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29/09/2022 | FRANCE | N°21/02522

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 29 septembre 2022, 21/02522


ARRÊT N° /2022

PH



DU 29 SEPTEMBRE 2022



N° RG 21/02522 - N°Portalis DBVR-V-B7F-E3OV







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SCHILTIGHEIM

F15/00164

13 mars 2017











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2







SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION





DEMANDEUR A LA SAISINE:<

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Monsieur [A] [P]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Amandine THIRY, avocat au barreau de NANCY susbtituée par Me VARSAMIS, avocate au barreau de STRASBOURG









DEFENDERESSE A LA SAISINE:



S.A.S. RISS ET HAMMES est prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domic...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 29 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/02522 - N°Portalis DBVR-V-B7F-E3OV

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SCHILTIGHEIM

F15/00164

13 mars 2017

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

DEMANDEUR A LA SAISINE:

Monsieur [A] [P]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Amandine THIRY, avocat au barreau de NANCY susbtituée par Me VARSAMIS, avocate au barreau de STRASBOURG

DEFENDERESSE A LA SAISINE:

S.A.S. RISS ET HAMMES est prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Aline FAUCHEUR-SCHIOCHET de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY, substituée par Me KARM, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : STANEK Stéphane,

WILLM Anne-Sophie

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 16 Juin 2022 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 29 Septembre 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 29 Septembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [A] [P] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée par la société RISS & HAMMES à compter du 10 juin 2002, en qualité de magasinier, pour un temps de travail hebdomadaire de 40 heures.

A compter du 31 octobre 2007, il a occupé le poste de chef d'atelier pour une période six mois, avant d'être confirmé sur ce poste avec effet au 1er mai 2008.

A compter du 9 avril 2015, M. [A] [P] a été placé en arrêt de travail pour maladie, prolongé de manière continue.

Par courrier du 28 avril 2016, M. [A] [P] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 9 mai 2016, auquel il n'a pas assisté.

Par lettre du 19 mai 2016, il a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Préalablement, par requête réceptionnée le 15 mai 2015, M. [A] [P] avait saisi le conseil de prud'hommes de Schiltigheim aux fins de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, de dire qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société RISS & HAMMES au paiement d'un arriéré de salaire pour heures supplémentaires, de l'indemnité de congés payés y afférents, d'un arriéré de salaire au titre de la prime d'ancienneté, d'une provision sur indemnité de licenciement, d'une provision sur dommages et intérêts, et subsidiairement de dire que l'aptitude médicalement constatée a une origine professionnelle, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et aux fins de condamnation de l'employeur à indemnités, et à défaut de reconnaissance du caractère d'inaptitude, de condamner l'employeur à des arriérés de salaire pour heures supplémentaires, outre diverses indemnités.

Par décision du 3 décembre 2015, le médecin du travail a déclaré M. [A] [P] inapte à son poste de travail de chef d'atelier, avec reclassement sur un poste similaire dans un environnement professionnel différent, ou en télétravail.

Par jugement en date du 13 mars 2017, le conseil de prud'hommes de Schiltigheim, a :

- reçu M. [A] [P] en sa demande,

- la déclarée non fondée,

- en conséquence, ne prononce pas la résiliation judiciaire de son contrat de travail,

- dit et juge que le licenciement intervenu à son encontre a une cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

- le déboute de son action,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'allouer aux parties une quelconque somme an titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens.

Par déclaration du 7 avril 2017, M. [A] [P] a interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes de Schiltigheim.

Par arrêt rendu le 26 mars 2019, la chambre sociale de la cour d'appel de Colmar a :

- confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que chaque partie supporterait ses propres dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite :

- condamné M. [A] [P] aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

- débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [A] [P] aux dépens d'appel.

M. [A] [P] a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Colmar.

Vu l'arrêt de la cour de cassation du 29 septembre 2021, lequel a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par M. [A] [P] à titre d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejette les demandes de M. [P] au titre de la rupture et en ce qu'il le condamne aux dépens de première instance et d'appel et le déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 26 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar,

- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy,

- condamné la société RISS et HAMMES aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société RISS et HAMMES et la condamne à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros.

Vu la saisine de la chambre sociale de la cour d'appel de Nancy par M. [A] [P] sur renvoi de la cour de cassation en date du 20 octobre 2021 ;

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de M. [A] [P] déposées sur le RPVA le 29 mars 2022, et celles de la société RISS & HAMMES déposées sur le RPVA le 29 avril 2022 ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 18 mai 2022 ;

M. [A] [P] demande :

- de déclarer l'appel régulier, recevable et bien fondé,

- infirmer la décision rendue par le conseil de Prud'hommes de Schiltigheim en date du 13 mars 2017, en ce qu'elle :

« Reçoit : Monsieur [A] [P] en sa demande ;

La déclare : non fondée ;

En conséquence : le Conseil de céans ne prononce pas la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Dit et juge : que le licenciement intervenu à son encontre a une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

Le déboute de son action.

Dit qu'il n'y a pas lieu d'allouer aux parties une quelconque somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens »

Et statuant à nouveau :

A titre principal,

- de déclarer la demande régulière, recevable et fondée,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail le liant à la société RISS & HAMMES aux torts exclusifs de l'employeur,

- dire et juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- condamner la société RISS & HAMMES au paiement des montants suivants :

. 28 173,40 euros à titre d'arriéré de salaire pour heures supplémentaires effectuées, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du conseil de prud'hommes,

. 2 817,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur arriéré de salaire, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du conseil de prud'hommes,

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en vertu de l'article 1147 du code civil, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir,

. 7 388,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du conseil de prud'hommes,

. 738,83 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du conseil de prud'hommes,

. 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que l'inaptitude médicalement constatée a une origine professionnelle,

- dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En cas de reconnaissance du caractère professionnel de l'inaptitude,

- condamner la société RISS & HAMMES au paiement des montants suivants :

. 28 173,40 euros à titre d'arriéré de salaire pour heures supplémentaires effectuées, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du conseil de prud'hommes,

. 2 817,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur arriéré de salaire, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du conseil de prud'hommes,

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en vertu de l'article L.1147 du code civil, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir,

. 7 388,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du conseil de prud'hommes,

. 738,83 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du conseil de prud'hommes,

. 8 415,09 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir,

. 44 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir,

A défaut de reconnaissance du caractère de l'inaptitude,

- condamner la société RISS & HAMMES au paiement des montants suivants :

. 28 173,40 euros à titre d'arriéré de salaire pour heures supplémentaires effectuées, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du conseil de prud'hommes,

. 2 817,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur arriéré de salaire, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du conseil de prud'hommes,

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en vertu de l'article L.1147 du code civil, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir,

. 7 388,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du conseil de prud'hommes,

. 738,83 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du conseil de prud'hommes,

. 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir,

En tout cas,

- condamner la société RISS & HAMMES à procéder à la délivrance de bulletins de salaire, attestation destinée au POLE EMPLOI, solde détaillé de tout compte et certificat de travail rectifiés, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- condamner la société RISS & HAMMES au règlement d'une indemnité à hauteur de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir en application des dispositions de l'article 1153-1 du code civil,

- condamner la société RISS & HAMMES aux éventuels frais et dépens de la procédure.

La société RISS & HAMMES demande :

- de dire et juger l'appel recevable, mais mal fondé,

En conséquence :

- débouter M. [P] de l'intégralité de ses prétentions,

- confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Schiltigheim le 13 mars 2017,

- le condamner à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de M. [A] [P] le 29 mars 2022, et s'agissant de la société RISS & HAMMES le 29 avril 2022.

Sur la portée de l'arrêt de la cour de cassation n° 19-21.032 rendu le 29 septembre 2021

En application de l'article 623 du code de procédure civile : « la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu'elle n'atteint que certains chefs dissociables des autres ».

Selon l'article 624 du même code, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce.

Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. La Cour de cassation précise donc, dans son dispositif, la portée de la cassation qu'elle prononce, qu'elle soit totale ou partielle. Dans l'hypothèse d'une cassation partielle, elle en précise expressément de quel chef.

Par ailleurs, en application de l'article 625 du code de procédure civile, sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.

En l'espèce, la cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Colmar du 26 mars 2019 en ce qu'il rejette les demandes formées par M. [P] à titre d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejette les demandes de M. [P] au titre de la rupture et en ce qu'il le condamne aux dépens de première instance et d'appel et le déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

1. Sur la demande à titre d'arriéré de salaire pour heures supplémentaires

M. [A] [P] soutient qu'entre 2004 et 2007, l'employeur a modifié sans son accord la durée du travail ainsi que la rémunération, précisant que depuis l'embauche, il a toujours effectué 40 heures de travail hebdomadaires, soit 173,33 heures mensuelles, voire au-delà. Il renvoie sur ce point à ses pièces N°3, 4, 5, 6, 7 et 8. Il observe que dans ses bulletins de salaire, l'employeur, à compter de mai 2004, a uniquement décompté une durée du travail de 151,67 heures, sans jamais rémunérer les 5 heures supplémentaires qu'il effectuait de manière hebdomadaire. Il fait également valoir que si l'existence d'une convention de forfait en heures devait être retenue, le forfait est néanmoins irrégulier dans la mesure où il ne l'a jamais accepté.

Il réclame un montant total de 28 173,40 euros au titre des heures supplémentaires effectuées entre janvier 2012 et septembre 2015, outre le paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés de 2 817,34 euros.

En défense, la société RISS & HAMMES fait valoir qu'en 9 ans, M. [A] [P] a exécuté son travail sans jamais formuler la moindre remarque sur la modification invoquée, et que celle-ci n'a pas rendu impossible le maintien de la relation contractuelle. Elle explique que la modification qui est apparue sur les bulletins de paie entre mai 2004 et le 1er octobre 2007 était uniquement liée à la présentation des fiches de paie qui faisaient apparaître le décompte d'heures supplémentaires entre 35 et 39 heures. Elle mentionne que lorsque M. [A] [P] a été nommé chef d'atelier à compter de novembre 2007, il n'a plus été amené à effectuer d'heures supplémentaires. Elle soutient que le décompte des heures supplémentaires établit par le salarié n'est pas précis et que s'il était demandé à celui-ci d'effectuer des heures supplémentaires, elles étaient alors compensées par des jours de repos. Elle critique les attestations de témoin produites par M. [A] [P] et mentionne que s'il n'a jamais signé l'avenant en 2007 le nommant au poste de chef d'atelier, il a toutefois occupé cette fonction pendant près de 10 années sans jamais se plaindre. Elle conteste en conséquence les heures supplémentaires.

Motivation :

Selon l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

 

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Par ailleurs, la rémunération du salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, et selon l'article L.3121-22 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, la rémunération au forfait ne peut résulter que d'un accord entre les parties et la convention de forfait doit déterminer le nombre d'heures correspondant à la rémunération convenue, celle-ci devant être au moins aussi avantageuse pour le salarié que celle qu'il percevrait en l'absence de convention, compte tenu des majorations pour heures supplémentaires. Il appartient à l'employeur qui se prévaut de l'existence d'une convention de forfait d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, il est constaté que par contrat de travail ayant pris effet le 10 juin 2002, M. [A] [P] a été embauché par la société RISS & HAMMES en qualité de magasinier moyennant une rémunération fixée à 1 675 euros brut pour 173,33 heures par mois, soit 40 heures par semaine (pièce salarié N°1).

L'employeur ne conteste pas qu'à compter du 1er mai 2004, la durée mensuelle de travail est passée à 151,67 heures pour un même salaire (pièce salarié N°4) et que le 1er octobre 2004, le salaire de base a été ramené à 1 518 euros pour une durée mensuelle de travail de 151,67 heures, outre 13 heures supplémentaires rémunérées à 1,25 et 3 heures supplémentaires rémunérées à 1,50 (pièce salarié N°5).

Il est également observé que le 1er octobre 2007, la durée mensuelle de travail est demeurée de 151,67 heures, outre 20 heures supplémentaires à 1,25 (pièce salarié N°6).

Il n'est pas non plus contesté que l'avenant au contrat de travail du 31 octobre 2007 n'a pas été signé par M. [A] [P], et que dans ce cadre, le salarié a été affecté au poste de chef d'atelier à compter du 1er novembre 2007 moyennant un salaire forfaitaire brut mensuel de 2 650 euros (pièce salarié N°7), aucune heure supplémentaire ne lui ayant plus été payée.

Sur ce point, M. [A] [P] fournit, sous forme de tableau, un décompte des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées mensuellement sur la période de janvier 2012 à septembre 2015 (pièce salarié N°17).

Il est constaté que cet élément est suffisamment précis quant aux heures de travail qu'il prétend avoir accomplies pour que l'employeur puisse y répondre utilement en produisant ses propres éléments, étant rappelé qu'en tant qu'employeur, la société RISS & HAMMES a l'obligation de mettre en place un système permettant de comptabiliser les heures de travail accomplies par chacun de ses salariés.

Il est cependant remarqué que l'employeur, s'il critique cet élément en indiquant dans ses conclusions qu'il s'agit d'une estimation établie en partant d'un nombre d'heures travaillées mensuelles, et s'il critique également les témoignages de M. [G] [M] qui mentionne que M.[A] [P] a bien effectué au minimum 40 heures par semaine comme chef d'atelier (pièce salarié N°38), de M. [I] [V] qui atteste que sur la période du 1er septembre 2006 au 15 octobre 2012, il a été employé 40 heures par semaine aux mêmes horaires que M. [A] [P] (pièce salarié N°41), et de M. [S] [O] qui déclare que M. [A] [P] a bien effectué au minimum 40 heures par semaine depuis son arrivée en juin 2002 jusqu'en avril 2015 comme chef d'atelier et magasinier (pièce salarié N°42), il ne produit lui-même aucun élément relatif au décompte des heures de travail du salarié.

Il est également constaté que la société RISS & HAMMES ne conteste pas que la rémunération de M. [A] [P] a été forfaitisée à compter du 1er novembre 2007 sans l'accord de celui-ci, et il est observé que le nombre d'heures qui devaient correspondre à la rémunération fixée n'a jamais été déterminé et que M. [P] n'a plus jamais été rémunéré d'heures supplémentaires.

Compte-tenu de ces éléments, la société RISS & HAMMES devra verser à M. [A] [P] les sommes de 28 173,40 euros à titre d'arriérés de salaire pour heures supplémentaires, outre 2817,34 euros au titre des congés payés y afférents, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

2. Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

M. [A] [P] fait valoir que depuis son affectation au poste de chef d'atelier en 2007, la société RISS & HAMMES a exercé une pression constante à son égard pour réduire les coûts et les dépenses. Il indique que les relations se sont encore dégradées en 2014 où, alors qu'il disposait d'un bureau personnel, il s'est retrouvé à travailler en open space dans le bruit. Il soutient que sa charge de travail n'a cessé d'augmenter notamment avec le changement du système informatique, et que ses nombreuses heures de travail ainsi que les difficultés rencontrées avec son supérieur hiérarchique ont contribué à la dégradation de son état de santé jusqu'à son arrêt de travail le 9 avril 2015 en raison d'un burn out. Il mentionne avoir été amené à consulter un spécialiste en psychiatrie, et soutient que ses arrêts de travail s'expliquent par une réaction anxio-dépressive à ses conditions de travail et à l'attitude de l'employeur, reprochant à celui-ci d'avoir manqué à son obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il sollicite 5 000 euros de dommages et intérêts.

La société RISS & HAMMES rétorque avoir toujours veillé au confort de ses salariés, et relève que les heures supplémentaires effectuées par le passé par M. [A] [P] n'ont jamais été de nature à perturber son équilibre psychologique.

Motivation :

L'article L.4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'obligation de sécurité vaut obligation de moyen renforcée, l'employeur pouvant rapporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en mettant en 'uvre les mesures nécessaires.

En l'espèce, il est remarqué que M. [A] [P] a été placé en arrêt maladie à compter du 9 avril 2015 pour un burn out et un état dépressif (pièce salarié N°11), et qu'aux termes de deux visites médicales des 17 novembre et 3 décembre 2015, il a été déclaré inapte à son poste de travail de chef d'atelier mais apte à occuper un poste similaire dans un environnement professionnel différent, soit du télétravail (pièces salarié N°21 et 22).

Il résulte en outre des éléments jugés supra que le salarié a effectué, sur une longue période, de nombreuses heures supplémentaires sans en avoir été rémunéré.

L'employeur n'établissant pas avoir pris des mesures pour protéger la santé du salarié, et dès lors qu'il ne conteste pas le quantum des dommages et intérêts demandés, il sera condamné à verser à M. [A] [P] la somme de 5 000 euros, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

3. Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

M. [A] [P] fait valoir que la modification de son contrat de travail intervenue sans son accord, l'irrégularité de la convention mensuelle de forfait en heures, le défaut de règlement des heures supplémentaires et le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité justifient le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, avec les mêmes effets que ceux d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société RISS & HAMMES soutient que dès lors que les heures supplémentaires n'ont pas été effectuées, M. [A] [P] n'est pas fondé en sa demande de résiliation du contrat de travail.

Motivation :

Il ressort de ce qui a été évoqué que l'employeur a manqué à son obligation de rémunérer les heures de travail effectivement effectuées par le salarié.

Au regard de l'importance de la rémunération éludée sur plusieurs années et du manquement à l'obligation de prendre les mesures pour protéger la santé du salarié, la société RISS & HAMMES a gravement manqué à ses obligations contractuelles, et ce manquement rend impossible le maintien de la relation de travail.

Il y a lieu en conséquence de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail liant les parties aux torts exclusifs de l'employeur, laquelle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

4. Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire du contrat de travail

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents

M. [A] [P] réclame la somme de 7 388,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que celle de 738,83 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis qu'il indique être de deux mois pour un salaire mensuel reconstitué de 3 694,13 euros.

La société RISS & HAMMES ne contestant pas les montants demandés dans leur quantum, elle devra les verser à M. [A] [P], le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour perte d'emploi

M. [A] [P] sollicite un montant de 35 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour perte d'emploi.

La société RISS & HAMMES ne contestant pas le montant demandé dans son quantum, elle devra le verser à M. [A] [P], le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

5. Sur les intérêts au taux légal

Les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

6. Sur la demande de condamnation de la société RISS & HAMMES à procéder à la délivrance des bulletins de salaire, de l'attestation destinée à Pôle Emploi, du solde détaillé de tout compte et du certificat de travail rectifiés sous astreinte

La société RISS & HAMMES devra remettre les documents de fin de contrat rectifiés sur la base de l'arrêt rendu, sans que l'astreinte ne soit ordonnée.

7. Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

La société RISS & HAMMES sera condamnée à payer à M. [A] [P] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et elle sera déboutée de sa demande formée sur ce point.

La société RISS & HAMMES sera condamnée aux dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Schiltigheim en ce qu'il rejette les demandes formées par M. [A] [P] à titre d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejette les demandes de M. [P] au titre de la rupture et en ce qu'il le condamne aux dépens de première instance ;

STATUANT A NOUVEAU

Condamne la société RISS & HAMMES à payer à M. [A] [P] la somme de 28 173,40 euros (vingt huit mille cent soixante treize euros et quarante centimes) à titre d'arriérés de salaire pour heures supplémentaires ;

Condamne la société RISS & HAMMES à payer à M. [A] [P] la somme de 2 817,34 euros (deux mille huit cent dix sept euros et trente quatre centimes) au titre des congés payés y afférents ;

Condamne la société RISS & HAMMES à payer à M. [A] [P] la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail liant les parties aux torts exclusifs de la société RISS & HAMMES ;

Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société RISS & HAMMES à payer à M. [A] [P] la somme de 7388,26 euros (sept mille trois cent quatre vingt huit euros et vingt six centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

Condamne la société RISS & HAMMES à payer à M. [A] [P] la somme de 738,83 euros (sept cent trente huit euros et quatre vingt trois centimes) à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

Condamne la société RISS & HAMMES à payer à M. [A] [P] la somme de 35 000 euros (trente cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi ;

Dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Y AJOUTANT

Condamne la société RISS & HAMMES à remettre à M. [A] [P] les bulletins de salaire, l'attestation destinée à Pôle Emploi, le solde détaillé de tout compte et le certificat de travail rectifiés sur la base de l'arrêt rendu ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Condamne la société RISS & HAMMES à payer à M. [A] [P] la somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société RISS & HAMMES aux dépens de l'instance ;

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Clara TRICHOT-BURTE, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en treize pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/02522
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;21.02522 ?
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