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19/09/2022 | FRANCE | N°21/01065

France | France, Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 19 septembre 2022, 21/01065


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2022 DU 19 SEPTEMBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01065 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EYKO



Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,

R.G.n° 19/02847, en date du 12 février 2021,





APPELANT :

Monsieur [N] [J]

né le 19 février 1951 à [Localité 11] (54)


domicilié [Adresse 5]

Représenté par Me Aline FAUCHEUR-SCHIOCHET de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me André EHRMANN, avo...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2022 DU 19 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01065 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EYKO

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,

R.G.n° 19/02847, en date du 12 février 2021,

APPELANT :

Monsieur [N] [J]

né le 19 février 1951 à [Localité 11] (54)

domicilié [Adresse 5]

Représenté par Me Aline FAUCHEUR-SCHIOCHET de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me André EHRMANN, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉS :

Madame [R] [J], épouse [U]

née le 04 janvier 1948 à [Localité 11] (54)

domiciliée [Adresse 7]

Représentée par Me Marianne VICQ, avocat au barreau de NANCY

Monsieur [T] [U]

né le 30 avril 1974 à [Localité 17] (31)

domicilié [Adresse 15]

Représenté par Me Marianne VICQ, avocat au barreau de NANCY

Monsieur [M] [U]

né le 04 juin 1975 à [Localité 6] (55)

domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Marianne VICQ, avocat au barreau de NANCY

Madame [O] [U], épouse [Y]

née le 22 mars 1978 à [Localité 13] (88)

domiciliée [Adresse 4]

Représentée par Me Marianne VICQ, avocat au barreau de NANCY

Monsieur [A] [P] [K] [J]

né le 19 février 1955 à [Localité 11] (54)

domicilié [Adresse 1]

Représenté par Me Stéphanie MOUKHA de la SCP MOUKHA DECORNY substituée par Me Clarisse MOUTON, avocats au barreau de NANCY

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller, Président d'audience, et Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller, faisant office de Président,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

Madame Nathalie BRETILLOT, Conseiller,

selon ordonnance de monsieur le Premier Président en date du 13 juin 2022

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2022, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 19 Septembre 2022, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur FIRON, Conseiller, faisant office de Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

[C] [J] et [I] [H] se sont mariés, sans contrat préalable.

De leur union sont issus trois enfants :

- [R] [J] aujourd'hui épouse [U],

- [N] [J],

- [A] [J].

Les époux se sont consentis en date du 1er juillet 1975 une donation entre époux.

Par acte reçu le 14 août 1982 par Maître [B], notaire à Nancy, les époux ont procédé au profit de leurs deux fils, Messieurs [N] et [A] [J], à une donation préciputaire avec dispense de rapport, pour chacun d'eux, de la nue-propriété d'un immeuble à usage d'habitation situé à [Adresse 12].

[I] [H] épouse [J] est décédée le 2 février 2002 et [C] [J] est décédé le 18 novembre 2009.

Par acte du 29 décembre 2012 dressé par Maître [E], notaire à [Localité 13], Madame [R] [J] épouse [U] a fait donation à chacun de ses trois enfants, Monsieur [T] [U], Monsieur [M] [U] et Madame [O] [U] épouse [Y], de ses droits indivis (soit un tiers indivis à ses trois enfants) en pleine propriété d'un immeuble situé à la [Localité 8], dépendant de la succession des époux [J]-[H].

Par acte d'huissier remis les 13 et 17 septembre 2013, Madame [R] [J] épouse [U] et Messieurs [T] et [M] [U] ont assigné Messieurs [N] et [A] [J] aux fins, notamment, d'ordonner l'ouverture des opérations de liquidation et partage des successions de [C] [J] et [I] [H], de désigner un notaire aux fins d'obtenir l'historique des comptes et dresser l'inventaire du mobilier et d'autoriser la vente aux enchères publiques d'un bien immobilier situé à la [Localité 8].

Par jugement du 11 février 2015, le tribunal de grande instance de Nancy a notamment :

- dit que Messieurs [T] et [M] [U], petits enfants des époux [J]-[H], sont irrecevables à solliciter l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de leurs grands-parents,

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre [C] [J] et son épouse [I] [H], respectivement décédés le 2 février 2002 pour Madame, et le 18 novembre 2009 pour Monsieur, et de leur succession,

- désigné Maître [G] [S], notaire à [Localité 16], [Adresse 2], pour procéder à ces opérations avec autorisation de consulter le fichier Ficoba,

- désigné Monsieur Stéphane Stanek, Vice-Président, en qualité de juge commis pour surveiller le déroulement des opérations de partage,

- constaté que Madame [R] [J] épouse [U] a procédé à une donation selon acte du 29 décembre 2012 en toute propriété, de ses droits sur l'immeuble de [Localité 8] à chacun de ses trois enfants (soit 1/9ème à chacun de ses enfants) [T], [M] [U] et [O] [U] épouse [Y],

En conséquence,

- constaté que Madame [J] épouse [U] ne détient plus aucun droit indivis sur ce bien immobilier,

- dit qu'après l'expertise ci-après ordonnée et pour la prochaine mise en état, les parties devront conclure sur l'irrecevabilité de Madame [J] à solliciter la licitation de l'immeuble indivis, faute de droits sur cet immeuble ;

- invité les parties (à l'exception de Madame [R] [J]) à appeler en la cause Madame [O] [U] épouse [Y], co-indivisaire en pleine propriété de l'immeuble de [Localité 8], avant dire droit sur les droits de Madame [R] [J] épouse [U], Messieurs [A] et [N] [J] dans la succession des défunts,

- ordonné une mesure d'expertise,

- autorisé Maître [S] notaire à [Localité 16], à missionner tout sachant résidant dans la zone géographique de l'immeuble situé à [Adresse 9], avec pour mission, outre la réalisation des diligences nécessaires, de se rendre sur les lieux et procéder à une évaluation motivée de l'immeuble au jour de chacun des deux décès des défunts et au jour le plus proche du partage ainsi que les meubles meublants le garnissant,

- a rappelé que le notaire liquidateur est d'ores et déjà autorisé, conformément aux dispositions de l'article 1365 du code de procédure civile, à s'adjoindre un expert choisi d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis, pour l'évaluation éventuelle de l'immeuble situé [Adresse 12] ayant fait l'objet d'une donation préciputaire par les défunts à Messieurs [A] et [N] [J],

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- sursis à statuer sur la licitation de l'immeuble et la demande reconventionnelle de Messieurs [A] et [N] [J],

- invité les parties à mettre en cause Madame [O] [U] épouse [Y],

- réservé les dépens.

Madame [O] [U] épouse [Y] est intervenue à la procédure.

Maître [S] a déposé son rapport le 24 mai 2018, dont il ressort que l'actif net des successions à partager est légèrement supérieur à 600000 euros, composé de deux biens immobiliers et de rapports dûs par Messieurs [A] et [N] [J], et que Monsieur [A] [J] et Madame [R] [J] ont des créances au titre du compte d'administration de l'indivision.

La procédure a fait l'objet d'une radiation pour défaut de diligence par ordonnance du 5 mars 2019 et a été réenrôlée le 27 août 2019.

Par jugement contradictoire du 12 février 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- dit n'y avoir lieu à désigner un notaire commis, Maître [S] ayant déjà été désigné par jugement du 11 février 2015,

- désigné Madame Dominique Diebold, Vice-Présidente au tribunal judiciaire de Nancy, ou tout autre magistrat venant en remplacement, en qualité de juge commis pour surveiller les opérations de partage,

- constaté que l'immeuble indivis situé à [Adresse 12], ayant fait l'objet d'une donation préciputaire par les époux [J] en nue-propriété avec dispense de rapport à leurs deux enfants, Messieurs [A] et [N] [J], a été vendu au prix de 187000 euros postérieurement au jugement du 11 février 2015,

- constaté que l'immeuble indivis situé à la [Localité 8] (Var) a été vendu le 19 mai 2020 au prix de 515000 euros et en conséquence,

- dit que la demande de licitation de l'immeuble indivis de la [Localité 8] est devenue sans objet,

- dit que Maître [S] devra actualiser la valeur de l'immeuble de la [Localité 8] à la date du décès de Monsieur [C] [J] sur la base de 515000 euros (et non 560000 euros, valeur proposée par expertise) ;

- dit que les donations consenties par Monsieur [C] [J] à ses deux petits-enfants, [L] et [V] [J], d'un montant de 5750 euros chacune, ne sont pas rapportables,

- dit que l'acquisition de l'immeuble situé à [Localité 18] par Monsieur [C] [J] en 1986 pour le compte de son fils [N] [J], alors mineur, est une donation déguisée, et en conséquence,

- dit que le prix de la vente de cet immeuble réalisée par Monsieur [N] [J] selon acte du 20 décembre 1991, pour un montant de 12195 euros, est rapportable par ce dernier à la succession,

- dit que Monsieur [C] [J] a versé pour le compte de ses deux enfants, Messieurs [A] et [N] [J], lors de l'acquisition par ces derniers, le 22 janvier 1986, d'un immeuble situé à [Localité 10], une somme de 10000 francs et non pas 100000 francs, et en conséquence,

- dit que Monsieur [C] [J] a contribué à hauteur de 4,76% à cette acquisition,

- constaté que l'immeuble situé à [Localité 10] a été revendu par Messieurs [A] et [N] [J] le 2 août 2001 pour le prix de 227149,04 euros, et en conséquence,

- dit que Messieurs [A] et [N] [J] devront rapporter à la succession la somme [totale] de 10812,29 euros, soit chacun 5406 euros,

- dit que seuls les chèques de 4000, 2000 et 1200 euros établis par Monsieur [C] [J] constituent des donations déguisées faites à son fils, [N] [J],

- dit que Monsieur [N] [J] devra rapporter à la succession la somme de 7200 euros au titre de ces trois chèques,

- dit que le bénéficiaire du virement de 45731 euros effectué par Monsieur [C] [J] le 5 février 2001 n'est pas identifiable,

- dit que cette somme de 45731 euros n'est rapportable par quiconque à la succession,

- dit n'y avoir lieu à faire application des règles du recel successoral à l'encontre de Messieurs [A] et [N] [J],

- dit que Madame [R] [J] épouse [U] est irrecevable à solliciter pour elle-même une indemnité d'occupation à compter de l'année 2014, en raison de la donation de ses droits indivis à chacun de ses trois enfants [M], [T] et [O] [U] selon acte du 29 décembre 2012,

- constaté que [M], [T] et [O] [U] sont co-indivisaires avec Messieurs [A] et [N] [J] depuis le 29 décembre 2012 sur l'immeuble de la [Localité 8],

- constaté que l'acte de donation en pleine propriété du 29 septembre 2012 faite par Madame [R] [J] épouse [U] à chacun de ses trois enfants était joint à l'assignation délivrée à Messieurs [A] et [N] [J] le 13 septembre 2013,

- dit que [M], [T] et [O] [U] sont recevables et bien fondés à solliciter pour eux-mêmes une indemnité d'occupation,

- dit que [M], [T] et [O] [U] ont été privés de leur droit de jouissance sur cette résidence secondaire de la [Localité 8] depuis le mois de mai 2014 et jusqu'à la fin du mois d'avril 2020,

- dit que Messieurs [A] et [N] [J] ont bénéficié d'un usage exclusif de l'immeuble de la [Localité 8] durant 72 mois,

- fixé l'indemnité d'occupation dont Messieurs [A] et [N] [J] sont débiteurs à l'égard de l'indivision formée par eux-mêmes avec [M], [T] et [O] [U], à la somme de 77256 euros ; Messieurs [A] et [N] [J] supportant donc, chacun à titre personnel, une indemnité d'occupation de 12876 euros,

- donné acte à Monsieur [A] [J] de ce qu'il justifiera au notaire des frais dont il a fait l'avance pour le compte de l'indivision,

- dit que les charges de copropriété et charges diverses de l'immeuble de la [Localité 8] sont dues par l'indivision formée par Messieurs [A] et [N] [J] et Madame [R] [J] épouse [U] depuis le décès de Monsieur [C] [J] jusqu'à la fin de l'année 2012, puis par l'indivision formée par Messieurs [A] et [N] [J] avec [M], [T], et [O] [U] à compter de l'année 2013, proportionnellement aux droits de chacun dans l'indivision,

- dit que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de partage, en ce compris les frais d'expertise de l'immeuble de la [Localité 8],

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- renvoyé les parties par devant Maître [S], notaire commis pour y poursuivre les opérations de liquidation et partage des successions des époux [J]-[H], calculer l'éventuelle indemnité de réduction due à Madame [R] [J] épouse [U] et établir l'acte de partage au vu des éléments fixés ci-dessus par le tribunal.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que Maître [S] avait déjà été désigné par jugement du 11 février 2015 pour procéder aux opérations de liquidation-partage de la communauté et de la succession des défunts et qu'il devait poursuivre les opérations en cours et a procédé au changement de juge commis.

Concernant l'immeuble situé [Adresse 12], le tribunal a relevé que le bien avait été vendu à une date inconnue, mais postérieure au jugement du 11 février 2015, pour le prix de 187000 euros, sans savoir s'il avait ou non été partagé entre Messieurs [A] et [N] [J].

Sur l'immeuble de la [Localité 8], en réponse à la demande de licitation de Madame [R] [J] épouse [U], Monsieur [N] [J] versait aux débats un projet d'acte de vente devant intervenir le 19 mai 2020 et, sur la demande de production en délibéré émanant du tribunal, l'acte de vente a été communiqué, justifiant que l'immeuble avait été vendu le 19 mai 2020 au prix de 515000 euros.

Le tribunal a encore constaté qu'aucune contestation n'était émise concernant :

* la récompense due par la communauté à [C] [J] de 44973 euros,

* la valeur du mobilier de l'immeuble de la [Localité 8] de 195 euros,

* un montant d'épargne devant figurer à l'actif de la communauté de 33432 euros, dont intérêt à parfaire,

* un passif de la communauté de 8268 euros,

* une parcelle en verger située à [Localité 14] d'une valeur de 595 euros,

ces valeurs devant servir de base à l'établissement de l'acte notarié, l'immeuble de la [Localité 8] devant être valorisé à 345000 euros à la date du décès d'[I] [H] épouse [J] et à 515000 euros à la date du décès de [C] [J].

Sur les demandes de rapports successoraux, le tribunal a :

- rejeté les demandes en ce qu'elles concernent les donations faites à des petits-enfants, non successibles, tout en rappelant le cas échéant qu'elles pouvaient être réductibles,

- condamné Monsieur [N] [J] à rapporter 12195,92 euros à la succession, représentant le prix de la vente du 20 décembre 1991 portant sur un bien immobilier situé à [Localité 18] acheté au nom de celui-ci en 1986, alors qu'il était mineur, mais financé intégralement par son père au regard des mentions manuscrites de l'acte d'acquisition. Il n'était pas démontré que le chèque de 60000 francs remis par Monsieur [N] [J] à sa mère le 14 janvier 1992 avait pour objet de procéder au remboursement d'une partie du prix de vente de ce bien,

- condamné Messieurs [A] et [N] [J] à rapporter à la succession la somme de 5046 euros chacun au titre des 10000 francs réglés par le père pour le financement d'un bien immobilier qu'ils ont acquis à [Localité 10] en indivision le 22 janvier 1986 pour 220000 francs et revendu le 2 août 2001 pour 233247 euros. Le tribunal, au vu des éléments figurant dans la comptabilité du notaire ayant reçu la première vente, n'a pas retenu que [C] [J] avait réglé 110000 francs comme le soutenait Madame [R] [J] épouse [U],

- débouté Madame [R] [J] épouse [U] de sa demande de rapport au titre du virement de 45731 euros fait le 5 février 2001, retenant que si un virement figurait bien au débit d'un compte du défunt, la désignation du bénéficiaire 'M. [J]' ne permettait pas de déterminer s'il s'agissait de lui-même, d'un de ses deux fils ou encore d'un tiers,

- condamné Monsieur [N] [J] à ramener 7200 euros à la succession, dans la mesure où d'une part, il était établi que l'immeuble habité par le défunt présentait une vétusté certaine, qu'il avait été placé en maison de retraite en 2005 et que les chèques de 4000 euros (1er juin 2005) et 2000 euros (21 mai 2008) pour des sociétés d'électricité et de crépi de façade localisées en Alsace, à proximité du domicile de son fils, avaient financé des travaux au bénéfice de celui-ci et d'autre part qu'il avait bénéficié d'un chèque tiré sur le compte de son père mais manifestement signé par un tiers, de 2000 euros le 14 novembre 2007,

- débouté Madame [R] [J] épouse [U] de sa demande de rapport de 1080,30 euros (chèque établi le 21 avril 2005 à l'ordre de la société Brossetti) dans la mesure où il n'était pas démontré que ce chèque avait financé des matériaux au bénéfice de Monsieur [N] [J],

- débouté Madame [R] [J] épouse [U] de sa demande de rapport au titre des sommes dépensées par virement internet, dans la mesure où, même si le défunt était placé en maison de retraite et ne disposait pas d'un ordinateur, le montant des dépenses modestes, n'excédaient pas les besoins de celui-ci et qu'il n'était pas démontré que les opérations n'auraient bénéficié qu'à ses frères.

Le tribunal a également rejeté la demande de Madame [R] [J] épouse [U] au titre du recel successoral dans la mesure où l'intention frauduleuse de Messieurs [A] et [N] [J] n'était pas démontrée.

Le tribunal a fait droit à la demande d'indemnité d'occupation pour le bien situé à la [Localité 8] à la charge de Messieurs [A] et [N] [J] au profit des enfants de Madame [R] [J] épouse [U], privés de la jouissance du bien comme cela était établi par la lettre adressée par Monsieur [N] [J] à sa soeur en recommandé le 3 juillet 2014, les deux frères s'étant vu notifier la donation lors de la remise de l'assignation le 13 septembre 2013 et ayant profité exclusivement de la jouissance du bien indivis. Le tribunal a fixé à 1073 euros le montant mensuel de l'indemnité d'occupation entre mai 2014 et avril 2020 (74 mois - jusqu'à la vente du bien), retenant 5% de la valeur du bien à laquelle il a appliqué un coefficient de réduction de 50 % compte-tenu de l'utilisation de l'immeuble comme résidence secondaire. La dette des deux frères a été fixée à la somme de 8583 euros au profit de chacun de leurs neveux et nièce.

Le tribunal a débouté Madame [R] [J] épouse [U] et ses enfants de leur demande d'indemnisation d'un préjudice moral, non démontré.

S'agissant de la demande présentée au titre du compte d'indivision pour les dépenses dont Monsieur [A] [J] a indiqué avoir fait l'avance, le tribunal a constaté qu'il ne produisait aucun justificatif et l'a renvoyé devant le notaire, en précisant que les frais réglés jusqu'au 29 décembre 2012 seraient à prendre en compte dans le cadre de l'indivision avec son frère et sa soeur et ceux exposés postérieurement dans le compte de l'indivision avec son frère et ses neveux et nièce.

Par ordonnance du 26 février 2021, le juge commis a procédé au remplacement de Maître [S], celui-ci ayant cessé ses activités sur le ressort, par Maître [X] [F], notaire à [Localité 16].

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 26 avril 2021, Monsieur [N] [J] a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 2 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [N] [J] demande à la cour, au visa de l'article 815-9 du code civil, de l'article 564 du code de procédure civile, de :

- déclarer l'appel interjeté par Monsieur [N] [J] recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- constater l'absence de preuve d'une jouissance exclusive par Messieurs [A] et [N] [J] au cours de la période de mai 2014 à fin avril 2020,

- constater qu'il n'existe aucune jouissance exclusive de la maison de la [Localité 8] au profit de Monsieur [N] [J],

En conséquence,

- infirmer le jugement du tribunal judicaire de Nancy du 12 février 2021, en ce qu'il :

« dit que [M], [T] et [O] [U] sont recevables et bien fondés à solliciter pour eux-mêmes une indemnité d'occupation,

dit que [M], [T] et [O] [U] ont été privés de leur droit de jouissance sur cette résidence secondaire de la [Localité 8] depuis le mois de mai 2014 et jusqu'à la fin du mois d'avril 2020,

dit que Messieurs [A] et [N] [J] ont bénéficié d'un usage exclusif de l'immeuble de la [Localité 8] durant 72 mois,

fixe l'indemnité d'occupation dont Messieurs [A] et [N] [J] sont débiteurs à l'égard de l'indivision formée par eux-mêmes avec [M], [T] et [O] [U] à la somme de 77256 euros, Messieurs [A] et [N] [J] supportant donc chacun à titre personnel une indemnité d'occupation de 12876 euros »,

Et, statuant à nouveau,

- dire et juger que nulle indemnité d'occupation n'est due à [M], [T] et [O] [U],

- débouter [M], [T] et [O] [U] de l'intégralité de leurs demandes concernant le paiement d'une indemnité d'occupation,

Sur l'appel incident formé par Madame [R] [J] épouse [U], Messieurs [M] et [T] [U] et Madame [O] [U] épouse [Y], - déclarer l'appel incident formé par Madame [R] [J] épouse [U], Messieurs [M] et [T] [U] et Madame [O] [U] épouse [Y] irrecevable et en tous les cas mal fondé,

- rejeter les demandes formées au titre de l'appel incident dans leur totalité,

- confirmer le jugement du tribunal judicaire de Nancy du 12 février 2021, en ce qu'il :

« dit que le bénéficiaire du virement de 45731 euros effectué par Monsieur [C] [J] le 5 février 2001 n'est pas identifiable, et en conséquence

dit que cette somme de 45731 euros n'est pas rapportable par quiconque à la succession,

dit n'y avoir lieu à faire application des règles du recel successoral à l'encontre de Messieurs [N] et [A] [J] »,

En tout état de cause,

- condamner Madame [R] [J] épouse [U] et ses enfants [M], [T] et [O] [U] à lui payer la somme de 4500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [R] [J] épouse [U] et ses enfants [M], [T] et [O] [U] aux entiers frais et dépens y compris de première instance.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 25 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [R] [J] épouse [U], Monsieur [T] [U], Monsieur [M] [U], Madame [O] [U], demandent à la cour, au visa de l'article 1364 du code de procédure civile, de l'article 815 du code civil, de :

- déclarer l'appel interjeté par Monsieur [N] [J] recevable et mal fondé,

- le débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- constaté que [M], [T] et [O] [U] sont coindivisaires avec Messieurs [A] et [N] [J] depuis le 29 décembre 2012 sur l'immeuble de la [Localité 8],

- constaté que l'acte de donation en pleine propriété du 29 décembre 2012 faite par Madame [R] [J] épouse [U] à chacun de ses trois enfants était joint à l'assignation délivrée à Messieurs [A] et [N] [J] le 13 septembre 2013,

- dit que [M], [T] et [O] [U] sont recevables et bien fondés à solliciter pour eux-mêmes une indemnité d'occupation,

- dit que [M], [T] et [O] [U] ont été privés de leur droit de jouissance sur cette résidence secondaire de la [Localité 8] depuis le mois de mai 2014 et jusqu'à la fin du mois d'avril 2020,

- déclarer l'appel interjeté par Madame [R] [J] épouse [U] et [T], [M] et [O] [U] recevable et bien fondé,

En conséquence,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

« dit que le bénéficiaire du virement de 45731 euros effectué par Monsieur [C] [J] le 5 février 2001 n'est pas identifiable, et en conséquence,

dit que cette somme de 45731 euros n'est rapportable par quiconque à la succession,

dit n'y avoir lieu à faire application des règles du recel successoral à l'encontre de Messieurs [A] et [N] [J] »

- constater que la somme de 45731euros (300000 francs) a permis le financement du bien immobilier acquis par Monsieur [N] [J] en date du 21 février 2001 et la rapporter à l'actif successoral,

- dire que le notaire commis devra réévaluer, à la date la plus proche du partage au regard de la valeur du bien immobilier le rapport successoral à hauteur de 27,86% du bien immobilier,

- dire et juger que Messieurs [A] et [N] [J] se sont rendus coupables de recel en dissimulant la valeur liée aux sommes prélevées à la succession et qu'ils ne pourront prétendre à aucune part des sommes dont ils devront assumer le rapport à l'actif successoral,

- enjoindre Monsieur [N] [J] et Monsieur [A] [J] de justifier de ce qu'ils étaient bien conjointement ou individuellement titulaires dudit compte bancaire au jour de l'acquisition dudit bien immobilier de [Localité 10] le 22 janvier 1986 ;

- condamner Monsieur [N] [J] à verser une somme de 3000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à chacun des intimés,

- 'condamner conjointement et solidairement les défendeurs aux entiers frais et dépens liés à la présente procédure et à celle de première instance seront mises à la charge de Monsieur [N] [J]'.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 24 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [A] [J] demande à la cour de :

- déclarer bien fondé son appel dirigé contre le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 12 février 2021,

En conséquence,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy du 12 février 2021 en ce qu'il a :

dit que [M], [T] et [O] [U] sont recevables et bien fondés à solliciter eux- mêmes une indemnité d'occupation,

dit que [M], [T] et [O] [U] ont été privés de leur droit de jouissance sur cette résidence secondaire de la [Localité 8] depuis le mois de mai 2014 et jusqu'à la fin du mois d'avril 2020,

dit que Messieurs [A] et [N] [J] ont bénéficié d'un usage exclusif de l'immeuble de la [Localité 8] durant 72 mois,

fixé l'indemnité d'occupation dont Messieurs [A] et [N] [J] sont débiteurs à l'égard de l'indivision formée par eux-mêmes avec [M],[T] et [O] [U], à la somme de 77256 euros, Messieurs [A] et [N] [J] supportant donc, chacun à titre personnel, une indemnité d'occupation de 12876 euros,

Et statuant à nouveau,

- dire que Messieurs [A] et [N] [J] n'ont bénéficié d'aucun usage exclusif de l'immeuble de la [Localité 8] durant 72 mois,

- dire n'y avoir lieu à indemnité d'occupation,

- débouter [M], [T] et [O] [U] de l'intégralité de leur demande concernant le paiement d'une indemnité d'occupation,

- déclarer mal fondés Madame [R] [J] épouse [U] et [M], [T] et [O] [U] en leur appel incident,

- les en débouter,

- faisant droit à son appel incident,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy du 12 février 2021 en ce qu'il a :

dit que [M], [T] et [O] [U] sont recevables et bien fondés à solliciter pour eux- mêmes une indemnité d'occupation,

dit que [M], [T] et [O] [U] ont été privés de leur droit de jouissance sur cette résidence secondaire de la [Localité 8] depuis le mois de mai 2014 et jusqu'à la 'n du mois d'avril 2020,

dit que Messieurs [A] et [N] [J] ont bénéficié d'un usage exclusif de l'immeuble de la [Localité 8] durant 72 mois,

fixé l'indemnité d'occupation dont Messieurs [A] et [N] [J] sont débiteurs à l'égard de l'indivision formée par eux-mêmes avec [M], [T] et [O] [U], à la somme de 77256 euros, Messieurs [A] et [N] [J] supportant donc, chacun à titre personnel, une indemnité d'occupation de 12876 euros,

et statuant à nouveau,

- constater que le caractère exclusif de l'occupation alléguée de l'immeuble de la [Localité 8] n'est pas démontré à son encontre,

- dire qu'une indemnité d'occupation n'a pas lieu d'être mise à sa charge,

- débouter [M], [T] et [O] [U] de l'intégralité de leur demande à son encontre concernant le paiement d'une indemnité d'occupation,

Y ajoutant,

- condamner Madame [R] [J] épouse [U] et [M], [T] et [O] [U] à lui payer la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens de la procédure d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 juin 2022.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 20 juin 2022 et le délibéré au 19 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [N] [J] le 2 mai 2022, par Madame [R] [J] épouse [U], Monsieur [T] [U], Monsieur [M] [U], Madame [O] [U] le 25 novembre 2021 et par Monsieur [A] [J] le 24 février 2022 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 7 juin 2022 ;

* Précisions sur la situation en cause

Si, lorsque Madame [R] [J] épouse [U] a consenti une donation à ses enfants de 'ses droits indivis' sur le bien de la [Localité 8], elle était en réalité co-propriétaire d'une universalité, laquelle comprenait ce bien immobilier sur lequel elle ne détenait pas de droits directs, il n'en reste pas moins que le jugement du 11 février 2015, qui est assorti de l'autorité de la chose jugée, a définitivement arrêté qu'il dépend deux indivisions de la succession, à savoir :

* depuis la donation intervenue le 29 décembre 2012, l'indivision sur le bien de la [Localité 8], dont les indivisaires sont Monsieur [A] [J], Monsieur [N] [J] (un tiers chacun), Monsieur [T] [U], Monsieur [M] [U] et Madame [O] [U] épouse [Y] (un neuvième chacun) ;

* l'indivision portant sur le surplus de la succession dont les indivisaires sont Monsieur [A] [J], Monsieur [N] [J] et Madame [R] [J] épouse [U] (un tiers chacun).

** Sur l'indemnité d'occupation du bien immobilier situé à la [Localité 8]

Vu l'article 815-9 du code civil, dont il ressort que tout indivisaire qui jouit privativement du bien indivis est redevable d'une indemnité,

L'appel principal de Monsieur [N] [J] et l'appel incident de Monsieur [A] [J] ne portent que sur le principe de l'indemnité d'occupation - ceux-ci ne formant aucune contestation relative aux modalités de calcul retenues par le premier juge -, Monsieur [T] [U], Monsieur [M] [U] et Madame [O] [U] épouse [Y] concluant pour leur part à la confirmation des dispositions du jugement.

En l'espèce, Monsieur [T] [U], Monsieur [M] [U] et Madame [O] [U] épouse [Y] exposent avoir été privés de la possibilité de jouir du bien indivis, alors même que la cession faite à leur profit de ses droits par leur mère le 29 décembre 2012 avait été portée à la connaissance des deux autres indivisaires lors de la délivrance de l'assignation les 13 et 17 septembre 2013. La donation et la privation de jouissance ont été abordées à l'occasion de la réunion d'expertise du 12 juin 2015 à laquelle Messieurs [N] et [A] [J] étaient présents, chacun assisté de son avocat (p.79-80 du rapport d'expertise du notaire). Dès lors, les affirmations de Messieurs [N] et [A] [J] selon lesquels leur soeur aurait continué à se comporter en indivisaire - ce qui ne peut se déduire de ses demandes en première instance présentées conjointement avec ses enfants et de l'intervention d'un huissier de justice pour son compte antérieurement à la donation - ne sont pas démontrées.

À l'appui de leurs affirmations selon lesquelles ils ont été privés de toute jouissance sur ce bien, Monsieur [T] [U], Monsieur [M] [U] et Madame [O] [U] épouse [Y] versent :

* le courrier qui a été adressé à Madame [R] [J] épouse [U] le 27 juin 2013 par un conciliateur de justice saisi par Monsieur [N] [J] lequel lui indique à la demande de son frère 'que les coïndivisaires (vous-même et vos deux frères) sont prioritaires et que toute autre occupation doit obtenir l'accord des autres propriétaires',

* le courrier adressé par Monsieur [N] [J] en recommandé à celle-ci daté du 3 juillet 2014 (pièce 8 appelants ; également produit en première instance sous le numéro de pièce 11) lequel lui précise, s'agissant de la maison en cause 'il est inutile que tes enfants essayent d'y venir hors de ta présence, ils seront refoulés. Tu n'as pas l'air d'avoir bien compris la situation. Tes enfants n'ont aucun droit dans cette maison, en particulier d'y venir comme bon leur semble (...). Tu as déjà largement abusé en nous faisant croire que vous vouliez 'profiter' de la Barbigoua. Je t'ai laissé les mois de juillet et début août l'an passé et tu ne t'y es même pas rendue, tes enfants si. À ce propos, nous ne savons toujours pas qui a les clés de cette maison. Je vais devoir prendre des dispositions pour sécuriser l'accès et éviter des visites indésirables' ;

Suite à l'interdiction posée par Monsieur [N] [J], ses neveux et nièce n'ont plus formé de demande pour occuper le bien et Messieurs [N] et [A] [J] ne versent aucune pièce démontrant que les trois autres indivisaires ont profité du bien à une période quelconque jusqu'à sa vente. Certes, seul Monsieur [N] [J] a expressément fait obstacle à la jouissance du bien par ses neveux et nièce, mais son frère Monsieur [A] [J] ne s'est jamais opposé expressément à cette exclusion, y compris après la délivrance de l'assignation et la réunion devant le notaire sus-mentionnée ; n'ayant eu aucune démarche pour permettre aux autres indivisaires de jouir du bien, il a participé à cette situation. Il est ainsi établi qu'à compter du 13 septembre 2013 et alors que la difficulté liée à l'occupation de ce bien avait été soulevée dès les assignations signifiées au même moment, seuls Messieurs [N] et [A] [J] ont continué de profiter de la propriété de la [Localité 8], quand Monsieur [T] [U], Monsieur [M] [U] et Madame [O] [U] épouse [Y] n'y ont plus accédé en raison de l'exclusion subie du fait des autres indivisaires.

C'est à juste titre que le tribunal a ainsi retenu que Messieurs [N] et [A] [J] avaient profité de la jouissance exclusive du bien, même s'ils ne l'occupaient pas à temps complet, et qu'ils étaient donc redevables au profit de l'indivision d'une indemnité d'occupation.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a fait droit à la demande d'indemnité d'occupation, les modalités de fixation de son montant n'étant pas contestées.

*** Sur les donations

Aux termes des dispositions de l'article 843 alinéa 1er du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale ;'le rapport d'une somme d'argent est égal à son montant. Toutefois, si elle a servi à acquérir un bien, le rapport est dû de la valeur de ce bien, dans les conditions prévues à l'article 860 du code civil' précise l'article 861-1 du code civil.

Il est constant que l'article 843 du code civil permet de prévoir des clauses contraires à chacune des présomptions sus énoncées.

Enfin l'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.

- Sur le versement de 100000 francs le 22 janvier 1986

En matière de succession, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse et la demande en cause, qui tend à obtenir un rapport à la succession suite à une donation, ayant pour objet le règlement de la succession, tend aux mêmes fins que les prétentions initiales (civ 1, 25 septembre 2013 n°12-21.280 ; 22 octobre 2014, n°13-24.617) ; il s'ensuit qu'une demande de rapport formée pour la première fois à hauteur d'appel n'est pas irrecevable comme le soutient Monsieur [N] [J].

En outre, il s'avère que Madame [R] [J] épouse [U] n'a pas saisi la cour aux termes du dispositif de ses conclusions d'une demande tendant à la fixation d'un rapport - ce qu'elle avait réclamé devant le premier juge -, elle sollicite uniquement que ses frères justifient de leur titularité sur le compte ouvert à la Caisse d'épargne sous les références 560 000U d'où provient un virement de 100000 francs en date du 22 janvier 1986 destiné à créditer un compte au nom de '[A] et [N] [J]' dont la cause était 'pour leur compte sur prix acquisition' (pièce 47 appelants). Une telle demande aurait été plus utilement présentée devant le conseiller de la mise en état au titre de la communication de pièce, étant ajouté que Madame [R] [J] épouse [U] ne justifie en outre d'aucune démarche à l'égard de la Caisse d'épargne, y compris sur le fondement des articles 138 et 788 du code de procédure civile dans le cadre de la présente instance, pour obtenir l'identité de la personne au nom de laquelle ce compte avait été ouvert.

Néanmoins, bien qu'il soit établi que cette somme a financé de manière certaine l'acquisition immobilière que les deux frères ont réalisée par acte notarié du 22 janvier 1986 au vu des pièces (pièce 47, pièce 3 : acte d'acquisition et comptabilité du notaire), cette demande de communication des justificatifs du titulaire du compte ne présente plus aucune utilité, dans la mesure où Madame [R] [J] épouse [U] avait saisi le tribunal d'une demande de rapport au titre de la somme de 110000 francs qu'elle alléguait avoir été versée par ses parents, soit ces 100000 francs et 10000 francs qui apparaissaient dans la comptabilité du notaire comme provenant du défunt ; le tribunal a statué sur cette demande et y a fait droit à hauteur de 10000 francs, le dispositif précisant expressément ' dit que [C] [J] a versé pour le compte de ses deux enfants Messieurs [A] et [N] [J], lors de l'acquisition par ces derniers, le 22 janvier 1986, d'un immeuble situé à [Localité 10], une somme de 10000 francs et non pas de 100000 francs ; et en conséquence dit que [C] [J] a contribué à hauteur de 4,76 % à cette acquisition ', de telle sorte qu'en l'absence d'appel incident sur ces dispositions, toute demande au titre du rapport de la somme de 100000 francs est désormais irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée par le jugement du 12 février 2021.

Dès lors, il convient de rejeter la demande de communication à ce titre.

- Sur le versement de 300000 francs du 5 février 2001

Il apparaît sur le compte-joint des époux décédés un virement de 300000 francs le 5 février 2001 (soit 45735 euros : 300000/6,55957) au profit de 'Monsieur [J]' (feuillet 4 de la pièce 24 des consorts [J]-[U]), Monsieur [N] [J] ayant procédé à l'acquisition concomitante d'un immeuble. Aucune des parties - toutes y ayant intérêt au regard de leurs positions respectives - ne justifie de diligence vis-à-vis de l'établissement bancaire pour déterminer le compte sur lequel la somme a été virée, puis pour établir l'identité de son ou ses titulaires.

Le fait que le défunt ait, pour réaliser ce virement, clôturé un PEA n'apporte rien sur l'affectation ultérieure des fonds et il ne peut être tiré aucune déduction de l'ouverture de deux nouveaux PEA le 7 février 2001, dans la mesure où les apports prélevés sur le compte-joint ne sont que de 200 francs en tout pour ces deux placements (feuillet 5 du même document).

Etant rappelé que les époux avaient opté pour le régime de la communauté universelle, la déclaration de succession réalisée suite au décès d'[I] [H] épouse [J] survenu le 2 février 2002 mentionne l'existence de placements ouverts aux noms des deux époux, conjointement ou seuls, représentant des économies à hauteur de 33000 euros au total (pièce 13 des consorts [J]-[U]). Il s'évince de cette pièce que le destinataire du virement n'était donc pas le défunt, ni son épouse.

Par acte notarié du 21 février 2001 (pièce 45 des consorts [J]-[U]), Monsieur [N] [J] a fait l'acquisition d'un bien immobilier pour un montant de 1087500 francs (soit 165788,31 euros selon mention portée à l'acte), financé par un prêt de 700000 francs et au moyen de fonds propres pour le surplus, soit 387500 francs. Celui-ci - qui qualifie la situation de simple 'coïncidence' - ne verse aucune pièce pour justifier de l'origine de ces deniers.

Les éléments versés aux débats permettent de retenir que le virement de 300000 francs du compte des défunts a bien bénéficié à Monsieur [N] [J] qui l'a employé pour l'acquisition immobilière réalisée le 21 février 2001.

Il convient en conséquence de constater que Monsieur [N] [J] est tenu de rapporter cette donation.

Ayant été employée pour financer un bien immobilier, la somme à rapporter doit être fixée selon les critères déterminés à l'article 860 du code civil en application de l'article suivant.

La cour ne dispose d'aucune information sur le devenir ou la valeur actuelle du bien ainsi acquis, dès lors, il convient de renvoyer cette question dans le cadre des opérations de liquidation et de partage qui se poursuivent.

*** Sur le recel

Selon l'article 778 du code civil ' l'héritier qui a recélé des biens ou droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés (...) Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir prétendre à aucune part. L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recélés dont il a eu jouissance depuis l'ouverture de la succession'.

La dissimulation volontaire de donations rapportables est constitutive de recel (Civ 1, 4 juin 2009, n°08-15.093).

Il est constant que l'existence du recel relève de l'appréciation souveraine des juges du fond ; il comporte un élément matériel et un élément intentionnel, le premier résultant de la dissimulation ou de la soustraction d'un bien, le second de son caractère intentionnel ayant pour objet de rompre l'égalité du partage, soit qu'il divertisse les effets de la succession en se les appropriant indûment, soit qu'il les recèle en dissimulant sa possession dans les circonstances où légalement il serait tenu de la déclarer. En revanche, contrairement à ce qui est soutenu par les intimés, il n'est nullement nécessaire que la masse successorale soit déterminée pour caractériser l'existence d'un recel.

L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions, aussi il appartient à celui qui invoque le recel de démontrer l'existence de l'élément matériel et de l'élément moral pour être reçu en ses demandes.

Madame [R] [J] épouse [U] forme une demande de condamnation très générale de ses frères pour des donations rapportables non révélées. Dès lors, il convient d'examiner la demande au regard de l'ensemble des donations rapportables mises à la charge de Messieurs [N] et [A] [J] dans le cadre des dispositions non contestées du jugement et des dispositions du présent arrêt.

* Aux termes du présent arrêt, Monsieur [N] [J] est condamné à rapporter la donation de 300000 francs - dont le caractère hors part n'est pas rapporté, étant en outre précisé que la quotité disponible a été calculée à 61578,85 euros dans la succession d'[I] [J] et à 93000 euros pour la succession de [C] [J] et qu'à la suite de la donation hors part de 1982, la quotité disponible était quasi-intégralement absorbée pour la succession de l'épouse et qu'il en subsistait moins de 40000 euros dans la succession de l'époux, rapport d'expertise du notaire p.490-491 - dont il a bénéficié le 5 février 2001, donation dont il a tu, puis nié dans le cadre de la présente procédure, l'existence.

Les éléments matériel et moral du recel sont ainsi établis et il convient en conséquence de dire que Monsieur [N] [J] sera privé de tout droit sur le montant qu'il devra rapporter au titre de cette donation.

* S'agissant des deux donations dans le cadre d'acquisitions immobilières que les deux frères ont été condamnés à rapporter définitivement aux termes du jugement du 12 février 2021 (donation de 10000 francs s'agissant du bien acquis en indivision par eux deux à [Localité 10] en 1986 et donation déguisée au profit du seul Monsieur [N] [J] par l'acquisition puis la vente d'un immeuble sur la commune de la [Localité 18]), il ressort de la procédure :

- que selon procès-verbal de la première réunion du 27 avril 2015 d'expertise devant Maître [S] - signé par l'ensemble des parties - Messieurs [N] et [A] [J] n'ont fait état au titre de l'actif de la communauté d'aucun des rapport dus au titre de ces donations qui n'ont pas été évoquées et qui ne sont pas mentionnées dans l'ébauche d'état liquidatif dressé par le notaire à cette date (p.9 et 75 du rapport du notaire) ;

- que selon procès-verbal de la deuxième réunion du 12 juin 2015, c'est le conseil des consorts [J]-[U] qui a fait état de l'immeuble de la [Localité 18] et que Monsieur [N] [J] a déclaré qu'il n'avait été que 'prête-nom' et n'avait pas perçu les fonds (p.81 du rapport du notaire), étant précisé que Madame [R] [J] épouse [U] avait déjà évoqué l'existence de cette situation comme cela ressort du jugement du 11 février 2015 ;

- que Monsieur [N] [J] contestait les sommes mises à sa charge au titre du rapport (p.491 et 474 du rapport du notaire) alors que le jugement a par la suite définitivement retenu qu'il en avait été le bénéficiaire ;

- que Monsieur [A] [J], dans ses conclusions antérieures au jugement du 11 février 2015, déclarait que sa soeur ' prétend que Monsieur [N] [J] et le concluant auraient bénéficié d'un certain nombre de donations ; que c'est totalement faux '.

Il s'en suit que les deux frères ont été bénéficiaires de donations - dont le caractère hors part n'est pas démontré - dont ils ont tu, puis nié l'existence dans le cadre de la procédure.

Les éléments matériel et moral du recel sont ainsi établis et il convient en conséquence de dire qu'ils seront privés de tout droit sur les montants qu'ils ont individuellement reçus au titre des donations.

* S'agissant de la somme de 7200 euros dont Monsieur [N] [J] a bénéficié aux termes du jugement du 12 février 2021, il résulte des énonciations du jugement que Monsieur [N] [J] contestait que ces sommes lui aient profité et reprochait à sa soeur de ne procéder que par voie d'allégation.

Il s'en suit qu'il a été bénéficiaire de donations - dont le caractère hors part n'est pas démontré - dont il a tu, puis refusé d'admettre l'existence dans le cadre de la procédure.

Les éléments matériel et moral du recel sont ainsi établis et il convient en conséquence de dire que Monsieur [N] [J] sera privé de tout droit sur le montant qu'il devra rapporter au titre de cette donation.

Le jugement sera infirmé sur ces points.

**** Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement de première instance qui a dit que les dépens seraient employés en frais de partage, le premier jugement présentant une utilité bénéficiant à l'ensemble des parties.

Monsieur [N] [J], succombant dans son recours et se voyant condamner sur l'appel incident de sa soeur, est la principale partie perdante. Il convient en conséquence de le condamner aux dépens d'appel.

Messieurs [N] et [A] [J] seront chacun déboutés de leur demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile contre les consorts [J]-[U], qui ne sont pas condamnés aux dépens.

Il y a lieu en revanche, pour les motifs indiqués précédemment, de condamner Monsieur [N] [J] à payer aux consorts [J]-[U] une somme totale qu'il est équitable de fixer à 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 12 février 2021 en ce qu'il a dit que Messieurs [N] et [A] [J] avaient bénéficié de la jouissance exclusive de l'immeuble situé à la [Localité 8] de mai 2014 à avril 2020, qu'ils étaient débiteurs à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation fixée à 77256 euros (soixante-dix-sept mille deux cent cinquante-six euros) et qu'il a statué sur les dépens de première instance ;

L'infirme en ce qu'il a débouté Madame [R] [J] épouse [U] de ses demandes au titre du rapport de la somme au titre du virement de 45731 euros effectué le 5 février 2001 et du recel ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne Monsieur [N] [J] à rapporter à la succession la donation dont il a bénéficié le 5 février 2001 par virement de 300000 francs (trois cent mille francs), rapport dont le montant devra être apprécié par le notaire en charge des opérations de liquidation-partage selon les critères déterminés à l'article 860 du code civil ;

Dit que Monsieur [N] [J] ne pourra prétendre à aucune part, compte-tenu du recel des donations rapportables dont il a bénéficié, sur :

- le montant du rapport de la donation dont il a bénéficié le 5 février 2001 par virement de 300000 francs (trois cents mille francs),

- la somme de 7200 euros (sept mille deux cents euros),

- la somme de 5406 euros (cinq mille quatre cent six euros),

- la somme de 12195,92 euros (douze mille cent quatre-vingt quinze euros et quatre-vingt-douze centimes) ;

Dit que Monsieur [A] [J] ne pourra prétendre à aucune part, compte-tenu du recel de la donation rapportable dont il a bénéficié soit la somme de 5406 euros (cinq mille quatre cent six euros) ;

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande de Madame [R] [J] épouse [U] tendant à 'enjoindre Monsieur [N] [J] et Monsieur [A] [J] de justifier de ce qu'ils étaient bien conjointement ou individuellement titulaires dudit compte bancaire au jour de l'acquisition dudit bien immobilier de [Localité 10] le 22 janvier 1986' ;

Déboute Madame [R] [J] épouse [U] de cette demande ;

Vu l'ordonnance du 26 février 2021,

Renvoie les parties devant Maître [F], notaire à [Localité 16], qui aura pour mission supplémentaire de se faire communiquer les éléments nécessaires et de déterminer une proposition pour le montant du rapport dû par Monsieur [N] [J] au titre de la donation de 300000 francs reçue le 2 février 2001 et employée pour l'acquisition immobilière réalisée par lui le 21 février 2001 ;

Condamne Monsieur [N] [J] aux dépens d'appel ;

Rejette les demandes de Messieurs [N] et [A] [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [N] [J] à payer à Madame [R] [J] épouse [U], Monsieur [T] [U], Monsieur [M] [U], Madame [O] [U] la somme totale de 3000 euros (trois mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur FIRON, Conseiller, faisant office de Président, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : J.-L. FIRON.-

Minute en dix-neuf pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01065
Date de la décision : 19/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-19;21.01065 ?
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