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06/10/2022 | FRANCE | N°21/01508

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 06 octobre 2022, 21/01508


ARRÊT N° /2022

PH



DU 06 OCTOBRE 2022



N° RG 21/01508 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZIW







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

19/00420

21 mai 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



Madame [M] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-luc TASSIGNY substitué par Me Jean-Marc ROMMELFANGEN, avocats au barreau de NANCY









INTIMÉE :



Société LA POSTE Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric SEGAUD de la SELARL F...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 06 OCTOBRE 2022

N° RG 21/01508 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZIW

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

19/00420

21 mai 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

Madame [M] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-luc TASSIGNY substitué par Me Jean-Marc ROMMELFANGEN, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Société LA POSTE Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric SEGAUD de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : STANEK Stéphane,

WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 07 Juillet 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 06 Octobre 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 06 Octobre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Mme [M] [S] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée par la société LA POSTE à compter du 1er avril 1990. Au dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait la fonction de chargée de clientèle.

A compter du 5 janvier 2017, Mme [M] [S] a été placée en arrêt de travail pour maladie, prolongé au titre d'un congé de grave maladie jusqu'au 18 juin 2018.

Par courrier du 10 janvier 2019, elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé à la date du 28 janvier 2019, auquel elle ne s'est pas présentée en raison de son état de santé.

Par courrier du 14 juin 2019, Mme [M] [S] a été licenciée pour inaptitude physique avec impossibilité de reclassement.

Par requête du 25 septembre 2019, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy en contestation de son licenciement et de paiement d'indemnités.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 21 mai 2021, lequel a :

- débouté Mme [M] [S] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société LA POSTE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Vu l'appel formé par Mme [M] [S] le 16 juin 2021 ;

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de Mme [M] [S] déposées sur le RPVA le 26 avril 2022, et celles de la société LA POSTE déposées sur le RPVA le 14 juin 2022 ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 15 juin 2022 ;

Mme [M] [S] demande :

- de dire et juger son appel régularisé à l'encontre du jugement rendu le 21 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Nancy recevable et bien fondé,

- de réformer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes et statuant à nouveau :

- de dire et juger que la mesure de licenciement prononcée à son encontre en date du 14 septembre 2019 ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, de condamner la société LA POSTE à lui verser à ce titre une indemnité d'un montant de 65 000 euros,

- de condamner par ailleurs LA POSTE à lui verser :

. une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral,

. une somme de 2 259,90 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement et correspondant à un mois de salaire,

. une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de rejeter l'ensemble des demandes plus amples ou contraires formulées par LA POSTE et singulièrement celle tendant à l'application à son bénéfice et à sa charge d'une indemnité de procédure,

- de condamner par ailleurs LA POSTE aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

La société LA POSTE demande :

- de constater, dire et juger que le licenciement de Mme [M] [S] en date du 14 juin 2019 est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- de constater, dire et juger que la procédure de licenciement conduite par elle est régulière,

- en conséquence, de débouter Mme [M] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à son encontre,

A titre reconventionnel :

- de condamner Mme [M] [S] au paiement de la somme de 3 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Mme [M] [S] aux entiers frais et dépens de l'instance.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de Mme [M] [S] le 26 avril 2022 et s'agissant de la société LA POSTE le 14 juin 2022.

1. Sur le licenciement pour inaptitude

Mme [M] [S] fait valoir que son affection est due à la mise à pied conservatoire qui a été prononcée à son encontre en août 2016 ainsi qu'à une situation de discrimination, et reproche à l'employeur de n'avoir pas respecté son obligation en matière de sécurité et de préservation de sa santé psychologique. Elle soutient également que la société LA POSTE n'a pas sérieusement cherché à la reclasser. Elle demande que la rupture du contrat de travail s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et sollicite 65 000 euros de dommages et intérêts.

En défense, la société LA POSTE soutient que le licenciement est légitime et repose sur une cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 14 juin 2019 est ainsi rédigée (pièce employeur N°12) :

«Par courrier en lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 janvier 2019, nous vous avons convoquée à un entretien préalable, le 28 janvier 2019, sur le projet de licenciement pour impossibilité de votre reclassement suite à un constat d'inaptitude au sein de notre entreprise vous concernant. Vous avez produit un certificat médical en date du 23 janvier 2019 mentionnant que votre état de santé ne vous permettait pas de vous présenter à la convocation du service des Ressources Humaines. Vous ne vous êtes donc pas présentée à cet entretien.

Vous avez été placée en congé de grave maladie de manière continue du 05 janvier 2017 au 18 juin 2018.

Conformément à la réglementation en vigueur, La Poste vous a convoquée à une visite de reprise le 19 juin 2018. Le Docteur [C] [K], médecin du travail de La Poste, a indiqué, après études de postes et des conditions de travail, échange avec employeur et mention de la date de dernière actualisation de la fiche d'entreprise : « Inaptitude à son poste de travail de chargée de clientèle selon l'article L4624-4. Contre-indication médicale au contact direct ou indirect avec la clientèle, pas de pression temporelle, pas de charge mentale élevée. Aptitudes restantes sur le poste de type administratif sédentaire respectant les contre-indications ».

Compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail, nous avons effectué des recherches de poste de reclassement élargies à l'ensemble du groupe La Poste avec l'appui de la Commission de Retour et de Maintien dans l'emploi (CRME).

Dans le cadre de la procédure de reclassement, vous avez été invitée à un premier point d'étape par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 21 novembre 2018. Cette rencontre, ayant pour objectif de vous informer de l'évolution de la procédure de reclassement, avait lieu le 28 novembre 2018. Vous nous avez fourni un certificat médical daté du 23 novembre 2018 indiquant que votre état de santé ne vous permettait pas de venir à cet entretien.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 21 novembre 2018, votre Responsable Ressources Humaines vous a une nouvelle fois convié à un entretien afin d'échanger avec vous concernant votre situation. Vous nous avez également remis un certificat médical daté du 07 janvier 2019 indiquant que votre état de santé ne vous permettait pas de vous rendre à cet entretien.

La Commission de Retour et de Maintien dans l'Emploi s'est alors réunie à plusieurs reprises afin d'étudier votre situation. Compte tenu des conclusions écrites du Médecin du Travail de La Poste, nous avons recherché au niveau local et régional des postes de travail correspondant à vos capacités restantes. Aucun poste n'a été identifié.

La Poste a donc entrepris de nouvelles recherches de poste approfondies, sérieuses et personnalisées au niveau national et au sein de l'ensemble du Groupe La Poste. Celles-ci se sont révélées infructueuses.

Malgré nos recherches, il s'avère qu'aucun poste compatible avec le constat médical du médecin du travail et correspondant à vos capacités n'est actuellement disponible.

De même, les tentatives de mutation ou de transformation de poste ou d'aménagement du temps de travail se sont par ailleurs révélées inenvisageables, au vu de l'avis médical rendu par le médecin du travail de la poste.

La CRME a été régulièrement réunie le 22 novembre 2018 et a constaté l'impossibilité de reclassement suite au constat médical d'inaptitude du 19 juin 2018.

En conséquence, nous sommes contraints de constater que votre reclassement est impossible, aucun poste de travail répondant aux exigences médicales n'ayant pu être trouvé.

Suite à l'entretien préalable du 28 janvier 2019, nous vous informions, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 31 janvier 2019, qu'une Commission Consultative Paritaire se réunirait le 12 février 2019 afin d'émettre un avis sur le licenciement envisagé à votre égard. Par ce même courrier, La Poste vous invitait à venir consulter votre dossier de personnel ; doit que vous n'avez pas exercé. En raison de difficultés d'acheminement des recherches de poste, il a été décidé de proposer la convocation d'une nouvelle Commission Consultative Paritaire afin que toutes les pièces nécessaires puissent être présentes dans le dossier. Le report de l'instance a donc été voté et a obtenu l'unanimité des voix.

En date du 02 avril 2019, vous avez été informée de la tenue d'une seconde Commission Consultative paritaire le 10 avril 2019. Une nouvelle fois, vous n'avez pas souhaité consulter votre dossier de personnel.

Les représentants de la Commission Consultative Paritaire compétente ont été régulièrement convoqués à l'instance du 10 avril 2019 afin de procéder à l'examen attentif de votre dossier et la commission a rendu son avis.

A l'issue de cette procédure, et tenant compte tant de l'avis médical du médecin du travail de la poste du 19 juin 2018, que de l'avis rendu par la Commission Consultative paritaire en sa séance du 10 avril 2019, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour impossibilité de reclassement suite à un constat médical d'inaptitude physique.

Votre contrat de travail sera rompu à la date de la présente notification de licenciement. De ce fait, vous n'effectuerez pas de préavis' »

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Mme [M] [S] fait valoir que son inaptitude résulte d'une maladie qui a été causée par les agissements de l'employeur à son encontre dans le cadre d'une procédure disciplinaire qui a finalement été annulée par le conseil de prud'hommes.

Elle explique ainsi qu'en août 2016, la société LA POSTE lui avait fait part qu'en raison de faits graves qu'elle lui reprochait, elle envisageait de prendre à son égard une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement. Elle l'informait en outre de sa mise à pied conservatoire dans l'attente de la décision à intervenir. Elle indique avoir ensuite fait l'objet d'une mise à pied de 15 jours, et que celle-ci a été annulée par le conseil de prud'hommes de Nancy par jugement du 28 septembre 2018. Elle précise que dans le cadre de cette instance, l'employeur avait cherché à l'intimider par un courrier qu'il lui avait adressé afin qu'elle retire de ses pièces une pétition ainsi que des attestations faisant état de la satisfaction qu'elle donnait à la clientèle.

Elle soutient par ailleurs que les mesures prises par l'employeur à son encontre ont eu des conséquences dramatiques sur son état de santé. A ce titre, elle mentionne être victime d'un syndrome dépressif lourd et que celui-ci est à l'origine de son inaptitude. Elle explique avoir été amenée à saisir la CPAM de Meurthe et Moselle au titre de la reconnaissance des maladies professionnelles et que c'est dans ce contexte qu'elle a engagé la procédure objet de la présente instance.

Elle reproche à l'employeur de n'avoir pas respecté son obligation en matière de sécurité et de préservation de sa santé psychologique, se disant également victime d'une discrimination dans la mesure où l'employeur n'aurait pas pris de sanctions à l'encontre de deux collègues lors des faits qui ont conduit au prononcé de sa mise à pied conservatoire.

En défense, la société LA POSTE rétorque que les éléments médicaux produits par la salariée ne permettent pas de lui imputer une quelconque responsabilité, expliquant que le certificat du médecin psychiatre du 15 avril 2019 fait état de ce que Mme [M] [S] manifestait un syndrome anxiodrépressif apparu fin août 2016, alors que la sanction disciplinaire qui a été prise à son encontre lui a été notifiée en décembre 2016.

Elle explique en outre que la mise à pied conservatoire prononcée en août 2016 était justifiée par les conclusions d'un rapport d'enquête qui faisait ressortir l'existence de faits fautifs commis par la salariée. Elle indique avoir mené la procédure disciplinaire dans le respect des dispositions conventionnelles et du règlement intérieur qui s'imposaient et ajoute que si elle a, par la suite, consenti à faire droit à la demande de la salariée en annulant la mise à pied disciplinaire, c'est eu égard à la faible valeur en litige, à l'ancienneté de Mme [M] [S] et afin de protéger la relation de travail. Elle soutient que le jugement du conseil de prud'hommes qui a été rendu sur cette question a constaté que c'est elle qui a procédé à l'annulation de la sanction disciplinaire, et précise que les deux autres salariées qui ont été mêlées aux mêmes faits que Mme [M] [S] ont pour l'une fait l'objet d'un blâme et pour l'autre d'un avertissement.

Motivation :

Aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail :

« L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L.4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. »

Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a pris toutes les mesures de prévention nécessaires pour préserver la santé et la sécurité des salariés et respecter son obligation de sécurité.

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

En l'espèce, il est constaté :

- que par lettre du 16 août 2016, Mme [M] [S] a été convoquée à un entretien fixé au 24 août 2016 et mise à pied à titre conservatoire dans l'attente de la décision définitive à intervenir sur des faits qualifiés de graves (pièce salariée N°11) ;

- que par courrier du 9 novembre 2016, la société LA POSTE a convoqué Mme [M] [S] à la réunion de la Commission Consultative Paritaire du 24 novembre 2016, rappelant que le 9 septembre 2016, la salariée avait été avisée de la tenue de cette commission dans le cadre de la procédure disciplinaire dont elle faisait l'objet et qu'à la demande de la salariée et de son conseil, la commission avait reporté sa séance (pièce salariée N°12) ;

- que par lettre du 19 décembre 2016, la société LA POSTE a notifié à Mme [M] [S] une mise à pied à titre de sanction de 15 jours avec une retenue correspondante de salaire à effet au 21 décembre 2016, le courrier précisant qu'il ressortait du rapport du Service National des Enquêtes du 26 octobre 2016 que le 4 septembre 2015, Mme [M] [S] avait traité un retrait sur le Livret Jeune d'un client effectué par la mère de celui-ci alors que le client était majeur et que la mère n'avait pas été désignée comme mandataire. Il était en outre indiqué que le 3 mai 2016, Mme [M] [S] avait traité un retrait et un versement de 380 euros sans signature des clients sur les bordereaux, et que ces opérations mettaient la société LA POSTE dans une situation de risque grave. Dans cette lettre, l'employeur indiquait que la Commission Consultative Paritaire avait rendu un avis unanime à l'issue de l'examen du dossier (pièce salariée N°13) ;

- que dans son rapport d'enquête du 26 octobre 2016, le Service National d'Enquêtes, saisi le 11 août 2016, a conclu que l'enquête a également démontré que deux autre agents, Mme [O] [T] et Mme [A] [W], ont commis des manquements professionnels en effectuant des opérations irrégulières et en établissant des documents non conformes (pièce salariée N°15) ;

- que Mme [O] [T] a été sanctionnée par un blâme le 16 décembre 2016 (pièce employeur N°22) ;

- que Mme [A] [W] s'est vue notifier un avertissement le 16 décembre 2016 (pièce employeur N°23) ;

- que Mme [M] [S] a saisi le conseil de prud'hommes d'une requête aux fins d'annulation de la mise à pied du 19 décembre 2016 et de paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (pièces salariée N°16) ;

- que par courrier du 17 mai 2017, l'employeur a notamment demandé à Mme [M] [S] de procéder au retrait de la pétition qu'elle a produite devant le conseil de prud'hommes dans le cadre de la procédure initiée par elle (pièce salariée N°47) ;

- que le conseil de Mme [M] [S] a répondu à ce courrier le 2 juin 2017 (pièce N°48) ;

- que le 7 février 2018, la CPAM de Meurthe et Moselle a indiqué à Mme [M] [S] avoir reçu, le 18 janvier 2018, sa déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical du 16 janvier 2018 faisant mention d'un syndrome anxiodépressif (pièce salariée N°52) ;

- que par jugement du 28 septembre 2018, le conseil de prud'hommes de Nancy a constaté l'annulation de la mise à pied, le conseil mentionnant comme seuls motifs que la société LA POSTE justifie l'annulation de la mise à pied, que la somme de 1 129,95 euros a bien été réglée à Mme [M] [S] et qu'il constate que la salariée « a bien été entendue et exaucée sur ces deux demandes par la SA LA POSTE » (pièce salariée N°16) ;

- qu'aux termes d'une attestation en date du 12 avril 2019, Mme [H] [P], infirmière, déclare que Mme [M] [S] est suivie régulièrement au CMP de [Localité 5] depuis le 1er mars 2017 (pièce salariée N°50) ;

- que par un certificat médical du 15 avril 2019, le docteur [F] [B], médecin traitant de Mme [M] [S], mentionne que celle-ci « présente un syndrome anxiodépressif apparu fin août 2016, pour lequel elle bénéficie encore actuellement d'une prise en charge thérapeutique associant un traitement médicamenteux anti- dépresseur, anxiolitique, hypnotique, et un suivi psychologique au CMP de [Localité 5] » (pièce salariée N°51) ;

- que par décision du 5 octobre 2021, à l'encontre de laquelle Mme [M] [S] n'indique pas dans ses conclusions avoir formé de recours, le pôle social du tribunal judiciaire de Nancy, saisi par elle d'un recours contre la décision de rejet de la Commission de Recours Amiable de la CPAM, a jugé qu'il résulte de l'ensemble des éléments pris en compte par les deux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles « qu'il n'existe pas de lien direct et essentiel entre l'affection présentée et le travail habituel de la requérante » (pièce salariée N°55).

Si la cour n'est pas tenue par le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nancy, il ne résulte cependant d'aucun élément produit et notamment pas des pièces médicales fournies par Mme [M] [S], que l'état anxiodépressif qui lui a été diagnostiqué le 16 janvier 2018, soit 17 mois après la mise à pied conservatoire, et qui a conduit à son inaptitude, est la conséquence de cette mise à pied conservatoire, comme d'un comportement discriminatoire de l'employeur, lequel n'est au demeurant pas établi.

Les faits invoqués par Mme [M] [S] selon lesquels l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ne sont donc pas établis.

Sur le manquement à l'obligation de reclassement

Mme [M] [S] fait valoir que la société LA POSTE n'a jamais sérieusement envisagé la moindre procédure de reclassement à son bénéfice et que les courriers de recherche qu'elle produit sont stéréotypés et ne donnent aucune indication sur les caractéristiques du poste recherché au regard de l'avis du médecin du travail.

La société LA POSTE indique avoir été tenue à la mise en 'uvre d'une procédure conventionnelle qu'elle a respectée, et avoir préalablement recherché à reclasser la salariée sur l'ensemble de ses établissements. Elle précise que la salariée n'a pas été active lorsqu'il s'est agi de rencontrer les différents intervenants afin de permettre un échange sur son reclassement possible. Elle renvoie à sa pièce N°16 en indiquant que la lettre circulaire qu'elle a adressée à l'ensemble des établissements qui pouvaient répondre à la recherche de reclassement est précise et qu'elle mentionne le nom du salarié concerné, son niveau de classification et les motifs de l'inaptitude. Elle ajoute que la recherche a été effectuée au niveau local, puis aux niveaux régional et national.

Motivation :

Le salarié inapte à son emploi bénéficie d'un droit au reclassement prévu par l'article L.1226-2 du code du travail dans le cadre d'une inaptitude d'origine non professionnelle.

Selon cet article : « l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L.233-1, aux I et II de l'article L.233-3 et à l'article L.233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. »

L'obligation de recherche n'implique pas que l'employeur soit tenu de proposer un poste qui n'est pas disponible.

En l'espèce, il est constaté :

- que la société LA POSTE justifie, en pièce N°16, de 73 courriers qu'elle a adressés le 19 octobre 2018 en interne dans le groupe et des réponses obtenues ; qu'à ce sujet, contrairement à ce que Mme [M] [S] soutient, une demande a bien été adressée dans le département de la Meurthe et Moselle, notamment à la Banque Postale de [Localité 6] qui a répondu le 12 novembre 2018 qu'elle n'avait aucun poste disponible, ainsi qu'à à la direction Services Courrier Colis de Lorraine à Nancy qui a répondu, le 31 octobre 2018, n'avoir aucun poste disponible ; que dans sa demande, la société LA POSTE fait intégralement mention des conclusions du médecin du travail relatives à l'inaptitude et aux aptitudes restantes par rapport au poste recherché qui est de type administratif sédentaire respectant les contre-indications ;

- que par lettre du 23 octobre 2018, l'employeur a informé la salariée que suite à l'avis d'inaptitude du médecin du travail, une recherche de solution de reclassement était initiée et que pour faciliter sa mise en 'uvre, la Commission Retour et Maintien dans l'Emploi (CRME) avait été constituée pour envisager les différentes solutions possibles la concernant dans le respect des préconisations du médecin du travail, sa rémunération demeurant maintenue au cours de la période de reclassement (pièce employeur N°6) ;

- que le 21 novembre 2018, Mme [M] [S] a été convoquée pour un second point d'étape sur la procédure de reclassement en cours avec la responsable des ressources humaines, fixé au 8 janvier 2019 (pièce employeur N°7) ;

- que le 7 janvier 2019, Mme [M] [S] a fourni un certificat médical de son médecin traitant certifiant que son état de santé ne lui permettait pas de se rendre à la convocation de la CRME du 8 janvier 2019 (pièce employeur N°7) ;

- que lors de de la réunion de la Commission Consultative Paritaire du 12 février 2019, le représentant de LA POSTE a précisé que les recherches de postes ont bien été effectuées mais qu'en raison de difficultés d'acheminement, elles ne pouvaient matériellement pas figurer au dossier de la réunion (pièce employeur N°10) ;

- que lors de la réunion de la Commission Consultative Paritaire du 10 avril 2019, le représentant du personnel a souhaité souligner que le dossier de procédure concernant Mme [M] [S] contenait bien les recherches de poste diligentées par LA POSTE et restées infructueuses ; qu'il a été indiqué que la CRME a pris en compte la situation de Mme [M] [S], et que des recherches de postes inter branches au niveau local et régional ont été réalisées en tenant compte des préconisations du médecin du travail ; qu'en raison de l'absence de proposition de poste en retour sur les recherches au niveau local et régional, les recherches ont été élargies au niveau national et à l'ensemble des entités du groupe LA POSTE (pièce employeur N°10).

Au vu de ces éléments, la cour constate que l'employeur justifie avoir mis en 'uvre toutes les possibilités de reclassement de sa salariée en effectuant des recherches sérieuses de reclassement.

Sur ce :

Compte-tenu de ce qui précède, il est constaté que le licenciement prononcé pour inaptitude à l'encontre de Mme [M] [S] repose sur une cause réelle et sérieuse.

Mme [M] [S] sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

2. Sur la demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement

Mme [M] [S] fait valoir qu'elle a été informée de son licenciement le 16 mai 2019 par un courrier de l'assistante sociale de l'employeur, et que cela démontre qu'il avait été décidé de procéder à son licenciement avant que la mesure ne lui soit officiellement notifiée. Elle renvoie sur ce point à sa pièce N°8 et sollicite en conséquence une somme de 2 259,90 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement.

La société LA POSTE soutient que Mme [M] [S] n'a pas été licenciée verbalement et mentionne que l'assistante sociale n'a fait que tirer ses conclusions de la consultation de la Commission Consultative Paritaire et de l'avis qu'elle a rendus validant la procédure, sans que cela puisse préjuger la décision définitive de licenciement qui appartient à la seule direction.

Motivation :

Il est observé que dans son courrier du 16 mai 2019, Mme [L] [Y], assistante sociale de LA POSTE, écrit à Mme [M] [S] avoir été informée par la responsable des ressources humaines, Mme [U], de son licenciement, et lui indique se tenir à sa disposition si elle éprouve la moindre difficulté (pièce salariée N°8).

Cette lettre, qu'aucun élément du dossier ne vient contredire, témoigne que l'annonce du licenciement de Mme [M] [S] a été faite par l'employeur à un tiers avant la notification officielle et motivée du licenciement, et que c'est par ce moyen que la salariée a eu connaissance de la décision de l'employeur.

La décision de licencier Mme [M] [S], qui a donc été prise à l'issue de l'entretien préalable mais avant l'envoi de la lettre de licenciement, rend dès lors la procédure irrégulière.

La société LA POSTE ne contestant pas, à titre subsidiaire, le montant de l'indemnité réclamée par la salariée dans son quantum, il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande de Mme [M] [S].

La société LA POSTE sera condamnée au paiement de la somme de 2 259,90 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

3. Sur le préjudice moral

Mme [M] [S] fait valoir que l'attitude adoptée par l'employeur à son égard a eu des répercussions sur son état de santé. Elle renvoie aux certificats médicaux produits en pièces N°49 et 51, ainsi qu'à l'attestation du Centre Psychothérapique de [Localité 6] (pièce N°50), tous examinés supra. Elle sollicite 50 000 euros en réparation de son préjudice moral.

La société LA POSTE indique être étrangère au fait que Mme [M] [S] a mal vécu la mesure de mise à pied conservatoire et rappelle n'avoir agi qu'en vertu de ses pouvoirs d'employeur.

Motivation :

Il a été constaté que l'employeur n'a commis aucun manquement à l'égard de la salariée qui serait à l'origine de son état anxiodépressif conduisant à son inaptitude.

Aucune faute ne pouvant dès lors être reprochée à la société LA POSTE, Mme [M] [S] sera déboutée de sa demande en réparation de son préjudice moral, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

4. Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

La société LA POSTE sera condamnée à payer à Mme [M] [S] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et elle sera déboutée de sa demande formée à ce titre.

La société LA POSTE sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 21 mai 2021 en ce qu'il a débouté Mme [M] [S] de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice moral ;

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 21 mai 2021 en ce qu'il a débouté Mme [M] [S] de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

STATUANT A NOUVEAU

Condamne la société LA POSTE à payer à Mme [M] [S] la somme de 2 259,90 euros ( deux mille deux cent cinquante neuf euros et quatre vingt dix centimes) à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement et correspondant à un mois de salaire ;

Condamne la société LA POSTE aux dépens de première instance ;

Y AJOUTANT

Condamne la société LA POSTE à payer à Mme [M] [S] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société LA POSTE de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société LA POSTE aux dépens de l'appel ;

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en treize pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01508
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;21.01508 ?
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