RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2022 DU 26 SEPTEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01627 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZQT
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,
R.G.n° 17/03299, en date du 28 mai 2021,
APPELANTES :
Madame [X] [J]
domiciliée [Adresse 5]
Représentée par Me Mathieu CASANOVA, avocat au barreau de NANCY
Madame [L] [K]
domiciliée [Adresse 6]
Représentée par Me Mathieu CASANOVA, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS :
Madame [A] [K]
domiciliée [Adresse 2]
Représentée par Me Anne-Lise BLOCH, avocat au barreau de NANCY
Madame [Z] [O]
domiciliée [Adresse 1]
Représentée par Me Anne-Lise BLOCH, avocat au barreau de NANCY
Monsieur [D] [K]
domicilié [Adresse 3]
Représenté par Me Anne-Lise BLOCH, avocat au barreau de NANCY
Monsieur [B] [K]
domicilié [Adresse 2]
Représenté par Me Anne-Lise BLOCH, avocat au barreau de NANCY
Monsieur [F] [K]
domicilié [Adresse 7]
Non représenté bien que la déclaration d'appel lui ait été régulièrement signifiée par acte de Me [C] [T], Huissier de justice à [Localité 8], en date du 27 juillet 2021, transformé en procès-verbal de recherches infructueuses
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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Madame [G] [S]
domiciliée chez sa fille Madame [S] [W] - [Adresse 4]
Non représentée bien que la déclaration d'appel lui ait été régulièrement signifiée par acte de la SCP DIDRY-KOB, Huissiers de justice à NANCY, en date du 5 août 2021, délivré à domicile
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 Juillet 2022, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Isabelle FOURNIER ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2022, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : défaut, rendu par mise à disposition publique au greffe le 26 Septembre 2022, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
FAITS ET PROCÉDURE :
[Y] [K], demeurant [Adresse 2] est décédée le 24 août 2013 laissant pour lui succéder :
Madame [X] [K] épouse [J],
Madame [A] [K],
Madame [Z] [O],
Monsieur [D] [K],
Monsieur [B] [K],
Madame [L] [K],
Madame [G] [K] divorcée [S],
Monsieur [F] [K] venant en représentant de son défunt père, [P] [K],
Monsieur [E] [K], qui a renoncé à ses droits dans la succession de la défunte.
Par acte du 8 août 2017, Mesdames [X] [J], [L] [K] et [G] [S] épouse [K] ont fait assigner Madame [A] [K], Madame [Z] [O], Monsieur [D] [K], Monsieur [B] [K] et Monsieur [F] [K] devant le tribunal de grande instance de Nancy devenu le tribunal judiciaire aux fins de procéder aux opérations judiciaire de partage.
Par jugement réputé contradictoire du 28 mai 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :
- débouté Mesdames [X] [K] épouse [J], [L] [K] et [G] [K] épouse [S] de leur fin de non-recevoir,
- dit n'y avoir lieu à communication des données bancaires personnelles de Madame [A] [K], ni à la désignation d'un expert,
- débouté Mesdames [X] [K] épouse [J], [L] [K] et [G] [K] épouse [S] de leur demande visant à voir dire que Madame [A] [K] a détourné des comptes bancaires de la défunte, [Y] [K], la somme de 121600 euros,
- dit n'y avoir lieu à qualifier la vente de l'immeuble situé [Adresse 2], réalisée le 16 juin 2000 entre [Y] [K] et sa fille [A] [K], de donation déguisée,
- dit que Madame [A] [K] n'a pas commis de recel successoral,
Et en conséquence,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [Y] [K], décédée le 24 août 2013,
- débouté Mesdames [X] [K] épouse [J], Madame [L] [K] et Madame [G] [K] épouse [S] de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
- débouté Madame [A] [K], Madame [Z] [O], Messieurs [D] [K] et [B] [K], de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné Mesdames [X] [K] épouse [J], [L] [K] et [G] [K] épouse [S] aux entiers dépens de l'instance, avec autorisation de recouvrement direct au profit de Maître Anne-Lise Bloch, avocat,
- débouté les parties de leurs demandes d'indemnisation fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que la communication des données bancaires personnelles de Madame [A] [K] ainsi que la désignation d'un expert étaient inutiles puisqu'il a estimé disposer d'éléments suffisants pour statuer sur le litige opposant les parties.
Il a rejeté l'exception d'irrecevabilité de la demande opposée par les défenderesses à défaut de motivation ;
Le tribunal a débouté la demande visant à dire que Madame [A] [K] a détourné du compte bancaire de la défunte de 121600 euros, représentant 1522 mois à 800 euros puisqu'au regard des relevés bancaires versés aux débats, il apparaît que la défunte et Madame [A] [K], sa fille, possédaient un compte- joint depuis 2006 sur lequel cette dernière versait sa rémunération depuis 2011 ; en outre la somme de 338 euros y était versée chaque mois en paiement du prix de l'immeuble cédé et que Madame [K] a crédité mensuellement le compte commun afin qu'il soit créditeur.
Il a retenu que Madame [A] [K] avait conclu un contrat de travail avec sa mère afin de justifier des versements de salaire au titre de l'aide à la personne. En outre, le tribunal a souligné l'absence de dépense anormale d'après les extraits de compte ainsi que la bienveillance de Madame [A] [K] à l'égard de sa mère et de son frère handicapé avec lesquels elle habitait.
Le tribunal a aussi rejeté toute qualification de donation déguisée à la vente de la maison puisqu'il a constaté que Madame [Y] [K] avait procédé au paiement de la somme de 33874,17 euros par des versements mensuels et que la somme de 26343,19 euros versée en 96 mensualités, pouvait correspondre aux versements de ses salaires à sa mère depuis 1975 et de l'aide qu'elle a pu lui accorder tout au long de sa vie. Enfin, le tribunal a rejeté tout abus de procédure dans les demandes formulées par les demanderesses malgré qu'elles aient été déclarées infondées.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 28 juin 2021, Madame [X] [J] et Madame [L] [K] ont relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 19 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [X] [K] épouse [J] et Madame [L] [K] demandent à la cour, au visa des articles 744, 778, 815, 843, 893 et 931 du code civil, de l'article 143 du livre des procédures fiscales, des articles 143 et 1361 du code de procédure civile, de :
Au fond,
- recevoir leur appel à l'encontre de Madame [A] [K], Madame [Z] [O], Monsieur [D] [K] et Monsieur [B] [K],
- réformer le jugement entrepris et,
Avant dire droit :
- ordonner la communication des données personnelles bancaires de Madame [A] [K] et feue [Y] [K] par le FICOBA,
- ordonner la désignation d'un expert afin d'établir un inventaire de l'actif et du passif successoral,
A titre principal :
- constater le recel de succession de la part de Madame [A] [K] pour un montant qui sera déterminé par l'expert, et à défaut, qui ne saurait être inférieur à 121600 euros,
- ordonner le rapport de cette somme à la succession et préciser que Madame [A] [K] ne pourra prétendre à aucune part dans ces biens et/ou droits,
- constater l'existence d'une donation déguisée au détriment de la succession à la suite de la vente du bien immobilier sis [Adresse 2], pour une valeur déterminée par l'expert au jour de son expertise, et à défaut, pour un montant qui ne saurait être inférieur à 64602,06 euros,
- ordonner le rapport de ce bien et préciser que Madame [A] [K] ne pourra prétendre à aucune part dans ce bien immobilier,
- ordonner la liquidation et le partage,
A titre subsidiaire,
- constater la donation indirecte de la somme de 121600 euros et ordonner son rapport dans la succession,
- constater la donation déguisée du bien immobilier sis [Adresse 2] et ordonner son rapport,
- ordonner la liquidation et le partage et désigner un notaire, à cet effet,
- condamner les défendeurs aux dépens, ainsi que le versement de la somme de 3500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 22 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [A] [K], Madame [Z] [O], Monsieur [D] [K] et Monsieur [B] [K], demandent à la cour de :
- dire et juger Mesdames [X] et [L] [K] tant irrecevables que mal fondées en leurs demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
- les en débouter entièrement,
- confirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions,
- condamner Mesdames [X] et [L] [K] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mesdames [X] et [L] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- débouter Mesdames [X] et [L] [K] de toutes demandes fins et conclusions plus amples ou contraires.
La déclaration d'appel a été signifiée à Madame [G] [K] divorcée [S] le 5 août 2021 et le 27 juillet 2021 à Monsieur [F] [K] mais ces derniers n'ont pas constitué par la suite avocat et n'ont pas déposé de conclusions.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 21 juin 2022.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 4 juillet 2022 et le délibéré au 26 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les écritures déposées le 19 mai 2022 par [X] [K] épouse [J] et [L] [K] et le 22 avril 2022 pour [A] [K], [Z] [O], [D] [K] et [B] [K], auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 21 juin 2022 ;
Sur le bien fondé de l'appel
* Sur la désignation d'un expert et la communication des données bancaires personnelles de [A] [K] et de feue [Y] [K]
Se fondant sur les dispositions de l'article 143 du code de procédure civile Madame [X] [J] et Madame [L] [K] demandent la communication des données bancaires personnelles de Madame [A] [K] auprès du fichier FICOBA ; elles considèrent que le rejet par les premiers juges doit être infirmé et cette mesure ordonnée ;
En réponse, Madame [A] [K], Madame [Z] [O], Monsieur [D] [K] et Monsieur [B] [K] font valoir que cette demande n'est pas opportune comme ayant le même objet que celle visant à obtenir l'ouverture des opérations de liquidation et partage dans le cadre desquelles le notaire procède en premier lieu, à la détermination de l'étendue de la succession ;
elles ajoutent que de l'aveu même des appelantes, la défunte, qui percevait une retraite de 777,16 euros par mois, vivait dans une situation modeste ; nonobstant ses très faibles ressources, elle a pu continuer à vivre dans la maison familiale, parce qu'elle bénéficiait de l'aide matérielle et financière, notamment de sa fille [A] qui a toujours vécu avec elle et avec son frère handicapé ; ils ajoutent que les frais d'une expertise seraient totalement disproportionnés par rapport à l'enjeu du litige et que l'interrogation du fichier Ficoba est sans intérêt, car les extraits du son compte-joint avec sa mère sont produits ;
La demande d'interrogation portant sur le fichier FICOBA est sans intérêt au cas d'espèce, dès lors qu'il est reproché à Madame [A] [K] d'avoir régulièrement 'ponctionné' le compte de sa mère avec qui elle vivait, à une période antérieure à l'ouverture d'un compte-joint entre elle-même et sa mère alors que le fichier sus énoncé, ne donne la situation des comptes bancaires à un instant précis ; dès lors elle sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point ;
De plus l'organisation d'une expertise portant sur les comptes de la défunte est sans intérêt, dès lors qu'en pièce n°14, le conseil des intimés produit les extraits du compte personnel de [Y] [K] de l'année 2000 à fin 2005, puis des extraits de leur compte-joint ouvert en 2006 auprès de la Poste ;
de plus Madame [A] [K] produit certains extraits de son compte personnel ouvert auprès de la Caisse d'Epargne lesquels établissent le paiement régulier d'une mensualité de 338 euros, provenant de ce compte sur lequel était domicilié son salaire, vers celui de sa mère, au titre du paiement du solde du prix de vente de la maison familiale ;
par conséquent, disposant d'éléments suffisants d'appréciation, les mesures d'instruction sollicitées seront écartées, le jugement déféré étant confirmé sur ce point ;
* Sur la demande relative au recel de succession
A l'appui de leur recours, les appelantes au visa de l'article 778 du code civil prétendent que leur soeur a, depuis l'année 2000, utilisé de manière frauduleuse le compte de leur défunte mère, ce qui constitue un recel successoral ; elles avancent qu'au vu des mouvements mensuels du compte joint, de ses revenus et des charges fixes, Madame [A] [K] ne pouvait dépenser près de 800 euros par mois pour l'entretien de la maisonnée, sans utiliser les ressources de leur mère ; elles font valoir que l'intimée est partie plusieurs fois en vacances l'été, agissements qui établissent que l'égalité entre les héritiers a été rompue et qu'elle a commis un dol en cachant la situation à ses cohéritiers - lesquels n'avaient pas accès au compte -, ce qui est constitutif d'un dol successoral ;
En réponse, Madame [A] [K], Madame [Z] [O], Monsieur [D] [K] et Monsieur [B] [K] avancent que la production du compte-joint en litige démontre l'absence d'opérations anormales ; ce compte était alimenté chaque mois, principalement par le salaire de Madame [A] [K] (1099,60 euros) et par la retraite de leur mère (777,16 euros) ; ils indiquent que la souscription d'un compte-joint est un gage de transparence, que Madame [A] [K] n'a jamais manifesté l'intention de spolier ses frères et soeur ou de dissimuler des prélèvements ; ils ajoutent que les vacances prises concernaient également leur mère et leur frère et ce même après le décès de [Y] [K] ;
Aux termes des dispositions de l'article 778 du code civil, sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.
Les sanctions civiles du recel successoral nécessitent que soient rapportée la preuve de l'existence de son élément matériel, c'est-à-dire l'appropriation des biens et valeurs du défunt, mais également celle de son élément intentionnel à savoir la volonté de son auteur de rompre l'égalité du partage et de spolier ses co-héritiers ;
Il est fait grief à Madame [A] [K] d'avoir profité des ressources de sa mère avec qui elle a toujours vécu ;
il est admis cependant, que de son vivant Madame [Y] [K] gérait les ressources de la famille constituées par sa retraite modeste de la CRAM (527,82 euros au 20/07/2000 puis 583,50 au 9/11/2005) ainsi que 30,49 euros de la CNAV à la même date ;
de plus l'analyse des extraits du compte personnel de Madame [Y] [K] à la Poste pour la période 2000/2005 établit qu'il a été crédité mensuellement de la somme de 338,74 euros par Madame [A] [K] correspondant à 'maison [V]' ;
en outre, des écritures régulières intitulées 'versements effectués [Localité 10]' en chiffres ronds (par exemple 5100 francs le 06/03/2001, 2150 francs le 10/05/2001, 2600 francs le 09/07/2001, 900 euros le 10/05/2002, 440 euros le 08/07/2002, 750 euros le 05/05/2003, 900 euros le 19/07/2005 (...)) viennent abonder très régulièrement le compte de [Y] [K], et portent pour certains la mention manuscrite '[V]' ; ils équilibrent ce compte notamment lors du débit différé de la carte bancaire ;
par ailleurs les opérations usuelles de débit concernent des charges courantes (Edf, assurances, docteur, courses...) mais aussi des dépenses pour le frère [B] [K] vivant au foyer ;
Il est également établi que Madame [A] [K] prélevait régulièrement des sommes en 'chiffres ronds' sur son compte Caisse d'Epargne qui était alimenté par les revenus de son travail ce pendant la période 2005/2007 (pièce 15 intimés) ; elle justifie de la perception de son salaire par la production de ses bulletins de paie de 1992 à 2011, à hauteur de 913 euros en 1999 à 1029 euros en février 2009 (pièce 16 intimés ) ; après la perte de son emploi, elle a été salariée de sa mère comme aide familiale 8 heures par semaine ;
Il en résulte que non seulement Madame [A] [K], n'a pas prélevé comme allégué par les appelantes une somme mensuelle de 800 euros sur le compte de leur mère, qui ne percevait pas 600 euros par mois de retraite, mais elle a régulièrement abondé le compte de sa mère sur lequel était prélevées les charges communes, pour éviter qu'il ne soit débiteur en fin de mois ou lors du débit des achats effectués en carte à débit différé ; en outre la prise en charge par la défunte des frais liés à son propre entretien et celui de son fils handicapé, resté à sa charge n'est pas en soi anormale ;
Enfin les relevés bancaires produits par les appelantes pour la dernière période (2011/2013) établissent que les revenus étaient mis en commun entre la mère et la fille et les dépenses, assumées ensemble, en ce compris le remboursement du véhicule Citroën, appartenant à Madame [A] [K] (Crédipar 361,50 euros) pièce 4 appelantes -;
Par conséquent l'élément matériel du recel n'est pas établi ; la demande de Madame [X] [J] et Madame [L] [K] sera rejetée sur ce point ;
*** Sur la demande portant sur la vente immobilière déguisée
A l'appui de leur recours les appelantes font valoir que la vente de l'immeuble familial à leur soeur [A] [K] constitue une donation déguisée au sens de l'article 931 du code civil ; elles contestent l'affirmation d'un versement de la somme de 26343,19 euros - 172800 francs- hors la comptabilité du notaire, ce qui correspondrait à 96 versements de 274,41 euros depuis le 1er avril 1992 ; elles relèvent que cette somme à la supposer payée, l'a été du compte-joint et que Madame [A] [K] l'a occulté en ne le déclarant pas au notaire ce qui constitue un recel de succession ; elles rappellent que du propre aveu de l'intimée, elle a toujours vécu à cette adresse et a donné l'intégralité de son salaire à gérer à sa mère ce qui contredit la thèse d'un paiement à tempérament depuis 1992 ; elles précisent en outre, que le solde du prix payable en 100 mensualités de 2222 francs, a été payé depuis 2006 sur le compte-joint, ce qui a permis à Madame [A] [K] d'en bénéficier personnellement et que pour la période antérieure, cette dernière était mandataire du compte de leur mère ; enfin à compter de 2011, Madame [A] [K] licenciée de son emploi de caissière dans une station-service était rémunérée pour s'occuper de Madame [K] ; elles excluent l'existence d'une donation rémunératoire, pour la période antérieure de 1992 à 2000 ; elles ajoutent que tous les enfants vivant au domicile familial versaient leur salaire à leur mère et participaient à son entretien ;
aussi elles considèrent, qu'en présence d'une confusion de patrimoine, la preuve du paiement du prix de vente de l'immeuble n'est pas rapportée ;
En réponse Madame [A] [K], Madame [Z] [O], Monsieur [D] [K] et Monsieur [B] [K] font valoir que l'immeuble familial a été cédé à Madame [A] [K] pour une somme de 450000 francs (soit 68608,06 euros) payée par un versement comptant de 8460 euros le 6 mars 1998 devant notaire, de 23343 euros au moyen de 96 versements depuis le 1er avril 1992 et le solde pendant 10 mois à hauteur de 2222 francs (338,74 euros) par mois sans intérêts (de 2000 à 2008) ;
ils ajoutent connaître cette vente, improprement qualifiée de donation déguisée laquelle a été dénoncée au notaire ;
dans l'hypothèse où la prise en compte des 96 versements mensuels serait écartée, il y a lieu de considérer que cette somme constitue une donation rémunératoire compte-tenu de l'aide matérielle, affective et financière apportée par Madame [A] [K] à sa mère qui a pu se maintenir ainsi que domicile jusqu'à la fin de sa vie ; ils considèrent que son aide peut se chiffrer à la somme de 38670 euros, laquelle doit par conséquent, être supportée par la succession ;
Aux termes de l'article 931 du code civil 'tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité';
l'article 843 du même code énonce que 'tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement' ;
Les appelantes contestent le fait que par anticipation, Madame [A] [K] se serait acquittée de 96 mensualités de 274,42 euros et que par conséquent, le projet d'acquisition de la maison familiale par Madame [A] [K] était déjà formé en 1992 ; elles ajoutent que les dernières 100 mensualités ont été payées avec le compte-joint que leur soeur partageait avec leur mère. En l'espèce la production des extraits de compte la Poste de [Y] [K] croisés avec ceux de Madame [A] [K] à la Caisse d'Epargne permettent de constater que cette dernière s'est acquittée mensuellement de la somme de 338 euros pour payer la maison acquise selon l'acte authentique du 16 juin 2000, y compris avant que la mère et la fille ne disposent d'un compte-joint sur lequel étaient domiciliés les revenus de Madame [A] [K] ;
De plus, selon relevé comptable du 2 octobre 2017 de Maître [U], notaire à [Localité 9], il a été attesté du paiement de la somme de 33200 francs par Madame [A] [K] ;
une somme de 22530 francs a également été payée correspondant aux droits du Trésor Public afin de publier l'acte (pièces 11,13 et 36 intimés).
Il résulte des mentions de cet acte que le solde de 2227800 francs a été payé comptant, soit une somme de 55500 francs (8460 euros) effectué le 6 mars 1998 par Madame [A] [K] dans la comptabilité du notaire et celle de 172800 francs (23343 euros) en 96 versements mensuels effectués hors la comptabilité du notaire depuis le 1er avril 1992 ;
Cependant la réalité des 96 mois de versements de sommes de la part de Madame [A] [K] à feue [Y] [K] n'est pas démontrée ; le notaire ayant participé à l'acte authentique ne peut en attester, le paiement étant réputé intervenu hors sa comptabilité ;
il est allégué de l'existence d'une donation déguisée par la partie appelante qui, en l'occurrence concerne cette fraction du prix de vente de l'immeuble familial ;
Il s'agit d'un acte apparent, alors que le disposant n'exige en réalité rien du bénéficiaire, réalisant ainsi une donation déguisée ou d'une donation indirecte dans l'hypothèse où l'acte porte ouvertement une contrepartie insuffisante ;
Cependant il y a lieu de rappeler que c'est sur celui qui se prévaut de ce type de donation, que pèse la charge de la preuve de l'intention libérale ; s'agissant d'un élément d'ordre essentiellement psychologique, cette preuve implique une appréciation in concreto, portant sur la recherche de ce que le disposant a effectivement voulu faire, cette question relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond ;
Il résulte en l'espèce des éléments du dossier, la preuve que Madame [A] [K], sa mère et son frère [B], adulte handicapé, vivaient ensemble dans l'immeuble en litige et que [Y] [K] bénéficiait des revenus de sa fille et gérait en commun les besoins du ménage ; cependant les salaires de Madame [A] [K] étaient domiciliés sur son compte et aucune pièce ne justifie des sommes apportées par cette dernière pour son entretien et celui de sa famille ;
En effet aucun élément comptable n'est fourni pour la période de 1992 à 1996 au cours de laquelle Madame [A] [K] se serait acquittée de l'apport versé à l'achat de la maison ; or il résulte des témoignages produits, que les enfants des appelantes étaient habituellement gardés par leur grand-mère le midi et après la classe, ce qui assurait une proximité et des échanges entre les enfants ayant quitté la maison, Madame [J] [X], Madame [K] [L] notamment et Madame [A] [K] et son frère [B] [K] vivant ensemble avec leur mère ;
il en résulte que l'affirmation d'une anticipation financière dès 1992, de l'acquisition de la maison familiale par Madame [A] [K] aurait dû être connue de la fratrie à la supposer avérée ;
Dès lors il y a lieu d'examiner si cet apport financier de la part de la venderesse, que l'on doit qualifier de donation au bénéfice de sa fille [A], revêt le caractère d'une donation rémunératoire ; celle-ci présuppose la preuve de l'intention libérale de la part de la de cujus souhaitant ainsi compenser l'aide et du soutien donnés à titre gracieux ;
Sur ce point il résulte des nombreux témoignages produits par les intimés que depuis 1975, date de la séparation du couple parental, la défunte s'était retrouvée seule à assumer la famille, avec des revenus très limités, ce qui conduisait chacun des aînés à lui verser son salaire ;
[Y] [K] avait ensuite conservé des liens avec les appelantes, gardant leurs enfants scolarisés à midi, en présence de [A] et [B] restés au domicile ;
il est attesté du fait que Madame [A] [K] cuisinait pour sa mère et son frère, mais il n'est pas justifié si ces faits sont antérieurs ou postérieurs à l'année 1996, étant rappelé que Madame [K] qui était née en 1923 est décédée en 2013 ; ;
il est également constant qu'en vieillissant, Madame [K] mère, a eu recours, de plus en plus aux services de sa fille [A], tel qu'en attestent notamment les soignants qui intervenaient à son domicile, lesquels soulignent le dévouement sans faille de sa fille ; en revanche ces témoignages ne sont pas circonstanciés dans le temps (pièces 20, 24, 27,28,29,30,31,32,33, 38 et 40 ) ou à une période très postérieure à l'acquisition - kinésithérapeute en 2013 et 2012 (pièces 21 et 39 intimés), ainsi le médecin qui atteste de la dépendance de Madame [K] le fait le 16 août 2021 (pièce 19 intimés) ; d'autres témoins, [H] [O], petit-fils (pièce 34 intimés) font état 'du dévouement et de l'assistance morale, physique, administrative et financière de Madame [A] [K] de tout, permettant à sa grand-mère de conserver son foyer familial et son maintien à domicile malgré une autonomie fortement diminuée' tout comme [G] [K], petite-fille (pièce 35 intimés), sans que ne soit définie dans le temps la période de dépendance de la de-cujus, ou alors par des formules générales telles que 'tout au long de sa vie' (Madame [M], voisine pièce 41 intimés) ou 'chaque jour' ( Monsieur [I] pièce 42 intimés) ;
En conséquence, il ne résulte pas de l'ensemble de ces éléments la preuve du caractère rémunératoire de l'apport en numéraire versé lors de la vente de la maison familiale par [Y] [K] à sa fille Madame [A] [K], à hauteur de 23343 euros ;
la demande de rapport sera accueillie dans cette limite ;
S'agissant du recel de cette somme, il convient de rappeler que cette qualification comprend un élément matériel et un élément intentionnel ; l'élément matériel vient d'être établi par ce qui précède ; en outre la situation était suffisamment claire, s'agissant de déclarations faites devant un officier ministériel, pour que Madame [A] [K] connaisse effectivement l'étendue exacte de ses droits, s'agissant de leur paiement effectif ;
en outre, elle ne fournit aucun élément pour accréditer sa thèse, qui est celle d'une épargne mensuelle en vue de l'acquisition de l'immeuble familial dès 1996, afin de bénéficier d'un apport ;
Dès lors l'élément intentionnel du recel est en l'espèce, caractérisé à l'égard de Madame [A] [K], dont l'attitude traduit une volonté de dissimuler un détournement dont la réalité matérielle n'est pas discutable ; les sanctions du recel seront par conséquent retenues à hauteur de la somme de 23343 euros ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Au vu des développements précédents, il n'apparaît pas inéquitable de ne pas faire bénéficier les parties de sommes demandées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
en outre, compte tenu de la nature du litige, la décision de première instance sera infirmée s'agissant de la condamnation au paiement de dépens et de frais irrépétibles ;
Les dépens d'appel et première instance seront en outre, employés en frais privilégiés de partage.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt rendu par défaut prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré uniquement en ce qui concerne le financement de l'immeuble sis à [Localité 10], et les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Statuant à nouveau sur les chefs de décision infirmés et y ajoutant,
Constate la donation déguisée par [Y] [K] de la somme de 23343 euros (vingt-trois mille trois cent quarante-trois euros) ayant servi à l'acquisition par Madame [A] [K] du bien immobilier sis [Adresse 2] et en ordonne le rapport à la succession ;
Dit et juge que Madame [A] [K] ne pourra prétendre à aucune part dans ses droits, à hauteur de la somme sus énoncée ;
Déboute Madame [X] [K] épouse [J] et Madame [L] [K] de leurs autres demandes ;
Déboute Madame [A] [K], Madame [Z] [K] épouse [O], Monsieur [D] [K] et Monsieur [B] [K] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Fait masse des dépens et dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de partage.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en douze pages.