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16/09/2022 | FRANCE | N°21/01752

France | France, Cour d'appel de Nancy, Première présidence, 16 septembre 2022, 21/01752


COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

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N° RG 21/01752 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZYW



Minute : 4/2022

du 04 Novembre 2022





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





A l'audience du 16 Septembre 2022, présidée par Monsieur Marc JEAN-TALON, Premier Président de la Cour d'Appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier et statuant sur la requête

enregistrée au secrétariat de la Première Présidence le 08 Juillet 2021 sous le numéro N° RG 21/01752 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZYW, conformément a...

COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

--------------------------------------

N° RG 21/01752 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZYW

Minute : 4/2022

du 04 Novembre 2022

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

A l'audience du 16 Septembre 2022, présidée par Monsieur Marc JEAN-TALON, Premier Président de la Cour d'Appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier et statuant sur la requête enregistrée au secrétariat de la Première Présidence le 08 Juillet 2021 sous le numéro N° RG 21/01752 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZYW, conformément aux dispositions de l'article 149-2 du Code de Procédure Pénale et formée par :

Monsieur [O] [K]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 3] (Haute-Marne)

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Maître Martine LARRIERE, membre de la SCP LARRIERE, avocat au barreau de LA HAUTE-MARNE, substituée par Maître Romain STARCK, avocat au barreau de NANCY.

L'agent judiciaire de l'État étant représenté par Maître Hélène MASSIN TRACHEZ, membre de la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST, avocat au barreau de NANCY, substituée par Maître Charlotte JACQUENET, avocat au barreau de NANCY.

Le ministère public étant représenté aux débats par Monsieur Philippe RENZI, avocat général près la cour d'appel de NANCY.

Vu la requête déposée le 8 juillet 2021 par Maître [N] [S] au nom de M. [O] [K] et ses conclusions ultérieures notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 14 février 2022 ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'État notifiées par lettre recommandée avec avis de réception les 24 septembre 2021 et 04 mars 2022 ;

Vu les conclusions du procureur général près la cour d'appel de Nancy, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 13 janvier 2022 ;

Vu l'avis de fixation à l'audience du 16 septembre 2022 ;

Vu les articles 149 à 150, R. 26 à R. 40-22 du code de procédure pénale ;

EXPOSE DU LITIGE

M. [O] [K] a été mis en examen le 11 juin 2018 par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nancy des chefs de vols par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt, aggravé par une autre circonstance, tentative de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt, aggravé par une autre circonstance, participation à une association de malfaiteurs, violence sur personne dépositaire de l'autorité publique.

Il a été placé le même jour en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention.

Sa remise en liberté sous contrôle judiciaire est intervenue le 7 avril 2020.

Puis, par jugement du 17 septembre 2020, le tribunal correctionnel de Nancy a prononcé sa relaxe des fins de la poursuite.

Suivant arrêt rendu le 25 janvier 2021, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Nancy a confirmé la décision du tribunal correctionnel s'agissant du renvoi de M. [O] [K] des fins de la poursuite.

Selon requête parvenue au secrétariat de la première présidence le 8 juillet 2021, M. [O] [K] a sollicité l'indemnisation de sa détention provisoire à hauteur des sommes de :

- 43.750 euros au titre de son préjudice matériel (2.000 euros par mois), correspondant à l'impossibilité de tirer un revenu de son activité professionnelle, en effectuant un parallèle avec l'indemnisation forfaitaire accordée à une victime d'accident de la circulation,

- 87.500 euros en réparation de son préjudice moral, représentant 4.000 euros par mois,

- 5.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Aux termes de ses dernières écritures, l'agent judiciaire de l'État ne conteste plus la recevabilité de la requête de M. [O] [K] mais conclut à la réduction à 40.000 euros de la demande au titre du préjudice moral, à la réduction à de plus justes proportions de la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et au rejet de la demande présentée au titre du préjudice matériel en l'absence de justificatifs.

Le procureur général près cette cour a soutenu la position de l'agent judiciaire de l'Etat.

Lors des débats, tenus à l'audience du 16 septembre 2022, les parties ont comparu et maintenu, chacune, la position développée dans leurs écritures.

Le demandeur a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la requête

En application de l'article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

En l'espèce, M. [O] [K] a bénéficié d'une décision de relaxe rendue par la cour d'appel de Nancy le 25 janvier 2021, devenue définitive ainsi qu'en justifie le certificat de non-pourvoi du 28 septembre 2021, a présenté sa requête dans le délai de six mois fixé par l'article 149-2 du code de procédure pénale et n'apparaît pas se trouver dans l'un des cas d'exclusion prévus par l'article 149 précité.

Sa requête est donc recevable.

Sur le bien-fondé de la requête

S'agissant du préjudice moral

Le préjudice moral est évalué en tenant compte en particulier de :

- de la situation personnelle et familiale du requérant,

- de sa situation professionnelle,

- de l'existence ou non d'antécédents judiciaires,

- des conditions de la détention,

- de la durée de la détention.

Il ne peut être tenu compte des circonstances de l'interpellation, sans relation avec le préjudice subi du fait de la détention provisoire, ni des préjudices personnels aux membres de la famille du détenu.

En l'espèce, M. [O] [K], alors âgé de 52 ans, a été placé en détention provisoire du 11 juin 2018 au 7 avril 2020, soit durant 667 jours (1 an, 9 mois et 27 jours).

Il a ainsi nécessairement subi un préjudice moral résultant du choc carcéral ressenti par toute personne brutalement et injustement privée de liberté, et prolongé durant près de 22 mois.

Le placement en détention provisoire d'une personne innocente, encourant une très lourde peine d'emprisonnement, génère nécessairement un choc carcéral, peu important alors le passé pénal et carcéral de la personne détenue. Il ne sera donc pas procédé sur ce fondement à la minoration de l'indemnité allouée.

En revanche, il doit être tenu compte de l'impact élevé causé par la durée de sa détention à M. [K] et par le désarroi de ne pouvoir apporter son aide à son épouse, présentant des difficultés de santé. Si les grèves de la faim alléguées ne sont pas objectivement justifiées, notamment par des mentions portées au dossier de la procédure d'instruction, il est en effet établi par la production du compte rendu d'examen du 27 mars 2020 que M. [K] avait alors avalé un couteau suisse.

En définitive, l'allocation de la somme de 48.000 euros réparera intégralement le préjudice moral subi par M. [O] [K] du fait de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet.

S'agissant du préjudice matériel

M. [K] expose qu'il exerçait la profession de ferrailleur, communique un extrait du répertoire SIRENE mentionnant l'activité depuis le 1er avril 2013 de l'activité de récupération de déchets triés et réclame une indemnité mensuelle forfaitaire compensant l'impossibilité de travailler durant la période de détention.

Le droit à réparation suppose toutefois que soient démontrées la réalité des préjudices invoqués et l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la détention et ces préjudices.

Or M. [K], qui ne communique aucune pièce relative à sa situation patrimoniale antérieure ou à l'exercice de la profession déclarée (contrats, factures, déclarations URSSAF, déclarations de TVA, avis d'imposition sur le revenu ...), ne justifie pas avoir été privé du fait de sa détention de quelconques revenus.

Seule la perte de revenus étant indemnisée, il ne peut par ailleurs lui être alloué d'indemnité forfaitaire.

La demande formée au titre du préjudice matériel sera par conséquent rejetée.

S'agissant des frais non compris dans les dépens

M. [K] réclame à ce titre la somme globale de 5.000 euros correspondant aux frais qu'il a dû engager « compte tenu de la durée de sa détention provisoire injustifiée et des frais générés par sa défense ainsi que par la présente procédure d'indemnisation ».

Il y a lieu de distinguer entre les honoraires de son avocat exposés pour mettre fin à la détention provisoire, qui relèvent en réalité du préjudice matériel, et des frais non compris dans les dépens exposés au cours de la présente procédure, qui sont fondés sur l'article 700 du code de procédure civile.

En ce qui concerne les honoraires d'avocat exposés pour mettre fin à la détention provisoire, seules peuvent être prises en compte les prestations directement liées à la privation de liberté. Il appartient dans ce cadre au requérant d'en justifier par la production de factures ou du compte établi par son défenseur avant tout paiement définitif d'honoraires conformément à l'article 12 du décret 2005-790 du 12 juillet 2005, détaillant les démarches liées à la détention, en particulier les visites à l'établissement pénitentiaire et les diligences mises en 'uvre pour faire cesser la détention dans le cadre des demandes de mise en liberté.

En l'espèce, la demande en remboursement des frais et honoraires versés par M. [O] [K] à son avocat n'est étayée par aucune des 28 pièces communiquées au soutien de sa demande.

La demande de ce chef ne peut donc qu'être rejetée.

S'agissant des frais non compris dans les dépens exposés au cours de la présente procédure, il serait inéquitable que M. [O] [K] en conserve la charge intégrale. En l'absence de tout justificatif plus ample, la somme de 2.000 euros lui sera accordée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Déclarons recevable en la forme la requête de M. [O] [K] ;

Lui allouons, en indemnisation de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet, les sommes de :

48.000 euros, en réparation de son préjudice moral,

2.000 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons le surplus de la demande ;

Rappelons qu'en application de l'article R. 40 du code de procédure pénale, la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.

Laissons les frais à la charge de l'État.

Ainsi fait, jugé et prononcé par Monsieur Marc JEAN-TALON, premier président de la cour d'appel de NANCY, assisté de Madame Céline PAPEGAY, greffier, conformément aux dispositions de l'article 149-1 du code de procédure pénale.

Le greffier Le premier président

Céline PAPEGAY Marc JEAN-TALON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 21/01752
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;21.01752 ?
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