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05/09/2022 | FRANCE | N°20/01892

France | France, Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 05 septembre 2022, 20/01892


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2022 DU 05 SEPTEMBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01892 - N° Portalis DBVR-V-B7E-EUMC



Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire d'EPINAL,

R.G.n° 15/01698, en date du 27 août 2020,



APPELANTES :

S.C.I. MARITA, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié

au siège social, sis [Adresse 2]

Représentée par Me Franck KLEIN de la SELARL AVOCAT JURISTE CONSEIL, avocat au barreau d'EPINAL



S.C.I. NOTIMMO, prise en l...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2022 DU 05 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01892 - N° Portalis DBVR-V-B7E-EUMC

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire d'EPINAL,

R.G.n° 15/01698, en date du 27 août 2020,

APPELANTES :

S.C.I. MARITA, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]

Représentée par Me Franck KLEIN de la SELARL AVOCAT JURISTE CONSEIL, avocat au barreau d'EPINAL

S.C.I. NOTIMMO, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]

Représentée par Me Franck KLEIN de la SELARL AVOCAT JURISTE CONSEIL, avocat au barreau d'EPINAL

INTIMÉE :

S.E.L.A.R.L. [E] [W], prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]

Représentée par Me Gérard WELZER de la SELARL WELZER, avocat au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2022, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 Septembre 2022, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 05 Septembre 2022, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

FAITS ET PROCÉDURE :

Madame [H] [P], notaire à [Localité 4], est entrée en négociation avec Monsieur [E] [W], alors notaire salarié en Alsace, en vue de la cession de l'office notarial détenu par la SCP [P] [H], dont elle était la gérante et unique associée.

Suivant traité de cession reçu par Maître [U], notaire à [Localité 3] en date du 3 juin 2014, la SCP [P] [H], titulaire d'un office notarial s'est engagée à présenter la SELARL [E] [W], représentée par son gérant et unique associé, Maître [E] [W], comme son successeur. Le prix de cession était arrêté à 800000 euros, comprenant le prix de la promesse de démission et du droit de présentation (700000 euros) et le prix de cession des éléments corporels (100000 euros), sous la double condition suspensive de l'obtention par le cessionnaire d'un prêt, et de sa nomination en qualité de notaire par arrêté du garde des sceaux.

Le prix de cession a ensuite été réduit à la somme de 740000 euros (dont 670000 euros pour le droit de présentation et 70000 euros pour les éléments corporels), et le traité rectificatif sous seing privé a été signé le 19 septembre 2014 par Monsieur [E] [W] et le 24 septembre 2014 par Maître [H] [P].

Ce traité de cession prévoit en outre l'obligation pour la SCP [P] de céder son droit au bail et l'obligation pour le cessionnaire d'exécuter à compter de sa prise de fonctions les charges et conditions du bail portant sur les locaux sis dans un ensemble immobilier [Adresse 2] et où l'étude exerce son activité, conclu avec la SCI Marita et la SCI Notimmo, bailleurs.

Un second rectificatif a été porté au traité de cession, signé les 19 et 24 septembre 2014.

Suivant promesse de vente sous seing privé signée le 26 mai 2014 par le cédant, le 27 mai 2014 par le cessionnaire, et enregistrée au service des impôts des entreprises de Mulhouse le 27 mai 2014, la SELARL [E] [W] s'est engagée, sous la condition suspensive de l'agrément et de la prestation de serment de Maître [E] [W], à acquérir des SCI Notimmo et Marita, l'une et l'autre représentées par leur gérante Mme [H] [P], les locaux sis [Adresse 2], ce dans un délai de 4 mois suivant la prestation de serment.

La promesse de vente prévoyait, au plus tard dans les deux mois de la prestation de serment le dépôt, au moyen d'un virement bancaire sur un compte ouvert par la SCI Notimmo, de la somme de 400000 euros par le bénéficiaire à titre d'indemnité d'immobilisation, cette somme demeurant acquise au promettant à titre d'indemnité forfaitaire en cas de non réalisation de la vente. Cette promesse de vente, qui précise que le traité de cession du droit de présentation par la SCP [P] et la cession des locaux par les SCI Marita et Notimmo sont 'deux opérations liées', comporte un exposé préalable faisant figurer qu'il a été convenu lors des négociations entre les parties que la SELARL [E] [W] serait cessionnaire du droit de présentation de la fonction de notaire à son profit par la SCP [P] [H] 'à la condition impulsive et déterminante de l'engagement de cette dernière que la SELARL [E] [W] s'engage

concomitamment à acquérir les locaux appartenant à la SCI Marita et à la SCI Notimmo dont la gérante et associée majoritaire est Mme [H] [P]', avec la précision que celle-ci'cessant son activité de notaire n'aura plus l'usage de ses locaux'.

La commission d'accès à la profession du Conseil Régional des Notaires de la Cour d'appel de Nancy a émis le 24 avril 2014 un avis favorable au projet de cession de l'office notarial de Maître [P] au profit de la SELARL [E] [W].

La SELARL [E] [W] a été nommée notaire en remplacement de la SCP Tabary [H] par arrêté de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 18 novembre 2014.

Maître [E] [W] a prêté serment le 16 décembre 2014. Madame [H] [P], par l'intermédiaire de son conseil, a fait part à Maître [E] [W] par courrier du 19 février 2015, de difficultés d'exécution de la promesse de vente.

Les SCI Marita et Notimmo ont été autorisées, par ordonnance du juge de l'exécution du 18 juin 2015, à pratiquer une saisie-conservatoire sur les sommes détenues pour le compte de la SELARL [E] [W] par la Caisse des Dépôts et Consignations afin de garantir le paiement de la somme de 400000 euros.

Par deux actes du 25 février 2016, la SELARL [E] [W] a donné congé à la SCI Marita et à la SCI Notimmo des locaux professionnels sis [Adresse 2].

Par acte du 25 juin 2015, la SCI Marita et la SCI Notimmo ont fait assigner la SELARL [E] [W] devant le tribunal de grande instance d'Epinal aux fins de paiement de l'indemnité d'immobilisation.

Par jugement contradictoire du 27 août 2020, le tribunal judiciaire d'Epinal, a :

- déclaré la SCI Marita et la SCI Notimmo recevables en leurs demandes mais les en déboute,

- annulé la promesse de vente signée le 26 mai 2014 par la SCI Marita et la SCI Notimmo représentées par leur gérante, Madame [H] [P], et le 27 mai 2014 par la SELARL [E] [W] représentée par son gérant, Monsieur [E] [W],

- débouté la SCI Marita et la SCI Notimmo de toutes leurs demandes,

- débouté Monsieur [E] [W] de sa demande de dommages-intérêts,

- dit que chaque partie conservera la charge des dépens exposés par elle,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que le droit d'exiger de la SELARL [E] [W] le versement de l'indemnité d'immobilisation par les SCI Marita et Notimmo issue de la promesse de vente entre les parties constitue un droit personnel qu'elles peuvent alors revendiquer malgré la vente de l'immeuble en cause.

Le tribunal afin de qualifier le versement de la prime d'indemnisation d'un supplément de prix occulte a constaté que le contenu de la promesse de vente des locaux

professionnels signée les 26 et 27 mai 2014 et le traité de cession de l'activité notariale du 3 juin 2014 divergent, le traité prévoit une cession du droit au bail pour le temps qui reste à courir alors qu'il est prévu que le cessionnaire exécutera les charges et conditions du bail aux lieux et place du cédant et paiera les loyers à leur échéance sans mention de l'acquisition des locaux, ce qui contrevient à un lien entre les deux opérations.

Le tribunal a retenu le témoignage de Monsieur [I], notaire, comme régulier, ayant participé à des négociations pour l'acquisition de l'office de Madame [P] qui confirme la constitution de la promesse de vente comme une contre lettre destinée uniquement à dissimuler une partie du prix de cession de l'office notarial.

Le tribunal a retenu le fait que Monsieur [E] [W] était informé du caractère frauduleux de la promesse de vente, mais il a considéré que la connaissance des faits par l'employeur de ce dernier et son épouse n'était pas établie tout comme la contrainte de souscrire à ce projet.

Il a relevé que Monsieur [E] [W] n'a jamais recherché à contracter un prêt immobilier pour le paiement des locaux et que Maître [H] [P] n'a pas non plus demandé la réitération exigée dans la promesse de vente.

En outre, le tribunal a relevé que le prix de vente énoncé dans la promesse était particulièrement élevé au regard des prix du marché et que ce prix ne servait qu'à rendre crédible le montant de l'indemnité d'immobilisation afin qu'elle ne soit pas considérée comme disproportionnée requalifiant l'acte en promesse synallagmatique. En outre, le tribunal a précisé que le prix de vente des locaux comprenant les trois niveaux et le parking appartenant à la SCI Marita a été de 560000 euros, soit 400000 euros pour le rez de chaussée et le premier étage où se trouvaient les locaux de la SELARL [E] [W] et de 160000 euros pour le second étage et que ce prix n'était pas bradé en l'absence de preuve contraire.

En l'absence de preuve d'une absence de versement des loyers par la SELARL [E] [W] pour le montant de son engagement pour une période de 24 mois à compter de 2014, le tribunal a rejeté la demande des SCI Marita et Notimmo. Le tribunal a aussi rejeté la demande de dommages et intérêts concernant l'inexécution de la promesse en raison de son annulation.

Enfin, le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation de la SELARL [E] [W] en relevant que cette dernière était partie prenante à la contre-lettre et ne pouvait alors se prévaloir d'un préjudice.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 28 septembre 2020, la SCI Marita et à la SCI Notimmo ont relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 25 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Marita et la SCI Notimmo demandent à la cour de :

- dire et juger recevable et bien-fondé leur appel interjeté contre le jugement rendu le 27 août 2020 par le tribunal judiciaire d'Epinal,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré la SCI Marita et la SCI Notimmo recevables en leurs demandes mais les en déboute ;

- annulé la promesse de vente signée le 26 mai 2014 par la SCI Marita et la SCI Notimmo représentées par leur gérante, Madame [H] [P], et le 27 mai 2014 par la SELARL [E] [W] représentée par son gérant, Monsieur [E] [W],

- débouté la SCI Marita et la SCI Notimmo de toutes leurs demandes,

- déclarer recevables et bien fondées les demandes de la SCI Marita et la SCI Notimmo,

En conséquence :

- condamner la SELARL [E] [W] à leur payer la somme de 400000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, outre les intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation,

- débouter la SELARL [E] [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, les déclarant mal fondées,

- condamner la SELARL [E] [W] à leur verser la différence de loyers entre ce qu'elle a versé et ce qu'elle s'était engagée à verser soit 10566,48 euros pour la SCI Marita et 23353,44 euros pour la SCI Notimmo outre les intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation,

- condamner la SELARL [E] [W] à verser à chacune des SCI une somme de 100000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-3 du code civil,

- condamner la SELARL [E] [W] à leur payer à chacune la somme de 10000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SELARL [E] [W] aux entiers dépens, et la contraindre à supporter les frais irrépétibles,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

- dit que chaque partie conservera la charge des dépens exposés par elle,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire

Et statuant à nouveau

- condamner la SELARL [E] [W] à leur payer la somme de 400000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, outre les intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation,

- débouter la SELARL [E] [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, les déclarant mal fondées,

- condamner la SELARL [E] [W] à leur verser la différence de loyers entre ce qu'elle a versé et ce qu'elle s'était engagée à verser soit 10566,48 euros pour la SCI Marita et 23353,44 euros pour la SCI Notimmo outre les intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation,

- condamner la SELARL [E] [W] à leur verser à chacune une somme de 100000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-3 du code civil,

- condamner la SELARL [E] [W] à payer à chacune des sociétés requérantes la somme de 10000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SELARL [E] [W] aux entiers dépens, et la contraindre à supporter les frais irrépétibles.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 25 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SELARL [E] [W] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté le moyen d'irrecevabilité et jugé recevables en leurs demandes la SCI Marita et la SCI Notimmo,

- dit qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les autres moyens de nullité,

- débouté la SELARL [E] [W] de ses demandes de dommages et intérêts, et au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau,

- condamner SCI Marita et la SCI Notimmo à lui verser la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Epinal en date du 27 août 2021 en ce qu'il a :

- prononcé la nullité de la promesse de vente,

- débouté la SCI Marita et la SCI Notimmo de toutes leurs demandes,

Et en tant que besoin à hauteur d'appel :

- dire et juger les demandes des SCI Marita et Notimmo irrecevables et mal fondées,

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement :

- prononcer la résolution de la promesse de vente,

Très subsidiairement,

- requalifier l'indemnité d'immobilisation en clause pénale et procéder à sa réduction à l'euro symbolique,

- condamner la SCI Marita et la SCI Notimmo à lui verser la somme de 4000 euros chacune au titre de l'article 700 en première instance et 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, ainsi qu'aux dépens dont distraction à la SELARL Welzer & Associes, avocats aux offres de droit

L'audience de plaidoirie a été fixée le 16 mai 2022 et le délibéré au 5 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les écritures déposées le 25 février 2022 par les SCI Notimmo et Marita et le 25 mars 2022 par la société [E] [W] (SELARL) auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 29 mars 2022 ;

Sur le traité de cession

La société intimée avance dans ses écritures le fait que le prix de cession de l'étude notariale de Madame [P] fixé initialement à 800000 euros dont 700000 euros de 'droit de présentation' a été considéré comme trop élevé par le Conseil Supérieur du Notariat ce qui explique le deuxième accord portant sur la somme de 740000 euros -traité rectificatif signé le 1er septembre 2014- (pièce 40 appelant) ;

elle ajoute qu'un second rectificatif au traité de cession a été signé les 19 et 24 septembre 2014 mentionnant le traité initial, le premier rectificatif ainsi que le second, ayant selon lui pour objet 'd'effectuer des modifications terminologiques' (pièce 35 appelant) ;

les appelantes indiquent cependant que ce second rectificatif n'a pas eu pour effet de remettre en cause la minoration du prix de cession prévue au second rectificatif, point qu'elles reconnaissent ; elles en veulent pour preuve les termes du courrier de l'expert-comptable missionné pour la présentation des comptes annuels consécutivement à la prestation de serment de Maître [W], qui se réfèrent au prix de 740000 euros (pièce 41 intimée) ;

ainsi l'intimée conteste toute erreur ou désaccord des parties sur le prix de la cession et s'oppose aux affirmations de faux que Maître [P] impute à Maître [W] dans ses conclusions ; l'intimée indique à cet égard que Maître [P] connaissait l'acte du 1er septembre 2014, pour le produire elle-même en pièce n°106 alors qu'elle qualifie cet acte de 'falsifié' ; elle relève enfin que le second traité de cession rectifié daté des 19 et 24 septembre 2014, est également produit par la partie appelante elle-même en pièce n°100 ;

elle précise que la signature de l'acte sous seing privé intitulé 'promesse de vente' concernant les locaux occupés par l'office notarial, a été exigée de Maître [P] antérieurement au traité de cession dont elle était la condition, et non l'inverse comme allégué par les conclusions des appelantes (pièce intimée n°9 du 27 mai 2014) ;

elle indique que le prix de vente était de 1400000 d'euros uniquement pour les locaux professionnels, parking et caves et que l'acte prévoyait une indemnité d'immobilisation de 400000 euros alors que l'immeuble dans son ensemble avait été acquis pour 400000 euros par la SCI Notimmo en 2010 et a été ensuite revendu dans son entier pour 560000 euros ;

elle affirme ainsi que le seul but de cet acte était la perception de l'indemnité de 400000 euros qui en réalité est un 'dessous de table' ;

A l'appui de son recours, elle conteste la recevabilité de l'action des SCI Notimmo et Marita ainsi que le rejet des demandes reconventionnelles qu'elle avait faites ;

elle conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu la nullité de la promesse de vente mais réclame que les autres moyens de nullité développés soient jugés ;

S'agissant du déroulement des faits, les appelantes contestent l'affirmation de Maître [W] portant sur la condition apportée à la cession de l'office notarial par la signature de la promesse de vente des locaux leur appartenant, ce qui ne résulte en aucun cas des échanges de mails préparatoires à l'acte qui a été rédigé, au demeurant, par Maître [W] lui-même ;

elles affirment que la promesse de vente a été signée le 26 mai 2014 postérieurement au traité de cession signé le 24 avril 2014 alors que, préparée par Maître [W], elle lui a été expédiée le 7 janvier 2014 (pièces 27 et 28) ;

elles ajoutent que ce dernier avait souhaité établir les deux actes sous seing privé tel que cela résulte des mentions du rapport de la Commission d'Accès à la Profession de Notaire dans sa délibération du 24 avril 2014 ainsi que de son courriel du 18 novembre 2013 (pièces 26 et 60 appelantes) ; elles affirment que c'est Maître [W] qui a fait enregistrer la promesse de vente le 27 mai 2014 ;

elles relatent que le traité de cession a été réitéré par acte authentique le 1er juin 2014, mais était acté antérieurement pour un prix de 800000 euros et non réduit à 740000 euros comme avancé par la partie intimée ; elles affirment que cette minoration résulte de la volonté de la SELARL [E] [W] de ne pas payer 60000 euros au titre de droits d'enregistrement ;

elles indiquent que la promesse de vente n'a pas été honorée, tel que notifié par la SELARL [E] [W] quelques temps après sa prestation de serment ; elles contestent la nullité de la promesse de vente et réclament le paiement de l'indemnité d'immobilisation de 400000 euros ;

Sur la recevabilité des demandes des SCI Notimmo et Marita

La SELARL [E] [W] conteste l'intérêt à agir des SCI, dès lors que l'immeuble qu'elles possédaient a été vendu ; elle leur demande de produire les actes de vente dans leur entier, enfin de connaître leurs droits tels que prévus dans l'acte authentique ;

En réponse les appelantes indiquent que s'il est exact que les deux SCI ont vendu l'immeuble qui abritait l'office notarial de Maître [P], leur actionnaire n'ont pas vendu leurs parts ; elles réclament une créance contre l'intimée qui leur appartient, l'indemnité d'immobilisation ;

Le jugement entrepris a valablement décidé que les deux SCI appelantes étaient propriétaires de l'immeuble objet de la promesse de vente lors de sa signature ; celle-ci prévoyant l'obligation au paiement d'une indemnité d'immobilisation de 400000 euros dans l'hypothèse de l'absence de réalisation de la vente des locaux professionnels, ce qui constitue un droit appartenant aux SCI, lequel n'est pas dépendant de la persistance ou non de l'immmeuble dans ses actifs ;

Par conséquent, la recevabilité de la demande des sociétés appelantes n'est pas remise en cause, le jugement déféré étant confirmé sur ce point ;

Sur la validité de la promesse de vente

A l'appui de son recours, la SELARL [E] [W] allègue de la nullité de la promesse de vente du fait du non-respect des dispositions légales et réglementaires ;

en effet elle relève que la promettante a omis d'indiquer la surface (loi Carrez) ce qui entraîne sa nullité, de même que l'absence de modification de la destination des locaux - local d'habitation et non professionnel- pour lesquels l'autorisation de changement de destination n'est pas produite ce qui justifie sa nullité ; elle fait également valoir l'absence de diagnostic technique et de déclaration des risques naturels et technologiques ;

Enfin elle conclut à la nullité pour absence de cause en application de l'article 1321-1 du code civil relatif aux contre-lettres ;

elle conteste aussi l'évaluation de l'immeuble figurant dans cette promesse, qu'elle considère comme totalement éloignée de la réalité économique du marché local ; elle relève également qu'aucune clause de financement par l'obtention d'un prêt immobilier n'est prévue alors que son celui-ci n'aurait pas pu résulter des seuls bénéfices de l'office notarial ;

elle ajoute que dès la prestation de serment, Maître [P] a voulu lui faire signer des avenants portant sur le montant du loyer, attitude qui ne correspond pas avec sa présentation des faits, à savoir la volonté pour elle d'obtenir la cession des locaux et de l'office notarial en même temps ;

elle se réfère enfin aux mentions du dossier destiné au CSN (Conseil Supérieur du Notariat) déclaré renseigné par Maître [P], qui ne fait pas état d'une cession des locaux mais d'un contrat de bail (pièce 12 appelante) ;

En réponse les sociétés appelantes indiquent que la promesse de vente a été rédigée par Maître [W] tel que cela résulte des courriels ayant précédé sa signature ; elle prévoit une indemnité d'immobilisation en cas de non réitération de la vente ; son montant correspondant à celui fixé conventionnellement soit 400000 euros ; il n'est pas réductible s'agissant d'une promesse unilatérale de vente et non d'un compromis ; il est exigible quelque soit la durée de l'immobilisation et le préjudice subi ;

elles indiquent que la cession des locaux était pour Maître [P] une condition essentielle liée à la cession de son office notarial, bien qu'à la demande de la SELARL [E] [W] qui avançait une crainte d'opposition des instances professionnelles concernant l'économie générale de la cession, la vente des locaux ne figurait pas dans le traitement de cession qui mentionne une location des locaux professionnels ;

elles indiquent avoir accepté une période de location, à la condition d'augmenter les loyers après la prestation de serment parce qu'elles étaient persuadées de l'achat des locaux par l'intimée, ce que Maître [W] avait accepté ;

ensuite les relations se sont dégradées du fait du refus de la SELARL [E] [W], tant sur le coût des loyers que sur l'acquistion des locaux, qui leur ont été notifiés par Maître [W] dès sa prestation de serment ;

elles contestent l'existence d'une contre-lettre résultant des termes de la promesse de vente, celle-ci n'étant aucunement prouvée ; elles contestent l'attestation de Monsieur [I] qui envisageait une association avec Maître [P] qui n'a pas été réalisée, en mettant en avant les liens d'amitié du témoin et de Maître [W], alors que le témoin n'a pas participé aux pourparlers avec son ami ;

elles avancent l'argument lié à la chronologie des faits pour exclure toute possibilité de contre-lettre, les parties ayant convenu d'une vente des locaux professionnels ;

elles contestent l'existence de causes de nullité de la promesse de vente tenant à l'absence de mention de la surface, de l'autorisation de transfert des locaux d'habitation en bureaux, de diagnostics techniques et de déclaration des risques naturels et technologiques ;

enfin, elles relèvent que l'intimée conteste la valeur de l'immeuble visée dans la promesse de vente malgré les éléments probants qu'elles produisent, expliquant que le prix de cession effectif de l'immeuble a été 'bradé' compte-tenu de la nécessité d'honorer les échéances bancaires restant exigibles ;

Aux termes de l'article 1321 du code civil' les contre-lettres ne peuvent avoir leur effet qu'entre les parties contractantes ; elles n'ont point d'effet contre les tiers' ;

L'article 1321-1 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au cas d'espèce, prévoit qu' 'est nulle et de nul effet toute contre-lettre ayant pour objet une augmentation du prix stipulé dans le traité de cession d'un office ministériel et toute convention ayant pour but de dissimuler partie du prix d'une vente d'immeubles ou d'une cession de fonds de commerce ou de clientèle ou d'une cession d'un droit à un bail ou du bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble et tout ou partie de la soulte d'un échange ou d'un partage comprenant des biens immeubles, un fonds de commerce ou une clientèle';

Il en résulte que l'obligation sans cause ou pour une fausse cause, ou encore sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ; la cause est illicite quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public ; ainsi est nulle et de nul effet toute convention ayant pour but de dissimuler partie du prix d'une vente d'immeuble ;

En l'espèce, la SELARL [E] [W] fait valoir que la promesse de vente établie entre les SCI Marita et Notimmo et elle-même, a été signée les 26 et 27 mai 2014 à la demande de Maître [P], conditionnait la cession de son office notarial ; elle indique qu'il s'agit d'une contre-lettre destinée à augmenter le prix de cession de l'office notarial de 400000 euros ;

cette thèse est constestée par les appelantes qui affirment que la volonté de Maître [P] était de céder en même temps son office notarial et ses murs ;

Il y a lieu de se référer aux mentions de cet acte sous seing privé ainsi qu'à la chronologie des échanges entre les parties à cette opération ;

L'acte sous seing privé mentionne que la SELARL [E] [W] 'a signé dès avant les présentes le traité de cession du droit de présentation de la fonction de notaire à son profit par la SCP [P] [H], notaire à [Localité 4], actuellement titulaire de ce droit';

il ajoute que 'la SELARL [E] [W] serait cessionnaire du droit de présentation à la condition impulsive et déterminante de l'engagement de la SCP [P] [H], que la SELARL [E] [W] s'engage concomittamment à acquérir les locaux appartenant à la SCI Marita et à la SCI Notimmo dont la gérante et associée majoritaire est Madame [H] [P]' ;

enfin il précise que 'la cession du droit de présentation par la SCP [P] et la cession des locaux de Maître [P] sont deux opérations liées. Il en résultera notamment par conséquent, que la promesse est conclue sous la condition suspensive de l'agrément et de la prestation de serment de la SELARL [E] [W], comme notaire à [Localité 4] en remplacement de la SCP Tabary. La SELARL [E] [W] n'ayant, en l'absence de prestation de serment, aucun intérêt à acquérir les locaux actuellement exploités par la SCP [P]' ;

Il en résulte que l'opération convenue dans cet acte sous seing privé, avait pour objet l'acquisition de l'immeuble professionnel de la SCP [P] par la SELARL [E] [W], lorsqu'elle sera devenue titulaire de l'office notarial cédé parallélement par acte authentique du 3 juin 2014, remanié le 1er septembre 2014 puis les 19 et 24 septembre 2014 (pièces 106, 100 appelantes et 40 intimée),

A l'appui de sa thèse, l'intimée fait valoir qu'elle a signé l'acte sous seing privé des 26 et 27 mai 2014, uniquement dans l'optique d'obtenir la signature par Maître [P] du traité de cession de l'office notarial et sous la condition de cette dernière d'obtenir, par cet acte, un complément de prix de 400000 euros sur le traité de cession de l'office notarial ;

Cependant il est établi que le 24 avril 2014, soit antérieurement à la signature des actes sus énoncés, la Commission d'Accès à la Profession des Notaires de la cour d'appel de Nancy s'est prononcée favorablement sur le projet de cession de l'office notarial de Maître [P] au profit de Maître [W], alors notaire assistant à Riedisheim (68), moyennant le paiement d'une somme de 800000 euros au titre du droit de présentation que ce dernier a indiqué qu'il entendait payer moyennant un prêt bancaire (pièce 60 appelantes) ;

Dès lors les nombreux développements de la SELARL [E] [W] portant sur la révision du prix de cession à la baisse, ainsi que de la prévision d'un droit au bail plutôt que d'une vente des locaux professionnels, pour ne pas présenter un projet dont le financement serait trop important, ne résistent pas à la confrontation de ces éléments de fait ;

De même le courriel produit par les appelantes établit qu'aucune diminution du prix de cession de 800000 à 740000 euros, n'a été demandée par les instances professionnelles (pièce 102 appelantes) ;

Il sera relevé également qu'une reconnaissance de dette portant sur la somme de 60000 euros entre Maître [W] et Maître [P] a été régularisée le 1er septembre 2014, jour également de la signature du premier avenant au traité de cession portant minoration du prix de vente de 60000 euros (pièce 62 appelantes) ;

Il ne résulte pas cependant de la chronologie des actes sus énoncés ni des termes de ces actes, la preuve de l'existence d'une opposition entre la promesse de vente des locaux et le traité de cession de l'office notarial ;

En effet cet acte sous seing privé prévoit en page 9 que 'le droit au bail fera l'objet d'un transfert au nom de la La SELARL [E] [W] dès la prestation de serment. La SCP [P] cessant concomitamment toute activité' (pièce 9 intimée) ;

Il y a lieu de relever ainsi que le projet ainsi conclu entre les parties, sous la plume de Maître [W] tel que cela résulte des échanges de courriels ayant précédé sa signature (pièces 9, 26, 27, 28 intimée) prévoyait à la fois, la cession du droit au bail dès la prestation de serment de Maître [W] ainsi que le paiement de loyers, dont le montant a fait l'objet d'échanges entre les parties, et la vente de l'immeuble abritant les locaux professionnels de la SCP [P], moyennant le versement de la somme de 14000000 euros ;

Ainsi une indemnité d'immobilisation du bien immobilier d'un montant de 400000 euros était convenue entre les parties, exigible ' au plus tard dans les deux mois de la prestation de serment suite à l'agrément de la SELARL [E] [W] comme notaire à [Localité 4], en remplacement de la SCP [P] sur un compte ouvert au nom de la SCI Notimmo' qui, 'en cas de résiliation de la vente promise, (elle) s'imputera sur le prix et reviendra en conséquence intégralement au promettant devenu vendeur'; 'en cas de non réalisation de la vente promise selon les modalités et délais prévus au présent acte, la somme (...) restera acquise au promettant à titre d'indemnité forfaitaire pour l'immobilisation entre ses mains de l'immeuble formant l'objet de la présente promesse de vente pendant la durée de celle-ci' ; elle ajoute que 'observation étant ici faite que l'intégralité de cette somme restera acquise au promettant même si le bénéficiaire faisait connaître sa décision de ne pas acquérir avant la date d'expiration du délai d'option' ;

Pour établir l'existence d'une contre-lettre, il y a lieu de démontrer que les signataires de la promesse de vente n'ont, ni l'un ni l'autre, entendu en poursuivre l'exécution et que celle-ci a été uniquement rédigée afin de permettre le versement d'un complément de prix de cession de l'office notarial de 400000 euros ; cette preuve doit être rapportée par la partie intimée, qui se prévaut de la nullité de la promesse de vente ;

Il est démontré en l'espèce, que Maître [W] n'a jamais entendu s'engager à l'acquisition de l'immeuble professionnel pour le prix sus indiqué ;

il a en effet reconnu lors de son audition par les services d'enquête mandatés dans le cadre de la procédure pénale portant sur l'établissement de faux et la subornation de témoins, qu'il n'avait pas voulu se priver de la possibilité de signer un contrat de présentation pour l'office notarial de [Localité 4] 'ne voulant pas passer à côté de cette vente'(pièce 76 intimée) ;

En revanche, il appartient à la SELARL [E] [W] qui se prévaut de l'existence de cette contre-lettre d'établir que les appelantes en tant que propriétaires des locaux professionnels objet de la promesse de vente par elles signée, n'ont jamais entendu poursuivre l'exécution de la vente des locaux ;

Pour y parvenir l'intimée indique d'une part, que le prix des locaux visés dans la contre-lettre n'a aucun lien avec la valeur réelle du bien, d'autre part, que les SCI n'ont jamais entendu poursuivre l'exécution de cette promesse, se contentant d'obtenir par le biais d'une saisie, l'indemnité d'immobilisation de 400000 euros ;

Sur le dernier point, les appelantes ont expliqué leur attitude par le fait que Maître [P] était en fin de carrière, âgée ; cette affirmation ne constitue pas une explication probante à cet égard ;

Sur le premier point, il y a lieu de constater qu'il résulte des affirmations des appelantes, que le coût d'achat de l'immeuble en 2010 a généré une dépense totale de 814869 euros, sans compter le terrain pour accéder au parking, outre les travaux importants réalisés par elles qu'elles chiffrent entre 300000 et 350000 euros soit un prix de revient de 1200000 euros ;

elles ajoutent qu'elles produisent des évaluations conformes émanant d'agences immobilières ainsi qu'une attestation de Monsieur [J] [L], consultant coatch (pièce 41 intimée) ;

elles précisent que le projet de la promesse de vente portait sur l'intégralité de l'immeuble mais que finalement, à l'initiative de Maître [W], il été réduit aux surfaces professionnelles (pièce 28b bis, 30 appelantes) ;

En revanche, l'intimée avance que le prix de vente était déconnecté de la valeur réelle du bien, en rappelant qu'il a été finalement vendu en totalité pour une somme de 560000 euros et en produisant des évaluations d'agences immobilières d'une valeur conforme à celle de la vente ;

De même le constat établi le 15 décembre 2016 par Maître [N], huissier de justice à [Localité 4] à l'occasion de la mise en vente de l'immeuble appartenant aux deux SCI appelantes, porte sur un prix de 212000 euros pour un F6 situé au premier étage ce qui infléchit les affirmations des appelantes quant à la valeur de ce bien (pièce 19 intimée) ;

Il n'est cependant pas suffisamment établi au vu des ces éléments contradictoires, le caractère déraisonnable du prix de vente mentionné dans la promesse de vente et partant du caractère mensonger de cet acte sous seing privé ;

Aussi pour caractériser l'existence d'un 'dessous de table' demandé par Maître [P], restent les attestations dont celle de Monsieur [I], notaire assistant, pris en compte par les premiers juges, lequel précise qu'il a accompagné Monsieur [E] [W] lors de sa première rencontre avec Maître [P] et que la question du dessous de table a été évoquée à cette occasion, portant sur 200000 euros pour chaque personne dans l'hypothèse d'une association des deux notaires assistants (pièce 1 intimée) ;

une deuxième attestation émanant de Monsieur [J] [K] (pièce 17 intimée), relate une conversation avec Maître [W] sur la demande d'un dessous de table pour acquérir l'office notarial d'une notaire à [Localité 4], ne constitue pas un témoignage de faits personnellement constatés et se trouve par conséquent dépourvu de valeur probante ;

Enfin est produit le témoignage de Monsieur [J] [L] qui déclare avoir assisté à une conversation en 2019 entre Maître [P] et Monsieur [I] aux termes de laquelle, elle lui a demandé pourquoi avoir établi 'une fausse attestation dans le procès qu'elle a contre Maître [W]' ; il affirme ainsi 'je lui ai entendu lui répondre ce qui suit : c'est Maître [W] qui me l'a demandé maintenant je ne le vois plus. Remarquez moi je n'ai pas assisté à vos pourparlers' (pièce 91 appelantes) ; dès lors la pertinence du témoigne de Monsieur [I] n'est pas démontrée ;

A l'appui de la thèse des appelantes qui excluent toute contre-lettre dans l'opération de cession de l'office notarial de [Localité 4], il est produit deux attestations du proche entourage de Maître [P], Monsieur [F] [P] son ex-mari (pièce 34 appelante) et Madame [S] [P] sa fille (pièce 35) aux termes desquelles ils indiquent avoir entendu une conversation entre Maître [P] et deux hommes, un samedi matin à l'étude, au cours de laquelle l'un disait 'pour moi il n'y a pas de problème car mes parents ont une grosse entreprise en Suisse ; ils sont d'accord pour acheter les locaux en compensation car mon frère reprend l'usine' ;

cette question touchant aux capacités de financer l'acquisition immobilière, a été posée au notaire chez qui Maître [W] travaillait en Alsace, qui a indiqué l'absence de réalité de ces affirmations quant à la situation familiale de Maître [W] ;

Dès lors la preuve d'un financement familial de l'acquisition des locaux professionnels par Maître [W] ainsi que d'une réelle croyance de la part des appelantes sur ce point n'est pas établie ;

Enfin, Maître [P] a indiqué dès le départ que l'opération qu'elle souhaitait effectuer à l'occasion de son départ à la retraite était la vente de son immeuble en même temps que de son l'office notarial ;

Cependant, les deux SCI appelantes, ont établi deux contrats de bail portant sur les locaux objets de la promesse de vente, valables pendant une durée de 4 mois après la prestation de serment du cessionnaire, ce qui tend à démontrer que la poursuite des baux était convenue entre les parties, point confirmé par les mentions du dossier de candidature auprès du Conseil du Notariat (pièce 12 intimée) faisant état de la conclusion d'un contrat de bail pour 3318,84 euros par mois pour les locaux professionnels et ajoutant 'les locaux sont actuellement loués à la SCP [H] [P] pour un loyer de 381,12 et 2937,72 euros (..)' 'Les locaux resteront la propriété de Maître [P], au travers de ses deux SCI' et partant vient mettre à néant l'affirmation portant sur la vente de l'immeuble pour le prix de 1400000 d'euros ;

Plus encore, il a une contradiction évidente dans la thèse des appelantes qui font valoir à la fois l'existence d'une promesse de vente immobilière - dont elles ne poursuivent pas l'exécution forcée- et dans le même temps, la prévision d'avenants aux contrats de bail établis en vue de la signature par l'intimée et portant sur une augmentation du loyer pour les six mois après la prestation de serment, alors que l'exécution de la promesse de vente devait intervenir dans un délai de quatre mois  ;

Il en résulte la preuve de la volonté des parties de se placer dans le cadre locatif et non celui impliquant la réalisation d'une vente immobilière et qu'ainsi la promesse de vente n'avait pour seule utilité, que la création d'une créance supplémentaire de 400000 euros au bénéfice des appelantes, en accord avec la société intimée ;

Le caractère fictif de cet acte étant démontré, il y a lieu de constater que sa cause unique est l'augmentation du prix de cession de l'office notarial, ce qui en application de l'article 1321-1 du code civil alors applicable, induit sa nullité ;

Pour ces motifs le jugement déféré sera confirmé ;

La présente décision ayant prononcé la nullité de la promesse de vente sur le fondement de l'article 1321-1 du code civil, la demande de la SELARL [E] [W] portant sur l'absence de respect des obligations réglementaires de l'acte, devient sans objet et sera écartée ;

Sur la demande de paiement de la créance de loyers

Les appelantes affirment également que s'agissant des loyers, ils ont été baissés par la SELARL [E] [W] avant son passage devant la Commission d'Accès au Notariat, mais indiquent que les parties étaient convenues de régulariser un avenant pour les six mois consécutifs à la prestation de serment, portant augmentation de leur montant pour tenir compte des nombreux investissements effectués depuis l'achat des locaux; elles se réfèrent à un courriel de Maître [E] [W] du 3 mars 2014 (pièce 30) et produisent les extraits de compte bancaire justifiant des sommes perçues ;

La partie intimée considère que les appelantes ont par l'entremise de Maître [P], souhaité augmenter unilatéralement les loyers, soit 1000 euros par mois au lieu de 559,73 euros pour la SCI Marita et 4740 euros par mois au lieu de 3766,64 euros pour la SCI Notimmo, ce qui n'était pas prévu au contrat, ni dans le dossier du Commission d'Accès au Notariat ; elle conteste les explications données par les parties adverses et entend se référer aux mentions du traité de cession pour solliciter la confirmation du jugement entrepris ;

Il résulte de la production de deux avenants au contrat de bail (pièces 9 et 10 intimée) d'une part, signé le 30 décembre 2010 entre la SCI Notimmo et la SCP [P] [H] portant sur les deux étages du local professionnel et d'autre part le 16 décembre 2014 entre la SCI Marita et la SCP [P] portait sur l'immeuble B parking, caves et greniers, que le loyer ;

le loyer initial respectivement de 3766,94 et 559,73 euros devant être porté aux termes de ces deux avenants à 4740 euros et 1000 euros ;

ces deux avenants n'ont pas été signés par la SELARL [E] [W], bien qu'aux cours des échanges de courriels entre les parties avant signature du traité de cession, Maître [W] s'y était engagé (courrier du 3 mars 2014, pièce 30 appelantes) ;

Ce document en l'absence de régularisation des deux avenants aux contrats de bail, n'engage pas la SELARL [E] [W] comme ne constituant pas une obligation conventionnelle régularisée entre les parties ;

il est constant que le loyer initial a été honoré par la SELARL [E] [W] jusqu'à la sortie des lieux, selon congé du 25 février 2016 à effet du 31 décembre 2016 ;

enfin aucun engagement portant sur une augmentation de loyer n'est acté dans la promesse de vente comme allégué par les appelantes ;

Par conséquent le jugement déféré qui a rejeté cette demande, sera confirmé ;

Sur la demande de dommages et intérêts réclamés par les SCI

Les sociétés appelantes relèvent que la société [W] a agi de manière dolosive pour emporter la cession de l'office notarial de Maître [P], ce qui a abouti à l'obligation de céder l'immeuble abritant les locaux à vil prix pour s'acquitter de l'encours bancaire ; de plus les loyers n'ont pas été payés dans leur intégralité et congé a été donné le 25 février 2016, privant la SCI Notimmo de ressources ce qui justifie l'allocation au bénéfice de chacune des SCI d'une somme de 100000 euros à titre de dommages et intérêts 'sur le fondement de l'article 1231-3 du code civil' ;

L'intimée s'oppose à cette demande, en relevant qu'en fait de préjudice des SCI appelantes, il est fait état de préjudices personnels de Maître [P], dont l'imputabilité à une faute de la société [E] [W] n'est aucunement justifiée ce qui fonde la confirmation du jugement déféré à cet égard ;

Aux termes de l'article 1241 du code civil ' chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou son imprudence' ;

En l'espèce les SCI appelantes font valoir que l'attitude de la SELARL [E] [W] a été à l'origine d'un préjudice économique résultant de l'obligation de réalisation rapide, l'immeuble leur appartenant, à vil prix ;

cette affirmation suppose d'une part, que soit établie la réalité de la valeur de l'immeuble telle que mentionnée dans la promesse de vente signée par les parties ; les développements précédents l'infirment ;

d'autre part, il y a lieu d'établir que l'attitude de la SELARL [E] [W], société destinée à acquérir l'office notarial de Maître [P] a été préjudiciable aux SCI appelantes notamment du chef des montants des loyers exigibles ; cependant il est constant que les sociétés appelantes et intimée se sont concertées pour fixer le loyer conventionnellement pour le temps où la prestation de serment de Maître [W] n'était pas effective ; leur préjudice économique résulte ainsi, des conséquences de leurs propres agissements, convergents avec ceux de la société intimée ;

dès lors aucun agissement fautif de l'intimée n'étant établi, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a écarté cette prétention ;

Sur la demande de dommages et intérêts réclamés par la SELARL [E] [W]

La partie intimée réclame l'infirmation du jugement entrepris en faisant valoir que l'attitude de la partie adverse qui a multiplié les actions la concernant, y compris en pratiquant une saisie de ses fonds, justifie l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 10000 euros ;

La demande ainsi présentée est principalement fondée sur l'engagement d'une procédure pénale à l'encontre de Maître [W] ainsi que sur l'exécution forcée portant sur le paiement de l'indemnité d'immobilisation au paiement de laquelle l'intimée s'était engagée ;

Aussi en l'absence de faute imputable aux sociétés appelantes à l'origine d'un préjudice de la société intimée, cette demande sera écartée et le jugement déféré confirmé à cet égard ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La SCI Marita et la SCI Notimmo, parties perdantes, devront supporter les dépens ;

En revanche, il n'apparaît pas inéquitable eu égard aux termes du litige, de laisser à la SELARL [E] [W] les frais non compris dans les dépens par elle exposés ; de même les appelantes seront déboutées de leur propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Déboute la SELARL [E] [W] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SCI Marita et la SCI Notimmo de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Marita et la SCI Notimmo aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en dix-sept pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01892
Date de la décision : 05/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-05;20.01892 ?
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