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06/10/2022 | FRANCE | N°21/02498

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 06 octobre 2022, 21/02498


ARRÊT N° /2022

PH



DU 06 OCTOBRE 2022



N° RG 21/02498 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E3NI







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

F 20/00189

06 septembre 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.E.L.A.R.L. DE LA VÔGE prise en

la personne de son représentant légal domicilé audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie COURONNE de l'AARPI BDF AVOCATS, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



Madame [O] [R]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Alain BEGEL de la SELARL BGBJ, avocat au barreau d'E...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 06 OCTOBRE 2022

N° RG 21/02498 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E3NI

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

F 20/00189

06 septembre 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. DE LA VÔGE prise en la personne de son représentant légal domicilé audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie COURONNE de l'AARPI BDF AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Madame [O] [R]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Alain BEGEL de la SELARL BGBJ, avocat au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : STANEK Stéphane,

WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 07 Juillet 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 06 Octobre 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 06 Octobre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [O] [R] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par l'Office notarial de [Localité 5] à compter du 03 mai 1999, en qualité de négociatrice immobilière.

A compter du 06 novembre 2020, la société SELARL DE LA VÔGE est devenue titulaire de l'Office notarial de [Localité 5].

Madame [O] [R] est devenue salariée de la société SELARL DE LA VÔGE par transfert de son contrat de travail, le dernier contrat de travail écrit réactualisé ayant été établi et signé le 1er septembre 2006.

La convention collective nationale du notariat s'applique au contrat de travail.

Par courrier du 27 novembre 2020, notifié par huissier de justice, Madame [O] [R] a été informée par la SELARL DE LA VÔGE qu'une éventuelle mesure de licenciement pouvant aller jusqu'à la faute lourde était envisagée à son encontre, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire pendant tout le temps de la procédure et jusqu'à la notification de la décision

Par requête du 09 novembre 2020, Madame [O] [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Epinal, aux fins de :

- dire et juger que la SELARL DE LA VOGE a commis de graves manquements à ses obligations contractuelles dans le cadre du contrat de travail la liant à Madame [O] [R],

- prononcer la résiliation du contrat de travail liant Madame [O] [R] à la SELARL DE LA VOGE aux torts de l'employeur,

- condamnation de la SELARL DE LA VOGE à payer à Madame [O] [R] les sommes suivantes :

- 12 652,29 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 265,22 euros de congés payés sur préavis,

- 15 913,77 euros d'indemnité de licenciement,

- 44 985,92 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif

- rappel de salaires dus à compter du jour de la mise à pied jusqu'au jour de la décision définitive prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail sur la base de 2 811,62 euros de salaires et 281,16 euros de congés payés afférents.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 06 septembre 2021, lequel a :

- débouté la société SELARL DE LA VOGE de sa demande de surseoir à statuer,

- prononcé la résolution judiciaire du contrat de travail liant Madame [O] [R] à la société SELARL DE LA VOGE aux torts de l'employeur à ce jour

- condamné la société SELARL DE LA VOGE à verser à Madame [O] [R] la somme de 8 434,86 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis,

- condamné la société SELARL DE LA VOGE à verser à Madame [O] [R] la somme de 843,48 euros bruts au titre des congés payés afférents au préavis,

- condamné la société SELARL DE LA VOGE à verser à Madame [O] [R] la somme de 15 913,77 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement,

- condamné la société SELARL DE LA VOGE à verser à Madame [O] [R] la somme de 33 740,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- condamné la société SELARL DE LA VOGE à verser à Madame [O] [R] les sommes de 26 241,79 euros bruts pour les salaires couvrant la période de mise à pied conservatoire du 27 novembre 2020 au 06 septembre 2021 et 2 624,18 euros bruts des congés payés afférents,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision conformément aux dispositions de l'article 515 du code de procédure civile ainsi que celles relevant de l'article L 1454-28 du Code du travail,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires perçus par Madame [O] [R] à 2 600,54 euros bruts (deux mille six cents euros et cinquante-quatre centimes),

- condamné la société SELARL DE LA VOGE à verser à Madame [O] [R] la somme de 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SELARL DE LA VOGE aux entiers dépens de l'instance comprenant les frais de constat du 16 novembre 2020 et les frais de sommation du 26 novembre 2020 engagés par Madame [O] [R], sous réserve de la présentation des factures acquittées,

- débouté Madame [O] [R] d'ordonner à la S EL U R L DE LA Voge de lui remettre les objets et documents personnels.

- débouté la société SELARL DE LA VOGE de ses demandes reconventionnelles au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société SELARL DE LA VOGE du surplus de ses demandes.

Vu l'appel formé par la société SELARL DE LA VÔGE le 15 octobre 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société SELARL DE LA VÔGE déposées sur le RPVA le 17 janvier 2022, et celles de Madame [O] [R] déposées sur le RPVA le 1er février 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 15 juin 2022,

La société SELARL DE LA VÔGE demande :

- d'annuler le jugement RG F 20/00189 rendu le 06 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Epinal,

- d'infirmer le jugement RG F 20/00189 rendu le 06 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Epinal, en ce qu'il a :

- débouté la société SELARL DE LA VOGE de sa demande de surseoir à statuer,

- prononcé la résolution judiciaire du contrat de travail liant Madame [O] [R] à la société SELARL DE LA VOGE aux torts de l'employeur à ce jour

- condamné la société SELARL DE LA VOGE à verser à Madame [O] [R] la somme de 8 434,86 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis,

- condamné la société SELARL DE LA VOGE à verser à Madame [O] [R] la somme de 843,48 euros bruts au titre des congés payés afférents au préavis,

- condamné la société SELARL DE LA VOGE à verser à Madame [O] [R] la somme de 15 913,77 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement,

- condamné la société SELARL DE LA VOGE à verser à Madame [O] [R] la somme de 33 740,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- condamné la société SELARL DE LA VOGE à verser à Madame [O] [R] les sommes de 26 241,79 euros bruts pour les salaires couvrant la période de mise à pied conservatoire du 27 novembre 2020 au 06 septembre 2021 et 2 624,18 euros bruts des congés payés afférents,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision conformément aux dispositions de l'article 515 du code de procédure civile ainsi que celles relevant de l'article L 1454-28 du Code du travail,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires perçus par Madame [O] [R] à 2 600,54 euros bruts (deux mille six cents euros et cinquante-quatre centimes),

- condamné la société SELARL DE LA VOGE à verser à Madame [O] [R] la somme de 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SELARL DE LA VOGE aux entiers dépens de l'instance comprenant les frais de constat du 16 novembre 2020 et les frais de sommation du 26 novembre 2020 engagés par Madame [O] [R], sous réserve de la présentation des factures acquittées,

- débouté la société SELARL DE LA VOGE de ses demandes reconventionnelles au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société SELARL DE LA VOGE du surplus de ses demandes,

*

Statuant à nouveau :

A titre principal, in limine litis

- de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale, des diligences menées par Monsieur le Procureur de la République d'[Localité 4] et, le cas échéant, par Madame/Monsieur le juge d'instruction et, en toutes hypothèses, jusqu'à prise d'une décision pénale définitive,

*

A titre subsidiaire,

- de dire Madame [O] [R] mal fondée en ses demandes,

- de constater que la société SELARL DE LA VÔGE n'a pas commis de manquements graves justifiant la résiliation du contrat de travail de Madame [O] [R] aux torts de l'employeur,

- en conséquence, de débouter Madame [O] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

*

A titre reconventionnel,

- de condamner Madame [O] [R] à verser à la société SELARL DE LA VÔGE la somme de 2 000 euros pour procédure abusive,

- de condamner Madame [O] [R] à verser à la société SELARL DE LA VÔGE la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Madame [O] [R] aux entiers dépens.

Madame [O] [R] demande :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal le 6 septembre 2021,

Y ajoutant :

- de condamner la société SELARL DE LA VÔGE à verser à Madame [O] [R] les salaires dus postérieurement au 6 septembre 2021 jusqu'au jour où la décision de résiliation judiciaire du contrat de travail sera définitive, sur la base de 2 811,62 euros de salaires et 281,16 euros de congés payés afférents,

- de condamner la société SELARL DE LA VÔGE à verser à Madame [O] [R] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société SELARL LA VÔGE aux dépens d'appel,

*

Subsidiairement :

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal le 6 septembre 2021 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,

Y ajoutant :

- d'annuler la mise à pied à titre conservatoire du 27 novembre 2020,

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal le 6 septembre 2021 s'agissant des condamnations financières (indemnité de préavis et congés payés, indemnité de licenciement et dommages et intérêts) sauf à augmenter :

- l'indemnité compensatrice de préavis qui sera portée à la sommes12 652,29 euros,

- les dommages et intérêts pour licenciement abusif qui seront portés à la somme de 44 985,92 euros,

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal le 6 septembre 2021 en ce qu'il a condamné la société SELARL DE LA VÔGE à verser à Madame [O] [R] les salaires dus à compter du jour de la mise à pied soit à compter du 27 novembre 2020 et jusqu'au 6 septembre 2021, date du jugement, soit la somme de 26 241,79 euros bruts au titre des salaires et 2 624,18 euros au titre des congés payés,

Y ajoutant,

- de condamner la société SELARL DE LA VÔGE à verser à Madame [O] [R] les salaires dus postérieurement au 6 septembre 2021 jusqu'au jour où la décision de résiliation judiciaire du contrat de travail sera définitive, sur la base de 2 811,62 euros de salaires et 281,16 euros de congés payés afférents,

- de condamner la société SELARL DE LA VÔGE à restituer à Madame [O] [R] les biens personnels suivants :

- des dossiers personnels (famille et autres),

- des dossiers de factures privées (EDF, GDF, EAU),

- dossiers de factures de téléphone personnel,

- un appareil photo marque Canon PowerShot G16,

- dossier de sa maison d'Amerey et les clefs de cette maison,

- divers papiers, correspondances privées et livres stockés dans ses tiroirs,

- documentation négociation personnelle,

- de condamner la société SELARL DE LA VÔGE à mettre Madame [O] [R] en mesure de récupérer les données personnelles stockées sur l'ordinateur professionnel qui était mis à sa disposition par son employeur afin qu'elle puisse les copier sur un support informatique externe et les détruire de l'ordinateur professionnel sous le contrôle de l'employeur et en présence d'un huissier de justice que le Conseil voudra bien désigner aux frais de l'employeur,

- de condamner la société SELARL DE LA VÔGE à verser à Madame [O] [R] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures de la société SELARL DE LA VÔGE déposées sur le RPVA le 17 janvier 2022, et de celles de Madame [O] [R] déposées sur le RPVA le 1er février 2022.

Sur la demande de Madame [O] [R] de jonction des procédures 21/1173 et 21/2498 :

La bonne administration de la justice commande ne pas joindre ces deux procédures.

Sur l'effet dévolutif de l'appel formé par la société SELARL DE LA VÔGE contre le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal du 6 septembre 2021 :

Madame [O] [R] fait valoir que la déclaration d'appel formé par la SELARL DE LA VOGE ne contient pas, en contradiction avec les dispositions de l'article 901 du code de procédure civile, l'indication des « chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité » et que le document en format pdf « faisant corps avec la déclaration d'appel » selon son intitulé ne vaut pas déclaration d'appel.

La société SELARL DE LA VÔGE fait valoir que son appel est conforme aux dispositions du code de procédure civile.

Motivation :

L'article 901 du code de procédure civile, dans sa version modifiée par le Décret n°2022-245 du 25 février 2022, applicable aux litiges en cours, prévoit que l'acte de déclaration d'appel peut comprendre une annexe contenant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité.

En l'espèce, il est précisé sur la déclaration d'appel de la société SELARL DE LA VÔGE : « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués : cf. pièce jointe faisant corps avec la déclaration d'appel ».

Ladite pièce jointe contenant les chefs du jugement expressément critiqués, l'appel est régulier et produit son effet dévolutif à leur égard.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Sur la demande de sursis à statuer :

L'employeur indique avoir déposé plainte contre Madame [O] [R] le 14 novembre 2020 pour le vol d'une tour contenant des dossiers de l'étude notariale et le 21 décembre 2020 pour plusieurs autres faits commis dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de négociatrice immobilière, lesquelles sont toujours en cours.

Il demande à la cour d'appel de surseoir à statuer dans l'attente des suites de ces plaintes.

Sur ce :

Il résulte de l'article 4 du code de procédure civile, qu'hors l'indemnisation d'une victime d'une infraction pénale, la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

En l'espèce, la cour d'appel ne sursoira pas à statuer, la bonne administration de justice ne le rendant pas nécessaire.

Sur les griefs de Madame [O] [R] à l'égard de son employeur :

Madame [O] [R] fait valoir trois manquements graves de l'employeur à son égard : le placement en congés payés imposé par l'employeur durant deux semaines sans délai de prévenance ; la rétention injustifiée des données personnelles informatiques et autres documents et objets personnels appartenant à Mme [O] [R] et se trouvant à l'étude.

Par ailleurs, le vendredi 27 novembre 2020, Madame [O] [R] s'est vue notifier par huissier un courrier de son employeur l'informant qu'elle envisageait à son encontre « une éventuelle mesure de licenciement pouvant aller jusqu'à la faute lourde et lui notifiant « sa mise à pied à titre conservatoire qui durera pendant tout le temps de la procédure et jusqu'à la notification de la décision » (pièce n° 8).

1) Sur le placement en congés payés imposé par l'employeur durant deux semaines sans délai de prévenance :

Madame [O] [R] indique que son employeur lui a adressé un SMS le lundi 16 novembre 2020 ainsi rédigé : « Chère Madame, compte tenu de la situation, je vous mets en congé cette semaine. Bien cordialement. [J] [C] » ; qu'il lui a adressé un second SMS le lundi 23 novembre 2020, à 7 h 18 indiquant : « Chère Madame, je prolonge votre congé d'une semaine. Bien cordialement. [J] [C] ».

Elle fait valoir qu'ainsi son employeur lui a imposé la prise de congés, sans respect du délai de prévenance d'un mois et sans se prévaloir d'une circonstance exceptionnelle au sens de l'article L 3141-16 du code du travail 2°.

Elle fait également valoir que cette mise en congé avait en fait pour but de laisser le temps à son employeur de préparer la procédure de licenciement, ce qui constitue un détournement de procédure puisqu'il lui était loisible de décider d'une mise à pied conservatoire, décision prise finalement le 27 novembre 2020.

L'employeur indique avoir découvert après la reprise, le 6 novembre 2020, de l'étude du précédent employeur de Madame [O] [R], dont cette dernière est la compagne, Monsieur [F], diverses malversations et manquements aux devoirs de sa profession (pièces n° 6, 7, 10, 11, 12).

Ainsi une plainte pour abus de confiance a été déposée par l'un des clients de l'étude (pièce n° 8).

Il ajoute en outre que Monsieur [F] et Madame [O] [R] avaient pris l'ordinateur principal de l'étude et les clés des armoires de leurs bureaux, contenant des documents de l'étude et des disques durs, l'obligeant à déposer plainte auprès de la gendarmerie pour les récupérer (pièces n° 2, 4 et 5).

L'employeur fait valoir que c'est au vu de ce contexte général, qui constitue une circonstance exceptionnelle, qu'il a demandé à Madame [O] [R] de prendre des congés payés au jour de sa reprise de travail.

Motivation :

Si l'article L. 3141-16 permet à l'employeur de fixer la date des congés payés de ses salariés, il doit en avertir ses salariés deux mois auparavant (article D 3141-5 du code du travail) et il ne peut modifier la date de départ en congé d'un salarié moins d'un mois avant la date prévue, sauf circonstance exceptionnelle.

Il résulte des SMS adressés à Madame [O] [R] par son employeur que celui-ci lui a imposé les 16 et 23 novembre 2020 de prendre deux congés successifs d'une semaine (pièce n° 3 de l'intimée) et des conclusions de ce dernier que ces instructions avaient de fait pour objet d'interdire à la salariée l'accès aux locaux de l'étude, dans l'attente de sa mise à pied à titre conservatoire le 27 novembre 2020.

La fixation des dates de congés d'un salarié ne peut avoir pour objet de l'éloigner de son lieu de travail en raison de fautes qu'il aurait pu avoir commises, lesquelles ne peuvent constituer les « circonstances exceptionnelles » visées au 2° de l'article L. 3141-16 du code du travail, qui ont seulement trait à l'organisation du travail au sein de l'entreprise.

Dès lors il apparaît que l'employeur a détourné l'article L. 3141-16 du code du travail de son objet, en ce que la mise en congé de Madame [O] [R] correspondait à une mise à pied déguisée régularisée le 20 novembre 2020 ;

Ce fait est d'une gravité suffisante pour justifier, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs exposés par Madame [O] [R], la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Madame [O] [R] fait valoir qu'en application de l'article 12-3 de la convention collective du notariat, elle peut prétendre à une indemnité de préavis correspondant à 3 mois et ¿ de salaire.

Elle réclame en conséquence les sommes de 12 652,29 euros, outre 1265,22 euros au titre des congés payés afférents.

Motivation :

La cour constate que dans le dispositif de ses conclusions, Madame [O] [R] demande à titre principal la confirmation du jugement dont il est fait appel et donc la confirmation des montants de l'indemnité compensatrice de congés payés et des congés payés y afférant qui lui ont été accordés.

L'employeur ne concluant pas sur le quantum des dommages et intérêts, il devra verser à Madame [O] [R], les sommes de 8434,86 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis, outre 843,48 euros au titre des congés payés, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité de licenciement :

Madame [O] [R] fait valoir qu'en application de l'article 12-4 de la convention collective du notariat, elle a droit à une indemnité de 15 913,77 euros.

L'employeur ne contestant pas à titre subsidiaire le calcul du quantum de la somme demandée, il devra verser à Madame [O] [R] une indemnité de 15 913,77euros, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement abusif :

Madame [O] [R], ayant une ancienneté de 21 ans, réclame à ce titre la somme de 41 825 euros en application du barème d'indemnisation maximum prévue par l'article 1235-3 du code du travail.

Motivation :

La cour constate que dans le dispositif de ses conclusions, Madame [O] [R] demande à titre principal la confirmation du jugement dont il est fait appel et donc la confirmation du montant des dommages et intérêts qui lui ont été accordés pour licenciement abusif.

L'employeur ne concluant pas sur le quantum des dommages et intérêts, il devra verser à Madame [O] [R] une indemnité de 33 740 euros pour licenciement abusif, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur le paiement des salaires dus depuis la mise à pied conservatoire jusqu'à la décision définitive prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Madame [O] [R] fait valoir qu'en raison de sa mise à pied à titre conservatoire, qui n'a pas débouchée sur un licenciement, elle a été privée du paiement de son salaire du 27 novembre 2020, jusqu'au jour de la décision définitive prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Elle réclame en conséquence un rappel de salaires de 26 241,79 euros au titre des salaires outre 2624,18 au titre des congés payés pour la période du 27 novembre au 6 septembre 2020 et un rappel de salaire sur la base d'une rémunération mensuelle de 2811,62 euros , outre 281,16 euros de congés payés afférents, pour la période postérieure au 6 septembre 2021 jusqu'à la date du présent arrêt.

L'employeur fait valoir qu'il n'est pas maître ni responsable de la durée des investigations menées sur le plan pénal.

Motivation :

Il n'est pas contesté que depuis la mesure de mise à pied conservatoire du 27 novembre 2020, aucune procédure disciplinaire n'a été prise par l'employeur et que Madame [O] [R] n'a plus perçu son salaire depuis cette date et qu'elle n'a, à ce jour, toujours pas été convoquée à un entretien préalable au licenciement.

Compte-tenu de l'absence de poursuite disciplinaire engagée par l'employeur concomitamment à la mesure ou de mise à pied, ou dans un délai proche, il y a lieu de considérer que la mise à pied conservatoire constitue en fait une sanction prise à l'égard de la salariée.

L'employeur ne motivant pas cette sanction, il y a lieu de l'annuler et en conséquence de condamner l'employeur à verser les salaires dus à Madame [O] [R] depuis le 27 novembre 2020.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera ainsi confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à Madame [O] [R] les sommes de 26 241,79 euros pour les salaires couvrant la période du 27 novembre 2020 au 06 septembre 2021 et 2624,18 euros pour les congés payés afférents.

En outre, l'employeur devra verser, sur la base d'une rémunération mensuelle de 2 811,62 euros, non contestée par l'employeur dans les motifs de ses conclusions, les salaires dus de septembre 2021 au 6 octobre 2022, date à laquelle l'arrêt sera rendu, soit 30927,82 euros, outre 3029,78 euros au titre des congés payés.

Sur la demande de restitution des données personnelles informatiques et autres documents et objets personnels appartenant à Madame [O] [R] et se trouvant à l'étude :

Madame [O] [R] demande la restitution de biens personnels sous forme physique et numérique qui sont restés au sein de l'étude.

Cependant, la cour constate que dans le dispositif de ses conclusions, Madame [O] [R] a demandé la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 6 septembre 2021 « en toutes ses dispositions ».

Or il résulte des motifs et du dispositif dudit jugement que Madame [O] [R] a été déboutée de sa demande de restitution d'objets et de documents informatiques.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande de la SELARL DE LA VÔGE de 2000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Il résulte du dispositif des conclusions de l'employeur qu'il réclame la somme de 2000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.

La cour constate qu'il ne motive pas cette prétention, il sera donc débouté.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

L'employeur devra verser à Madame [O] [R] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles et sera débouté de sa propre demande à ce titre.

L'employeur sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal du 6 septembre 2021 en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y AJOUTANT

Condamne la société SELARL DE LA VÔGE à verser à Madame [O] [R] les sommes de 30927,82 euros (trente mille neuf cent vingt sept euros et quatre vingt deux centimes) à titre de rappels de salaire, outre 3029,78 euros (trois mille vingt neuf euros et soixante dix huit centimes) au titre des congés payés,

Condamne la société SELARL DE LA VÔGE à verser à Madame [O] [R] la somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles,

Condamne la société SELARL DE LA VÔGE aux dépens de l'instance.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en douze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/02498
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;21.02498 ?
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