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08/09/2022 | FRANCE | N°21/01672

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 08 septembre 2022, 21/01672


ARRÊT N° /2022

PH



DU 08 SEPTEMBRE 2022



N° RG 21/01672 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZTR







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

F 19/00222

02 juin 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [B] [F]

[Adresse 2]r>
[Localité 3]

Représenté par Me Pascal KNITTEL de la SELARL KNITTEL - FOURAY ET ASSOCIES substitué par Me POIRSON, avocats au barreau d'EPINAL









INTIMÉE :



S.A. MILESI VERNIS représentée par son directeur général domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée ...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 08 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/01672 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZTR

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

F 19/00222

02 juin 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [B] [F]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Pascal KNITTEL de la SELARL KNITTEL - FOURAY ET ASSOCIES substitué par Me POIRSON, avocats au barreau d'EPINAL

INTIMÉE :

S.A. MILESI VERNIS représentée par son directeur général domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Alain CHARDON, avocat au barreau de NANCY substitué par Me Ronan LE BALCH, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président :WEISSMANN Raphaël

Conseiller :STANEK Stéphane

Greffier :RIVORY Laurène (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 19 Mai 2022 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Stéphane STANEK , conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Dominique BRUNEAU et Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 08 septembre 2022;

Le 08 Septembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [B] [F] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société MILESI VERNIS, en date du 29 mai 2001 avec effet à compter du 28 août 2001, en qualité d'agent commercial.

La convention collective nationale des industries chimiques s'applique au contrat de travail.

Par courrier du 30 novembre 2015, Monsieur [B] [F] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 08 décembre 2015 (avec mise à pied à titre conservatoire).

Par courrier du 11 décembre 2015, Monsieur [B] [F] a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Par requête du 01 décembre 2017, Monsieur [B] [F] a saisi le conseil de prud'hommes d'Epinal, aux fins de constatation de l'irrégularité de la procédure de licenciement pour non-respect du délai entre la convocation à l'entretien préalable et la tenue de cet entretien préalable, de requalification de son licenciement pour insuffisance professionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de paiement des indemnités afférentes.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal, rendu le 02 juin 2021, lequel a :

- dit et jugé que la procédure de licenciement de Monsieur [F] est irrégulière pour non-respect du délai entre la convocation à l'entretien préalable et la tenue de cet entretien préalable,

- par conséquent, condamné la société MILESI VERNIS à payer à Monsieur [F] la somme de 2.200 euros,

- débouté M. [B] [F] du surplus de ses demandes,

- débouté Monsieur [B] [F] de sa demande de condamner la société MILESI VERNIS à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société MILESI VERNIS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MILESI VERNIS aux dépens de l'instance.

Vu l'appel formé par Monsieur [B] [F] le 01 juillet 2021,

Vu l'appel incident formé par la société MILESI VERNIS le 17 décembre 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [B] [F] déposées sur le RPVA le 15 mars 2022, et celles de la société MILENI VERNIS déposées sur le RPVA le 17 décembre 2021,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 27 avril 2022,

Monsieur [B] [F] demande :

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal en date du 2 juin 2021 en ce qu'il a jugé que la procédure de licenciement de Monsieur [B] [F] est irrégulière pour non-respect du délai entre la convocation à entretien préalable et la tenue de cet entretien préalable,

- de reformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal en date du 2 juin 2021, en ce qu'il a :

- limité le quantum de l'indemnité pour irrégularité de procédure de licenciement à la somme de 2.200 euros,

- débouté Monsieur [B] [F] du surplus de ses demandes, et plus particulièrement débouté Monsieur [B] [F] de sa demande de dommages et intérêts à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Monsieur [B] [F] de sa demande de condamner la société MILESI VERNIS à lui payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau,

- de condamner la société MILESI VERNIS à payer à Monsieur [B] [F] une indemnité de 4 425 euros au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,

- de dire et juger que le licenciement notifié à Monsieur [B] [F] en date du 11 décembre 2015 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, de condamner la société MILESI VERNIS à payer à Monsieur [B] [F] une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner encore la société MILESI VERNIS à payer à Monsieur [B] [F] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,

- y ajoutant, de condamner la société MILESI VERNIS à payer à Monsieur [B] [F] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'appel,

- en tout état de cause,

- de débouter la société MILESI VERNIS ses demandes, fins et prétentions au titre de son appel incident,

- de condamner la société MILESI VERNIS aux entiers dépens.

La société MILENI VERNIS demande :

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions et en son appel incident,

- d'infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

- condamné la société MILESI VERNIS à payer à Monsieur [B] [F] 2 000 euros à titre d'indemnité pour non-respect du délai entre la convocation à entretien préalable et la tenue de l'entretien,

- débouté la société MILESI VERNIS de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MILESI VERNIS aux dépens de l'instance,

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal pour le surplus,

- de débouter Monsieur [B] [F] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner Monsieur [B] [F] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,

- de condamner Monsieur [B] [F] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- de condamner Monsieur [B] [F] aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 17 décembre 2021, et en ce qui concerne le salarié le 15 mars 2022.

Sur la procédure de licenciement

M. [B] [F] fait valoir que deux jours se sont écoulés entre la réception de la convocation à l'entretien préalable et sa tenue, le délai de cinq jours de l'article L1232-2 du code du travail n'ayant donc pas été respecté.

Il explique que ce délai de cinq jours ouvrables a pour objet de permettre au salarié de disposer d'un délai suffisant pour organiser sa défense, de sorte que son préjudice est incontestable.

La société MILESI VERNIS fait valoir que le délai de cinq jours court à compter de la présentation du courrier, que M. [B] [F] a pu se faire assister lors de l'entretien préalable, et qu'il ne démontre aucun préjudice.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.

L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

En l'espèce, il résulte de l'examen de l'avis de passage de La Poste (pièce 3 de M. [B] [F]) que la première présentation de la lettre recommandée de convocation à l'entretien est en date du 03 décembre 2015 ; M. [B] [F] indique dans ses conclusions que le courrier a été présenté le 02 décembre.

L'entretien s'est tenu le 08 décembre 2015.

M. [B] [F] expose que le 06 décembre était un dimanche,  ce qui est constant.

Il s'est donc écoulé, du 02 décembre, jour de la présentation de la lettre, au 08 décembre, date de l'entretien, 4 jours ouvrables (du 03 au 05, puis le 07).

Le délai de 5 jours de l'article précité n'a pas été respecté, ce qui a causé une atteinte aux droits de la défense de M. [B] [F], dont découle un préjudice.

La société MILESI VERNIS qui conteste le principe du préjudice ne motive pas sa demande d'infirmation quant au quantum ; M. [B] [F] qui sollicite la réformation du jugement sur le quantum ne motive pas sa demande sur ce point.

Dès lors, à défaut de critique du montant du préjudice arrêté en première instance, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le licenciement

L'article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La lettre de licenciement du 11 décembre 2015 est ainsi rédigée :

« Monsieur,

Vous avez été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 novembre 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 8 décembre 2015.

Vous vous êtes présenté à cet entretien assisté de Madame [E] [Z].

Au vu de cet entretien et dans la mesure où vous n'avez fait aucune observation sur les faits que nous vous avons reprochés, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour les raisons ci-après exposées :

Vous avez pris vos fonctions d'Agent Commercial le 28 août 2001 après signature d'un contrat de travail à durée indéterminée daté du 29 mai 2001. Le secteur 4 vous a été confié afin de développer la clientèle et suivre la clientèle existante.

Le secteur 4 est composé des départements suivants :

08 - ARDENNES

55 - MEUSE

54 - MEURTHE ET MOSELLE

57 - MOSELLE

67 - BAS RHIN

68 - HAUT RHIN

90 - TERRITOIRE DE BELFORT

25 - DOUBS

70 - HAUTE SOANE

52 - HAUTE MARNE

88 - VOSGES

21 - COTE D'OR

La Job Description du 10 novembre 2004 que vous avez signée, stipule que vous devez consacrer 30% de votre temps de travail à la prospection. La prospection a pour objectif de maintenir et de développer le portefeuille de clients. Le portefeuille de clients de votre secteur a baissé de 55% en cinq ans.

D'autre part, nous constatons des incohérences entre le planning que vous déclarez au Bureau des Ventes et les déplacements que vous renseignez sur vos notes de frais, comme le 13 octobre 2015 où votre planning vous donne à [Localité 5] (52) alors que votre note de frais nous indique [Localité 4] (70) ou le 16 octobre 2015 où vous indiquez sur votre note de frais avoir réalisé 94 km dans ta journée et votre planning vous situe à [Localité 5] (52) à 86 km de votre domicile soit 172 km aller-retour. Vous n'avez pas demandé de remboursement de frais d'hôtel.

Ces anomalies décrites sont des exemples parmi tant d'autres car nous nous sommes aperçus récemment que vos notes de frais étaient incohérentes avec vos plannings d'activité.

Non-respect des procédures sur le suivi des clients existants

Nous avons pu constater que vous aviez fait livrer à la société OGF 250 kilos de produits qui représentaient une valeur de vente de 840 euros sans respecter la procédure de contrôle de conformité du produit. Dans le cadre de cette procédure, vous auriez dû faire livrer uniquement un échantillon de 1 kilo de produit pour acceptation puis livrer les 250 kilos une fois la commande passée par OGF. Les produits ont été expédiés le 21 mai 2015, retournés le 30 juin 2015 pour correction à [Localité 6] et livrés à nouveau le 21 septembre 2015.

Vous avez obtenu la commande du client quatre mois après la première livraison.

Vous ne respectez pas les règles d'étiquetage et d'emballage des témoins liquides à destination du service technique. La Direction Technique vous avait écrit à ce sujet concernant trois témoins laque pour les ATELIERS DE [Localité 5].

Vous ne répondez pas aux exigences de la société en matière de facturation et de recouvrement. Vous ne respectez pas les procédures internes visant à s'assurer de la facturation des livraisons à vos clients et à sécuriser le recouvrement des créances de la société. A ce titre, vous n'avez pas numéroté un bon de livraison au client PROFINEST. Les services administratifs de la société sont dans l'incapacité de contrôler que l'ensemble de vos bons de livraison a bien été facturé.

Notre activité se situe dans un marché très concurrentiel qui demande de notre part de la réactivité afin de répondre aux exigences de nos clients. De ce fait, nous devons impérativement obtenir en temps et en heure l'ensemble des éléments de suivi de votre activité, ce que vous ne faites pas depuis de nombreux mois et ce de façon récurrente.

En effet, vous avez tout au long de votre présence dans l'entreprise déjà fait l'objet de plusieurs avertissements et courriers de mécontentement et malheureusement vous n'en avez pas tenu compte et vous n'avez pas modifié votre comportement.

Ces avertissements et rappels à l'ordre étaient motivés par les faits suivants :

- attitude déplacée et inadmissible en clientèle.

- non-respect des directives de la Direction Commerciale et non respect des procédures de la société.

- non réception des rapports d'activité, feuilles de pointage et réalisations hebdomadaires.

- avoir tenu à l'Adjoint du Directeur Commercial des propos inacceptables et inexcusables.

- envoi de rapports systématiquement incomplets.

- non-respect des procédures de livraison des clients de la société.

- mauvais suivi des règlements clients.

Vous avez accepté et signé la liste des principales activités de votre fonction le 29 mai 2001 modifiée le 10 novembre 2004.

Cependant force est de constater les éléments suivants

Manque de prospection et de développement commercial et non application de la politique commerciale de la société

Depuis de nombreux mois, nous vous avons reproché les faits suivants sans aucune amélioration:

Vous n'adressez vos rapports de visite qu'après nos relances répétées. Nous sommes dans l'incapacité de contrôler l'efficacité de vos actions à court et moyen terme en clientèle et en prospection. Vos rapports de visite vous ont été réclamés aussi lors des réunions commerciales. Nous constatons que, soit vous ne les remettez pas, soit ils nous sont remis avec plus d'un mois de retard. Nous vous avons remis par e-mail le 12 octobre 2015 une liste des documents à utiliser et à adresser à l'entreprise, mais vous n'en avez pas tenu compte.

Vous ne proposez pas d'action en réponse aux problématiques commerciales. Votre ancienneté dans l'entreprise et plus globalement dans son domaine d'activité, devrait vous permettre de répondre efficacement aux demandes des clients et des prospects. Nous ne le constatons pas ou ne pouvons pas le constater faute de recevoir vos reportings d'activité. Vous ne proposez pas de solution aux sollicitations de vos clients et de vos prospects.

Vous n'adressez plus vos rapports mensuels d'activité. En effet, votre dernier envoi de rapport formalisé date du 4 novembre 2014 pour l'activité du mois d'octobre 2014 et ce malgré nos nombreuses relances.

Le tonnage de produits vendus sur votre secteur est en décroissance permanente ces cinq dernières années, passant de 481 tonnes à 310 tonnes soit une baisse de 35.6%.

Le chiffre d'affaires de votre secteur chute de 36.8 %. Le chiffre d'affaires de l'entreprise baisse sur la même période de 12.5%.

Le volume de marge brute de votre secteur baisse de 43.9% et la marge brute de votre secteur perd 6.4 points. La chute du taux de marge brute, accompagnée de la baisse du chiffre d'affaires, aggravent significativement la contribution de votre secteur à l'activité de l'entreprise.

Le nombre de clients facturés de votre secteur passe de 51 en 2010 à 23 à la date de ce courrier soit -54.9%, et corrélativement le chiffre d'affaires moyen par client augmente de 40.2%, ce qui fragilise sensiblement l'activité future de votre secteur.

Année

Tonnage
tous
produits

Chiffre
d'affaires

en Keuros

Marge
brute en
KC

Taux de
marge
brute

Nombre de clients

CA moyen Clients

2010

481,0

1 589,7

627,1

41,4%

51

31,2

2011

4805

1 666,5

611,7

36,7%

52

32,0

2012

394,4

1 388,0

518,3

37,3%

50

27,8

2013

386,6

1 300,0

445,1

34,2%

42

31,0

2014

343,4

1121,9

392,6

35,0%

23

48,8

01/11/2014 au 31/10/2015

31/10/2015

310,0

1 005,0

352,0

35,0%

23

43,7

Evolution octobre 2015/2010

-35,6%

-36,8%

-43,9%

- 6,4 points

-54,9%

40,20 %

Malgré votre longue expérience professionnelle, et malgré l'appui de la Direction Générale et de la Direction Technique de la société, nous constatons votre incapacité par manque d'autonomie à résoudre des problématiques commerciales et vos refus de respecter les consignes internes et ce malgré nos nombreux rappels à l'ordre.

L'ensemble de ces éléments récurrents nous amène à constater une insuffisance professionnelle de votre part.

(...) »

La société MILESI VERNIS fait valoir qu'il est reproché au salarié :

- au titre du manque de prospection et de développement commercial et de la non-application de la politique commerciale de la société :

l'envoi de ses rapports de visite qu'après relances répétées, ce qui empêche l'employeur de contrôler l'efficacité de ses actions.

Il précise que M. [B] [F] avait connaissance des procédures internes dont l'envoi des rapports commerciaux à l'issue des rendez-vous clients.

l'absence d'action en réponse aux problématiques commerciales

de ne plus adresser ses rapports mensuels d'activité

la baisse constante d'activité de son secteur

l'insuffisance de l'activité de prospection

les incohérences dans son planning

- au titre du non-respect des procédures manque de prospection et de développement commercial et non-application de la politique commerciale de la société :

avoir fait livrer à la société ODF 250 kilos de produits sans respect de la procédure de contrôle de conformité du produits

La société MILESI VERNIS estime que l'argumentaire de M. [B] [F] n'a aucun sens : selon les explications du salarié, 25 à 50 litres auraient dû être livrés pour échantillon au client.

ne pas respecter les règles d'étiquetage et d'emballage des témoins liquides à destination du service technique

ne pas respecter les règles internes en matière de facturation et de recouvrement.

Elle précise en page 7 de ses conclusions que « Monsieur [F] n'a pas été licencié pour insuffisance de résultat mais pour une insuffisance professionnelle se matérialisant par un manque d'actions commerciales, une incapacité à appliquer les règles de fonctionnement de la société et une absence de transparence dans le travail. »

M. [B] [F] fait valoir :

- sur le grief de non-respect des procédures sur le suivi des clients existants :

en ce qui concerne le reproche relatif aux étiquettes, qu'il ne s'agit que d'un seul fait datant de plus de 6 mois, et que la société ne justifie pas de la procédure qu'elle aurait mise en place. Il ajoute que sur ce fait il s'était conformé aux instructions données par l'adjoint au directeur technique

en ce qui concerne la facturation, que l'entreprise ne justifie d'aucune procédure en matière de facturation et de recouvrement qui aurait été portée à sa connaissance.

Il ajoute que le mail produit par la société MILESI VERNIS est ancien de près de 6 mois, et propose une méthode de numérotation des bordereaux de livraison

en ce qui concerne les 250 kilos de produits livrés à la société OGF, que l'essai nécessitait 50 kilos de produits, la mise en peinture se faisant par robot ; le premier essai s'est révélé positif ; la difficulté s'est produite lors de l'essai semi-industriel, avec 250 kilos de peinture, puisque le produit livré n'était pas conforme à celui livré pour les premiers essais, ce qui ne peut lui être reproché.

- sur le prétendu manque de prospection et de développement commercial, une non-application de la politique commerciale de la société et une insuffisance de résultats : que son secteur a connu des disparitions d'entreprises clientes, et que d'autres ont réduit leurs commandes ; que la société a imposé aux commerciaux de transférer aux revendeurs les clients dont le chiffre d'affaire était inférieur à 800 kilos.

Il affirme s'être montré actif pour tenter de conquérir de nouveaux clients et maintenir ceux existants.

- sur les griefs relatifs aux compte-rendus d'activité et aux plannings : qu'il informait et rendait compte à la société de ses visites et actions. Il précise que la visite de l'entreprise PEUGEOT remonte à plus de 6 mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, et qu'elle a été faite en présence de la direction et du directeur technique ; en réponse aux incohérences alléguées entre son planning et ses notes de frais, que le planning d'un commercial est une prévision, soumis à différents aléas.

Motivation :

En ce qui concerne le grief de « manque de prospection et de développement commercial et non application de la politique commerciale de la société », la société MILESI VERNIS renvoie :

- à sa pièce 8 pour démontrer qu' « il est en effet expressément prévu que les rapports techniques et commerciaux soient établis lors de chaque visite » ; or cette pièce, une suite de mails, souvent sans texte, d'avril 2014, juin et juillet 2015, concernent, pour ceux qui comportent du texte, des informations sur des commandes de clients ou des conditions tarifaires ; aucun élément n'est relatif à la procédure de compte-rendus commerciaux

- à ses pièces 9 et 10 pour tenter de démontrer que le rapport de visite du 07 mai n'était pas encore transmis le 29 mai 2015 ; ces deux pièces sont des mails de M. [B] [F], relatifs à des clients et leurs commandes en général ; ils ne concernent pas des compte-rendus de visite ;

- à sa pièce 11, présentée comme une relance du directeur pour obtenir un compte-rendu ; il s'agit d'un mail de M. [B] [F] du 04 novembre 2014, adressant à F-GM le rapport (en pièce jointe) d'octobre 2014 ; il ne s'agit pas d'une prétendue relance.

Le mail du 10 juillet 2015 visé dans ses conclusions se trouve en fait en pièce 2 : « [B], malgré mes relances lors des dernières réunions commerciales, je ne reçois pas systématiquement vos rapports de visite et les fiches ACT qui en découlent. (...) »

- à sa pièce 19, présentée comme la transmission par le salarié le 16 juillet 2015 d'un rapport de visite pour un client ATELIERS DE [Localité 5], visité entre janvier et juin ; la pièce 19 est en réalité constituée par des mails de mars et avril 2015 sur des points techniques de peinture pour des cercueils.

Le mail visé de M. [B] [F] du 16 juillet 2015 est en fait en pièce 13 ; M. [B] [F] adresse au directeur un résumé de ses visites auprès de la société ATELIERS DE [Localité 5] depuis le 13 janvier.

- à ses pièces 21 et 22 ; il ne s'agit pas comme annoncé dans les écritures des modèles de rapports commerciaux présentés en 2014, mais une commande du 21 septembre 2015, et deux mails du 09 et 10 octobre 2015, relatifs à une commande ;

- sa pièce 12, présentée comme la demande du directeur, par mail, demandant à M. [B] [F] quelles étaient ses propositions pour contrer les démarches des concurrents chez les prospects ; la pièce 12 est en réalité le programme d'une réunion commerciale des 3 et 4 décembre 2014 ;

- ses pièces 24 et 25 : des tableaux de l'évolution de l'activité de la société MILESI VERNIS entre 2010 et 2015, et un tableau d'évolution des résultats par clients entre 2012 et 2013 ;

- sa pièce 14, la « job description signée par Monsieur [F] le 10 novembre 2004 [indiquant] qu'il devait consacrer 30 % de son temps au développement commercial ; ce document est en fait présenté en pièce 15 ;

- sa pièce 15, présentée comme étant « les incohérences dans le planning de Monsieur [F] » ; en fait il s'agit de la pièce précitée.

En ce qui concerne le grief de « non-respect des procédures, manque de prospection et de développement commercial et non application de la politique commerciale de la société », la société MILESI VERNIS renvoie à :

- ses pièces 26 à 28, présentées comme démontrant l'erreur de la société MILESI VERNIS qui aurait commandé trop de peinture pour des essais auprès de la société OGF ; la pièce 26 est une commande de la société OGF du 21 septembre 2015, et les pièces 27 et 28 sont des mails relatifs à une commande d'OGF et de son expédition ; ces pièces ne démontrent pas l'erreur reprochée à M. [B] [F] ;

- sa pièce 16, pour le non-respect des règles d'étiquetage et d'emballage des témoins liquides ; cette pièce est constituée de plusieurs courriers envoyés par la direction à M. [B] [F], entre 2004 et 2013, relatifs à divers reproches adressés au salarié ; le message visé adressé à M. [B] [F] le 10 juin 2015 se trouve en réalité en pièce 8 ; il s'agit d'un mail du directeur technique de la société, reprochant à M. [B] [F] de ne pas respecter l'étiquetage des témoins de peinture, et d'avoir été obligé de récupérer dans la benne trois témoins de laque pour ATELIER DE [Localité 5] ;

- sa pièce 18, pour le rappel relatif à la numérotation des bordereaux de livraison ; cette pièce 18 est une fiche de rapport technique relative à la société OGF ; le mail visé du 02 juillet 2015 de la comptable se trouve en fait en pièce 6 ; ce mail est adressé à M. [F] et M. [H] : « (') Je vous rappelle que nous avons mis en place il y a quelques années un système de facturation de BL, afin de pouvoir contrôler leurs facturations. Je constate qu'en 2015 vous ne mettez plus de numéro sur vos BL (...) ».

Il convient d'indiquer que l'examen intégral des pièces produites n'a pas permis à la cour, en dehors des quelques cas précités, de retrouver les pièces visées sous de mauvais numéros.

Il résulte de ce qui précède qu'aucun des griefs adressés à M. [B] [F] n'est établi, étant précisé que l'absence de numérotation des bordereaux de livraisons, malgré la pièce 6, le défaut d'étiquetage des témoins, malgré la pièce 8, et l'absence de transmission systématique des compte-rendus commerciaux, malgré les pièces 2 et 13, ne sont pas établis, à défaut de justification de la connaissance par M. [B] [F] de la procédure applicable en ces matières au sein de l'entreprise.

Le licenciement de M. [B] [F] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse ; le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les conséquences du licenciement

M. [B] [F] fait valoir qu'il a été licencié alors qu'il avait 14 ans d'ancienneté, et qu'il perçoit aujourd'hui un salaire moindre.

La société MILESI VERNIS indique que l'appelant ne produit aucune pièce à l'appui de sa demande.

Motivation :

En application des articles L 1235-3 et L1235-5 anciens du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité au moins égale à six mois de salaire.

M. [B] [F] ne donne aucun élément sur sa situation personnelle, à la suite du licenciement et actuellement.

Dans ces conditions, il sera fait droit à sa demande à hauteur de ce qui est prévu par l'article précité.

M. [B] [F] produit en pièces 6 ses bulletins de salaire pour 2015 ; eu égard aux montants bruts de ses salaires pour les mois de juin à novembre 2015, il lui sera accordé 27 896,21 euros.

Sur l'application d'office des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail en faveur de Pôle Emploi

Aux termes des dispositions de l'article 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L1132-4, L1134-4, L1144-3, L1152-3, L1153-4, L1235-3 et L1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de 3 mois en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, la société MILESI VERNIS sera condamnée à payer à M. [B] [F], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, 1000 euros au titre de la procédure de première instance et 1000 euros au titre de la procédure en appel.

La société MILESI VERNIS sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Epinal, le 02 juin 2021, en ce qu'il a :

- jugé que la procédure de licenciement de Monsieur [F] est irrégulière pour non-respect du délai entre la convocation à l'entretien préalable et la tenue de cet entretien préalable,

- condamné la société MILESI VERNIS à payer à Monsieur [F] la somme de 2.200 euros  (Deux mille deux cents euros) ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [B] [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne en conséquence la société MILESI VERNIS à payer à M. [B] [F] 27 896,21 euros (vingt sept mille huit cent quatre vingt seize euros et vingt et un centimes) ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Y ajoutant,

Condamne la société MILESI VERNIS à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à M. [B] [F] à la suite de son licenciement, dans la limite de trois mois d'indemnités chômage ;

Condamne la société MILESI VERNIS à payer à M. [B] [F] 1000 euros (mille euros) au titre de la procédure de première instance et 1000 euros (mille euros) au titre de la procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société MILESI VERNIS aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en quinze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01672
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;21.01672 ?
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