La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2022 | FRANCE | N°22/01656

France | France, Cour d'appel de Nancy, Première présidence, 06 octobre 2022, 22/01656


COUR D'APPEL DE NANCY

--------------------------------------

ORDONNANCE SUR REQUÊTE

--------------------------------------

N° RG 22/01656 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FAMW

du 20 Octobre 2022

Minute : 9/2022



REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



A l'audience du six octobre 2022 à neuf heures trente, devant Nous, Pascal BRIDEY, Président de chambre désigné par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de Nancy en date du 07 juillet 2022, assisté de Céline PAPEGAY, greffier et statua

nt sur la requête enregistrée au Secrétariat de la Première Présidence le 18 Juillet 2022 sous le numéro N° RG 22/01656 - N...

COUR D'APPEL DE NANCY

--------------------------------------

ORDONNANCE SUR REQUÊTE

--------------------------------------

N° RG 22/01656 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FAMW

du 20 Octobre 2022

Minute : 9/2022

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

A l'audience du six octobre 2022 à neuf heures trente, devant Nous, Pascal BRIDEY, Président de chambre désigné par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de Nancy en date du 07 juillet 2022, assisté de Céline PAPEGAY, greffier et statuant sur la requête enregistrée au Secrétariat de la Première Présidence le 18 Juillet 2022 sous le numéro N° RG 22/01656 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FAMW, ont comparu :

Monsieur [G] [M]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Non comparant, représenté par Maître Christophe HECHINGER, Avocat au barreau de LA MEUSE

APPELANT

et

Madame le procureur de la République près le tribunal judiciaire de VERDUN

[Adresse 6]

[Localité 2]

Association Fondation trente milions d'amis

[Adresse 1]

[Localité 3]

Non comparante, représentée par Maître Caroline LANTY, Avocat au barreau de PARIS, substituée par Maître Marie VOUTSAS, Avocat au barreau de PARIS

En présence de Monsieur le procureur général, en la personne de Monsieur Hadrien BARON, substitut général

SUR QUOI :

Avons, après avoir entendu à l'audience du 06 octobre 2022, les parties en leurs explications et conclusions et avisé les parties que la décision serait prononcée par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022 et ce, en application de l'article 450 aliné 2 du code de procédure civile, mis l'affaire en délibéré ;

Et ce jour, 20 octobre 2022, assisté de Céline PAPEGAY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire, avons rendu l'ordonnance suivante :

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d'un contrôle administratif effectué par la direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations dans les locaux de l'exploitation agricole de Monsieur [G] [M] à [Localité 7] (55) le 30 mars 2022, une enquête préliminaire a été diligentée par les enquêteurs de la brigade de gendarmerie de [Localité 5] et il a été constaté que 19 chiens de race Border Collie étaient laissés à l'abandon dans des conditions de vie jugées déplorables par le ministère public.

Le 4 avril 2022, le procureur de la république près le tribunal judiciaire de Verdun a requis l'association 30 millions d'Amis pour assurer la garde et l'entretien de ces chiens jusqu'à ce qu'il soit statué sur la responsabilité pénale de Monsieur [M].

Par requête en date du 18 juin 2022, le ministère public a saisi la présidente du tribunal judiciaire de Verdun qui, par décision du 20 juin 2022, prise sur le fondement de l'article 99'1 alinéa 2 du code de procédure pénale, a ordonné le placement en famille d'accueil de 5 de ces chiens, identifiés comme appartenant à Monsieur [M] et la cession à la fondation 30 millions d'Amis de 14 autres chiens, non formellement identifiés comme appartenant à l'exploitant agricole.

Par déclaration du 13 juillet 2022, Monsieur [G] [M] a interjeté appel de cette ordonnance.

Au soutien de son recours, Monsieur [M] sollicite l'infirmation de l'ordonnance de la présidente du tribunal judiciaire de Verdun en date du 20 juin 2022 et le rejet de la requête présentée par le ministère public.

Il réclame également le débouté des demandes et prétentions de la fondation 30 millions d'Amis et sa condamnation au paiement d'une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans des conclusions récapitulatives développées oralement à l'audience du 6 octobre 2022, Monsieur [M] dénonce une violation du principe du contradictoire en faisant valoir que la décision frappée d'appel s'est fondée sur des documents non visés dans la requête du parquet, que cette décision n'est pas motivée et qu'elle prévoit une cession gratuite des chiens alors qu'une telle cession ne pouvait être réalisée qu'à titre onéreux.

Soutenant qu'il n'avait pas pu prendre connaissance des pièces visées dans l'ordonnance entreprise, Monsieur [M] estime qu'il a été privé des moyens de fait et de droit lui permettant de se défendre utilement pour contester le placement en famille d'accueil et la cession à la fondation 30 millions d'amis des chiens lui appartenant.

Il fait observer que les certificats vétérinaires ne démontrent pas que les conditions du placement étaient susceptibles de mettre la santé des chiens en péril et que la ventilation proposée par le vétérinaire entre une cession à la fondation et un placement en famille d'accueil n'a pas été correctement reprise dans la requête du ministère public et dans l'ordonnance frappée d'appel.

Il considère que sa contestation est recevable car il est bien propriétaire des chiens saisis en vertu du principe selon lequel « en fait de meubles, possession vaut titre »

Selon écritures développées oralement à l'audience du 6 octobre 2022, la fondation 30 millions d'amis conclut à l'irrecevabilité de Monsieur [M] à raison d'un défaut de qualité à agir s'agissant des 14 chiens non identifiés dont il n'établit pas la propriété.

Pour les autres chiens, elle rappelle les trois conditions posées par l'article 99'1 alinéa 2 du code de procédure pénale et fait valoir que l'ordonnance querellée est régulière au regard de ces conditions puisqu'elle a constaté l'existence de conditions susceptibles de porter atteinte à la santé des animaux et la nécessité de satisfaire à leurs besoins physiologiques, qu'elle a été prise après réquisition préalable du procureur de la république et qu' aucune disposition légale ne fait obligation au président du tribunal judiciaire d'assortir la remise temporaire des 5 chiens à des familles d'accueil d'une contrepartie financière.

Le ministère public sollicite lui aussi la confirmation de l'ordonnance entreprise.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir en contestation de la remise de 14 chiens à la fondation 30 millions d'amis

L'article 122 du code de procédure civile dispose que « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel que le défaut de qualité' »

Selon l'article 31 du code de procédure civile « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre l'intérêt déterminé »

Il résulte des termes mêmes de l'article 99'1 du code de procédure pénale, fondement de l'appel diligenté par Monsieur [M], que la voie de recours mise en 'uvre est réservée au seul propriétaire connu de l'animal de sorte que seul celui qui justifie de sa propriété a qualité à agir pour contester l'ordonnance portant cession ou placement temporaire des animaux saisis.

L'argumentation selon laquelle, en matière de propriété, les animaux domestiques sont régis par les dispositions du Code civil relatives aux biens meubles n'est pas recevable dans la mesure ces animaux, qualifiés par l'article 515'14 alinéa 2 du Code civil « d'êtres vivants doués de sensibilité » sont désormais régis par des lois particulières qui les protègent et qui prévalent sur les dispositions de l'article 2276 du Code civil.

Il en est ainsi notamment des règles relatives aux obligations de détention, de cession et d'identification dont il résulte notamment qu'il appartient à un propriétaire de chien de se déclarer comme tel auprès de l'I-Cad, fichier qui recense les propriétaires de carnivores domestiques.

L'article 99'1 du code de procédure pénale est une disposition spécifique et dérogatoire au droit commun de la propriété mobilière régie par le Code civil .

Ce texte, entré en vigueur le 2 décembre 2021, s'inscrit dans un mouvement de protection des animaux qui ne peuvent plus être regardés comme des choses sur lesquelles le propriétaire aurait un droit de propriété absolu et exclusif, lui permettant d'en disposer à sa guise et sans limites mais comme des êtres vivants méritant une protection particulière dès lors qu'il est porté atteinte à leur intégrité et à leur santé.

Le simple fait que 14 chiens aient été trouvés dans un bâtiment appartenant à Monsieur [M] n'établit pas en soi la propriété de l'appelant au sens de l'article 99'1 du code de procédure pénale.

Dès lors que les attestations versées aux débats n'apportent aucune précision permettant de faire la distinction entre les chiens déclarés et les autres, il ne peut être exclu que Monsieur [M] ne soit que le gardien temporaire et pour le compte d'autrui des 14 chiens remis à l'association 30 millions d'Amis du fait de leur situation sanitaire jugée compromise par les services vétérinaires.

Dès lors que Monsieur [M] ne produit aucun élément (cartes d'identification, attestations de cession, certificats vétérinaires de suivi) permettant de justifier de sa qualité de propriétaire ou de détenteur régulier de ces animaux telle qu'exigée par l'article 99'1 du code de procédure pénale, fondement de son appel, il y a lieu de le déclarer irrecevable en son recours de la décision de la présidente du tribunal judiciaire de Verdun ayant ordonné la cession des 14 chiens non identifiés (RH4182 à RH 4198) à la fondation 30 millions d'amis.

Sur le bien-fondé du recours de Monsieur [M] à l'encontre du placement de cinq chiens en famille d'accueil

Selon l'article 99'1 alinéa premier du code de procédure pénale, 'lorsqu'au cours d'une procédure judiciaire, il a été procédé à la saisie ou au retrait, à quelque titre que ce soit, d'un ou plusieurs animaux vivants, le procureur de la république près le tribunal judiciaire du lieu de l'infraction peut placer l'animal dans un lieu de dépôt prévu à cet effet ou le confier à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d'utilité publique ou déclarée. La décision mentionne le lieu de placement et vaut jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'infraction »

L'alinéa 2 de la même disposition précise que « lorsque les conditions du placement sont susceptibles de rendre l'animal dangereux ou de mettre sa santé en péril ou de ne plus répondre à la satisfaction des besoins physiologiques propres à son espèce, le président du tribunal judiciaire peut par ordonnance motivée prise sur les réquisitions du procureur de la république et après avis d'un vétérinaire, ordonner qu'il sera cédé à titre onéreux ou confié à un tiers ou qu'il sera procédé à son euthanasie »

Il convient de préciser qu'à ce jour, M. [M] est présumé innocent des faits dont l'accuse le ministère public et que la décision de la présidente du tribunal judiciaire, prise sur le fondement de l'article 99-1 du code de procédure pénale n'a vocation à s'appliquer que durant le temps de la procédure pénale et jusqu'à ce qu'il ait été statué par le tribunal correctionnel sur les infractions qui lui sont reprochées.

Contrairement à ce qu'affirme l'appelant, l'ordonnance querellée a été prise dans le respect des trois conditions posées par les dispositions susvisées.

En effet, les chiens dont s'agit ont fait l'objet de deux examens vétérinaires individuels réalisés les 6 avril et 20 mai 2022 par le Docteur [V] [U], examens qui décrivent les divers maux physiques et comportementaux dont ils sont atteints.

Le second certificat note que si les animaux ont favorablement évolué, leur enfermement et leur maintien en collectivité constituent un frein à un développement plus positif et risquent de stopper ou de réfréner cette évolution.

Selon le vétérinaire, une autorisation de placement en famille d'accueil sous le contrôle de la fondation 30 millions d'amis ou une cession définitive en faveur de celle-ci, permettrait de favoriser l'adaptation à un nouvel environnement tout en respectant le bien-être animal.

Monsieur [M] produit un certain nombre d'attestations de proches et de membres de sa famille qui tendent à établir qu'il est attaché à ses chiens et qu'il s'en occupe correctement.

Ces attestations pourront éventuellement être prises en compte par le tribunal correctionnel de Verdun pour apprécier la culpabilité de Monsieur [M] du chef des infractions poursuivies mais elles apparaissent insuffisantes en l'état pour remettre en cause les constatations objectives, précises et circonstanciées des services de la direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations et des services vétérinaires, constatations corroborées par les observations faites par les militaires de la gendarmerie.

Force est de constater que l'ordonnance frappée d'appel vise expressément les pièces établies par les services enquêteurs qui font état de la nécessité de prendre en considération les besoins physiologiques des animaux et qui préconisent le placement temporaire des chiens en famille d'accueil.

Par ailleurs, il est constant que l'ordonnance contestée a été prise sur réquisitions du parquet de Verdun, lesquelles datées du 18 juin 2022, sont motivées et argumentées.

Comme il est admis en matière d'ordonnance sur requête, la présidente du tribunal judiciaire de Verdun a suffisamment motivé sa décision en faisant expressément référence à la requête du ministère public et en visant les avis vétérinaires du docteur [V] [U] du 6 avril 2022 et du 20 mai 2022 , le contrôle coordonné de la DDETSPP et de la gendarmerie nationale du 4 avril 2022 en présence de l'ARS/SPA et de la mairie de [Localité 7], la décision de placement provisoire des animaux rendue par le procureur de la république le 4 avril 2022 et de la demande de la fondation 30 millions d'amis en date du 8 juin 2022.

S'agissant des 5 chiens identifiés, il y a lieu de constater qu'ils n'ont pas été cédés à la fondation 30 millions d'amis mais placés temporairement en famille d'accueil, placement qui n'avait pas à être assortie d'une quelconque contrepartie financière.

En outre les critères de la ventilation entre cession à une association et placement auprès d'un tiers ne sont pas fixés par la loi et relèvent de la seule appréciation du juge, tenu de prendre la décision la plus adaptée à l'état physique et comportemental des chiens et à leur rétablissement en les orientant soit en hébergement collectif, soit en hébergement individuel dans des familles d'accueil volontaires et bénévoles.

Considérant que le recours formé par Monsieur [G] [M] n'est pas fondé, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise sur ce point.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la fondation 30 millions d'Amis les frais irrépétibles exposés en la présente instance de sorte que sa demande d'indemnité présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Nous Pascal BRIDEY, président de chambre délégué par Monsieur le premier président, statuant par ordonnance contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Déclarons irrecevable, pour défaut de qualité à agir, le recours de Monsieur [G] [M] à l'encontre de la décision de cession des 14 chiens non identifiés (RH4182 à RH 4198) à la fondation 30 millions d'Amis ;

Rejetons comme non fondée la demande de Monsieur [G] [M] tendant à voir obtenir la restitution des 5 chiens placés en famille d'accueil ;

Confirmons l'ordonnance de la présidente du tribunal judiciaire de Verdun en date du 20 juin 2022 en toutes ses dispositions ;

Rejetons toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

Condamnons Monsieur [G] [M] aux entiers dépens.

Et Nous, avons signé, ainsi que le greffier, la présente ordonnance.

Le Greffier, Le Président,

Céline PAPEGAY Pascal BRIDEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/01656
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;22.01656 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award