La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2022 | FRANCE | N°21/00001

France | France, Cour d'appel de Nancy, 5ème chambre, 06 octobre 2022, 21/00001


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

---------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Chambre des Expropriations



ARRÊT N° /21 DU 06 OCTOBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00001 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZ5C



Décision déférée à la Cour : jugement Juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 16/0007 en date du 21 juin 2021 ;



APPELANTE :

S.A. GNC HOLDING agissant poursuites et diligences du Président

de son Conseil d'Administration pour ce domicilié audit siège. inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de METZ sous le numéro 349 565 903

[Adress...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

---------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Chambre des Expropriations

ARRÊT N° /21 DU 06 OCTOBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00001 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZ5C

Décision déférée à la Cour : jugement Juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 16/0007 en date du 21 juin 2021 ;

APPELANTE :

S.A. GNC HOLDING agissant poursuites et diligences du Président de son Conseil d'Administration pour ce domicilié audit siège. inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de METZ sous le numéro 349 565 903

[Adresse 17]

représentée par Me Ariane MILLOT-LOGIER de l'AARPI MILLOT-LOGIER FONTAINE, avocat au barreau de NANCY

Avocat plaidant : Me Jérémy GENY -LA ROCCA avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT, dont le siège situe au [Adresse 16]

non représentée

ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER GRAND EST (EPFGE) agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce, domicilié audit siège., [Adresse 18]

représentée par de Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

Avocat plaidant Me Veronique LANGE avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 1ER Septembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de chambre,

Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,

M. Jean-Louis FIRON, Conseiller,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Ali ADJAL ,

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement le 06 octobre 2022 date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de chambre et par Monsieur Ali Adjal, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

FAITS ET PROCEDURE

Par arrêté du 16 novembre 2011, le préfet de la Meurthe et Moselle a déclaré d'utilité publique le projet de création par la communauté de communes de Moselle et Madon ( la CCMM) d'une zone d'aménagement concertée (ZAC) sur le territoire de la commune de [Localité 14] nommée Parc d'activités de Brabois-Forestière, dédiée à l'accueil d'activités tertiaires et technologiques.

Par arrêté du 21novembre 2012, le bénéfice de la déclaration d'utilité publique a été transféré à l' Etablissement Public Foncier de Lorraine (EPFL), devenu ensuite Etablissement Public Foncier du Grand Est (EPFGE).

L'EPFL a par courrier du 20 février 2013 notifié à la Sas GNC Holding une offre d'acquisition pur un montant total de 695.498,20€.

Par courrier du 18 mars 2013 , la Sas GNC Holding a informé l'EPFL de son refus de cette offre, estimant que le montant de l'indemnité devant lui revenir devait s'élever à la somme de 5.108.030€.

Une enquête publique s'est déroulée du 20 avril au 5 mai 2015 et l'arrêté préfectoral de cessibilité a été pris le 18 juin 2015.

Une ordonnance d'expropriation a été rendue le 26 février 2016 à l'encontre de la Sas GNC Holding, visant les parcelles ci-après :

-section A, parcelle n°[Cadastre 12] , d'une superficie de 12 150m²,

-section A, parcelle n°[Cadastre 5] , d'une superficie de 1 153m²,

-section A, parcelle n°[Cadastre 13] , d'une superficie de 954m²,

-section A, parcelle n°[Cadastre 6] , d'une superficie de 361 m²,

-section A, parcelle n°[Cadastre 1] , d'une superficie de 18 840m²,

-section A, parcelle n°[Cadastre 7] , d'une superficie de 1 579m²,

-section A, parcelle n°[Cadastre 8] , d'une superficie de 2 749m²,

-section A, parcelle n°[Cadastre 2] , d'une superficie de 80m²,

-section A, parcelle n° [Cadastre 9] d'une superficie de 932m²,

-section A, parcelle n°[Cadastre 10] , d'une superficie de 8422m²,

-section A, parcelle n°[Cadastre 3] , d'une superficie de 428m²,

-section A, parcelle n°[Cadastre 4] , d'une superficie de 5260m²,

-section A, parcelle n°[Cadastre 11] , d'une superficie de 2614m².

Le 25 mai 2016, la Sas GNC Holding a saisi le juge de l'expropriation aux fins de fixation des indemnités d'expropriation et de réquisition d'emprise totale.

Le transport sur les lieux a eu lieu de 7 décembre 2016.

Par jugement du 21 juillet 2017, le juge de l'expropriation a :

- déclaré mal fondée la réquisition d'emprise totale formée par la Sas GNC Holding,

-sursis à statuer sur la fixation des indemnités d'expropriation,

-avant-dire droit, ordonné une expertise confiée à M. [L] [O] afin notamment de :

* procéder aux estimations nécessaires afin de permettre au juge de l'expropriation de déterminer la valeur des parcelles, compte-tenu de la consistance matérielle et juridique au 26 février 2016, et en fonction de leur usage effectif ou de leur qualification comme terrain à bâtir au 4 juillet 2011,

* décrire et évaluer la nature des déchets et résidus de démolition entreposés sur certaines parcelles faisant l'objet de l'expropriation,

* décrire l'état des sous-sols et notamment indiquer s'il existe un risque de pollution du fait de l'exploitation autrefois sur le site d'un karting, de la suppression d'un transformateur abandonné duquel a pu s'écouler du pyralène, du mode de chauffage autrefois en cours (chaudière ayant pu fuir),

*évaluer le coût de la remise en état du site en évaluant le coût de l'enlèvement des déchets et résidus de démolition ainsi que des pollutions éventuelles,

* donner en conséquence son avis quant à la prise en compte d'un abattement.

L'expert a rendu son rapport le 22 octobre 2020.

Par jugement du 21 juin 2021, le juge de l'expropriation a :

- fixé à la somme de 352.816,20€ le montant de l'indemnité d'expropriation due par l'EPFGE à la SAS GNC Holding portant sur les parcelles situées sur le lieudit [Localité 15] sur la commune de [Localité 14], dans le périmètre de la ZAC Brabois Forestière, d'une superficie totale de 55.522m², selon le détail suivant :

* indemnité principale : 610.742€

*indemnité de remploi : 62.074,20€

*dont à déduire la somme de 320.000€ au titre des frais d'évaluation des déblais de démolition,

- condamné l'EPFGE à payer à la SAS GNC Holding la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon déclaration du 15 juillet 2021, enregistrée le 16 juillet 2021, la SAS GNC Holding a formé appel de la décision.

Selon mémoire récapitulatif du 29 août 2022, la SAS GNC Holding sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a a condamné l'EPFGE aux dépens et à son infirmation pour le surplus.

Elle demande de :

-ordonner en tant que de besoin une nouvelle mesure d'expertise confiée à un expert à la Cour de cassation,

- fixer l'indemnité principale d'expropriation des parcelles expropriées à la somme de 3.331.320€,

- fixer l'indemnité de remploi à la somme de 335.382€,

-si la cour estime qu'une décote pour évacuation des déchets est due par la SAS GNC Holding, fixer cette décote à la somme de 128.480€,

- fixer l'indemnité de dépréciation à la somme de 1.036.966€,

-condamner l'EPFGE à lui payer ces indemnités,

-condamner l'EPFGE à lui payer la somme de 10.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

-condamner l'EPFGE à lui payer la somme de 10.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

Selon mémoire du 5 août 2022, l' EPFGE sollicite la confirmation de la décision ainsi que la condamnation de la Sas GNC Holding à lui payer la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions du 27 janvier 2022, le commissaire du gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur la recevabilité de la pièce n° 84 de l'appelante et de la demande d'expertise.

En application de l'article R 311-26 du code de l'expropriation, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

Sont seuls admis les mémoires complémentaires qui, sans contenir de demandes nouvelles, contiennent uniquement des éléments complémentaires en réplique au mémoire de l'autre partie ou aux conclusions du commissaire du gouvernement.

1-1 Sur la recevabilité de la demande d'expertise

La demande d'expertise a été présentée par la Sas GNC Holding dans un mémoire complémentaire du 4 avril 2022, soit après l'expiration du délai prévu par les dispositions précitées.

L'appelant fait valoir qu'il s'agit d'une demande en réplique aux conclusions des intimés et qu'ainsi elle doit être déclarée recevable.

Toutefois, elle ne fait l'objet d'aucune motivation spécifique qui viendrait s'appuyer sur les conclusions de l'EPFGE et du commissaire du gouvernement et elle est donc irrecevable.

L'appelant observe cependant que cette irrecevabilité ne fait pas obstacle à la possibilité pour la cour, si elle l'estime utile, d'ordonner d'office une nouvelle expertise.

1-2 Sur la recevabilité de la pièce n°84 de l'appelante

La Sas GNC Holding a communiqué le 4 avril 2022, soit après expiration des délais, une pièce intitulée expertise en indemnité d'éviction pour cause d'expropriation établie par M. [B] [H], expert auprès de la Cour de cassation.

Elle fait valoir que cette pièce est recevable au motif qu'elle est communiquée en réplique au mémoire de l'autre partie et du commissaire du gouvernement.

Il est exact que l'avis se réfère expressément aux mémoires de l'EPFGE et aux conclusions du commissaire du gouvernement et ainsi vise à y répondre de sorte qu'il est recevable.

2- Sur l'intention dolosive reprochée à l'expropriant

La Sas GNC Holding indique qu'elle avait acquis les biens sur la demande de la CCMM dans le cadre d'un projet d'aménagement de la future zone d'activité qui devait lui être confié par la collectivité, qu'elle a acquis ces terrains bâtis, ensuite mis fin aux baux en cours, payé les indemnités d'éviction et frais de démolition car elle devait avoir la charge de la réalisation de la nouvelle ZAC et qu'une fois les les démolitions effectuées, la commune de [Localité 14] a modifié son PLU, que la CCMM puis l'EPFGE ont alors entamé la procédure d'expropriation en souhaitant voir retenir une valorisation de l'indemnité d'expropriation sur la base de terrains nus, ces agissements caractérisant ainsi la mauvaise foi de l'autorité expropriante pour obtenir ces terrains à vil prix.

Elle soutient qui doivent en être tirées 'toutes conséquences, non seulement sur la date de référence à prendre en considération, mais aussi en retraitant les références de comparaison produites par l'EPFGE lui permettant d'aboutir, sous couvert d'une prétendue légalité, à une opération de spoliation'

L'EPFGE fait valoir que la Sas GNC Holding a d'ores et déjà présenté une demande visant à faire reconnaître l'intention dolosive de l'expropriant et que le jugement du 21 juillet 2017, qui a statué sur ce point, est revêtu de l'autorité de la chose jugée.

Il ne résulte toutefois d'aucun chef du dispositif de ce jugement que le premier juge a statué sur ce point par une disposition ayant autorité de la chose jugée et elle ne peut donc être opposée à la Sas GNC Holding.

Sur le fond, aux termes de l'article L 322-2 du code de l'expropriation, il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.

Par ailleurs, selon l'article L 322-4, l'évaluation des terrains à bâtir tient compte des possibilités légales et effectives de construction qui existaient à la date de référence prévue à l'article L. 322-3, de la capacité des équipements mentionnés à cet article, des servitudes affectant l'utilisation des sols et notamment des servitudes d'utilité publique, y compris les restrictions administratives au droit de construire, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.

L'intention dolosive visée par les dispositions précitées ne concerne donc que l'institution de servitudes ou de restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens.

Or, le PLU a été approuvé en 2007 et le PLU révisé du 20 mai 2011 n'a pas institué des servitudes ou restrictions complémentaires, les terrains restant en zone d'urbanisation future et par ailleurs l'autorité expropriante n'a pas fait obligation à la Sas GNC HOLDING de procéder à une démolition, aucune disposition du règlement du PLU ne la prescrivant.

L'appelante ne se prévaut donc pas d'éléments de faits qui entreraient dans le champ d'application des dispositions précitées et la mauvaise foi ne peut donc être retenue.

2- Sur la date de référence

Le premier juge a retenu que la date de référence devait être fixée au 20 mai 2011, date à laquelle la dernière modification du PLU est devenue opposable aux tiers, en application de l'article L 213-4 a) du code de l'urbanisme alors que selon la Sas GNC Holding, il y a lieu de revenir, conformément au droit commun fixé par l'article L 322-2 du code de l'expropriation, au 14 juin 2020, un avant la date de l'enquête publique.

La Sas GNC Holding en tire pour conséquence que les termes de comparaison retenus par l'EPFGE ne peuvent être pris en compte car les références retenues par l'expropriant, sont des parcelles qui ont bénéficié d'un reclassement avantageux en 2011, alors qu'elles n'étaient pas constructibles auparavant et que les ayant acquises à un prix correspondant à leur ancien classement, l'EPFGE essaie de faire appliquer ce prix aux parcelles expropriées.

Selon l'article L 322-2 du code de l'expropriation :

' Les biens sont estimés à la date de la décision de première instance.

Toutefois, et sous réserve de l'application des dispositions des articles L. 322-3 à L. 322-6, est seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 1 ou, dans le cas prévu à l'article L. 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique ou, dans le cas des projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L. 121-8 du code de l'environnement ou par l'article 3 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat ou, lorsque le bien est situé à l'intérieur du périmètre d'une zone d'aménagement concerté mentionnée à l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme, à la date de publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique'.

Par ailleurs selon l'article L 213-6 du code de l'urbanisme :

'Lorsqu'un bien soumis au droit de préemption fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est celle prévue au a de l'article L 213-4".

Enfin l'article L 213-4 a) précise que :

'a) La date de référence prévue à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est :

-pour les biens compris dans le périmètre d'une zone d'aménagement différé : (...)

-pour les biens non compris dans une telle zone, la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien'.

La modification du plan local d'urbanisme permettant la détermination de la date de référence est celle qui affecte une ou plusieurs caractéristiques de la zone dans laquelle sont situés les biens expropriés, y compris lorsqu'elle n'affecte pas leur classement et la révision du PLU n'a pas lieu d'être prise en compte si les caractéristiques de la zone n'ont pas été modifiées.

La Sas GNC Holding soutient que ces caractéristiques n'ont pas été modifiées, la révision du PLU en 2011 ayant consisté à reclasser les parcelles situées de l'autre côté de la route nationale en les faisant passer de la zone 2AU à la zone 1AUY.

L'EPFGE précise que la révision simplifiée de 2011 n'a fait qu'étendre le zonage 1AUym à des parcelles qui ne sont pas la propriété de la Sas GNC Holding et renommer la zone et que le règlement de zone lui-même n'est que renommé et aucunement modifié (p.20 des conclusions) et il n'existe donc aucune des modification des caractéristiques de la zone

La date de référence ne peut donc être celle du 4 juillet 2011 et il y aura lieu de retenir celle du14 juin 2010, sollicitée par l'appelant, étant par ailleurs observé qu'aucune notification n'a eu lieu entre l'adoption du PLU en 2007 et cette date.

La SA GNC Holding, en tire toutefois uniquement pour conséquence que les termes de référence utilisés par l'expropriant ne peuvent être retenus puisque les parcelles ont été acquises à un prix correspondant à leur ancien classement.

L'EPFGE note toutefois que il n'est pas recouru à la date de référence lorsque les biens sont acquis à l'amiable, dès lors qu'ils sont alors acquis selon le règlement qui leur opposable à la date de signature de l'acte de vente.

Elle produit les actes relatifs aux transactions dont elle se prévaut qui font effectivement référence au nouveau zonage.

L'argumentation de la Sas GNC Holding sur ce point ne peut donc qu'être écartée.

2- Sur la fixation des indemnités d'expropriation

2-1 Sur l'indemnité principale

Compte-tenu de ce qui précède les parcelles doivent être estimées au jour du jugement, compte tenu de la consistance matérielle et juridique au 26 février 2016 en fonction de leur usage effectif au 14 juin 2010.

La motivation du premier juge (p 6et 7) relative à l'absence de qualification en tant que terrain à bâtir au sens de l'article L 322-3 du code de l'expropriation ne fait pas l'objet d'une contestation argumentée de la part de l'appelante, la modification de la date de référence n'ayant pas d'incidence sur ce point.

Le premier juge a retenu la méthode par comparaison qui n'est remise en cause par aucune des parties.

L'appelante fait en premier lieu valoir que le premier juge ne pouvait écarter diverses références qui avaient été retenues par l'expert judiciaire et par les experts sollicités par ses soins.

Le jugement a en premier lieu écarté deux actes ([U] et [I]) relatifs à des ventes intervenues en 2010 et 2014, pour un prix de 56,50€/m² et 60,22€, après avoir observé qu'il s'agissait de terrains bâtis, ce qui n'est effectivement pas le cas des parcelles de la Sas GNC Holding.

Il en de même pour la parcelle [K], pour laquelle une indemnité d'expropriation a été fixée par jugement du 25 septembre 2015, le premier juge ayant repris les caractéristiques de la parcelle comportant divers immeubles.

La Sas GNC Holding ne produit aucun élément qui remettrait en cause l'analyse réalisée par le premier juge, et les évaluations faites par M. [D] [V], essentiellement sur les base de ces transactions, ne pouvaient effectivement être prises en compte.

L'expertise judiciaire réalisée par M. [L] [O] a repris les mêmes termes de comparaison, ajoutant des transactions intervenues dans d'autres communes, concernant des terrains à bâtir ou des parcelles dont les caractéristiques ne sont pas précisées, en pratiquant ensuite un abattement de 50% dont il n'explique pas la raison.

C'est donc avec raison que le premier juge n'a pas retenu l'évaluation faites par l'expert.

Les conclusions de M. [B] [H] ne peuvent pas plus être prises en compte, puisqu'il se réfère aux mêmes termes de comparaison que le document établi par M. [V] (ventes [U] et [I] et indemnité fixée par le jugement du 25 septembre 2015).

Le jugement s'appuie sur les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'expropriation, selon lequel le juge tient compte, des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique et les prend pour base lorsqu'ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu'ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées.

Le jugement, par un calcul non contesté à hauteur d'appel, retient que l'EPFGE a acquis auprès de 83,33% des propriétaires, 60,44% de la surface concernée par la DUP et ainsi que les dispositions précitées sont applicables.

Il se réfère à cinq actes de vente relatifs à des parcelles de terrains nus, voisines de celles de la SAS GNC Holding, puisque situées de l'autre côté de la rue dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique et qui constituent ainsi des parcelles similaires à celles de l'appelante tant dans leur situation géographique que dans leur nature, usage et classement en zonage du PLU.

La Sas GNC Holding indique que pour pouvoir être retenus les accords amiables doivent porter sur des biens homogènes et comparables.

Si la Sas GNC Holding indique que ces parcelles n'ont jamais bénéficié d'un réseau eau, électricité ou gaz, elle n'établit pas que les parcelles dont elle est propriétaire sont dans une situation différente, puisqu'il s'agit de terrains caractérises par des déblais de démolition, à l'état d'abandon, sans viabilisation,

Par ailleurs, la Sas GNC Holding n'établit pas en quoi leur situation sur l'autre côte de la route nationale serait de nature à justifier à empêcher la comparaison et l'un des actes de vente porte sur une parcelle de 6,4ha comparable aux 5,55ha de la parcelle de Sas GNC Holding qui ne peut donc soutenir que les assiettes foncières des termes de comparaison sont très réduites.

Ces différents actes portent sur des biens homogènes et comparables à ceux dont est propriétaire la Sas GNC Holding et ils peuvent être retenus, à hauteur du prix le plus haut, correspondant à la parcelle la plus étendue à hauteur de 11€ le m².

Ainsi, sans qu'il soit besoin d'ordonner d'office une expertise, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité principale à la somme de 610.472€.

2-2 Sur l'indemnité de remploi

Le mode de calcul de l'indemnité de remploi, en pourcentage de l'indemnité principale, n'est pas contesté par la Sas GNC Holding et l'indemnité principale n'ayant pas été modifié, il en est de même pour cette indemnité.

2-3 Sur la décote pour l'évacuation des déblais de démolition

La Sas GNC Holding s'appuie sur les dispositions de l'article L 322-7 du code de l'expropriation pour soutenir qu'aucune décote ne peut être pratiquée au titre de l'évacuation des déblais de démolition qui sont présents sur la parcelle, ces dispositions étant inapplicables en l'espèce puisqu'elles sont relatives aux immeubles bâtis.

Par ailleurs, l'état de pollution d'un immeuble fait partie des éléments formant la consistance matérielle du bien exproprié au sens de l'article L 322-1 du code de l'expropriation et il s'agit donc d'un facteur de moins value du terrain, qui doit être pris en compte.

L'expert a retenu deux options pour l'évacuation des déblais soit environ 1600 tonnes, ainsi détaillées (p.39)

Option 1 : un tri sur site afin de séparer les blocs de béton des morceaux d'enrobé (30€/ tonne) soit environ 48.0000€, avec un coût d'évacuation des seuls déblais d'enrobé préalablement triés, soit environ 128.000€ HT des déblais d'enrobé et un coût total de 176.000HT pour ces seuls déblais.

Option 2 : Evacuation de la totalité du tas de déblais de démolition présents sur site, sans tri préalable à 200€ la tonne soit 320.000€ HT.

Le premier juge a retenu que la Sas GNC Holding ne saurait imposer à l'autorité expropriante de prendre en charge le tri des déchets dont le coût n'est pas précisé. Or le montant de l'option 1 inclut bien le tri pour 48.000€ et il n'y a donc pas lieu d'exclure cette option.

La Sas GNC Holding produit un devis à hauteur de 128.480HT, qui est toutefois particulièrement succint et n'a pas été soumis à l'expert, de sorte qu'il ne saurait être retenu.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point et le montant à retenir étant de 176.000€ HT.

Le montant de l'indemnité d'expropriation s'élève donc à la somme de 496816,20€.

2-4 Sur l'indemnité de dépréciation

La Sas GNC Holding a sollicité une indemnité de dépréciation des parcelles dont elle reste propriétaire à la suite de l'expropriation.

Le jugement a rejeté cette demande au motif qu'aucun élément n'est produit permettant d'établir que les terrains lui restant, classés en zone 2AUm, ne peuvent plus être exploitables indépendamment des terrains expropriés constructibles, alors que le zonage reste inchangé, et qu'il n'est pas démontré que l'exploitation des parcelles non expropriées ne s'en trouvera pas valorisée par l'utilisation future de la ZAC.

A hauteur d'appel, l'appelante indique que les parcelles étaient certes inconstructibles, mais auraient pu être optimisées dans le cadre du projet dans sa globalité , notamment pour des activités proches de la nature.

Elle n'apporte toutefois pas plus d'éléments permettant de justifier ces allégations et le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

3- Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La somme de 2500€ sera allouée à la Sas GNC Holding au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE irrecevable la demande d'expertise,

DECLARE recevable la pièce n° 84 de la Sas GNC Holding,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne la déduction opérée au titre des frais d'évacuation des déblais de démolition et le montant de l'indemnité d'expropriation,

Statuant à nouveau de ces chefs

DIT qu'il y a lieu de déduire la somme de 176.000€ HT au titre des déblais de démolition,

FIXE en conséquence à la somme de 496.816,20€ le montant de l'indemnité d'expropriation,

CONDAMNE l'EPFGE à payer à la Sas GNC Holding la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'EPFGE aux dépens de la procédure d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de chambre, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER :LE PRÉSIDENT :

Minute en neuf pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00001
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;21.00001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award