RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
CINQUIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT N° /22 DU 31 AOUT 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/02018 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E2MD
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Commerce de NANCY, R.G. n° 2020005812, en date du 05 juillet 2021,
APPELANTE :
S.A.R.L. VIGNERON LOGISTIQUE représentée par son gérant pour ce domicilié audit siège, demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Frédéric BARBAUT de la SELARL MAITRE FREDERIC BARBAUT, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
S.A.S. W 41 TP représentée par son président domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de TOURS sous le numéro 401 636 592
Représentée par Me Alain CHARDON, avocat au barreau de NANCY
Avocat plaidant : Me Maxime Bussière, substituant Me Dominique LACAN avocats au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 15 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de la cinquième Chambre commerciale chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de Chambre,
Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
Greffière placée, lors des débats :Madame Mégane LEGARDINIER;
A l'issue des débats, la Présidente a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 31 Août 2022, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
signé par Mme Guillemette MEUNIER, Présidente et par Monsieur Ali ADJAL , Greffier , auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
La société Vigneron Logistique, spécialisé dans les travaux de transport logistique, a acquis auprès de la société W41 TP un broyeur « Crambo 3400 » en matériel d'occasion avec une garantie de six mois pour la somme de 174.000 euros TTC selon facture en date du 19 mars 2015.
Par ordonnance en date du 13 février 2019, le Président du Tribunal de Commerce de Nancy a, condamné la SAS W41 TP à payer, à titre de provision, la somme de 174.000 € correspondant au prix d'achat du broyeur Crambo 3400 au motif que la vente avait été résolue d'un commun accord entre les parties et que le prix avait été réemployé en financement partiel du second broyeur Crambo 5000 désormais loué du fait de la novation du contrat.
Par exploit du 27 août 2020, la SARL Vigneron Logistique a assigné la SAS W41 TP à comparaître devant le tribunal de commerce de Nancy aux fins de la voir condamner au paiement de diverses sommes à titre d'indemnisation des frais indûment engagés pour le broyeur 3400 et à titre d'indemnisation des préjudices subis dans le cadre de la location du broyeur Crambo 5000 au visa des articles 1709, 1719, 1720 du code civil et 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 05 juillet 2021, le Tribunal de commerce de Nancy a :
- condamné la SAS W41 T.P. à payer à la SARL Vigneron Logistique la somme de 900€ à titre de dommages et intérêts, pour préjudices subis dans le cadre du broyeur Crambo 3400 ;
- condamné la SAS W41 T.P. à payer à la SARL Vigneron Logistique la somme de 4 597,03 € à titre de dommages et intérêts, pour préjudices subis dans le cadre du broyeur Crambo 5000 :
- déclaré la SARL Vigneron Logistique mal fondée en sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,
- l'en a déboutée,
- déclaré la SARL Vigneron Logistique mal fondée en sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- l'en a déboutée,
- condamné la SAS W41 T.P. aux entiers dépens,
- condamné la SAS W41 T.P. à payer à la SARL Vigneron Logistique la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La S.A.R.L. Vigneron Logistique a interjeté appel du jugement par déclaration électronique transmise au greffe le 11 août 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 04 avril 2022, elle demande à la cour de :
Vu les articles 1709, 1719 et 1720 du Code civil ;
- dire la société Vigenron Logistique recevable et bien fondée en son appel,
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nancy en date du 05 juillet 2021 en ce qu'il a condamné la société SAS W41 TP à payer à la SARL Vigneron Logistique des dommages et intérêts pour les préjudices subis dans le cadre de la vente du broyeur Crambo 3400,
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nancy en date du 05 juillet 2021 en ce qu'il a condamné la société SAS W41TP à payer à la SARL Vigneron Logistique des dommages et intérêts pour les préjudices subis dans le cadre de la vente puis de la location du broyeur Crambo 5000,
- l'infirmer sur les montants des dommages et intérêts accordés à la société Vigneron Logistique,
Statuant à nouveau sur lesdits montants,
- condamner la société W41 TP à payer à la société Vigneron Logistique la somme de 6.429,57 € HT à titre de dommages et intérêts dans le cadre de la vente du broyeur Crambo 3400,
- condamner la société W41 TP à payer à la société Vigneron Logistique la somme de 66.952,01 euros HT, de dommages et intérêts, à titre d'indemnisation des préjudices subis dans le cadre de la vente puis de la location du broyeur Crambo 5000,
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nancy en date du 05 juillet 2021 en ce qu'il a débouté la SARL Vigneron Logistique de ses demandes de réparation de son préjudice financier et de son préjudice moral à l'encontre de la société W41TP,
Statuant à nouveau sur ces demandes,
- condamner la société W41 TP à payer à la société Vigneron Logistique la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique ;
- condamner la société W41 TP à payer à la société Vigneron Logistique la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nancy en date du 05 juillet 2021 pour le surplus,
Y rajoutant,
-condamner la société W41TP à payer à la société Vigneron Logistique la somme de 5.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 février 2022, la SAS W 41 TP demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées par Vigneron Logistique
- débouter la société Vigneron Logistique de toutes ses demandes et la renvoyer à se mieux pourvoir,
- la condamner à payer à la société W41TP la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de l'instance et dire que Maître Alain Chardon pourra recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance le 11 mai 2022.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions respectives susvisées, notifiées et transmises à la Cour par la voie électronique.
MOTIFS DE LA DECISION
La société Vigneron réclame en premier lieu le remboursement de factures émises par les sociétés Eneria et Braun suite à leur intervention sur le broyeur Crambo 3400 qui ont été rejetées par le premier juge aux motifs que celles -ci correspondraient à des travaux d'entretien courant.
Elle conteste l'analyse retenue en mettant en avant que la société Eneria a du intervenir le 15 avril 2015, soit moins d'un mois après la mise en service de la machine pour le remplacement de l'ECM, soit le module de commande du moteur (ou Engine Control) et que la société Baum est intervenue quant à elle sur les grilles d'un broyeur moins de deux mois après sa mise en service.
Il appartient en conséquence à la société Vigneron de démontrer le préjudice qu'elle a subi en relation de causalité avec les dysfonctionnements relevés.
L'expertise diligentée le 26 mai 2015 à la demande de l'assureur de l'appelante a relevé que l'un des deux rotors de la machine était sectionné en son milieu et que ce rotor avait subi des recharges de soudure avec l'ajout de platines métalliques permettant de conclure à des endommagements antérieurs du rotor. En se brisant, le rotor a basculé vers le haut entrainant un enfoncement du carter et une déformation du support du moteur hydraulique d'entrainement. La présence d'amorce de fissure était constatée sur le second rotor. L'expert privilégiait compte tenu du faciès de rupture du rotor endommagé et notamment la présence de propagation de fissure au niveau de chacun des pieds des palettes une rupture de l'arbre par des phénomènes de fatigue. Il concluait sans être contredit utilement par la société W41 TP que « le rotor endommagé présentait au moment de la survenance du sinistre des fissures et des stigmates d'endommagements antérieurs qui ont entrainé sa destruction dans le cadre d'une utilisation normale par le Groupe Vigneron ».
La société Vigneron a été indemnisée par l'assureur à hauteur de 51 350 euros laissant à sa charge un solde de 900 euros eu égard au montant de la location d'un broyeur de remplacement pour les mois de mai, juin et juillet 2015 pour un total de 52 250 euros HT.
Ainsi que le souligne le premier juge, la demande se rapportant au remboursement de cette franchise retenue par l'assureur n'est pas réellement contestée par la société W41 TP. Elle ne l'est pas plus en appel.
Invoquant les réparations qu'elle a du faire effectuer sur le Crambo 3400, la société Vigneron Logistique demande le remboursement de deux factures qui sont contestées par la société intimée aux motifs qu'elles ne se rapportent pas à une rupture de l'arbre mais à des interventions que la société appelante s'était gardée d'évoquer pour ne pas alerter son co-contractant sur des conditions anormales d'utilisation du matériel et pour lesquelles elle n'a l'a jamais mise en demeure au préalable.
Le préjudice indemnisable devant être direct et certain, il y a lieu d'examiner les factures produites par la société Vigneron pour vérifier si elles sont induites par les dysfonctionnements relevés notamment par l'expertise.
La première pièce correspond à une facture portant mention d'intervention de deux techniciens de la société Baum au titre de la maintenance sur la machine pour le remplacement des grilles et leur nettoyage. Cette facture est toutefois insuffisante à démontrer que les réparations, qui se réfèrent à des opérations d'entretien, ont été causées par les dysfonctionnements relevés par l'expertise ci-dessus évoquée quand bien même elle a été émise deux mois après la mise en service de la machine.
La seconde pièce est un devis et non une facture établi par la société Eneria le 15 avril 2015 pour diagnostic et remplacement de l' ECM faisant suite à une intervention demandée le 13 avril 2015 ayant mis en évidence selon le rapport dressé à cette occasion que le « moteur cale de temps en temps en pleine charge » et que l'ECM ne garde pas la reprogrammation en mémoire. Il n'est pas versé le bon de commande correspondant établissant la preuve de réparations invoquées, étant observé que le paiement des travaux correspondants ne figure pas sur les extraits de compte tiers produits aux débats.
Enfin, ainsi que l'a relevé le juge des référés par ordonnance du 13 février 2019, la société Vigneron Logistique a accepté l'accord conclu le 22 juillet 2015 du remploi du prix d'achat du Crambo 3400 en déduction du prix de cession du broyeur Crambo 5000 sans réclamer le remboursement des frais exposés, ce qui conduit à en déduire qu'elle y a renoncé.
Au vu de ces éléments, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société W41 TP à verser à la société Vigneron Logistique la somme de 900 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices subis dans le cadre du broyeur Crambo 3400 et l'a déboutée du surplus de sa demande de remboursement des deux factures.
S'agissant du préjudice relatif aux réparations de la deuxième machine, la société W41 TP ne conteste pas à proprement parler les dispositions du jugement l'ayant condamnée à payer la somme de 4597,03 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices subis dans le cadre du broyeur Crambo 5000 correspondant aux factures 15749 er 15750 émises par la société Baum d'un montant respectif de 900 euros et 3157,03 euros et de la facture 248475 de la société Eneria d'un montant de 540 euros. Elle conclut en effet à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société Vigneron Logistique mais non à l'infirmation du jugement sur ce point.
Lors de la réception de la machine, la société Vigneron Logistique a émis les réserves suivantes :
-démontage coupe billot des deux grilles ;
-curage plus nettoyage support gris ;
-grill de 300/250 fendue voir cassée;
-plusieurs couteaux cassés ;
-mise en route reportée ;
-verrouillage grilles bloquées (intervention à prévoir) ;
-produit non conforme.
Les factures retenues par le premier juge et versées à hauteur d'appel correspondent à des interventions des sociétés Baum et Eneria sur cette machine dont un diagnostic établi par la société Hantsch le 17 août 2015 a mis en évidence les anomalies (relais démarreur à remplacer, moteur manque de puissance, silent bloc fixation radiateur d'huile cassé, moteur hydraulique tapis sortie fuite, rouleaux porteur sous tapis HS, crochet d'attelage endommagé, rotors rechargés non conformes à la procédure constructeur..).
Le premier juge doit en conséquence être approuvé en ce qu'il a retenu que ces interventions portant diagnostic du moteur ou nettoyage du circuit, remplacement des batteries, démontage du tapis d'extraction correspondent à la remise à niveau du matériel suite à sa livraison intervenue le 30 juillet 2015 qui doivent rester à la charge du vendeur.
Les parties s'opposent cependant sur les demandes de remboursement de réparations intervenues par la suite et notamment à compter du 1er décembre 2015, date à laquelle compte tenu des problèmes rencontrés la commande de la machine était modifiée en contrat de location pour un montant mensuel de 8000 euros HT avec option d'achat au bénéfice de la société Vigneron Logistique.
La société Vigneron Logistique expose avoir du faire effectuer du 30 septembre 2015 au 30 novembre 2015, soit à une période où elle était propriétaire de la machine les réparations suivantes :
le 31/07/2015 nettoyage de la cassette 900 euros H.T ;
le 31/08/2015 remplacement batteries, démontage tapis d'extraction, nettoyage circuit de carburant 3157,03 euros ;
le 8/09/2015 diagnostic moteur 540 euros ;
le 30/09/2015 débourrage des grilles/vidange/remplacement flexible et grilles 3341,18 euros H.T;
31/10/2015 dépose des pompes suite casse entre moteur et pompe hydraulique 653,75 euros H.T ;
31/10/2015 mise en place coupleur, montage boîte de transfert , montage des pompes 6852, 45 euros H.T ;
31/10/2015 dépannage du broyeur à bois 536,18 euros H.T ;
30/11/2015 remplacement tapis inférieur et vidange 3271,40 euros H.T.
L'examen des factures correspondantes ne permet pas de retenir que toutes les réparations évoquées doivent être mises en totalité à la charge du vendeur compte tenu des anomalies et désordres constatées et ayant fait l'objet de réserves lors de la réception; certaines relevant au contraire de dépenses liées à l'utilisation et l'entretien de la machine.
Opérant une distinction poste par poste et facture par facture, la Cour retiendra que doivent être mises à la charge de la société W41TP pour la période du 31 juillet 2015 au 1 er décembre 2015 en sus de celles retenues par le premier juge pour un montant de 4597,03 euros et au vu des réserves et anomalies présentées par la machine imposant des travaux de mise en conformité les réparations suivantes :
démontage tapis d'extraction à hauteur de 720 euros ; les autres postes (débourrage des grilles et la vidange) relevant de l'entretien courant et de l'utilisation de la machine par la société locataire;
dépose des pompes suite casse entre moteur et pompe hydraulique pour un coût de 653,75 euros ;
mise en place coupleur, montage boîte de transfert, montage des pompes pour la somme de 6852, 45 euros ;
remplacement palier inférieur pour un coût de 600 euros, les autres postes relevant des opérations d'entretien courant,
soit un total de 8826,20 euros.
En ce qui concerne les réparations intervenus à compter du 1er décembre 2015, le contrat avait été transformé à cette date en contrat de louage.
Il sera dès lors rappelé qu'aux termes de l'article 1719 du Code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° de délivrer la chose louée ;
2° d'entretenir cette chose en état de service pour l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail'
L'article 1720 du même code dispose que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparation de toute espèce. Il doit y faire pendant la durée du bail toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires autres que locatives sauf clause expresse non précisée au cas d'espèce.
De plus, l'article 1721 du code civil dispose que le bailleur est tenu de garantir au preneur « tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail. S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser ».
La société W41 TP s'interroge toutefois sur le délai observé par la société Vigneron Logistique pour lui communiquer seulement en septembre 2016 le devis de réparation qu'elle a obtenu en avril 2016 et ce alors que la panne intervenue en février 2016 ne lui a été signalée qu'en mai 2016.
Elle fait également état de ce que selon les fiches d'intervention de la société Hantsch des 3, 4 et 31 décembre 2015 la machine a fonctionné la porte ouverte dans un environnement rempli de poussières et totalement incompatible avec le bon fonctionnement du moteur. La société GM consultant évoquait pour sa part dans un courrier du 4 janvier 2018 que la machine a 5607 heures dont 1477 heures réalisées par la société Vigneron, correspondant à 26 % d'heures effectuées sur 7 mois sur une durée de vie de 7 ans. Lors des constats opérés, il était relevé la présence de renforts « bricolés » au niveau des supports de réducteurs conduisant au constat que la plaque a été fissurée par le passé et a été ressoudée ; des éléments métalliques ont été ajoutés pour la rigidifier, modification qui n'était pas présente selon la société W41 TP lors de la livraison de la machine en juillet 2015. Il était également relevé la présence d'un corps étranger (fil de fer) ne permettant pas d'exclure la présence occasionnelle ou régulière d'imbroyables dans la matière première et l'absence de filtre à air.
En l'espèce, aucune stipulation particulière n'est rapportée portant notamment sur une limitation du temps d'utilisation de la machine, les pièces de contrat de vente et les pièces du contrat de location ne mentionnant aucune durée maximale d'utilisation selon le rapport d'expertise établi le 2 novembre 2017 par la société Saretec. La société W 41 TP ne justifie pas plus avoir porté à la connaissance de la société Vigneron l'existence de limitations spécifiques compte tenu de l'activité exercée.
Le procès-verbal de constat établi le 24 mars 2017 à la demande de la société W41 TP par huissier de justice fait état de ce que le rouleau du broyeur est cassé, l'ensemble est rouillé, sur le côté du véhicule l'élément filtrant a été enlevé, à côté de l'élément filtrant au niveau de la cloison derrière le broyeur des pattes métalliques ont été soudées sur le côté droit, la cloison est déchirée du côté gauche, les grilles au fond du broyeur sont cassées, une rive de tapis sur rotor est manquante .. à l'extrémité du tapis le moteur hydraulique n'est plus dans l'axe de roulement ; le roulement est cassé.
Par lettre en date du 29 juin 2017, la société W 41 TP dénonçait une surutilisation du matériel ayant conduit au constat d'une dégradation et d'une usure prématurée dont il fallait tenir compte et refusait de reprendre le matériel.
Le rapport d'expertise en date du 2 novembre 2017 diligentée cette fois à la demande de la société Vigneron Logistique suite au bris du moteur Crambo 5000 concluait pour sa part que les deux machines Crambo 3400 et Crambo 5000 s'étaient brisées de la même manière au même endroit : rupture dans un plan perpendiculaire à l'axe tubulaire du rotor gauche. Le bris du broyeur C5000 aurait pour origine des réparations non adaptées antérieures à la vente de la machine d'occasion.
Au vu de ces deux documents, il ne peut être conclu que le bailleur doit rembourser à la société locataire les frais exposés suite à une utilisation dans de mauvaises conditions du matériel. Les deux documents se contredisent également sur la présence ou pas de réparations qui n'ont pas été constatées au moment de la vente du matériel ainsi que l'atteste la photographie jointe au constat et qui auraient pu être à l'origine de la rupture du rotor du crambo 5000.
L'examen des factures dont le remboursement est réclamé à compter du 1er décembre 2015 par la société appelante relève des opérations d'entretien courant pesant sur le locataire (vidange, changement de filtres) ou des interventions opérées au cours de l'utilisation ou consécutives à cette utilisation ainsi que le démontre la bailleresse. A cet égard, les fiches d'intervention de la société Hantsch évoquées par le bailleur et les constatations effectuées par GM consultant joint au procès-verbal de constat par huissier de justice sont autant d'éléments probants interrogeant sur l'utilisation faite par la société Vigneron Logistique du Crambo 5000 et l'usure qu'elle entraînait.
Par ailleurs, le fait que le matériel ait été d'occasion et présentait des anomalies antérieures ayant donné lieu à des réparations n'exonère pas la société locataire de supporter les coûts de réparation liées à une mauvaise utilisation de la machine, étant observé que la société Vigneron Logistique ne démontre pas que ces réparations sont la conséquence des anomalies et désordres antérieurement constatés.
Ces dépenses resteront à la charge de la société Vigneron Logistique.
S'agissant des frais de location d'une machine de remplacement à partir du mois de mars 2016, il sera relevé de la mention manuscrite portée sur l'extrait de compte tiers de la société appelante que les loyers d'avril et mai 2016 n'ont pas été payés, ce qui a conduit la société co-contractante à réclamer un solde de 15 600 à ce titre selon les courriels échangés, solde dont il n'est pas démontré qu'il ait été réglé. La société Vigneron Logistique réclame pour sa part la somme de 8.000 euros H.T au titre du loyer qu'elle a payé alors qu'elle a été dans l'incapacité d'utiliser la machine et la somme de 20 100 euros H.T correspondant au surcoût généré par la location d'une autre machine par rapport au coût de la location.
Le procès-verbal de constat établi par huissier de justice le 24 mars 2017 relève l'état du matériel et rapporte la preuve des dégradations survenues durant la location. La société W41 TP réclame en conséquence le débouté des demandes formées par sa co-contractante y compris au regard des frais de location d'une autre machine, de gardiennage et du remboursement d'un loyer acquitté en mars 2016.
Le premier juge doit cependant être approuvé en ce qu'il a retenu que la société Vigneron Logistique en ne prévenant pas immédiatement la société WP 41 TP de la panne survenue en février mais seulement en mai 2016 ne l'a pas mis en mesure de pallier à cette avarie et n'a pas respecté l'exécution de bonne foi à laquelle elle était tenue. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré la société Vigneron Logistique mal fondée en sa demande de remboursement du loyer de mars 2016 et du coût du matériel de location pour les mois de mars et avril 2016.
La demande au titre des frais de gardiennage est justifiée puisque la société W41 TP a refusé la restitution du matériel jusqu'à la décision du juge des référés intervenue le 13 février 2019. La société W41 TP sera en conséquence condamnée à verser la somme de 8050 euros à ce titre selon facture en date du 31 mai 2019.
Enfin, le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Vigneron Logistique au titre d'un préjudice économique, étant observé que celle-ci ne démontre aucun préjudice économique direct lié aux désordres de la machine. La demande d'indemnisation d'un préjudice moral du fait du temps passé en démarches juridiques et administratives doit également être rejeté à défaut d'être précisément caractérisé et justifié.
La société W41 TP succombant sera condamnée aux dépens d'appel et à verser à la société Vigneron Logistique la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Les dispositions du jugement déféré seront quant à elles confirmées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la SAS W41 TP à payer à la SARL Vigneron Logistique la somme de 4597,03 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices subis dans le cadre du broyeur Crambo 5000 ;
L' INFIRME de ce chef,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la SAS W41 TP à payer à la SARL Vigneron Logistique la somme de 21 473,23 euros H.T à titre de dommages et intérêts en indemnisation des préjudices subis pour le broyeur Crambo 5000 ;
CONDAMNE la SAS W41 TP aux dépens d'appel ;
CONDAMNE la SAS W41 TP à payer à la SARL Vigneron Logistique la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
Minute en huit pages