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15/09/2022 | FRANCE | N°21/01843

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 15 septembre 2022, 21/01843


ARRÊT N° /2022

PH



DU 15 SEPTEMBRE 2022



N° RG 21/01843 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZ7E







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

19/00093

30 juin 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2









APPELANT :



Monsieur [S] [B]

[Adresse 4]

[Localité 2

]

Représenté par Me Aude BLANDIN de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012638 du 19/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)







INTIMÉE :



S.A.S. SITEL FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SAS ACTICALL FRANCE pr...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 15 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/01843 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZ7E

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

19/00093

30 juin 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [S] [B]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Aude BLANDIN de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012638 du 19/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY)

INTIMÉE :

S.A.S. SITEL FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA SAS ACTICALL FRANCE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric SEGAUD de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :TRICHOT-BURTE Clara

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 02 Juin 2022 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Anne-Sophie WILLM, conseillère, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Stéphane STANEK et Anne-Sophie WILLM, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 15 Septembre 2022;

Le 15 Septembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [S] [B] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée par la société ACTICALL aux droits de laquelle vient la société SITEL FRANCE, à compter du 1er décembre 2009, en qualité de téléconseiller.

Par courrier du 7 février 2018, M. [S] [B] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 19 février 2018.

Par lettre du 26 février 2018, il a été licencié pour faute grave.

Par requête du 22 février 2019, M. [S] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy aux fins de constatation du caractère verbal et abusif de son licenciement, et de paiement des indemnités subséquentes.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 30 juin 2021, lequel a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [B] n'est pas un licenciement verbal,

- dit que le licenciement pour faute grave de M. [B] est fondé et justifié,

- débouté en conséquence M. [B] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes d'indemnité au titre du préavis,

- débouté M. [B] de sa demande d'indemnité de licenciement,

- débouté en conséquence M. [B] de sa demande de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires entourant la rupture,

- débouté les parties de toute autre demande,

- laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Vu l'appel formé par M. [S] [B] le 19 juillet 2021 ;

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de M. [S] [B] déposées sur le RPVA le 2 mai 2022, et celles de la société SITEL FRANCE déposées sur le RPVA le 4 avril 2022 ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 4 mai 2022 ;

M. [S] [B] demande :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 30 juin 2021 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- de dire et juger qu'il a été licencié oralement,

- de déclarer abusif le licenciement pour faute grave du 26 février 2018,

En conséquence,

- de condamner la société SITEL venant aux droits de la SAS ACTICALL FRANCE à lui verser les sommes suivantes :

. 3 579 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,

. 2 964 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 296 euros au titre des congés payés y afférents,

. 13 500 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société SITEL venant aux droits de la SAS ACTICALL FRANCE à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances brutales entourant la rupture du contrat,

- d'ordonner l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- de condamner également la société SITEL venant aux droits de la SAS ACTICALL France à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner l'employeur aux entiers frais et dépens de la présente instance.

La société SITEL demande :

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- de dire et juger que la faute grave est parfaitement caractérisée,

- de dire et juger que le licenciement notifié le 26 février 2018 est parfaitement fondé et justifié,

En conséquence :

- de débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- de condamner M. [B] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de le condamner aux entiers frais et dépens de la présente Instance.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de M. [S] [B] le 2 mai 2022, et en ce qui concerne la société SITEL FRANCE le 4 avril 2022.

1. Sur le licenciement verbal

M. [S] [B] fait valoir qu'après l'entretien préalable au licenciement du 19 février 2018, il a continué à travailler et ce jusqu'au 23 février 2018 où la direction lui a annoncé qu'il était licencié et qu'il devait restituer son badge d'accès à l'entreprise. Il renvoie sur ce point à l'attestation de M. [U] [Z] produite en pièce N°14, à son courrier à l'employeur du 24 février 2018 (pièce N°3), ainsi qu'au témoignage de M. [L] [O] (pièce N°10). Il soutient en outre qu'en lui reprochant d'être revenu sur son lieu de travail le 28 février 2018, l'employeur reconnaît qu'il était licencié le 23 février 2018. Il considère en conséquence que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société SITEL FRANCE relève que si le salarié avait été licencié verbalement le 23 février 2018, il ne serait pas revenu le 26 février 2018 pour se présenter à son poste. Elle conteste les témoignages de MM. [Z] et [O], disant que le premier, qui a été licencié pour faute grave le 9 mars 2020, a volontairement établi son attestation après son licenciement par esprit de revanche, et que le second ne fait qu'évoquer un entretien auquel il n'était pas présent.

Motivation :

En application de l'article L.1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre le notifiant au salarié. A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le licenciement verbal est nécessairement sans cause réelle et sérieuse. Il ne peut être régularisé par l'envoi postérieur d'une lettre de rupture.

Il appartient à celui qui se prétend licencié verbalement d'en établir l'existence. La volonté de rompre le contrat de travail doit être exprimée sans équivoque. A défaut, la preuve d'un licenciement verbal n'est pas rapportée.

En l'espèce, il est constaté que M. [S] [B] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé le 19 février 2018 selon courrier du 7 février 2018, et que la lettre de licenciement est datée du 26 février 2018.

Il résulte par ailleurs du témoignage de M. [U] [Z], qu'aucun élément de l'employeur ne permet de remettre en cause, que le 23 février 2018, M. [S] [B] lui a indiqué que la directrice des ressources humaines venait de lui annoncer oralement, lors d'un entretien, qu'il était licencié. M. [U] [Z] ajoute que quelques minutes plus tard, le chef de plateau a demandé à M. [S] [B] son badge et son casque, ainsi que de rassembler ses affaires et de quitter les lieux dès que possible.

Dans son attestation, M. [L] [O] indique notamment que le 26 février 2018, il a aperçu M. [S] [B] prendre son poste de travail et que celui-ci lui a annoncé qu'il avait été licencié oralement le vendredi précédent. M. [L] [O] déclare en outre que M. [S] [B] lui a expliqué qu'il n'avait plus de badge pour entrer dans la société car il lui a été pris le vendredi précédent « après lui avoir dit oralement qu'il était licencié ». Il ajoute que le chef de plateau a demandé à M. [S] [B] de le suivre dans son bureau, qu'il a appelé la directrice des ressources humaines, laquelle a demandé au salarié de la rejoindre dans son bureau. M.[O] mentionne également que M. [B] est ensuite venu le prévenir que la directrice des ressources humaines lui avait demandé de quitter la société, « avant d'être escorté vers la sortie ».

Dans son courrier du 24 février 2018 (pièce salarié N°3), M. [S] [B] écrit qu'il « conteste plus que fortement » son licenciement et mentionne que le 23 février, son chef de plateau l'a obligé à rendre son badge d'accès à l'entreprise.

Dans sa réponse au salarié (pièce salarié N°6), la société SITEL FRANCE indique : « comme nous avons pu en échanger ensemble lors de l'entretien préalable du 19 Février 2018, puis concomitamment à la notification de votre licenciement, cette décision a été prise en raison de vos retards' ».

L'employeur ne conteste pas que le salarié a dû remettre son badge d'entrée dans l'entreprise avant la date de la lettre de licenciement, alors qu'il ne faisait pas l'objet d'une mise à pied.

Il résulte en conséquence de ces éléments que la décision de licenciement a été prise avant l'envoi de la lettre de licenciement motivée, l'existence de la rupture se déduisant de la reprise par l'employeur, le jour de l'entretien préalable, du badge d'accès à l'entreprise du salarié.

M. [S] [B] a donc fait l'objet d'un licenciement verbal le 23 février 2018 qui s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, donc abusif.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera dès lors infirmé sur ce point.

2. Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur l'indemnité légale de licenciement

M. [S] [B] sollicite une somme de 3 579 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, calculée sur son ancienneté de 9 ans.

La société SITEL FRANCE ne concluant pas sur ce point, elle sera condamnée à la lui verser, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents

M. [S] [B] réclame un montant de 2 964 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 296 euros au titre des congés payés y afférents.

La société SITEL FRANCE ne concluant pas sur ce point, elle sera condamnée à lui verser ces sommes, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [S] [B] sollicite une somme de 13 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse représentant 9 mois de salaire, faisant valoir qu'il n'a pas retrouvé de travail.

La société SITEL FRANCE constate que M. [S] [B] réclame le plafond maximal du barème légal et qu'il ne rapporte pas la preuve de l'existence et de l'étendue de son préjudice.

Motivation :

En application de l'article 1235-3 du code du travail, si le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise. Lorsque la réintégration est refusée par le salarié ou l'employeur, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux.

En l'espèce, au jour de son licenciement, M. [S] [B] avait 8 ans et 2 mois d'ancienneté.

Il justifie notamment d'une attestation Pôle Emploi en date du 31 mars 2022 qui mentionne qu'il est inscrit en continu sur la liste des demandeurs d'emploi depuis le 5 mars 2018 (pièce salarié N°15), ainsi que de sa situation de santé (pièces N°20 et 21).

A vu de ces éléments, il sera fait droit à la demande de M. [S] [B] et la société SITEL FRANCE sera condamnée à lui payer la somme de 13 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

3. Sur les dommages et intérêts pour circonstances brutales entourant la rupture

M. [S] [B] indique avoir été écarté brutalement et de manière agressive de la société, faisant valoir qu'il a été contraint de rendre son badge avant la notification de son licenciement et renvoyant au témoignage de M. [U] [Z] (pièce N°14).

La société SITEL FRANCE ne conclut pas sur ce point.

Motivation :

Il ressort de l'attestation de M. [U] [Z] qu'après que M. [S] [B] se voit vu annoncer oralement son licenciement, le chef de plateau lui a demandé son badge et son casque « d'un ton froid et agressif » et de rassembler ses affaires et de quitter les lieux dès que possible, M. [Z] ajoutant avoir trouvé le comportement du chef de plateau choquant et avoir eu le sentiment que celui-ci voulait se débarrasser de M. [S] [B] rapidement.

Cet élément, ajouté aux conditions dans lesquelles le licenciement de M. [S] [B] lui a été annoncé, témoigne du caractère vexatoire de la rupture.

L'employeur sera en conséquence condamné à payer à M. [S] [B] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé sur ce point.

4. Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société SITEL FRANCE sera condamnée à payer à M. [S] [B] la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles, et elle sera déboutée de sa demande formée à ce titre.

La société SITEL FRANCE sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 30 juin 2021 en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

STATUANT A NOUVEAU

Dit que M. [S] [B] a été licencié oralement ;

Déclare le licenciement pour faute grave du 26 février 2018 abusif ;

Condamne la société SITEL FRANCE à payer à M. [S] [B] la somme de 3 579 euros (trois mille cinq cent soixante dix neuf euros) à titre d'indemnité légale de licenciement ;

Condamne la société SITEL FRANCE à payer à M. [S] [B] la somme de 2 964 euros (deux mille neuf cent soixante quatre euros) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 296 euros (deux cent quatre vingt seize euros) au titre des congés payés y afférents ;

Condamne la société SITEL FRANCE à payer à M. [S] [B] la somme de 13 500 euros (treize mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société SITEL FRANCE à payer à M. [S] [B] la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour circonstances brutales entourant la rupture du contrat ;

Y AJOUTANT

Condamne la société SITEL FRANCE à payer à M. [S] [B] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SITEL FRANCE aux entiers dépens ;

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en sept pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01843
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;21.01843 ?
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