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15/09/2022 | FRANCE | N°21/01551

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 15 septembre 2022, 21/01551


ARRÊT N° /2022

PH



DU 15 SEPTEMBRE 2022



N° RG 21/01551 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZLR







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

20/00356

19 mai 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2









APPELANTE :



S.A.R.L. COUP2COEUR AMBULANCES prise en la personne de

son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie COURONNE de l'AARPI BDF AVOCATS, avocat au barreau de NANCY





INTIMÉ :



Monsieur [L] [M] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Vincent LOQUET de la SELARL FILOR AVOCATS...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 15 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/01551 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZLR

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

20/00356

19 mai 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.R.L. COUP2COEUR AMBULANCES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie COURONNE de l'AARPI BDF AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉ :

Monsieur [L] [M] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Vincent LOQUET de la SELARL FILOR AVOCATS, substitué par Me Eric SEGAUD, avocats au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :TRICHOT-BURTE Clara

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 02 Juin 2022 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Anne-Sophie WILLM, conseillère, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Stéphane STANEK et Anne-Sophie WILLM, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 15 Septembre 2022;

Le 15 Septembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [L] [M] [I] est entré au sein de la société H24 AMBULANCES à compter du 19 juin 2017, en qualité de co-gérant non associé, non salarié.

A compter du 07 mai 2018, Monsieur [L] [M] [I] est transféré au sein de la société COUP2COEUR AMBULANCES, en qualité de co-gérant non associé, non salarié.

Par décision de l'assemblée générale de la société rendu en date du 07 février 2019, le mandat de Monsieur [L] [M] [I] a été révoqué avec effet immédiat.

Par requête du 14 septembre 2020, Monsieur [L] [M] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins de reconnaissance de sa qualité de salarié au sein de la société COUP2COEUR AMBULANCES, outre la condamnation de celle-ci pour travail dissimulé avec paiement des indemnités afférentes et de dommages et intérêts pour préjudice subi pour manquement à l'obligation de loyauté, ainsi que le paiement de rappels de salaire et d'heures supplémentaires, et le paiement de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 19 mai 2021, lequel a :

- constaté l'existence d'un contrat de travail liant Monsieur [L] [M] [I] et la société COUP2COEUR AMBULANCES concernant la période du 7 mai 2018 au 7 février 2019,

- dit que le litige opposant les parties relève par conséquent de la compétence du conseil, juge du contrat de travail,

- dit que la rupture de la relation s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société COUP2COEUR AMBULANCES à verser à Monsieur [L] [M] [I] les sommes de :

- 10 800 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé,

- 1 800 euros net à titre d'indemnité de préavis,

- 180 euros à titre de congés payés sur préavis,

- 337,50 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 1 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6 500,76 euros nets à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 650,07 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire,

- 1 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Monsieur [L] [M] [I] de sa demande d'indemnisation pour manquement à l'obligation de loyauté de la société COUP2COEUR AMBULANCES,

- débouté la société COUP2COEUR AMBULANCES de sa demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- mis les entiers dépens à la charge de la société COUP2COEUR AMBULANCES.

Vu l'appel formé par la société COUP2COEUR AMBULANCES le 21 juin 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société COUP2COEUR AMBULANCES déposées sur le RPVA le 21 septembre 2021, et celles de Monsieur [L] [M] [I] déposées sur le RPVA le 25 novembre 2021,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 05 mai 2022,

La société COUP2COEUR AMBULANCES demande :

- de dire la société COUP2COEUR AMBULANCES recevable et bien fondée en son appel,

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 19 mai 2021 en ce qu'il a :

- constaté l'existence d'un contrat de travail liant Monsieur [L] [M] [I] et la société COUP2COEUR AMBULANCES concernant la période du 7 mai 2018 au 7 février 2019,

- dit que le litige opposant les parties relève par conséquent de la compétence du conseil, juge du contrat de travail,

- dit que la rupture de la relation s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société COUP2COEUR AMBULANCES à verser à Monsieur [L] [M] [I] les sommes de :

- 10 800 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé,

- 1 800 euros net à titre d'indemnité de préavis,

- 180 euros à titre de congés payés sur préavis,

- 337,5 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 1 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6 500,76 euros nets à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 650,07 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire

- 1 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société COUP2COEUR AMBULANCES de sa demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- mis les entiers dépens à la charge de la société COUP2COEUR AMBULANCES,

Et statuant à nouveau,

- in limine litis, à titre principal,

- de dire qu'il n'existe pas de contrat de travail liant la société COUP2COEUR AMBULANCES à Monsieur [L] [M] [I],

- de déclarer le conseil de prud'hommes de Nancy et la Chambre sociale de la Cour d'appel de Nancy incompétents pour connaître de l'entier litige,

- de renvoyer les parties devant le Tribunal de Commerce de Nancy,

- à titre subsidiaire,

- de débouter Monsieur [L] [M] [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- en tout état de cause,

- de condamner Monsieur [L] [M] [I] à régler à la société COUP2COEUR AMBULANCES la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [L] [M] [I] aux entiers dépens,

- de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nancy du 19 mai 2021 pour le surplus.

Monsieur [L] [M] [I] demande :

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 19 mai 2021 en ce qu'il a :

- constaté l'existence d'un contrat de travail le liant à la société COUP2COEUR AMBULANCES

- dit que le litige opposant les parties relève par conséquent de la compétence du conseil, juge du contrat de travail,

- dit que la rupture de la relation s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société COUP2COEUR AMBULANCES à lui verser 1 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société COUP2COEUR AMBULANCES de sa demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- mis les entiers dépens à la charge de la société COUP2COEUR AMBULANCES

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy du 19 mai 2021 en ce qu'il a :

- limité le montant des condamnations suivantes :

- 10 800 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé,

- 1 800 euros net à titre d'indemnité de préavis,

- 180 euros à titre de congés payés sur préavis,

- 337,5 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 1 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6 500,76 euros nets à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 650,07 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire,

- l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté pour un montant de 5 000 euros nets,

Statuant à nouveau sur ces points,

- de condamner la société COUP2COEUR AMBULANCES à lui verser la somme de 21 359,79euros pour travail dissimulé,

- de condamner la société COUP2COEUR AMBULANCES à lui verser les sommes suivantes :

- 2 918,00 euros net à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 291,8 euros net de congés payés afférents congés,

- 667,48 euros d'indemnité de licenciement,

- 3 559,96 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8 943,81 euros net à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

- 894,38 euros net de congés payés afférents,

- 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté,

Y ajoutant,

- de condamner la société COUP2COEUR AMBULANCES à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

- en tout état de cause,

- de débouter la société COUP2COEUR AMBULANCES de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- d'ordonner à la société COUP2COEUR AMBULANCES de lui remettre ses documents de fin de contrat et l'ensemble de ses fiches de paie.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 21 septembre 2021, et en ce qui concerne le salarié le 25 novembre 2021.

Sur la relation de travail

M. [L] [M] [I] indique que le cumul de gérant minoritaire non associé d'une SARL et de salarié étant possible, le fait qu'il ait disposé de certains pouvoirs ne signifie pas qu'il n'existait aucun contrat de travail.

Il indique qu'il n'avait aucun pouvoir propre et aucune autonomie dans la gérance de l'entreprise ; il ajoute que la signature de chèques, peu nombreux, a été faite sur consigne de M.[E], généralement en cas d'absence de ce dernier.

Il indique enfin que lui et M. [Y] n'étaient pas du tout considérés comme gérants par le comptable de l'entreprise puisque toute demande devait passer d'abord par M. [E].

M. [L] [M] [I] fait valoir que l'équipe d'ambulanciers qu'il formait avec M.[Y] n'avait aucune marge de man'uvre sur leur planning et sur l'organisation de leur travail.

Il souligne que la rédaction des griefs à à l'origine de sa révocation le 07 février 2019 portent sur ses fonctions techniques, et sont révélatrices de son lien de subordination.

La société COUP2COEUR AMBULANCES fait valoir que M. [L] [M] [I] était co-gérant non associé de la société ; il n'a pas exercé de fonctions salariées au sein de la société.

Elle soutient qu'il exerçait bien des fonctions de gérant, indiquant par exemple qu'il a signé des chèques ou des rapports de gérance.

L'appelante explique que le seul document liant les parties est le procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale du 04 mai 2018, par lequel il a accepté les fonctions de co-gérant.

Elle fait valoir qu'il définissait lui-même ses conditions de travail ; qu'il disposait d'une entière liberté pour organiser son emploi du temps et pouvait librement accepter ou refuser le transport d'un patient en fonction de son emploi du temps. La société COUP2COEUR AMBULANCES ajoute qu'en sa qualité de co-gérant, il était très régulièrement amené à gérer les lignes téléphoniques et établir les plannings pour dispatcher les courses.

L'appelante précise produire l'agenda papier de l'entreprise, et souligne que les mentions qui y figurent permettent de se convaincre que chacun des co-gérants gérait librement son emploi du temps en fonction de ses disponibilités sans qu'aucun horaire ne lui soit imposé et disposait d'une autonomie notamment dans la prise de rendez-vous et la répartition des transports.

Motivation

Il résulte des conclusions des parties que M. [L] [M] [I] effectuait des tâches d'ambulancier.

Ces tâches, spécialisées, sont distinctes du mandat social résultant des statuts de la société.

M. [L] [M] [I] renvoie aux pièces suivantes au soutien de sa démonstration d'un lien de subordination :

- pièce 12 « sms de Monsieur [E] à Monsieur [M] [I] »

- pièce 14 attestation de Mme [S]

- pièce 15 : attestation de Mme [A]

- pièce 16 : attestation de Mme [J]

En pièce 12, M. [L] [M] [I] présente une série de message sms du 02 janvier 2019 au 27 janvier 2019, par lesquels il reçoit de son interlocuteur les heures et adresses de prises en charge de patients ; certains messages en réponse saluent « [G] ».

A titre d'exemple, les messages du 08 janvier 2019 sont les suivants :

- 11h23 : « 13h mr [D] [Localité 3] pour chu. Après mr [K]. Après 14h45 mme [B] [Adresse 6] en face de majorelle.

13h00 mme [R] urgences [Localité 5] pour [Localité 3]

Après roussel »

- 13h48 réponse : « On a pris la route il y a 10 min le patient étais pas prêt [K] on sera jamais à 14h15 »

- « Après vous allez en neuro . 15H mmmr [B] [Adresse 6] pour en face de majorelle. [Adresse 6]. Après retour de Mr [D] »

- réponse : « Il est où [D] ' »

- « Chir vasculaire porte 6 [O] [H] »

- 15h46 : « Après [D] retour mme [B] ».

Mme [Z] [S] explique dans son attestation en pièce 14 qu'elle a été embauchée par M. [G] [E], et qu'elle était la seule salariée à effectuer les tâches liées à la facturation et à l'administration des trois sociétés ; elle ne dit rien en ce qui concerne M. [L] [M] [I].

En pièce 15 Mme [N] [A] explique avoir été la secrétaire des sociétés la société COUP2COEUR AMBULANCES, H24 et TIP TOP AMBULANCES de janvier 2017 à juillet 2018 ; qu'elle avait « la gérance de tout l'administratif et la facturation ». Elle évoque le travail des « ambulanciers » sans jamais indiquer leurs noms.

Mme [C] [J] explique avoir « été employée au sein de la société TIP TOP de septembre 2015 à septembre 2019 » ; elle poursuit en indiquant : « j'ai partagé le même lieu de travail que messieurs [Y] [V] et [M] [I] [L], que je considérais comme mes collègues de travail. Les locaux étaient les mêmes car appartenant, comme toutes les sociétés présentes, à la même personne, Mr [W] [F]. J'atteste qu'ils n'avaient de gérant que le statut mais en aucun cas le rôle (') ils avaient comme les autres employés le rôle d'ambulanciers et recevaient leurs planning et tâches par leur régulateur qui était Mr [E] [G] (...) ».

Pour contester tout lien de subordination, la société COUP2COEUR AMBULANCES renvoie à ses pièces suivantes :

- pièce 31 : attestation de M. [X] [E].

S'agissant du co-gérant de la société COUP2COEUR AMBULANCES elle constitue une attestation à soi-même de la part de l'employeur, donc non probante.

- pièce 24 « copie de l'agenda papier de la société COUP2COEUR AMBULANCES du 11 mai 2018 au 08 janvier 2019

- pièces 15 à 23 « extraits de l'agenda tenu sur le logiciel AROBAS ».

Sur la pièce 24, la société COUP2COEUR AMBULANCES met en exergue, pour illustrer que « Monsieur [M] [I] y consignait également ses rendez-vous personnels, preuve qu'il était parfaitement libre d'organiser son emploi du temps comme bon lui semblait » :

- la mention « appeler W pour véhicule » le lundi 16 juillet 2018

- la mention « 16h30 véhicule » le 17 juillet

- la mention « voiture [L] 8h » le 18 juillet

- la mention « coiffeur [L] » le mercredi 25 juillet 2018

- la mention « [L] absent » le mardi 02 octobre 2018

- la mention « [L] appartement 17h30 » le lundi 03 décembre 2018.

Concernant cet agenda, M. [L] [M] [I] estime que la pièce n'est pas probante dans la mesure où il n'est pas possible de déterminer qui, cogérant ou salarié, en a rempli les pages, eu égard aux différentes écritures qui y figurent.

Seule la mention « coiffeur [L] » peut laisser supposer que M. [L] [M] [I] avait prévu un rendez-vous personnel pendant ses heures de travail ; les autres mentions ne démontrent rien : celles relatives aux voitures soit ne désignent pas M. [L] [M] [I], soit peuvent s'interpréter comme désignant celui qui doit prendre en compte le véhicule pour le travail ; « [L] absent » peut être relatif à un jour de congé, la société COUP2COEUR AMBULANCES ne démontrant pas qu'il ne s'agirait pas d'un jour de congé avalisé par l'entreprise ; enfin la mention « [L] appartement 17h30 » est équivoque.

Sur les pièces 15 à 23, la société COUP2COEUR AMBULANCES demande à la cour de relever que « Monsieur [M] [I] a fait le choix de ne pas travailler pendant toute la période de Noël, du 15 au 30 décembre 2018, et que pour ce faire il n'a bien entendu eu à solliciter l'autorisation de quiconque ».

M. [L] [M] [I] explique que ces congés correspondent à des vacances autorisées par l'entreprise.

A défaut de démonstration par la société COUP2COEUR AMBULANCES de ce que ces congés auraient été pris d'initiative par M. [L] [M] [I], les pièces invoquées n'établissent pas l'autonomie, de la part de l'intimé, invoquée par l'appelante.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le lien de subordination est suffisamment établi par les pièces 12 et 15 de M. [L] [M] [I], qui témoignent de ce que M. [L] [M] [I], dans le cadre de ses fonctions d'ambulancier, recevait ses ordres, pour l'exécution de ses missions de transport de malades, de M. [X] [E], gérant de la société.

La teneur des sms en pièce 12 ne présentent aucune équivoque quant à la position d'exécutant de M. [L] [M] [I].

Sur les demandes consécutives à la rupture de la relation de travail

M. [L] [M] [I] sollicite la condamnation de la société COUP2COEUR AMBULANCES au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, et d'une indemnité compensatrice de congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement, et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il fait valoir que « la révocation du prétendu mandat cache en réalité une situation de rupture abusive du contrat de travail » et que « De plus, sur les cinq griefs dans le rapport de gérance pour l'assemblée générale du 7 février 2019 : deux ne sont pas datés ni étayés d'éléments de preuve ; un est prescrit ; les deux derniers ne sont pas suffisamment graves pour justifier une révocation de mandat ou un licenciement pour faute ».

Il ajoute avoir « subi un préjudice important ».

La société COUP2COEUR AMBULANCES fait valoir qu' « il n'existe aucun contrat de travail ; et par conséquent, Monsieur [M] [I] a perçu sa rémunération au titre du mandat de gérant. Pour les besoins de la démonstration, il sera précisé que Monsieur [M] [I] est resté 9 mois au sein de la société COUP2COEUR AMBULANCES. Les sommes sollicitées ne sont pas sérieuses, d'autant qu'il ne justifie absolument pas de sa situation. »

Motivation

Au terme du développement précédent, il est établi qu'une relation de travail a existé entre la société COUP2COEUR AMBULANCES et M. [L] [M] [I], ce dernier exerçant dans ce cadre des fonctions d'ambulancier.

Il résulte des conclusions des parties que la rupture de cette relation de travail est intervenue sans lettre de licenciement ; à défaut de griefs au soutien de la rupture du contrat de travail, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En application des articles L1234-5, L1234-9, et L1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement, et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A défaut de contestation à titre subsidiaire par la société COUP2COEUR AMBULANCES des sommes réclamées au titre de l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement, il sera fait droit aux demandes à ces titres.

Aux termes des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans les tableaux intégrés à l'article, dont le second concerne les entreprises employant habituellement moins de 11 salariés.

L'article L1235-3 précité fixe, pour les entreprises de plus au moins 11 salariés, le montant maximum de l'indemnité à 1 mois de salaire, et ne fixe pas de minimum.

La société COUP2COEUR AMBULANCES ne discute pas la somme de 2918 euros réclamée à titre d'indemnité de préavis, dont le salarié précise qu'elle correspond à un mois de salaire.

L'ancienneté de M. [L] [M] [I] dans l'entreprise est de 9 mois ; il ne justifie pas de sa situation ; dans ces conditions, il sera débouté de sa demande.

Sur la demande au titre d'heures supplémentaires

M. [L] [M] [I] renvoie, au soutien de sa demande, à ses pièces 7 et 8, soit ses feuilles de route pour 2017 et 2018 ; il détaille par ailleurs le chiffrage de ce qu'il réclame, en pages 35 à 37 de ses conclusions, en indiquant notamment par semaine le volume de travail qu'il dit avoir accompli, et la ventilation des heures supplémentaires en heures à 25 % et en heures à 50 %.

La société COUP2COEUR AMBULANCES souligne que M. [L] [M] [I] se base sur une relation contractuelle de juin 2017 à février 2019, alors que son mandat de co-gérant a couru du 04 mai 2018 au 07 février 2019 ; elle estime qu'il ne peut réclamer de prétendues heures pour la période à laquelle il n'était pas au sein de la société.

Elle renvoie à ses pièces 15 à 23 précitées pour affirmer que M. [L] [M] [I] n'a jamais effectué 320 heures par mois, et fait valoir que si l'intimé devait se voir reconnaître un statut salarié, il devrait alors être fait application des modes de décompte du temps de travail spécifique aux ambulanciers.

Motivation

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu' 'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction '.

Il ressort de cette règle que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties mais que le salarié doit appuyer sa demande en paiement d'heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Il résulte des conclusions des parties que les fonctions de M. [L] [M] [I] au sein de la société COUP2COEUR AMBULANCES ont commencé le 07 mai 2018, et ont pris fin le 07 février 2019.

M. [L] [M] [I] ne soutient pas avoir été salarié de la société COUP2COEUR AMBULANCES sur une autre période ; dès lors sa réclamation ne peut porter que sur celle-ci.

Sur cette période, M. [L] [M] [I] ne produit que des feuilles de route du 13 mai 2018, du 30 mai 2018 et celles du 02 novembre 2018 au 30 novembre 2018.

Il ne donne par ailleurs aucune indication sur ses heures de travail quotidiennes, ses tableaux en pages 35 et suivantes de ses conclusions ne palliant pas ce manque, en ce qu'ils ne présentent que des volumes horaires globaux par semaine.

Ces éléments, trop partiels, ne sont pas suffisants pour permettre à l'employeur de répondre à la demande, dont M. [L] [M] [I] sera donc débouté.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

M. [L] [M] [I] fait valoir que son statut de co-gérant non salarié, non associé, était fictif, et qu'il travaillait en réalité au sein de la société en qualité d'ambulancier.

La société COUP2COEUR AMBULANCES fait valoir qu'il n'existe pas de contrat de travail, et que les premiers juges n'ont pas caractérisé l'élément intentionnel.

Elle ajoute que « les calculs sont injustifiés (2496,33 euros nets x 6 x 1,42 = 3544,78 euros x 6) » sans plus d'explications.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

L'article L8223-1 du même code dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L.8221-5, 1°, du code du travail dispose qu'est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L1221-10 relatif à la déclaration préalable à l'embauche.

En l'espèce, il résulte des développements qui précèdent que M. [L] [M] [I] a été employé par la société COUP2COEUR AMBULANCES en qualité d'ambulancier, dans le cadre d'une relation de travail, sans avoir fait l'objet d'une déclaration d'embauche.

Le caractère intentionnel découle notamment de la durée de l'emploi à cette fonction, pendant 9 mois.

Le calcul effectué par M. [L] [M] [I] se base sur le salaire qui a fondé sa demande d'indemnité de préavis, qu'il affecte, sans explications, d'un coefficient de 1,22  ; le calcul opposé par la société COUP2COEUR AMBULANCES est, à défaut d'explications fournies, non justifié.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de M. [L] [M] [I] à hauteur de 17 508 euros (2918 euros x 6 mois).

Sur la demande au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail

M. [L] [M] [I] réclame à ce titre 5000 euros de dommages et intérêts, pour les motifs suivants : non-respect des repos hebdomadaires, dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail, absence de majoration des heures supplémentaires, le risque encouru au niveau de sa santé, perte de chance de bénéficier des avantages et de la protection du salariat.

La société COUP2COEUR AMBULANCES s'oppose à la demande, en faisant valoir que l'intimé ne démontre pas les arguments qu'il avance, et ne démontre pas l'existence d'un préjudice.

Motivation

Il résulte des développements qui précèdent que M. [L] [M] [I] a travaillé au sein de la société COUP2COEUR AMBULANCES sans avoir le statut de salarié pendant la relation de travail, ce qui l'a privé et le prive des avantages du salariat, et notamment l'indemnisation au titre du chômage.

La demande au titre des heures supplémentaires n'étant pas accueillie, le grief relatif aux repos hebdomadaires et au dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail, et ainsi le grief relatif au risque encouru pour la santé du salarié, ne sont pas établis.

Compte tenu de ces éléments, il sera fait droit à la demande à ce titre à hauteur de 1000 euros.

Sur la demande relative aux documents de fin de contrat et aux bulletins de paie

En application des articles L1121-16 et L1234-19 du Code du travail, il sera fait droit à la demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, la société COUP2COEUR AMBULANCES sera condamnée aux dépens ; elle sera également condamnée à payer à M. [L] [M] [I] 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement du conseil des prud'hommes de Nancy rendu le 19 mai 2021 en ce qu'il a :

- constaté l'existence d'un contrat de travail liant Monsieur [L] [M] [I] et la société COUP2COEUR AMBULANCES concernant la période du 7 mai 2018 au 7 février 2019,

- dit que le litige opposant les parties relève par conséquent de la compétence du conseil, juge du contrat de travail,

- dit que la rupture de la relation s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société COUP2COEUR AMBULANCES à verser à Monsieur [L] [M] [I] 1 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société COUP2COEUR AMBULANCES de sa demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- mis les entiers dépens à la charge de la société COUP2COEUR AMBULANCES ;

L'infirme pour le surplus ;

statuant à nouveau dans ces limites,

Condamne la société COUP2COEUR AMBULANCES à payer à M. [L] [M] [I] :

- 2 918 euros (deux mille neuf cent dix huit euros) à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 291,80 euros (deux cent quatre vingt onze euros et quatre vingt centimes) à titre d'indemnité de congés payés y afférents

- 667,48 euros (six cent soixante sept euros et quarante huit centimes) à titre d'indemnité de licenciement

- 17 508 euros (dix sept mille cinq cent huit euros) à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

- 1000 euros (mille euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

y ajoutant,

Condamne la société COUP2COEUR AMBULANCES à remettre à M. [L] [M] [I] les documents de fin de contrat et les bulletins de salaire correspondant à la relation de travail ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société COUP2COEUR AMBULANCES à payer à M. [L] [M] [I] 2000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société COUP2COEUR AMBULANCES aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en treize pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01551
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;21.01551 ?
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