- Sur la nullité de la signification en date du 22 juillet 2020 du jugement du tribunal de commerce de Nancy en date du 22 juin 2020 :
L'article 659 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que lorsque la personne à qui l'acte doit lorsque la personne n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
Le procès-verbal prévu par les dispositions susvisées ne peut valablement être dressé par l'huissier de justice que dans les cas où ses diligences nécessaires n'ont permis de découvrir ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail de la personne à qui l'acte doit être signifié.
En l'espèce, après avoir constaté que M. [T] [Z] n'habitait plus [Adresse 4], le procès-verbal de recherches infructueuses, dressé le 22 juillet 2020, fait état des diligences qui ont été accomplies par l'huissier de justice pour retrouver la nouvelle adresse de ce dernier, notamment auprès du voisinage et des services postaux.
Au soutien de la nullité de la signification du jugement rendu en première instance, M. [T] [Z] fait valoir qu'il est en réalité domicilié [Adresse 3]. Il indique qu'il avait notifié, depuis le 3 avril 2018, au mandataire liquidateur de la société 'Le Billot du Boucher'son changement d'adresse. Il fait grief au Crédit Mutuel de ne pas s'être enquis auprès du mandataire liquidateur afin de rechercher sa nouvelle adresse et à l'huissier de justice mandaté de ne pas avoir interrogé ce dernier dans le cadre de ses diligences.
Cependant, M. [T] [Z] ne justifie pas qu'il aurait au préalable dûment informé le Crédit Mutuel de son changement d'adresse. Par ailleurs, il ne peut être reproché à l'huissier de justice mandaté de ne pas s'être rapproché du mandataire liquidateur, afin de rechercher la nouvelle adresse de l'appelant, étant observé que Me [I] [N] a été nommé en vue de représenter les créanciers la société 'Le Billot du Boucher', en liquidation judiciaire, et non ceux M. [T] [Z], pris en sa qualité de caution.
Enfin, le procès-verbal de recherches infructueuses décrit de manière circonstanciée les diligences accomplies par l'huissier de justice pour rechercher le destinataire de l'acte. Ces diligences présentent un caractère suffisant. Il n'est pas démontré en tout état de cause que l'huissier aurait pu obtenir communication de la nouvelle adresse du gérant de la société 'Le Billot du Boucher' auprès du mandataire liquidateur désigné, celui-ci étant tenu dans le cadre de sa mission au secret professionnel, en vertu des dispositions de l'article 212.1 de l'arrêté du 18 juillet 2018, portant approbation des règles professionnelles établies par le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires.
Au surplus, même à supposer que la nullité de la signification litigieuse serait fondée, il convient de relever que l'appel de la partie défaillante en première instance emporte renonciation à se prévaloir des dispositions de l'article 478 du code de procédure civile, précisant que le jugement réputé contradictoire est non avenu, s'il n'a pas été notifié dans un délai de six mois suivant son prononcé.
M. [T] [Z], partie appelante, ne peut en tout état de cause se prévaloir du caractère non avenu du jugement rendu le 22 juin 2020 au motif allégué de la nullité de sa signification.
- Sur la disproportion du cautionnement :
Conformément à l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa version applicable au cas d'espèce, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il appartient à la caution qui se prévaut du caractère disproportionné de son engagement de rapporter la preuve de l'existence, lors de la souscription de celui-ci, d'une disproportion manifeste entre le montant de la somme garantie et la valeur de ses biens et revenus.
En l'espèce, M. [T] [Z] ne rapporte pas la preuve que le cautionnement donné le 8 novembre 2013, en faveur du Crédit Mutuel, est manifestement disproportionné à ses biens et revenus. Au soutient de son appel, il ne justifie pas en effet des revenus, dont il disposait au jour de la signature de l'acte de cautionnement litigieux, dont il fait état dans ses conclusions d'appel.
M. [T] [Z] prétend qu'il percevait en 2013 un revenu de 1 200 euros par mois, établi en l'occurrence sur la base de ses bulletins de paie des mois de janvier à décembre 2013 (pièce n° 10), ainsi que de son avis d'imposition 2014 (pièce n° 11). Toutefois, contrairement aux indications, figurant au bordereau de communication de pièces, joint à ses conclusions d'appel, M. [T] [Z] n'a pas produit aux débats les pièces susvisées.
La pièce n°10 correspond en effet à une copie du jugement en date du 22 juin 2020, dont il a interjeté appel, tandis que la pièce n° 11 est constituée de la signification de ce jugement, ainsi que du procès-verbal de recherches infructueuses dressé le 22 juillet 2020 par l'huissier de justice mandaté par le Crédit Mutuel. Les autres pièces visées au bordereau (numéroté de 1 à 16) ne contiennent pas les bulletins de paie de janvier à décembre 2013 et l'avis d'imposition 2014, dont il est fait état dans les conclusions de l'appelant.
Ainsi, M. [T] [Z] ne justifie pas de ses revenus existant au jour du cautionnement en date du 8 novembre 2013, et partant, d'une disproportion manifeste entre ces derniers et son engagement de caution. Il ne fournit par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, aucune précision sur l'étendue de son patrimoine mobilier ou immobilier, permettant également d'apprécier la disproportion alléguée au jour du cautionnement donné.
M. [T] [Z] justifie, par la production d'une notification faite par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Sud-Est, qu'il perçoit à compter du 1er octobre 2021 une retraite, avant prélèvement à la source, d'un montant de 1 400,72 euros par mois. Il produit également aux débats diverses pièces relatives à ses charges actuelles.
Toutefois, le caractère disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard de la consistance des revenus et biens de la caution au jour de son engagement, et non par rapport à ceux dont il dispose au jour où le juge statue.
Au vu de ces motifs, M. [T] [Z] ne démontre pas l'existence d'une disproportion manifeste de son engagement de caution, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné ce dernier au paiement de la somme de 27 818,79 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 26 novembre 2019, dans la limite de 36 000 €, au titre du cautionnement en date du 8 novembre 2013.
- Sur la demande de dommages-intérêts :
Le prêteur est tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de la caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté à ses capacités financières (biens et revenus) de cette dernière.
Il résulte de ce qui précède que M. [T] [Z] ne rapporte pas la preuve que son engagement de caution en date du 8 novembre 2013 excéderait ses capacités financières, en l'absence de production aux débats des justificatifs de ses biens et revenus au jour de la souscription de ce dernier. La demande de dommages-intérêts formée par l'appelant, au titre de la violation par le Crédit Mutuel de son devoir de mise en garde, ne peut dans ces conditions prospérer.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure :
M. [T] [Z], succombant dans ses prétentions, est condamné aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel. Il est débouté de sa demande formée au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d'appel.
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné M. [T] [Z] à payer au Crédit Mutuel la somme de 2 000 euros, au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance.
M. [T] [Z] sera également condamné à payer au Crédit Mutuel la même somme au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [T] [Z] de ses demandes de nullité de l'acte de signification en date du 22 juillet 2020 et à ce qu'il soit constaté le caractère non avenu du jugement du tribunal de commerce de Nancy en date du 22 juin 2020 ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
DÉBOUTE [T] [Z] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d'appel ;
CONDAMNE M. [T] [Z] à payer à la société Caisse de Crédit Mutuel Essey-les-Nancy la somme de 2 000 € (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d'appel ;
CONDAMNE M. [T] [Z] aux entiers frais et dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrice BOURQUIN Présidente de Chambre, à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en huit pages.