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08/09/2022 | FRANCE | N°21/02395

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 08 septembre 2022, 21/02395


ARRÊT N° /2022

PH



DU 08 SEPTEMBRE 2022



N° RG 21/02395 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E3GA







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

21/00050

29 septembre 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



Madame [W] [T]

[Adresse 1]



[Localité 2] / FRANCE

Représentée par Me Benjamin JOLLY, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



ASSOCIATION OUVRIERE DES COMPAGNONS DE DEVOIR ET D U TOUR DE FRANCE (AOCDTF) Représentée par son représentant statutaire.

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me François VACCARO substituée par Me La...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 08 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/02395 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E3GA

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

21/00050

29 septembre 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

Madame [W] [T]

[Adresse 1]

[Localité 2] / FRANCE

Représentée par Me Benjamin JOLLY, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

ASSOCIATION OUVRIERE DES COMPAGNONS DE DEVOIR ET D U TOUR DE FRANCE (AOCDTF) Représentée par son représentant statutaire.

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me François VACCARO substituée par Me Laurianne PETIT de la SELARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES, avocats au barreau de TOURS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président :BRUNEAU Dominique

Siégeant comme magistrat chargé d'instruire l'affaire

Greffier :RIVORY Laurène (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 20 Mai 2022 tenue par BRUNEAU Dominique, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Domnique BRUNEAU et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 08 Septembre 2022 ;

Le 08 Septembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Mme [W] [T] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée « intermittent », par l'Association Ouvrière des Compagnons du Tour de France (ci-après l'association AOCDTF), à compter du 31 octobre 2001, en qualité d'enseignante de français.

Par arrêt de la cour d'appel de Metz rendu en date du 28 janvier 2020, sur renvoi de la Cour de cassation par arrêt du 05 avril 2018, le contrat de travail de Mme [W] [T] a été requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.

Le 5 mars 2020, l'Association adressait un courrier à Mme [T] constatant son absence injustifiée à son poste de travail le mercredi 4 mars 2020.

Par courrier du 04 juin 2020, Mme [W] [T] s'est vu notifié un avertissement pour refus d'assurer les heures de coordination pédagogique.

Par courrier du 20 juillet 2020, Mme [W] [T] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 28 juillet 2020, auquel elle ne s'est pas présentée.

Par courrier du 31 juillet 2020, Mme [W] [T] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse, le contrat de travail prenant fin au 02 octobre 2020.

Par requête du 25 février 2021, Mme [W] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins d'annulation de son avertissement du 04 juin 2020, outre le prononcé de la nullité de son licenciement à titre principal, et la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, ainsi que le paiement des indemnités afférentes, de rappels de salaires pour les périodes d'août 2019 à janvier 2020 et de février 2020 à septembre 2020, de dommages et intérêts pour harcèlement moral et préjudice subi, et enfin la rectification de ses documents de fin de contrat et de ses bulletins de salaires.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 29 septembre 2021, lequel a :

- dit et jugé que l'avertissement notifié à Mme [W] [T] le 04 juin 2020 est régulier et conforme,

- dit et jugé que la rupture des relations contractuelles est régulière et repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [W] [T] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [W] [T] à verser à l'association AOCDTF la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [W] [T] aux entiers dépens.

Vu l'appel formé par Mme [W] [T] le 05 octobre 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Mme [W] [T] déposées sur le RPVA le 14 mars 2022, et celles de l'association AOCDTF déposées sur le RPVA le 09 mars 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 27 avril 2022,

Mme [W] [T] demande à la cour:

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce qu'il a :

- dit et jugé que l'avertissement notifié à Mme [W] [T] le 04 juin 2020 est régulier et conforme,

- dit et jugé que la rupture des relations contractuelles est régulière et repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [W] [T] de l'ensemble de ses demandes,

- l'a condamnée à verser à l'association AOCDTF la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [W] [T] aux entiers dépens;

- de condamner l'association AOCDTF à verser à Mme [W] [T] :

- 6 837,11 euros de rappel de salaire au titre de la période d'aout 2019 à janvier 2020, outre 683,71 euros d'indemnité compensatrice de congés payés et 341,85 euros de prime de fidélité,

- 3 389,48 euros de rappel de salaire au titre de la période de février à septembre 2020, outre 338,94 euros d'indemnité compensatrice de congés payés et 237,26 euros de prime de fidélité,

- 3 984,48 euros de rappel sur indemnité de licenciement calculée sur un temps plein,

- 2 408,92 euros de rappel de salaire au titre du préavis, outre 240,89 euros d'indemnité compensatrice de congés payés et 168,62 euros de prime de fidélité,

- de requalifier le licenciement en licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner l'association AOCDTF à verser à Mme [W] [T] 48 000 euros nets d'indemnité pour licenciement nul, subsidiairement d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- d'annuler l'avertissement du 8 juin 2020,

- de condamner l'association AOCDTF à verser à Mme [W] [T] 500 euros de dommages et intérêt pour le préjudice moral subi,

- d'ordonner la rectification des fiches de salaires et de l'attestation Pole emploi,

- d'ordonner d'office le remboursement par l'association AOCDTF des indemnités chômage versées par Pole emploi dans la limite de 6 mois,

- de condamner l'association AOCDTF à verser à Mme [W] [T] 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la débouter de toutes ses demandes.

L'association AOCDTF demande à la cour:

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- en conséquence de constater que Monsieur [H] avait la délégation de pouvoir pour mener la procédure de licenciement,

- de dire et juger que le licenciement de Mme [W] [T] n'est pas nul,

- de dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- de dire et juger que l'avertissement du 8 juin 2020 est parfaitement fondé,

- de débouter Mme [W] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de l'association AOCDTF,

- de condamner Mme [W] [T] à lui verser une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR ;

La cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions de Mme [W] [T] déposées sur le RPVA le 14 mars 2022, et celles de l'association AOCDTF déposées sur le RPVA le 09 mars 2022.

- Sur l'annulation de l'avertissement du 8 juin 2020.

Par lettre du 8 juin 2020, l'association AOCDTF a notifié à Mme [W] [T] un avertissement en ces termes:

' Suite à la requalification de votre contrat de travail en contrat à temps plein, nous vous avons fourni un nouvel emploi du temps. Cet emploi du temps contient des heures de coordination pédagogique, heures que vous refusez d'assurer.

Le 17 avril 2020, le prévôt de la formation: [M] [C], vous a convié (sic) à une réunion de coordination pédagogique.

Le 18 avril 2020, vous lui avez répondu que cette tâche ne faisait pas partie de vos missions. Le 30 avril 2020, nous vous avons notifié par e-mail que votre participation aux créneaux de coordination pédagogique était requise et obligatoire. Vous avez manifesté votre désaccord à ce sujet.

En date du 05 mai 2020, nous vous avons répondu que nous maintenions notre avis sur le sujet, cette tâche faisant partie de vos missions et est conforme à votre contrat de travail.

Depuis cette date et notre rappel, vous n'avez toujours pas effectué vos heures de coordination pédagogique vous avez été absente: le 11 mai 2020, le 18 mai 2020 et le 25 mai 2020.

Votre comportement est préjudiciable au bon fonctionnement de l'Association et aussi sommes-nous contraints de vous sanctionner au travers de cette lettre d'avertissement.

En cas de nouvel incident, nous serons dans l'obligation de prendre des sanctions plus sévères à votre encontre.'.

Mme [W] [T] expose que les tâches de 'coordination pédagogique' qui lui sont demandées ne correspondent pas au contenu de son contrat de travail, et en conséquence qu'elle n'est pas tenue de participer aux réunions dont il s'agit.

Il ressort des dispositions de l'article 3 du contrat de travail liant les parties que:

' Madame [W] [T] est chargée d'assurer l'enseignement en Français dans le cadre du perfectionnement et de la formation initiale.

Les fonctions confiées à Madame [W] [T] sont les suivantes:

- Préparation des cours ;

- Animation des séances ;

- Suivi pédagogiques (corrections, réunions pédagogiques...).'

L'association AOCDTF indique dans ses conclusions (p 21) que les heures de 'coordination pédagogique' sont destinées à 'piloter le dispositif de formation, développer les moyens pédagogiques, procéder à l'organisation et à l'accompagnement de la qualification des personnes en formation' ; toutefois, elle n'apporte aucun élément sur le contenu précis de ces missions ;

L'association AOCDTF ne conteste pas que la 'coordination pédagogique' comprend la réalisation de l'emploi du temps de collègues.

Toutefois, il ressort de ces éléments que les tâches de 'coordination pédagogique' demandées à Mme [W] [T] excédaient les fonctions qui lui étaient contractuellement confiées, l'employeur ne démontrant pas que la réalisation de l'emploi du temps des collègues ne concernait que les enseignants de Français, à supposer que d'autres enseignants en cette matières interviennent auprès de l'employeur.

Dès lors, l'association AOCDTF ne démontre pas que les réunions auxquelles Mme [W] [T] participait concernaient ses fonctions d'enseignante de Français.

Dès lors, la faute reprochée à Mme [W] [T] n'est pas établie, et en conséquence l'avertissement décerné le 8 juin 2020 sera annulé.

La décision entreprise sera infirmée sur ce point.

Le fait pour l'employeur de décerner à son salarié un avertissement non justifié cause au salarié un préjudice moral qu'il convient d'indemniser ; il sera fait droit à cette demande à hauteur de 500 euros.

- Sur les rappels de rémunération.

- Sur la demande pour la période d'août 2019 à janvier 2020.

Mme [W] [T] expose que l'association est débitrice à son égard de rémunérations pour la période d'août 2019 à janvier 2020 ;

L'association AOCDTF soutient d'une part que cette demande est irrecevable en ce qu'elle relève du juge de l'exécution, d'autre part qu'elle se heurte au principe de l'unicité de l'instance applicable en raison de la date de saisine du conseil de prud'hommes, et enfin en ce que si le contrat de travail a été requalifié en contrat à temps plein, il existe des périodes interstitielles pendant lesquelles Mme [T] ne justifie pas avoir dû se tenir à la disposition de l'employeur.

Il ressort de l'arrêt rendu le 28 janvier 2020 par la cour d'appel de Metz, aujourd'hui définitif, qui a requalifié le contrat de travail de Mme [T] à temps plein, que les effets de cette décision porte sur les sommes dues à compter de cette requalification, soit à partir d'août 2019 ; que cet arrêt rappelle qu'il est applicable à toutes le rémunérations dues à compter de cette date ; dès lors, la demande présentée par Mme [T] relève de la compétence du juge de l'exécution ; elle en sera donc déboutée et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

- Sur la demande pour la période de février à septembre 2020.

Mme [T] expose que l'employeur ne lui a pas réglé la totalité de ses rémunérations sur cette période ;

L'association AOCDTF soutient que la salariée n'a pas exécuté la totalité des heures qui lui étaient demandées, et qu'elle a d'ailleurs été sanctionnée pour cette raison.

Toutefois, il convient de constater que les heures dont le paiement n'a pas été assuré correspondent à celles que Mme [T] a légitimement refusé d'exécuter tel qu'il a été évoqué précédemment ; que cette circonstance, issue de la faute de l'employeur, ne permet pas à celui-ci de se soustraire à son obligation de rémunérer la salariée au titre d'un contrat de travail à temps plein.

Dès lors, il sera fait droit à cette demande en son principe et la décision entreprise sera infirmée sur ce point.

Le décompte apporté au dossier par Mme [T] est conforme au mode de calcul validé par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Metz, notamment en ce qu'il se fonde sur le taux horaire applicable à la période considérée, de telle façon qu'il sera fait droit à la demande à hauteur de 3389, 48 euros outre la somme de 338, 94 euros au titre des congés payés afférents, et de 237,26 euros au titre de la prime de fidélité prévue par l'accord d'entreprise du 15 octobre 2014.

- Sur le licenciement.

Par lettre du 31 juillet 2020, l'association AOCDTF a notifié à Mme [W] [T] en ces termes:

' Madame,

Nous faisons suite à l'entretien du 28 juillet 2020 pour lequel vous n'avez pas cru bon de vous présenter ni nous prévenir de votre absence.

Par conséquent, nous n'avons pas pu vous exposer les raisons pour lesquelles nous envisagions la rupture de votre contrat de travail. Mais nous vous les précisions ci-dessus :

Depuis votre passage à plein temps suite à votre demande et ordonné par la Cour d'appel de Metz, vous n'avez eu de cesse de contester, refuser et pour finir n'appliquer qu'en partie votre planning de travail. Vous pensiez continuer comme à temps partiel à nous imposer un agenda selon votre bon vouloir. Cependant, un emploi à temps plein n'a pas la même souplesse et son organisation dépend du nombre d'heures disponible, de la gestion du P.R.A.A., de la disponibilité des salles de cours, du respect des plannings des autres intervenants et surtout des jeunes dont l'acceuil et la formation constituent les principales vocations de notre Association. Tout cela, vous ne vous en êtes pas souciée et vous pensiez n'avoir que des droits mais aucun devoir. De cumuler plusieurs emplois, c'est aussi incompatible avec un poste à temps plein notamment en matière de durée du travail, de disponibilité et de fatigue.

Dès le mois de mars, vous avez cumulé les absences injustifiées soit les 2,4,5,9, 11 et 12. En avril, le 30. Puis en mai, les 7,14,18,20,25,27 et 28. Notre dernier avertissement du 8 juin 2020 n'a eu aucun effet sur vos absences. Vous avez tenté de les justifier par le fait que ces actions ne relevaient pas de vos fonctions. Comment une enseignante peut en arriver là ' Surtout, comment imaginiez vous votre fonction ' Bien évidemment que la coordination, l'accompagnement, le soutien, les rencontres avec les parents, etc...font partie intégrante de la mission d'un formateur en enseignement général. Comment puisse-t-il en être autrement ! La fonction ne se bornant pas uniquement à faire un cours et disparaître sans se soucier du jeune apprenant. Depuis, vous avez persisté les 8,10,11,15,18,22,25 et 29 juin puis les 2,6,9,13 et 16 juillet 2020. Vous n'avez pas justifié de ces absences.

Votre attitude porte un grave préjudice à notre organisation et les jeunes sont les premiers touchés par un tel comportement. Nous sommes donc au regret de vous notifier par la présente lettre, la rupture de votre contrat de travail.

Votre préavis sera payé et exécuté.

Vous cesserez donc de faire partie de nos effectifs deux mois après la première présentation de ce courrier.'.

- Sur la nullité du licenciement.

Mme [W] [T] expose que le licenciement est nul en ce que la lettre notifiant cette mesure fait expressément référence à une action en justice qu'elle a intenté à l'encontre de son employeur, l'employeur ayant de ce fait violé une liberté fondamentale ;

L'association AOCDTF soutient qu'il ne ressort pas des termes de la lettre de licenciement que cette mesure repose sur l'action engagée par la salariée.

C'est par une exacte lecture de la lettre de licenciement, et par une motivation que la cour adopte, que les premiers juges ont relevé que la mention de la décision de la cour d'appel de Metz intervenait pour rappeler les raisons de la requalification du contrat de travail, et qu'en conséquence l'employeur n'avait violé aucun droit fondamental de la salarié justifiant le prononcé de la nullité du licenciement.

La décision entreprise sera donc confirmée sur ce point.

- Sur la qualité et la compétence pour prononcer le licenciement.

Mme [W] [T] expose que le signataire de la lettre de licenciement, en sa qualité de délégué régional, n'avait pas compétence pour y procéder et que l'association ne peut justifier de ce que ce préposé avait reçu une délégation valable.

L'association AOCDTF soutient que M. [H], délégué régional, avait pleine compétence, au titre d'une délégation qui lui avait été régulièrement octroyée, pour procéder au licenciement et signer la lettre matérialisant cette décision, et qu'en tout état de cause cette délégation est tacite dans la mesure où, selon les termes de règlement intérieur de l'association, il avait compétence pour la 'gestion du personnel'.

Il entre dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié ; l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse ;

Le juge doit rechercher si une délégation de pouvoir a été expressément donnée sur ce point par le président de l'association dans les conditions statutaires.

Il ressort des dispositions de l'article 5 des statuts de l'association AOCDTF que celle-ci est administrée par un conseil d'administration dénommé Conseil du Compagnonnage ; l'article 6.1.1 de ces statuts précise que:

' le Conseil du Compagnonnage est présidé par le Premier Conseiller [ président]...En cas de vacance du Premier Conseiller, c'est le Conseiller au Secrétariat [ secrétaire général] qui en assure la présidence et qui assume provisoirement toutes les charges du Premier Conseiller.'.

Il ne ressort pas des statuts que le président de l'association peut donner délégation permanente à un préposé pour procéder au licenciement d'un salarié, l'article 9 précisant que 'l'AOCDTF est représentée...dans tous les actes de la vie civile par le Premier Conseiller qui, en cas d'empêchement, délégue le Conseiller au Secrétariat- ou tout autre mandataire agisssant en vertu d'une procuration spéciale'.

La lettre de licenciement est signée par '[X] [H], Délégué Régional'.

L'association AOCDTF apporte au dossier une délégation de pouvoir en date du 21 octobre 2016 aux termes de laquelle M. [H] dispose d'une compétence concernant 'le suivi de la gestion du personnel, tant sur le plan administratif que disciplinaire' ; toutefois, il convient de relever d'une part que ces dispositions ne donnent pas expressément pouvoir au délégataire pour procéder à un licenciement, et d'autre part que cette délégation est donnée à l'interessé par le secrétaire général, mais qu'il n'est pas produit au dossier la délégation régulièrement donneé à cet organe par le Président.

L'association AOCDTF produit par ailleurs une délégation de pouvoir en date du 14 septembre 2018 reprenant les mêmes termes ; toutefois, cette délégation est donnée par le président au secrétaire général, mais, à supposer que cette délégation de pouvoir soit régulière au regard des statuts de l'organisation, celle-ci ne produit pas la subdélégation qui aurait été octroyée au délégué régional pour procéder à un licenciement.

Enfin , les dispositions d'un réglement intérieur, à supposer qu'elles produisent l'effet que veut leur donner l'association, ne peuvent contrevenir aux dispositions statutaires précédemment rappelées.

Dès lors, le signataire de la lettre de licenciement n'avait pas compétence pour prononcer cette mesure, et en conséquence le licenciement de Mme [W] [T] par l'association AOCDTF est sans cause réelle et sérieuse.

La décision entreprise sera infirmée sur ce point.

- Sur la demande au titre du rappel de salaire sur préavis non prolongé.

Mme [W] [T] expose qu'elle a pris des congés et s'est trouvée en arrêt maladie durant son préavis, et qu'en conséquence le préavis doit être prolongé de la durée de ces congés et arrêt-maladie.

L'association AOCDTF soutient que Mme [W] [T] a perçu sur ces périodes les rémunérations et indemnités auxquelles elle avait droit.

Il ressort de l'article L 1234-1 du code du travail que le délai de préavis est un délai préfix; qu'il peut cependant être suspendu:

- en cas de maladie professionnelle ou d'accident du travail du salarié ;

- en cas de prise de congés autorisés par l'employeur.

Il n'est pas contesté que, durant la période de préavis, Mme [W] [T] a pris des congés, et a été victime d'un accident du travail ;

L'association AOCDTF ne démontre pas qu'elle s'est opposée à la demande de congés posée par la salariée.

Dès lors, il apparaît que ces périodes représentent un total de 163,65 heures.

Au regard du taux horaire applicable, il sera fait droit à la demande à hauteur de 2408,92 euros, outre la somme de 240,89 euros au titre des congés payés afférents, et de 168,62 euros au titre de la prime de fidélité.

La décision entreprise sera infirmée sur ce point.

- Sur la demande au titre du complément d'indemnité de licenciement.

Il ressort des bulletins de salaire de Mme [W] [T] que sa rémunération pour un temps plein s'établit à la somme de 2388,71 euros, en ce inclu la prime de fidélité.

Conformément aux dispositions de l'article R 1324-2 du code du travail, et au regard de son ancienneté, le montant de l'indemnité de licenciement lui revenant s'établit à la somme de 13 934,13 euros.

Il ressort du dossier que Mme [T] a perçu à ce titre la somme de 9949, 65 euros ; il lui revient donc la somme de 3984,48 euros.

Il sera fait droit à la demande, et la décision entreprise sera infirmée sur ce point.

- Sur l'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [W] [T] avait 45 ans à la date du licenciement, et une ancienneté de 20 années ;

Sa rémunération mensuelle moyenne brut totale était de 2388, 71 euros.

Mme [W] [T] justifie bénéficié pour la période du 1er décembre 2021 au 28 février 2022 d'une indemnisation chômage our 79 jours, sans autre précision sur sa situation professionnelle et matérielle exacte sur cette période.

Compte tenu de ces éléments, et conformément aux dispositions de l'article 1235-3 du code du travail, il sera fait droit à la demande à hauteur de 10 mois de salaire, soit la somme de 23 887 euros.

Conformément aux dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, l'association AOCDTF sera condamée à rembourser à Pôle-Emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [W] [T] à hauteur de DEUX mois de salaire.

L'association AOCDTF qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [W] [T] l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a exposés ; il sera fait droit à cette demande à hauteur de 4000 euros tant pour les frais de première instance que d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement rendu le 29 septembre 2021 par le Conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a débouté Mme [W] [T] de sa demande au titre de rappel de rémunération pour la période d'août 2019 à janvier 2020 ;

L'INFIRME pour le surplus ;

STATUANT A NOUVEAU ;

ANNULE l'avertissement du 8 juin 2020 ;

CONDAMNE l'association AOCDTF à payer à Mme [W] [T] la somme de 500 euros (cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE l'association AOCDTF à payer à Mme [W] [T] la somme de 3389, 48 euros (trois mille trois cent quatre vingt neuf euros et quarante huit centimes) outre la somme de 338, 94 euros (trois cent trente huit euros et quatre vingt quatorze centimes) au titre des congés payés afférents, et de 237,26 euros (deux cent trente sept euros et vingt six centimes) au titre de la prime de fidélité, au titre des rémunérations dues pour la période de février à septembre 2020 ;

DIT le licenciement de Mme [W] [T] par l'association AOCDTF sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE l'association AOCDTF à payer à Mme [W] [T] les sommes de:

- 3 984,48 euros (trois mille neuf cent quatre vingt quatre euros et quarante huit centimes) de rappel sur indemnité de licenciement calculée sur un temps plein,

- 2 408,92 euros (deux mille quatre cent huit euros et quatre vingt douze centimes) de rappel de salaire au titre du préavis prolongé, outre 240,89 euros (deux cent quarante euros et quatre vingt neuf centimes) d'indemnité compensatrice de congés payés et 168,62 euros (cent soixante huit euros et soixante deux centimes) de prime de fidélité ;

CONDAMNE l'association AOCDTF à payer à Mme [W] [T] la somme de 23 887 euros (vingt trois mille huit cent quatre vingt sept euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ORDONNE la rectification des fiches de salaires et de l'attestation Pole emploi conformément aux dispositions de la présente décision ;

CONDAMNE l'association AOCDTF à rembourser à Pôle-Emploi le montant des indemnités de chômage versées à Mme [W] [T] dans la limte de DEUX mois prévue par la loi et ce, avec intérêts de droit à compter de la présente décision.

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

Y ajoutant:

CONDAMNE l'association AOCDTF aux dépens de la procédure de première instance et d'appel;

LA CONDAMNE à payer à Mme [W] [T] une somme de 4000 euros (quatre mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/02395
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;21.02395 ?
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