ARRÊT N° /2022
PH
DU 29 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/01949 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2GU
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY
F20/00020
23 juin 2021
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2
APPELANTE :
Madame [O] [H]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Etienne GUIDON de la SELARL CABINET GUIDON BOZIAN, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
Etablissement Public ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE GRAND EST (EPFGE) pris en la personne de son représentant légal domicilié audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN substituée par Me FOULLEY, avocats au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président :WEISSMANN Raphaël,
Conseillers : STANEK Stéphane,
WILLM Anne-Sophie,
Greffier lors des débats :RIVORY Laurène
DÉBATS :
En audience publique du 09 Juin 2022 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 22 Septembre 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 29 septembre 2022 ;
Le 29 Septembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :
Madame [O] [H] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE GRAND EST (ci-après EPFGE) à compter du 01 octobre 1982, en qualité de secrétaire administrative.
Après plusieurs évolutions professionnelles au cours de sa carrière, Madame [O] [H] occupait en dernier lieu la fonction d'assistante administrative principale, à temps partiel sur la base horaire mensuelle de 121,33 heures.
Par courrier du 24 octobre 2019 remis en main propre, Madame [O] [H] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 04 novembre 2019, avec notification de sa dispense d'activité avec maintien de sa rémunération.
Par courrier du 14 novembre 2019, Madame [O] [H] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse, avec dispense de l'exécution de son préavis.
Par requête du 28 janvier 2020, Madame [O] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins de :
- ordonner la comparution et l'audition de 7 témoins,
- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamnation de l'établissement public EPFGE à lui verser les sommes de :
- 54 400 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 20 000 € nets à titre de dommages et intérêts de fait de l'exécution déloyale du contrat et du préjudice subi du fait de la légèreté blâmable de l'EPFGE,
- 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- ordonner l'exécution provisoire au visa de l'article 515 du code de procédure civile.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 23 juin 2021, lequel a :
- dit que les faits reprochés à Madame [O] [H] sont établis et qu'il n'y a pas lieu de procéder à une audition de témoins,
- dit et jugé que le licenciement de Madame [O] [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- en conséquence,
- condamné l'établissement public foncier de Grand Est (EPFGE) à verser à Madame [O] [H] les sommes de :
- 20 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Madame [O] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
- débouté Madame [O] [H] de sa demande d'exécution provisoire,
- débouté l'établissement public foncier de Grand Est (EPFGE) de ses demandes,
- débouté l'établissement public foncier de Grand Est (EPFGE) aux entiers dépens.
Vu l'appel formé par Madame [O] [H] le 30 juillet 2021,
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de Madame [O] [H] déposées sur le RPVA le 20 avril 2022, et celles de l'établissement public EPFGE déposées sur le RPVA le 12 mai 2022,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 18 mai 2022,
Madame [O] [H] demande :
- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 23 juin 2021 en ce qu'il a :
- dit et jugé que le licenciement de Madame [O] [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, de rejeter l'appel incident de l'établissement public EPFGE,
*
- de réformer et infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 23 juin 2021 en ce qu'il a :
- dit que les faits reprochés à Madame [O] [H] sont établis et qu'il n'y a pas lieu de procéder à une audition de témoins,
- en conséquence,
- condamné l'établissement public EPFGE à verser à Madame [O] [H] les sommes de :
- 20 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Madame [O] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
*
- statuant à nouveau,
- de condamner l'établissement public EPFGE à verser à Madame [O] [H] la somme de 54 400 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de condamner l'établissement public EPFGE à verser à Madame [O] [H] la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts du fait de l'exécution déloyale du contrat et du préjudice subi du fait de la légèreté blâmable de l'établissement public EPFGE,
- de débouter l'établissement public EPFGE de ses demandes,
*
- y ajoutant,
- de condamner l'établissement public EPFGE à verser à Madame [O] [H] la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
- de condamner condamné l'établissement public EPFGE aux entiers frais et dépens à hauteur d'appel.
L'établissement public EPFGE demande :
- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 23 juin 2021 en ce qu'il a :
- dit que les faits reprochés à Madame [O] [H] sont établis et qu'il n'y a pas lieu de procéder à une audition de témoins,
- débouté Madame [O] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 23 juin 2021 en ce qu'il a :
- dit et jugé que le licenciement de Madame [O] [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- et en conséquence, condamné l'EPFGE à verser à Madame [O] [H] les sommes de :
- 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté l'EPFGE de ses demandes,
- condamné l'EPFGE aux entiers dépens,
*
- statuant à nouveau :
- de juger que le licenciement de Madame [O] [H] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- de débouter Madame [O] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de condamner Madame [O] [H] au paiement d'une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,
- de la condamner aux entiers frais et dépens de première instance,
*
- y ajoutant,
- de condamner Madame [O] [H] au paiement d'une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
- de la condamner aux entiers frais et dépens.
SUR CE, LA COUR :
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures de Madame [O] [H] déposées sur le RPVA le 20 avril 2022, et de celles de l'Etablissement Public Foncier de Grand Est (ci-après EPFGE) déposées sur le RPVA le 12 mai 2022.
Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse :
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :
« Je fais suite à notre entretien du 04 novembre dernier, au cours duquel j'ai évoqué avec vous différents points qui remettent en cause le fondement de notre collaboration.
Force est d'abord de rappeler que si aucun reproche n'est à formuler sur vos productions, vous l'avez bien noté, il n'en est pas de même pour votre comportement.
Des rappels à l'ordre vous ont d'ailleurs été adressés à plusieurs reprises quant à la durée des pauses ou de vos bavardages incessants.
Pour autant, nous avons fait preuve d'une grande patience vous concernant, ainsi que d'un réel respect vis-à-vis de vous en vous proposant deux postes de technicien administratif et financier au pôle conseil ou au pôle foncier avec comme alternative un poste au bureau des marchés, lorsqu'une réorganisation interne a amené à supprimer votre poste précédent. Vous avez été prioritaire dans l'ouverture des postes ; vous en avez convenu. Vous avez choisi d'intégrer le bureau des marchés.
Si pendant un certain temps la situation a pu sembler convenir, il est apparu progressivement des difficultés croissantes avec l'une de vos collègues de bureau. Le CSE m'a saisi de la situation. Je vous ai rappelé vous avoir reçu pour vous indiquer que cette situation était à l'origine du changement de bureaux auquel j'ai dû procéder. Cette mesure concrète a été prise pour préserver l'ambiance de travail et la santé des collègues qui s'étaient plaints de votre attitude.
J'ai été une nouvelle fois alerté, notamment lors d'une réunion récente du CSE, à nouveau sur votre comportement. Plusieurs témoignages récents et circonstanciés, graves et concordants vous mettent en cause. Plusieurs de vos collègues directs apparaissent au bord de l'épuisement et évoquent des situations de harcèlement.
Ils ont relaté des attitudes et des gestes humiliants, des propos méprisants et agressifs.
Ils ont également relaté de manière très précise et circonstanciée des attitudes de manipulation vis-à-vis de collègues psychologiquement plus fragiles.
Les effets de votre comportement sur votre entourage professionnel sont patents : stress, ambiance délétère.
Certains de vos collègues nous indiquent qu'ils ne souhaitent pas partager votre bureau pour ne pas connaître la même situation (nerveuse et psychologique) que d'autres auparavant.
Vous êtes citée par beaucoup comme étant à l'origine de tensions devenues insupportables.
Au terme de ma présentation des faits, vous m'avez fait part de votre stupéfaction et m'avez indiqué que vous souffriez également de la cohabitation avec votre dernière collègue de bureau, que vous n'avez pas voulu saisir le CSE, que vous partagez le bureau d'une personne fragile, que vous n'avez jamais eu un mot plus haut que l'autre, que vous avez été insultée une première fois et n'avez rien dit et que la deuxième fois vous l'aviez enregistré sur votre téléphone en m'indiquant que vous saviez pertinemment que ce n'était pas bien. Vous considérez que la rupture de votre contrat de travail serait tout à fait disproportionnée et vous vous êtes interrogée sur la possibilité d'une simple sanction.
Depuis l'entretien, vous m'avez écrit le 7 novembre pour faire part de votre contestation. Ce courrier qui contient des menaces de poursuites pénales, vise Madame [S], laquelle n'est pas la seule à s'être plainte de votre comportement.
Vous écrivez également des contre-vérités en affirmant que nous n'avons pas essayé de trouver une solution pour remédier à la situation.
Au contraire, voilà des mois, depuis votre arrivée au bureau des marchés publics, que nous avons cherché à apaiser les relations que vous entretenez avec vos collègues et que celles-ci n'ont fait qu'empirer au fil du temps.
Il est également faux d'écrire comme vous le faites que « ma décision est prise ». Le délai de réflexion à la suite de l'entretien est prévu justement pour murir ma décision.
À ce jour je constate que vos arguments ne m'ont pas convaincu.
Votre comportement porte atteinte à l'intégrité et à la santé physique et morale de vos collègues jusqu'à l'angoisse.
En ma qualité d'employeur, je suis dans l'obligation de protéger la santé des salariés qui se plaignent de votre comportement.
Je n'ai d'autre choix que d'envisager la fin de votre contrat de travail.
La présente lettre constitue par conséquent la notification de votre licenciement pour cause réelle et sérieuse » (pièce n° 4 de l'employeur).
L'employeur fait valoir que Madame [O] [H] a eu un comportement agressif et inapproprié avec ses collègues, lesquels se sont plaints auprès de lui et du CSE à partir de fin 2018.
Il produit un courrier du 3 décembre 2018, que lui a adressé Madame [D], qui partageait, avec une troisième collègue, le bureau de Madame [O] [H], indiquant que cette dernière ne lui adressait jamais la parole, fermait, malgré sa demande contraire, systématiquement la porte du bureau en sortant, avait refusé à une reprise qu'elle ouvre la fenêtre du bureau, s'était abstenue de répondre à une question portant sur le travail, et plus généralement que les conditions de « cohabitation avec Madame [O] [H] ne sont pas très favorables à une parfaite concentration » (pièce n° 5).
Madame [D] a adressé à l'employeur un second courrier le 13 février 2019 indiquant que Madame [O] [H] continuait à fermer systématiquement la porte du bureau, guettant sa réaction en la regardant fixement, ne la saluait pas en partant le soir, et indiquant qu'elle avait saisi le CSE de cette situation « à la limite du harcèlement » (pièce n° 6).
L'employeur produit également un procès-verbal du CSE tenu le 1er mars 2019, indiquant « que [O] [H] a eu de très nombreux accrochages avec de nombreuses personnes au sein de l'établissement », et « a dressé un tableau noir de [V] [D] à quelques collègues avant même son arrivée à l'établissement, sans savoir s'il existe des raisons extérieures à cela » (pièce n° 7).
Il produit un second procès-verbal du CSE tenu le 5 avril 2019, duquel il ressort que le directeur général a indiqué avoir reçu Madame [O] [H] et l'avoir informée « que ses récents agissements dont s'est plainte sa collègue de bureau [V] [D] ont été la goutte d'eau qui a engagé la réorganisation du service » et qu'il fallait « que ses agissements cessent » (pièce n° 8).
L'employeur indique que les changements du bureau ont eu lieu en avril 2019, mais que la collègue partageant désormais le bureau de Madame [O] [H] s'est également plainte de son comportement, Madame [S].
Il produit un premier courriel du 23 juillet 2019 adressé par Madame [S] au responsable des ressources humaines lui indiquant que Madame [O] [H] s'ingéniait à ouvrir systématiquement les stores du bureau qu'elle-même fermait en raison de la chaleur, entraînant une température excessive dans le bureau (pièce n° 11).
Dans un deuxième courriel du 26 juillet 2019, Madame [S] détaille le comportement de Madame [O] [H] refusant que le store soit baissé malgré la chaleur et indiquant que finalement après avoir d'autorité fermé le volet, « elle m'a répondu on ne va pas se fâcher, on est ici pour bosser et en silence !!! » ; elle indique que le lendemain, malgré ses demandes réitérées les lamelles du store sont restées ouvertes ; elle évoque le mépris et la mauvaise foi de Madame [O] [H] à son égard et le stress induit par le comportement de cette dernière (pièce n° 12).
Dans un troisième courriel du 14 août 2019, Madame [S] réitère les mêmes griefs à propos des stores et indiquant que Madame qui lui a intimé de « la fermer » lorsqu'elle lui avait une remarque à propos du travail. Elle indique également que Madame [O] [H] « mate ce que je fais sur mon micro quand elle va fouiller dans son armoire et ose me faire des commentaires » ; elle écrit devoir supporter « son dédain, sa sournoiserie et ses mensonges » et ne plus pouvoir travailler en compagnie de cette dernière (pièce n° 13).
La cheffe de service de Madame [O] [H] et de Madame [S] indique au directeur général dans un courrier du 15 octobre 2019 que cette dernière souffre psychologiquement du comportement « toxique » de Madame [O] [H], reprenant les griefs relatifs aux stores et à la fenêtre, et que cela a conduit à « son craquage nerveux » ce 15 octobre. Elle indique lui avoir conseillé de prendre ses distances avec sa collègue et de ne pas essayer d'engager la conversation avec elle (pièce n° 17).
Le 18 octobre 2019, Madame [S] adresse un courrier au directeur général faisant état de son incapacité à supporter la présence de Madame [O] [H] qui veut la « faire sortir de ses gonds » et de sa détresse morale et psychologique (pièce n° 20).
Est joint au dossier un certificat médical du 19 octobre 2019 constatant son état psychologique dégradé (pièce n° 16).
Dans un nouveau procès-verbal du 6 septembre 2019, le CSE s'inquiète de cette situation (pièce n° 14 bis), ainsi que plus généralement de la dégradation du climat social et « d'une dizaine de cas de tensions entre salariés » (pièce n° 14).
Dans un courrier du 26 septembre 2019 adressé au directeur général, Madame [Z] appelle son attention sur la mauvaise influence de Madame [O] [H] à l'égard de l'une de ses subordonnées, psychologiquement fragile, qui depuis qu'elle la fréquente « se renferme, devient très négative dans ses paroles », « répond de façon virulente » à ses remarques (pièce n° 15).
Il ressort d'un échange de courriels produit par l'employeur que le responsable des ressources humaine a cherché une solution pour un changement de bureaux le 22 octobre 2019 (pièces n° 19 et 20 de l'employeur).
Madame [O] [H] fait valoir quant à elle qu'elle n'a jamais eu le comportement qu'on lui prête, que la souffrance au travail était généralisée au sein de l'établissement et ne peut lui être reprochée, que la direction s'est abstenue d'intervenir dans la gestion de conflits entre salariés.
Motivation :
Il ressort de la lettre de licenciement que Madame [O] [H] a été licenciée pour faute.
Il résulte de l'ensemble des pièces produites que seules deux salariées identifiées, Mesdames [D] et [S], ayant successivement partagé un bureau avec Madame [O] [H] se sont plaintes de son attitude envers elles.
Les comportements décrits, relatifs notamment à l'ouverture de portes ou de volets, ne démontrent pas une agressivité particulière de Madame [O] [H], ni en paroles ni en gestes, mais révèlent essentiellement des désaccords sur les modalités de partage de l'espace de travail.
Ces désaccords relèvent pour leur résolution de l'employeur, qui est décideur en matière de localisation des salariés au sein de l'entreprise.
Hormis un courriel du responsable des ressources humaines adressé à une employée lui demandant de partager son espace de travail avec Madame [O] [H], l'employeur ne produit aucune pièce relative à une quelconque tentative de sa part de résolution des tensions existantes entre Madame [S] et Madame [O] [H] et notamment de recherche d'une solution permettant de séparer les deux salariées, malgré les demandes, réitérées dans le temps, du CSE et de divers chefs de service.
La cour relève en outre que l'employeur ne produit aucune pièce relative à une mise en garde ou un avertissement adressés à Madame [O] [H] relatifs à son comportement supposé avec Mesdames [D] et [S], préalablement à son licenciement.
En conséquence, il y a lieu de dire que l'employeur ne rapporte pas la preuve que le comportement de Madame [O] [H] envers ses deux collègues de travail était tel qu'il justifiait un licenciement pour faute, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Madame [O] [H] réclame à ce titre la somme de 54 400 euros, correspondant à 20 mois de salaires, faisant valoir son ancienneté et les préjudices moral et financier qu'elle a subis.
L'employeur fait valoir que Madame [O] [H] ne démontre pas avoir recherché activement un emploi et qu'elle a privilégiée son engagement d'élue municipal.
Motivation :
Il n'est pas contesté que la rémunération à prendre en compte pour le calcul des dommages et intérêts et de 2 720 euros mensuels.
Il résulte de l'article L. 1235-3 du code du travail que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue, le montant des dommages et intérêts qu'il peut décider étant compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par l'article visé ci-dessus.
Compte-tenu de l'ancienneté et de l'âge de Madame [O] [H] au moment de son licenciement, il lui sera accordé la somme de 54 400 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct résultant de la légèreté blâmable de l'employeur :
Madame [O] [H] réclame la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts.
Madame [O] [H] fait valoir que son licenciement intervient deux ans après que son époux a été également licencié par l'EPFGE, lui provoquant ainsi un dommage moral « totalement destructeur » et fait valoir le caractère brutal et vexatoire de son propre licenciement, notamment en ce qu'elle a été dispensée d'activité dès la convocation à son entretien préalable, l'obligeant ainsi à quitter rapidement l'entreprise sans avoir pu bénéficier de son préavis.
L'employeur fait valoir que Madame [O] [H] ne démontre pas de préjudice distinct de celui provoqué par son licenciement, lequel est réparé par l'indemnisation due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Motivation :
Madame [O] [H] ne peut se prévaloir d'un préjudice distinct causé par le licenciement de son conjoint par le même employeur, licenciement dont n'est pas saisie la cour.
En outre l'employeur pouvant libérer le salarié de l'obligation d'exécuter son préavis sans avoir besoin de l'accord de ce dernier, la dispense de préavis ne saurait conférer par elle-même un caractère brutal ou vexatoire au licenciement.
Madame [O] [H] n'invoquant pas d'autre moyen à l'appui de sa demande de dommages et intérêts, elle en sera déboutée, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.
Il y a lieu, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, d'ordonner le remboursement par l'EPFGE des indemnités chômage versées par Pôle Emploi à Madame [O] [H] postérieurement à son licenciement, dans la limite de six mois.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :
L'EPFGE devra verser à Madame [O] [H] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et sera débouté de sa propre demande à ce titre.
L'EPFGE sera condamné aux dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 23 juin 2021 en ses dispositions soumises à la cour en ce qu'il a condamné l'Etablissement Public Foncier de Lorraine à verser à Madame [O] [H] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONFIRME pour le surplus le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
STATUANT A NOUVEAU ;
Condamne l'Etablissement Public Foncier de Grand Est à verser à Madame [O] [H] la somme de 54 400 euros (cinquante quatre mille quatre cents euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Y AJOUTANT ;
Condamne l'Etablissement Public Foncier de Grand Est à verser à Madame [O] [H] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute l'Etablissement Public Foncier de Grand Est de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'Etablissement Public Foncier de Grand Est aux entiers dépens d'appel,
Ordonne le remboursement par l'Etablissement Public Foncier de Grand Est des indemnités chômage versées par Pôle Emploi à Madame [O] [H] postérieurement à son licenciement, dans la limite de six mois.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël Weissmann, Président de Chambre et par Madame Clara Trichot-Burté, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE
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