RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2022 DU 19 SEPTEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02559 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E3RJ
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,
R.G.n° 19/01441, en date du 30 août 2021,
APPELANTE :
S.C.I. KAYA, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]
Représentée par Me Jean-Thomas KROELL substitué par Me Orane KROELL de l'ASSOCIATION KROELL, avocats au barreau de NANCY
INTIMÉE :
S.A. BPCE IARD, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 3]
Représentée par Me Bruno ZILLIG de la SCP LAGRANGE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2022, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 19 Septembre 2022, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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FAITS ET PROCÉDURE :
La société civile immobilière (SCI) Kaya est propriétaire d'un immeuble sis [Adresse 2]) au sein duquel est exploité un bar qu'elle a assuré auprès de la société anonyme (SA) BPCE IARD.
Le 29 août 2018, la SCI Kaya a déclaré un sinistre dégât des eaux auprès de son assureur.
Au vu du rapport de l'expert qu'elle a désigné, la compagnie d'assurances a, par courrier du 25 octobre 2018, opposé à la SCI Kaya un refus de prise en charge du sinistre sur la base de trois motifs.
La SCI Kaya, par mise en demeure adressée par lettre en date du 2 novembre 2018 restée infructueuse, a sollicité de son assureur une indemnisation au titre de la garantie dégâts des eaux du contrat d'assurance souscrit, le coût des réparations des dommages à la toiture bac acier et au plafond des sanitaires.
Par acte du 29 avril 2019, la SCI Kaya a fait assigner la SA BPCE IARD devant le tribunal de grande instance de Nancy pour obtenir sa condamnation à lui régler le coût de la remise en état des locaux ainsi qu'à réparer les différents préjudices qu'elle a subis.
Par jugement contradictoire du 30 août 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :
- rejeté les demandes formées par la SCI Kaya,
- condamné la SCI Kaya à payer à la SA BPCE la somme de 1200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCI Kaya aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que la SCI Kaya a exagéré le montant des dommages subis en se fondant sur un devis réalisé par la société 3D Energies ayant le même dirigeant que la SCI Kaya (Monsieur [W] [F]) faisant état d'une surface à restaurer de 45 m² au lieu de 28 m². Ainsi, le tribunal, qui avait, par ailleurs, reconnu la validité de la clause d'exclusion de garantie au regard des dispositions des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances, a fait application de la clause de déchéance énoncée à la page 31 des conditions générales du contrat d'assurance et a confirmé le refus de prise en charge du sinistre par l'assurance.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 25 octobre 2021, la SCI Kaya a relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 2 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Kaya demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 30 août 2021 du tribunal judiciaire de Nancy, en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la SCI Kaya et en ce qu'il l'a condamnée à payer à la SA BPCE IARD la somme de 1200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
- condamner la société anonyme BPCE IARD au paiement des sommes suivantes :
* 11188 euros au titre de la remise en état des locaux avec intérêts à compter du 2 novembre 2018, date de la 1ère mise en demeure, subsidiairement du 26 février 2019, date de la facture,
* 5000 euros au titre du préjudice moral et du préjudice découlant des différentes tracasseries liées au refus d'indemniser,
* 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* les entiers dépens,
Subsidiairement,
- condamner la société anonyme BPCE IARD au paiement des sommes suivantes :
* 4108,50 euros au titre de la réparation du plafond avec intérêts à compter du 2 novembre 2018 date de la 1ère mise en demeure, subsidiairement du 26 février 2019, date de la facture,
* 5000 euros au titre du préjudice moral et du préjudice découlant des différentes tracasseries liées au refus d'indemniser,
* 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* les entiers dépens,
En tout état de cause,
- débouter la société anonyme BPCE IARD de ses demandes.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 17 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA BPCE Iard demande à la cour de :
- dire la SCI Kaya recevable mais mal fondée en son appel du jugement du 30 août 2021,
- confirmant la décision entreprise en l'ensemble de ses dispositions, débouter la SCI Kaya de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SCI Kaya à lui verser une indemnité de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCI Kaya aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 juin 2022.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 20 juin 2022 et le délibéré au 19 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les écritures déposées le 2 mai 2022 par la SCI Kaya et le 17 février 2022 par la société BPCE IARD, auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 7 juin 2022 ;
Sur le bien fondé de l'appel
Aux termes de l'article 1103 du code civil ' les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits' ; 'ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public' ajoute l'article 1104 du même code ;
En l'espèce, le contrat d'assurance souscrit le 15 février 2015 par la SCI Kaya au titre de la garantie 'multirisques exploitant' pour son établissement de café, bar, tabacs 'Plaise Café'situé à [Adresse 4] couvre la garantie dégâts des eaux ;
Selon courrier du 25 octobre 2018, la société BPCE Iard, assureur, a notifié à la SCI Kaya le refus de prise en charge du sinistre du 29 août 2018 en lui opposant une déchéance de garantie pour les motifs suivants :
'- votre demande de remboursement porte sur des dommages qui n'ont pas été constatés par nos soins, - les surfaces indiquées sur les devis sont supérieures aux surfaces constatées sur place,- votre associé Monsieur [W] [F] est aussi associé de la société SNC Plaisance exploitant le local ainsi que gérant de la société 3D Energies à l'origine des devis excessifs' (pièce 3 intimée) ;
La partie appelante conteste cette décision de son assureur, ainsi que le jugement déféré qui a retenu en premier lieu, la clause d'exclusion de garantie contractuelle concernant ' la réparation de l'élément du bâtiment ou des installations et appareils à effet d'eau qui ont été à l'origine du dommage ' s'agissant ' des dommages à la toiture bac acier à l'origine du sinistre du 29 août 2018 " ;
En second lieu, le premier juge a validé la position de l'assureur, en ce qu'il a opposé à la SCI Kaya une clause de déchéance de garantie résultant de l'exagération par l'assurée du montant des dommages ; il a ainsi retenu une majoration des surfaces indemnisables puis dans un second temps du coût des réparations établi selon devis émanant de la société 3D Energies ;
A l'appui de son recours, la SCI Kaya fait valoir qu'il existait effectivement une erreur de surfaces sur le devis réalisé en premier lieu, mais le second devis fait état des bonnes surfaces et son coût prend en compte l'augmentation de matières premières et de la main d''uvre ; elle ajoute que la charge de la preuve d'un prix excessif repose sur l'assurance ;
En réponse, la société intimée indique ne jamais avoir consenti à la destruction des plafonds en litige et affirme ne pas avoir pu constater les dégâts, les travaux ayant été faits ; elle s'oppose à l'indemnisation des réparations des plafonds qui ont été surévaluées par l'assurée, le devis produit portant sur 48 m² au lieu de 25 m² effectivement endommagés ; elle considère que cette demande a été faite sciemment et de mauvaise foi, alors que la société 3D Energie connaissait les lieux pour avoir précédemment effectué des travaux, et pouvait y accéder dans toutes ses composantes pour établir le devis des réparations dont l'indemnisation a été réclamée ;
S'agissant de la clause d'exclusion de la 'réparation du bâtiment ou des installations et appareils à effet d'eau à l'origine du dommage' prévue au contrat, la SCI Kaya indique que la cause du dommage n'est pas la toiture en bac acier qui a permis l'infiltration de l'eau dans le plafond des sanitaires, mais la pluie et la tempête qui a déclenché ces pluies ; subsidiairement elle avance qu'à supposer que cette toiture ne soit pas garantie, ce n'est pas le cas des plafonds endommagés par les infiltrations ;
En réponse la partie intimée indique qu'aucune constatation de l'expert n'a pu être faite sur la toiture, réparée lors de l'expertise, alors qu'elle était indispensable pour permettre l'indemnisation ;
elle avance le fait que la destruction des plafonds des toilettes ne peut être la conséquence d'un orage ponctuel mais repose sur un défaut constitutif ou d'infiltrations progressives, lesquels ne sont pas garantis ; elle conclut ainsi à l'exclusion de l'indemnisation des travaux de réfection de la toiture ;
Sur ce dernier point, il y a lieu de constater que la société intimée entend opposer à son assurée une exclusion conventionnelle de garantie ;
il lui appartient par conséquent d'établir que ses conditions sont réunies ;
Il est constant que les conditions de l'article 5 du contrat liant les parties (page 12 -pièce 1 intimée) excluent toute réparation de l'élément du bâtiment ou des installations à effet d'eau qui ont été à l'origine du dommage ;
En l'espèce les termes du constat amiable établi le 15 octobre 2018 par Monsieur [P] [J] après une visite du 1er octobre 2018, précisent que les 'informations recueillies' font état 'd'infiltrations (qui) se sont produites par la toiture du bâtiment assuré' (...) ' au droit de la toiture bac acier de l'extension abritant les sanitaires', que les 'travaux de réfection de la toiture ont été entrepris avant notre passage' (...) 'une photo nous a été présentée sur laquelle nous pouvons percevoir une zone d'affaissement sur l'un des bacs acier sans qu'il puisse être affirmé qu'il s'agisse de l'origine des infiltrations' ;
Dès lors la preuve de l'imputabilité des infiltrations à un élément du bâtiment, en l'occurrence le bac acier, n'est pas établie ;
par conséquent l'application de la clause exclusive d'indemnisation s'agissant de la toiture n'est pas justifiée ;
L'article 6 du contrat (page 31 -pièce 1 intimée) indique qu'une déchéance de garantie est encourue en cas de déclaration portant notamment sur l'exagération du montant des dommages subis par l'assurée ;
il précise que la fausseté des déclarations doit résulter de la mauvaise foi de l'assuré ;
Il est constant que ces éléments invoqués par la société d'assurance pour s'opposer à toute indemnisation doivent être établis par ses soins ;
dans son courrier du 25 octobre 2018, elle a notamment fait valoir que ' les surfaces indiquées sur les devis sont supérieures aux surfaces constatées sur place,- votre associé Monsieur [W] [F] est aussi associé de la société SNC Plaisance exploitant le local ainsi que gérant de la société 3D Energies à l'origine des devis excessifs' (pièce 3 intimée) ;
Ainsi la société appelante a produit le 20 septembre 2018 par courriel (pièce 2 intimée), une facture datée du 18 septembre 2018 à l'entête 3D Energies à [Localité 5], portant sur une somme de 11188 euros (ttc) dont 6240 euros (ht) pour la réparation de la toiture en Bac Acier et 3534 euros (ht) pour celle du plafond des sanitaires ; le calcul a été fait sur 48 m² pour les deux postes (pièce 16 appelante) ;
il est constant que cette société est gérée par Monsieur [W] [F], également associé de la société exploitant le café et de la SCI Kaya assurée dans ce litige ;
il est également constant que le plafond n'est sinistré que sur 25 m², seule la toiture bac acier mesurant 48 m² ; un second devis a été produit à la date du 18 septembre 2018 (pièce 16 appelante) portant sur une somme de 10751,40 euros (ttc) dont 3735 euros (ht) pour la reprise de 25 m² de plafond ; la facture datée du 26 février 2019 porte sur la somme de 11188 euros, conforme aux montants du devis précité si ce n'est l'application d'un taux de TVA de 20% sur une partie des prestations au lieu de 10% précédemment (pièce 19 appelante) ;
il y a lieu de constater également que les deux devis datés du même jour, mettent en compte des 'P.U. HT' (prix unitaire') différents pour la réparation du plafond, selon que l'on chiffre sur la base de 48 m² ou de 25 m² sans que l'explication fournie par l'appelante tenant à l'évolution du prix du marché prospère, les deux devis ayant été établis le même jour ;
Il en résulte la preuve du caractère totalement fantaisiste des dommages déclarés, qui se sont basés sur les devis qui ont été établis par le gérant de la SCI Kaya pour les besoins de son dossier d'indemnisation, sans rapport avec le coût réel des prestations ;
la mauvaise foi de la SCI Kaya est ainsi démontrée, ce qui justifie l'opposition par la société intimée d'une déchéance de garantie ;
le jugement déféré sera par conséquent confirmé à cet égard ;
En conséquence, la demande d'indemnisation formée par la SCI Kaya au titre du préjudice moral et du préjudice découlant des différentes tracasseries liées au refus d'indemniser de la BPCE Iard, n'est pas justifiée, au vu des précédents développements ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SCI Kaya succombant dans ses prétentions, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et l'a déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCI Kaya, partie perdante, devra supporter les dépens ; en outre la SCI Kaya sera condamnée à payer à la BPCE Iard la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance ; en outre la SCI Kaya sera déboutée de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Condamne la SCI Kaya à payer à la BPCE Iard la somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SCI Kaya de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Kaya aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en sept pages.