La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2022 | FRANCE | N°21/00235

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 15 septembre 2022, 21/00235


ARRÊT N° /2022

PH



DU 15 SEPTEMBRE 2022



N° RG 21/00235 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EWRP







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGWY

19/00098

21 décembre 2020











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2









APPELANT :



Monsieur [P] [U]

[Adresse 1]

[Adres

se 1]

Représenté par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY







INTIMÉE :



S.A.R.L. RC DISTRI A L'ENSEIGNE CARREFOUR CONTACT prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Laurence ANTRIG de la...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 15 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/00235 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EWRP

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGWY

19/00098

21 décembre 2020

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [P] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.A.R.L. RC DISTRI A L'ENSEIGNE CARREFOUR CONTACT prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Laurence ANTRIG de la SCP LE ROY DE LA CHOHINIERE - ANTRIG, avocat au barreau de NANCY, substitué par Me Gizem GUZEL, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : WILLM Anne-Sophie,

Greffier lors des débats :TRICHOT-BURTE Clara

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 02 Juin 2022 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Anne-Sophie WILLM, conseillère, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Stéphane STANEK et Anne-Sophie WILLM, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 15 Septembre 2022 ;

Le 15 Septembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [P] [U] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée par la société RC DISTRI exploitante de l'enseigne CARREFOUR CONTACT à compter du 16 avril 2018, en qualité de boucher, agent de maîtrise.

En date du 3 septembre 2018, M. [P] [U] a eu un accident du travail à la suite duquel il a été placé en arrêt de travail de manière ininterrompue.

Par courrier du 13 septembre 2018, M. [P] [U] s'est vu notifier un avertissement qu'il a contesté auprès de son employeur par courrier du 18 septembre 2018.

Par requête du 5 août 2019, M. [P] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Longwy aux fins d'annulation de l'avertissement notifié le 13 septembre 2019, outre le paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour le préjudice subi, ainsi que le paiement d'un rappel de salaire relatif à des heures supplémentaires, d'une indemnité de congés payés et de repos compensateur.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Longwy rendu le 21 décembre 2020, lequel :

- a rejeté la demande formée par M. [P] [U] tendant à voir annuler l'avertissement qui lui a été délivré le 13 septembre 2019,

- a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour préjudice suite à avertissement,

- a rejeté la demande relative à l'exécution déloyale du contrat de travail, ainsi que des dommages et intérêts afférents,

- l'a débouté de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, congés payés et repos compensatoires afférents,

- l'a débouté de ses plus amples demandes,

- a débouté la société RC DISTRI à l'enseigne CARREFOUR CONTACT, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande reconventionnelle fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [P] [U] aux éventuels frais de dépens de l'instance.

Vu l'appel formé par M. [P] [U] le 27 janvier 2021 ;

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de M. [P] [U] déposées sur le RPVA le 11 janvier 2022 et sa note déposée sur le RPVA le 30 mai 2022, ainsi que les conclusions de la société RC DISTRI déposées sur le RPVA le 27 décembre 2021 ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 février 2022 ;

Vu l'arrêt avant-dire-droit de la chambre sociale de la cour d'appel de céans rendu le 5 mai 2022, lequel a :

- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes,

- ordonné la réouverture des débats,

- invité M. [P] [U] à produire le rapport d'expertise graphologique dans son entier, en ce compris la partie conclusion et, en original, les pièces Q1 à Q3 visées par l'expert dans son rapport,

- invité la société RC DISTRI à produire, si elles lui ont été restituées, les feuilles de présence, en original, qu'elle verse en copies en pièces 25,

- renvoyé à l'audience de plaidoirie du 2 juin 2022 à 9h30,

- réservé les dépens ;

M. [P] [U] demande :

- de dire et juger son appel recevable et bien fondé,

- de recevoir ses moyens de fait et de droit,

En conséquence :

- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Longwy en date du 21 décembre 2020 en ce qu'il a :

- rejeté sa demande tendant à voir annuler l'avertissement qui lui a été délivré le 13 septembre  2019,

- rejeté sa demande de dommages et intérêts pour préjudice suite à l'avertissement,

- rejeté la demande relative à l'exécution déloyale du contrat de travail, ainsi que des dommages et intérêts afférents,

- l'a débouté de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, congés payés et repos compensatoires afférents,

- l'a débouté du surplus de ses demandes,

- l'a condamné aux éventuels frais de dépens de l'instance,

Statuant à nouveau,

- dire sa demande recevable et bien fondée,

En conséquence,

- annuler l'avertissement notifié par courrier daté du 13 septembre 2019,

- condamner la SARL RC DISTRI à l'enseigne CARREFOUR CONTACT à lui payer :

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail

. 2 730 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'illégalité de l'avertissement

. 13 052,1 euros bruts à titre de rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires

. 1 305,21 euros bruts au titre des congés payés afférents

. 6 039,9 euros au titre de l'indemnité compensatrice pour le repos compensateur

- condamner la SARL RC DISTRI à l'enseigne CARREFOUR CONTACT à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance,

- condamner la SARL RC DISTRI à l'enseigne CARREFOUR CONTACT à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL RC DISTRI à l'enseigne CARREFOUR CONTACT aux entiers frais et dépens.

La société RC DISTRI demande de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en date du 21 décembre 2020,

- déclarer M. [U] irrecevable en ses demandes et à tout le moins mal fondé,

- dire et juger que M. [U] est défaillant dans la charge de la preuve qui lui incombe,

- dire et juger que M. [U] ne justifie pas d'un travail commandé par l'employeur,

- dire et juger que M. [U] a été rempli de ses droits de nature salariale,

- dire et juger que M. [U] ne justifie pas de ses demandes indemnitaires,

- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [U] à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de M. [P] [U] le 11 janvier 2022 et le 30 mai 2022, et en ce qui concerne la société RC DISTRI le 27 décembre 2021.

1. Sur la demande d'annulation de l'avertissement et de dommages et intérêts

Par courrier du 13 septembre 2018, un avertissement a été notifié par l'employeur à M.[P] [U] dans les termes suivants (pièce employeur N°4) :

« Par ce courrier nous vous faisons part de notre mécontentement vis-à-vis de votre travail.

Le Samedi 1er Septembre 2018, suite à un passage dans le rayon traditionnel dans l'après midi, nous avons retrouvé :

- Un rayon complètement désorganisé et en totale inadéquation avec un esprit de vente. Les produits n'étaient pas attrayant et le rayon n'était pas assez rempli alors que la marchandise se trouvait dans les réfrigérateurs de la réserve. Nous avons retrouvé des morceaux de viande noire, les escalopes de dinde n'étaient pas coupées, beaucoup de prix étaient manquants alors que tous les jours sans exceptions nous vous le rappelons.

- Le laboratoire était dans un état de saleté avancée. Les machines étaient mal ou non lavées, le sol était sale. Nous avons retrouvé des morceaux de viande sur le sol et sous les machines ainsi que sur les murs ! La grille du tout à l'égout n'était pas nettoyée ni vidée depuis plusieurs jours au vu de l'état de remplissage de celle-ci.

De plus, nous vous avons demandé de gérer au mieux vos commandes, afin d'optimiser les ventes et limiter les pertes, pour garantir la trésorerie du magasin.

Or, le mardi 04 septembre 2018 au matin, nous avons été livrés d'une commande passée le lundi 03 septembre 2018 d'un montant de 1 900 euros ttc d'achat sur de la viande, soit l'équivalent de 3 230 euros ttc de vente soit environ 6 jours et demi de vente.

Cette procédure est interdite dans le magasin car les commandes de marchandises fraiches peuvent être réalisées quotidiennement. Cela permet d'avoir des commandes au plus juste et de limiter les pertes.

Ce qui a été convenue comme ceci depuis le début. Jamais nous n'avions commandé 1 demi Carcasse en B'uf, 1 demi Veau, 1 agneau entier, 2 demi Porc avec tête'en une seule commande vue les ventes actuel.

Lors de l'ouverture le mardi 04 septembre 2018 au matin, nous avions trié le stock du frigo et nous avions jeté de nombreuses pièces de viandes du à vos commandes trop importantes et une mauvaise rotation et gestion de votre frigo sur lequel vous êtes responsable.

« Morceaux à escalope, 4 cotes de b'uf marinées, poitrine de porc entière, tranche de gigot, échines de porc entière, pilon et cuisse de poulet périmé, cotes de porc marinée (date et couleur incertaine), pièce de veau (env. 4kg), 1 plat de steak achées coupé d'avance (viande noir), cuisse de poulet farcie, des légumes en états de pourriture, de la farce grisâtre, des préparation marinée devenant noir avec de forte odeur'ainsi que de nombreuses préparations et carton trainant dans la chambre de stockage, ci-joint des photos.

Un tel comportement est inadmissible !

En qualité de Chef Boucher, vous êtes responsable de la bonne tenue et de la bonne gestion de votre rayon. Votre délégation de pouvoir met en exergue votre responsabilité quant à la tenue du rayon boucherie. A ce titre vous êtes prié de bien vouloir effectuer correctement les missions qui vous incombent dans le respect des règles d'hygiène et de sécurité alimentaire fondamentales dans l'exercice de vos fonctions.

De telles pratiques peuvent avoir de graves conséquences sur la santé de nos clients. C'est également le sérieux et la réputation du magasin qui est en jeu.

A l'avenir, nous attendons donc de vous une plus grande rigueur dans la tenue de vos fonctions et nous espérons que cela ne se reproduise plus.

En conséquence, ces faits constitutifs d'une faute professionnelle, nous amènent à vous notifier un avertissement, qui sera versé à votre dossier personnel ».

M. [P] [U] conteste le défaut de nettoyage des machines et le non-respect des procédures reproché. Il soutient que l'employeur se contredit lorsqu'il indique d'une part qu'il n'a jamais été nécessaire de générer du stock et qu'il lui attribue d'autre part la responsabilité des stocks. Il fait en outre valoir que la preuve de sa commande représentant l'équivalent de 6 jours et demi de vente n'est pas rapportée et mentionne qu'aucune procédure de commande ne lui a jamais été remise, expliquant avoir effectué une commande plus importante que d'ordinaire en raison d'une fête du village qui devait bloquer tous les accès de la commune. Il fait valoir que la preuve du risque financier et sanitaire qui lui est reproché de faire courir à la société n'est pas rapportée. Il sollicite en conséquence l'annulation de la sanction et une somme de 2 730 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi.

En défense, la société RC DISTRI relève que le courrier d'avertissement notifié au salarié intègre des photos justifiant les faits reprochés. Elle soutient qu'au vu des qualifications, de l'expérience au poste de boucher et du contrat de travail, le salarié se devait de commander selon les besoins du magasin et faire respecter l'hygiène. Elle observe qu'en cas de contrôle par les services compétents, des amendes auraient pu être prises à son encontre et que son dirigeant aurait pu être mis en cause pénalement.

Motivation :

Aux termes de l'article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Selon les articles L.1333-1 et L.1333-2 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, il ressort du contrat de travail de M. [P] [U] que celui-ci, en sa qualité de boucher, avait notamment pour attributions la gestion des rayons (achats ' affichage des prix et des provenances 'législations diverses : poids et mesures, fraude, service d'hygiène, détermination des marges'), l'aspect commercial et le respect des prescriptions « en matière d'hygiène, de sécurité et de propreté (port de gants, tablier, calot / nettoyage du rayon, du laboratoire, des outils / vérification des DLC) » (pièce salarié N°1).

L'annexe 1 du contrat de travail précise, sous le paragraphe « activités commerciales », qu'il incombe au salarié le nettoyage du laboratoire, la responsabilité de l'entreposage, des stocks et de la rotation des marchandises, de l'enlèvement des suifs, et sous le chapitre « activité technique », il est mentionné que le salarié doit contrôler l'entretien du matériel et des locaux ainsi que le contenu et la propreté de la chambre.

A ce titre, il est constaté que M. [P] [U] confirme, dans ses conclusions, qu'il avait à gérer les stocks des marchandises et procéder à l'entretien du matériel conformément à sa fiche de poste (conclusions salarié page 10/27).

S'agissant des faits reprochés au courrier du 13 septembre 2018, il est remarqué que se trouvent incluses dans la lettre des photographies illustrant les constatations relevées et énoncées par l'employeur et qui sont relatives aux produits découverts dans le frigo (pièce employeur N°4).

Aussi, rien au dossier du salarié ne permet de remettre ces photographies en cause.

Il résulte de ces éléments que la matérialité des griefs reprochés à M. [P] [U] relatifs à la gestion du rayon et son aspect commercial, ainsi qu'au respect des conditions d'hygiène et de propreté sont établis, et ils sont suffisamment graves pour justifier l'avertissement prononcé le 13 septembre 2018, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs contenus dans la lettre.

M. [P] [U] sera en conséquence débouté de sa demande d'annulation de l'avertissement du 13 septembre 2018 ainsi que sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

2. Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de congés payés y afférents

M. [P] [U] indique avoir réalisé un tableau récapitulatif de ses heures effectuées à la semaine, renvoyant à ce titre à sa pièce N°11. Il précise que sur la base de ce document, il dressé un tableau permettant de chiffrer sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, se référant à ses pièces N°12, 3 et 25. Il fait valoir qu'il a travaillé à de nombreuses reprises le dimanche, contestant à cet effet les déclarations du gérant du magasin quant à l'organisation du travail et aux horaires de travail. Il explique qu'en dehors des heures d'ouverture du rayon, il devait prendre en charge la gestion du stock des marchandises, l'entretien du matériel et des locaux, conformément à sa fiche de poste, et qu'il s'occupait de toutes les découpes de viande. Il ajoute qu'étant le seul boucher, ces taches ne pouvaient être réalisées que l'après-midi puisque le matin il servait les clients, et qu'au regard de sa charge de travail, il ne pouvait pas prendre de pauses. Il conteste avoir signé les décomptes hebdomadaires produits par l'employeur qu'il qualifie de faux, se référant à un rapport graphologique versé en pièces N°28 et 1 de sa note.

La société RC DISTRI conteste les tableaux établis par le salarié en rappelant que le temps de travail contractuel était fixé à 42 heures de travail effectif et en expliquant qu'ils ne sont pas conformes aux états de présence signés. S'agissant du rapport graphologique, elle observe que le salarié avait une signature changeante. Elle indique qu'en pratique, les plannings sont affichés, avec un délai de prévenance minimum de 15 jours, et chaque salarié est responsable de les signer en y ajoutant ses éventuelles heures supplémentaires. Elle fait valoir que M. [P] [U] n'établit pas avoir obtenu son accord pour effectuer des heures supplémentaires ou que celles-ci auraient été rendues nécessaires, rappelant que le rayon est fermé le dimanche ainsi qu'en semaine de 13 à 15 heures, et que l'après-midi, la vente est assurée par une vendeuse. Elle précise que les livraisons sont généralement faites le matin entre 8 et 11 heures, et que les commandes sont généralement passées sur la plage de travail du matin pour une livraison le lendemain. Elle explique que le magasin travaillait peu de carcasses car tout était en prêt à découper, et que le rayon boucherie réalisait en moyenne une faible activité. Elle ajoute que pour tous les salariés du magasin, elle contrôle les heures de travail qui sont notées, qu'il y ait ou non la signature des salariés concernés, renvoyant à ses pièces 11 et 25 et à la pièce salarié N°12. Elle mentionne également que sur la période concernée, il n'y a eu ni surcroit d'activité, ni d'absences de la collègue de M. [U]. Elle conteste les propos du salarié selon lesquels il ne bénéficiait pas de temps de pauses, et explique que les contrats de remplacement qui ont été conclus pendant la période d'absence du salarié ont tous été passés pour un temps de travail de 42 ou de 39 heures, et qu'aucune heure supplémentaire n'a été effectuée.

Motivation :

Selon l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

 

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [P] [U] présente, en pièce N°12, sous forme de tableaux récapitulatifs, des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires de travail qu'il prétend avoir accomplies pour la période comprise entre les semaines 16 et 36 de l'année 2018.

Ils permettent à la société RC DISTRI d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, étant rappelé qu'en tant qu'employeur elle a l'obligation de mettre en place un système permettant de comptabiliser les heures de travail accomplies par chacun de ses salariés.

La société RC DISTRI verse :

- le témoignage de Mme [E] [O], employée, qui déclare que les affirmations de M. [P] [U] concernant ses horaires de travail sont inexactes, celui-ci arrivant « plus tard », soit à 7h, 7h30 ou 8h certains jours (pièce N°14),

- un état de présence des salariés pour les mois d'avril à octobre 2018 (pièce N°11),

- les originaux des plannings pour les semaines 16 à 36 de l'année 2018 sur lesquels figurent des paraphes présents à la case « signature » de M. [P] [U] les semaines 22, 23, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32 et 33 (pièce N°25), le salarié contestant en être l'auteur.

A ce sujet, il résulte du rapport d'expertise en écriture produit par M. [P] [U] que les signatures apposées sur les fiches de planning sont des faux par imitation grossière de la signature authentique de M. [P] [U]. Selon l'expert, « la juxtaposition des signatures contestées (') et des éléments graphiques mis à notre disposition (') nous permet d'observer des discordances scripturales fondamentales de caractéristiques générales et de formes. Monsieur [U] [P] est à mettre formellement hors de cause, il n'est pas l'auteur des diverses signatures ('). Ces paraphes sont manifestement des faux ».

L'employeur, qui ne produit aucun autre élément relatif au décompte des heures de travail du salarié, devra en conséquence verser à M. [P] [U] les sommes de 13 052,10 euros à titre de rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires, et de 1 305,21 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point.

3. Sur le repos compensateur

M. [P] [U] se fonde sur les dispositions conventionnelles pour solliciter le bénéfice d'un repos compensateur pour les 559,25 heures dépassant le contingent.

La société RC DISTRI ne conclut pas sur ce point.

Motivation :

Compte-tenu du nombre d'heures supplémentaires accomplies par le salarié, la société RC DISTRI devra lui verser la somme de 6 039,90 euros au titre du repos compensateur.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point.

4. Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail

M. [P] [U] fait valoir qu'il n'a jamais bénéficié d'une visite médicale d'embauche, que l'employeur n'a pas respecté son droit au repos, qu'un système de vidéo surveillance a été mis en place, qu'il a dénoncé vainement à plusieurs reprises la souffrance subie au travail, qu'il a sollicité la copie de son dossier personnel sans réaction de l'employeur, et qu'il était isolé de ses collègues de travail. Il considère que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité et a tout le moins manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail.

La société RC DISTRI rétorque n'avoir pas été défaillante dans la réalisation des visites médicales, expliquant avoir organisé la visite de reprise du salarié au terme de son absence et qu'en tous les cas, la visite du nouvel embauché n'était pas requise dans la mesure où M. [P] [U] était également boucher dans son précédent emploi. Elle fait valoir que les relations de travail étaient conviviales et que le comportement du salarié était loin d'être exemplaire.

Motivation :

La constante violation de ses obligations en matière de durée du temps de travail par l'employeur constitue un manquement à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail.

La société RC DISTRI ne contestant pas, à titre subsidiaire, le quantum de la somme demandée par le salarié, au vu de ces éléments, elle sera condamnée à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point.

5. Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

M. [P] [U] sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

M. [P] [U] et la société RC DISTRI seront déboutés de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles d'appel.

La société RC DISTRI sera condamnée aux dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Longwy en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il :

- rejette la demande relative à l'exécution déloyale du contrat de travail ainsi que des dommages et intérêts y afférents,

- déboute M. [P] [U] de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, congés payés et repos compensateur ;

STATUANT A NOUVEAU des chefs infirmés

Condamne la société RC DISTRI à payer à M. [P] [U] la somme de 13 052,10 euros (treize mille cinquante deux euros et dix centimes) à titre de rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires ;

Condamne la société RC DISTRI à payer à M. [P] [U] la somme de 1 305,21 euros (mille trois cent cinq euros et vingt et un centimes) au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires ;

Condamne la société RC DISTRI à payer à M. [P] [U] la somme de 6 039,90 euros (six mille trente neuf euros et quatre vingt dix centimes) au titre du repos compensateur ;

Condamne la société RC DISTRI à payer à M. [P] [U] la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

Y AJOUTANT

Déboute M. [P] [U] et la société RC DISTRI de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société RC DISTRI aux dépens ;

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/00235
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;21.00235 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award