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07/07/2022 | FRANCE | N°21/01588

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 07 juillet 2022, 21/01588


ARRÊT N° /2022

PH



DU 07 JUILLET 2022



N° RG 21/01588 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZOE







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

20/00083

25 mai 2021











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANT :



Monsieur [G] [N]

[Adresse 3]
>[Localité 4]

Représenté par Me Hélène JUPILLE de la SELARL JURI'ACT, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Alexandre GASSE de la SCP GA...

ARRÊT N° /2022

PH

DU 07 JUILLET 2022

N° RG 21/01588 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EZOE

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

20/00083

25 mai 2021

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [G] [N]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Hélène JUPILLE de la SELARL JURI'ACT, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Alexandre GASSE de la SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH, avocat au barreau de NANCY substitué par Me LAFORGE,avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président :WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats :RIVORY Laurène

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 12 mai 2022 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Stéphane STANEK , conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Stéphane STANEK et Anne-Sophie WILLM, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 07 juillet 2022,

Le 07 juillet 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [G] [N] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée par la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE à compter du 1er octobre 2006, en qualité de conseiller en gestion de patrimoine junior.

Par lettre du 25 juillet 2019 remise en main propre contre décharge, M. [G] [N] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 16 août 2019, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 30 août 2019, il a été licencié pour faute grave.

Par requête réceptionnée le 21 février 2020, M. [G] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy aux fins de contestations de son licenciement et de paiements des indemnités afférentes, ainsi qu'au paiement de rappel de salaire sur la période de mise à pied à titre conservatoire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 25 mai 2021, lequel a :

- débouté M. [G] [N] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [G] [N] à verser à la société BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [G] [N] aux entiers dépens ;

Vu l'appel formé par M. [G] [N] le 24 juin 2021 ;

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de M. [G] [N] déposées sur le RPVA le 18 janvier 2022, et celles de la société BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE déposées sur le RPVA le 8 mars 2022 ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 27 avril 2022 ;

M. [G] [N] demande :

- de déclarer son appel recevable et bien fondé,

Par conséquent :

- d'infirmer le jugement avant appel,

- de constater la prescription des faits reprochés,

En tout état de cause :

- de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de condamner la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE, prise en son établissement sis [Adresse 1], à lui payer les sommes suivantes :

. 3 353,34 euros bruts au titre des rappels de salaires retenus dans le cadre de la mise à pied conservatoire

. 335,33 euros bruts au tire des congés payés y afférents

. 16 068,11 euros au titre de l'indemnité de licenciement

. 13 664,22 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

. 1 366,42 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

avec intérêts de droit à compter du jour de la demande et exécution provisoire par application des dispositions de l'article R .1454-28 du code du travail,

- de condamner la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE, prise en son établissement sis [Adresse 1], à lui payer la somme de 50 102 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts aux taux légal à compter du jour de la décision à intervenir,

- de condamner la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE, prise en son établissement sis [Adresse 1], à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE, prise en son établissement sis [Adresse 1], aux dépens.

La société BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE demande :

- de confirmer le jugement du 25 mai 2021 du conseil de prud'hommes de Nancy,

Et ainsi :

- de confirmer que les faits à l'origine du licenciement pour faute grave de M. [N] ne sont pas prescrits,

- de confirmer que le licenciement pour faute grave de M. [N] est justifié,

En conséquence :

- de débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes,

- de confirmer la condamnation de M. [N] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance,

- de condamner M. [N] à lui verser la somme de 4 000 euros supplémentaires sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en raison des frais engagés en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens incluant les frais d'exécution de l'arrêt à venir.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de M. [G] [N] le 18 janvier 2022, et s'agissant de la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE le 8 mars 2022.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée en ces termes (pièce employeur N°4) :

« Rappelons en effet que dans le cadre de l'article 27-1 de la Convention Collective de Branche Banque Populaire, et suite à cet entretien - au cours duquel les explications relativement fragmentaires que vous avez entendu donner n'ont pu emporter conviction de la justification des différents manquements ci-dessous -, nous sommes amenés à devoir prononcer par la présente votre licenciement pour faute grave.

Rappelons en effet que suite à un signalement du Département Sécurité Financière de la BPALC, relatif notamment à la découverte d'activités extérieures d'administration ainsi que de gestion que vous exerciez, la Direction de la Conformité de la BPALC a effectué des recherches sur celles-ci.

Dans ce cadre, vous avez d'ailleurs eu la possibilité d'échanger, le 12 juillet dernier, avec les deux auditeurs en charge de ces recherches, qui ont abouti le 17 courant à un premier bilan.

Ce premier bilan a cependant d'ores et déjà mis en lumière les diverses fautes professionnelles que vous avez commises dans l'exercice de vos fonctions, et qui constituent des manquements tant aux règles légales en vigueur qu'aux règles bancaires.

Il ressort en effet :

- que vous avez manqué, par 3 fois, à la traditionnelle interdiction légale ' édictée par le Code Monétaire et Financier (art. R 511-2 CMF), et en outre reprise de longue date dans le Règlement intérieur de la Banque (art.4.2.4) ' d'exercer des fonctions d'administration, de gestion ou de direction dans une société commerciale sans autorisation de la Direction Générale de la Banque ;

Ce faisant, vous avez par ailleurs enfreint votre obligation contractuelle d'exclusivité, qui ne vous autorise pas, sauf accord préalable écrit, à exercer un mandat d'administrateur, ou d'une façon plus générale à participer à la gestion d'une entreprise à but lucratif ;

- que vous avez également manqué aux dispositions du règlement intérieur de la Banque (art.4.2.2) proscrivant classiquement les conflits d'intérêt ; en l'espèce du fait de l'activité de marchand de biens que vous exercez en entreprise individuelle et que vous avez immatriculée au RCS, vous plaçant ainsi en conflit d'intérêts par rapport à vos fonctions d'Expert en Gestion privée au sein de la BPALC ;

- et que vous avez par ailleurs introduit dans le système d'information de la Banque et à votre profit des informations dolosives.

I/ Manquements à l'interdiction légale d'exercer des fonctions d'administration, de gestion ou de direction dans une société commerciale sans autorisation de la Direction Générale

Il a en effet été constaté :

- que vous êtes le Président de la société AMAL, à la création de laquelle vous avez participé, et qui a une activité de Fonds de placement et entités financières similaires,

- que vous êtes par ailleurs co-gérant d'une SARL ayant une activité de commerce de gros,

- et qu'en complément de ces activités, vous exercez depuis le 22 février 2018, dans le cadre d'une entreprise individuelle que vous avez immatriculée au RCS, une activité de marchand de biens.

Or conformément aux dispositions du Code Monétaire et Financier précitées, et reprises de longue date par le Règlement Intérieur de la BPALC, il vous appartient de déclarer ces activités à la Direction Générale et d'obtenir son autorisation préalable pour les exercer, ce que vous n'avez fait pour aucune de celles-ci.

D'autant que contrairement à ce que vous avez soutenu aux auditeurs :

- cette obligation légale de déclaration s'applique à toute société commerciale, quand bien même celle-ci ne ferait pas concurrence à la Banque,

- et qu'il en est à plus forte raison ainsi de la Société AMAL, qui tant du fait de son objet social, tel que vous l'avez déclaré (Participation directe ou indirecte dans toutes opérations financières, immobilières ou mobilières ou entreprises commerciales ou industrielles et la gestion de ces participations), que des indications que vous avez données aux auditeurs (apporter un soutien financier et de conseil à des entrepreneurs souhaitant créer leur entreprise) concurrence bien les activités d'un Etablissement bancaire comme la BPALC.

En outre, et comme vous le savez, ces manquements à l'interdiction légale précitée et ces déclarations sont d'autant moins admissibles :

- que cette règle édictée par le Code Monétaire et Financier est traditionnelle,

- que par ailleurs elle a été reprise dans le Règlement Intérieur de la Banque, adressé périodiquement à chaque collaborateur, et accessible à tous sur l'intranet de la BPALC ('),

- qu'au surplus, elle a fait l'objet de mesures renforcées de publicité, dans les règles de déontologie mises sur l'intranet de la Banque ('),

- et qu'enfin, comme prévu par la clause d'exclusivité figurant dans votre contrat de travail initial, vous vous étiez engagé à n'exercer aucun mandat d'administration ou de gestion sans accord préalable écrit de la Banque.

II/ Manquement aux dispositions du Règlement intérieur proscrivant les conflits d'intérêts

L'activité de marchand de biens que vous exercez en entreprise individuelle depuis février 2018 vous place depuis plus d'un an en situation de conflit d'intérêts par rapport à votre fonction d'Expert en Gestion Privée BPALC, puisque dans le cadre de votre activité extérieure, vous pouvez vendre des biens immobiliers à des clients de la BPALC.

Alors que comme vous le savez ' d'autant que là aussi les dispositions du Règlement Intérieur de la BPALC (article 4.2.2) et les règles de déontologie précitées sont constantes -, les conflits d'intérêt sont proscrits, et que comme rappelé par l'article 4.2.2 ci-dessous, en cas de doute, les collaborateurs ont l'obligation de saisir le Responsable de la Conformité, ce qu'en l'espèce vous n'avez pas fait : (').

III/ Introduction à votre profit d'informations dolosives dans le système d'information de la Banque

Lors de l'ouverture du compte bancaire à la SCI BOLA, que vous avez créée avec un autre associé, et dont vous détenez 50% des parts, vous avez fourni des statuts dans lesquels vous vous présentiez comme gérant, et même comme premier gérant.

Or, dans les statuts enregistrés auprès du Greffe du Tribunal de Commerce, seul Mr O. 'votre cousin, qui est l'autre associé - , a la qualité de gérant, ce que vous avez d'ailleurs confirmé le 12 juillet aux auditeurs.

Outre le fait qu'il en résulte des renseignements infondés dans le système d'information de la Banque 'que vous n'avez d'ailleurs jamais jugé utile de faire rectifier -, vous avez reconnu que le fait de vous présenter comme premier gérant vous permettait de « reprendre la main » et d'exercer un contrôle total sur le compte bancaire précité de cette société, du reste aujourd'hui au contentieux.

Au surplus, et s'agissant toujours de cette SCI, il a été découvert que vous avez introduit, à votre profit, des informations dolosives dans le système d'exploitation de la Banque. En effet, et sans justificatif, ni modification subséquente auprès du Greffe, vous avez, à 2 reprises, modifié l'adresse juridique de la SCI, pour y substituer l'adresse de votre résidence principale, ceci vous permettant d'être destinataire unique de toutes les correspondances adressées à la SCI ' alors qu'en votre qualité d'associé et non de gérant ou de co-gérant, vous ne pouviez y prétendre ' et d'être prévenu de saisies.

*****

Il résulte de ce qui précède, et à ce stade des recherches, que les agissements découverts :

- constituent d'ores et déjà de graves manquements professionnels, au premier chef aux interdictions légales et à celles prévues par le Règlement Intérieur de la banque et les règles de déontologie ;

- et sont d'autant moins acceptables :

- qu'en votre qualité de cadre bancaire confirmé, disposant de plus de 10 années d'expérience dans vos fonctions spécialisées, ainsi que d'une formation juridique et financière approfondie, vous êtes un professionnel averti, de surcroît en tant qu'Expert en Gestion Privée,

- et qu'au surplus, votre attention avait déjà été appelée par le directeur de la gestion Privée et votre Directeur de Pôle, sur le respect des procédures bancaires (notamment sur la procédure de Lutte contre la fraude sur virement, lorsqu'il avait été constaté que vous aviez effectué des virements débiteurs de montants significatifs sans approbation du gestionnaire de compte).

En conséquence, et en termes de relations contractuelles de travail, vos agissements nous amènent à devoir vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave (') »

Sur la prescription

M. [G] [N] soulève la prescription des faits en faisant valoir que ses activités annexes étaient connues de l'employeur depuis plusieurs années. Il renvoie à ce titre à des attestations produites en pièces N°6 et 7 et ajoute qu'il n'a jamais exercé ses activités de manière occulte, se référant aux publications légales de ses sociétés versées en pièces N°12, 13 et 14. Il soutient que la procédure de licenciement a été engagée plus de 2 mois après le signalement de ses activités fait à l'employeur par le département de lutte contre le blanchiment, et précise que ses explications n'étaient pas nécessaires dans la mesure où les faits énoncés dans la lettre de licenciement existaient et qu'ils avaient été tolérés sans réaction durant plusieurs années.

La BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE conteste avoir eu connaissance des activités annexes de M. [G] [N] préalablement au rapport d'enquête du 17 juillet 2019. Elle indique que le délai de prescription des faits fautifs n'a en conséquence pu commencer à courir qu'à compter de la date à laquelle ce rapport lui a été remis, de sorte qu'au moment de l'engagement de la procédure disciplinaire, les faits n'étaient pas prescrits. Elle ajoute qu'il a été essentiel pour elle d'entendre le salarié en ses explications préalablement à l'engagement de la procédure.

Motivation :

Aux termes de l'article L.1332-4 du code du travail : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. »

En l'espèce, il est constaté qu'à la suite d'un signalement en date du 21 mai 2019 relatif à la découverte d'activités extérieures d'administration et de gestion de sociétés exercées par M. [G] [N], une enquête interne a été réalisée et a révélé l'existence de faits amenant les enquêteurs à conclure notamment dans leur rapport du 17 juillet 2019, que le salarié « a manqué aux dispositions du Règlement Intérieur et aux règles de déontologie de la BPALC en ne déclarant pas à la Direction ses fonctions de Président de la SAS AMAL, de co-gérant dans la société commerciale SARL LABEL VOLAILLES ainsi que son statut de marchand de biens en entreprise individuelle, activité susceptible de conflit d'intérêt (Article 4.2.2 du RI). Les opérations bancaires recensées confortent les activités annexes de Monsieur [G] [N], malgré qu'il ait indiqué lors de l'entretien du 12/07/2019 n'avoir jamais gagné d'argent. Monsieur [G] [N] intervient au titre de co-gérant dans la SCI BOLA, actuellement au contentieux (encours 19k€), alors que les éléments juridiques en notre possession indiquent qu'il serait uniquement associé. LA a bien confirmé qu'il n'était pas gérant et avoue avoir procédé aux changements de l'adresse juridique à 2 reprises pour être destinataire des correspondances. Monsieur [G] [N] a procédé à l'ouverture de comptes (') et a exécuté et/ou bénéficié de virements sur ces clients qu'il semble connaître personnellement. Il a également émis des virements et des chèques à des bénéficiaires « clients » (') » (pièce employeur N°18).

M. [G] [N] ne conteste pas que les résultats de l'enquête ont été portés à la connaissance de la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE le 17 juillet 2019, et si dans le témoignage qu'il produit en pièce N°6, l'attestant indique avoir eu connaissance de l'activité immobilière de son collègue M. [G] [N], il ne témoigne pas d'une déclaration qui aurait été faite par celui-ci à sa direction générale pour l'informer de l'existence de ses mandats exercés au sein de sociétés commerciales.

M. [G] [N] ne conteste pas en outre l'employeur lorsqu'il fait valoir que dans son attestation (pièce salariée N°7), M. [Z] [J], lorsqu'il déclare que le salarié n'a jamais caché, notamment à sa hiérarchie directe, ses activités privées dans l'immobilier, ne fait pas référence à l'activité de marchand de biens immobiliers de M. [N] débutée en 2018, soit 4 ans après le départ à la retraite de M. [J]mais, mais à son activité de gérant de la SCI Bola pour laquelle il ne lui est rien reproché dans la lettre de licenciement.

Il est constaté par ailleurs que M. [G] [N] ne produit pas d'autre élément justifiant ses affirmations selon lesquelles l'employeur a toléré ses activités annexes durant des années.

En conséquence, il ressort des pièces produites par les parties que ce n'est qu'à la date du 17 juillet 2019 que l'employeur a pu avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'étendue des faits reprochés à M. [G] [N].

Les poursuites ayant été engagées le 25 juillet 2019 par la convocation du salarié à l'entretien préalable (pièce employeur N°3), soit dans le délai de deux mois du rapport d'enquête, la prescription des faits fautifs n'est en conséquence pas acquise.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.

Sur la faute grave

L'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave privative du préavis prévu à l'article L.1234-1 du même code est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l'employeur.

En l'espèce, M. [G] [N] soutient que les trois griefs qui lui sont reprochés ne relèvent que du seul exercice d'activités annexes à son emploi qu'il ne conteste pas. Il rappelle que la direction en était informée depuis plusieurs années, et que ces activités ne posaient aucune difficulté dans la mesure où elles n'interféraient pas dans son emploi. Il explique que si cela avait été le cas, il n'aurait pas bénéficié de promotions. Il fait en conséquence valoir que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse.

Sur le grief relatif aux manquements à l'interdiction légale d'exercer des fonctions d'administration, de gestion ou de direction dans une société commerciale sans autorisation de la direction générale

La BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE explique que dans le cadre de ses travaux de recherches et requêtage, le département Sécurité Financière a découvert que M. [G] [N] se livrait à des activités extérieures d'administration et de gestion de plusieurs sociétés, renvoyant à ce titre à sa pièce N°21. Elle rappelle que la direction de la conformité a poursuivi ses recherches et entendu le salarié le 12 juillet 2019, et que le rapport d'enquête a établi que M. [G] [N] exerçait des activités d'administration, de gestion ou de direction dans des sociétés commerciales sans jamais avoir obtenu ou sollicité son accord, alors qu'il n'ignorait pas les règles en la matière. Elle renvoie à ce titre à ses pièces N°6, 7, 8, 9 et 10, et précise que l'attention du salarié sur le respect des procédures bancaires avait déjà été appelée, se référant à cet effet à sa pièce N°22.

Sur ce :

Il est constaté que dans ses conclusions, M. [G] [N], qui se réfère aux dispositions de l'article R.511-2 du code monétaire et financier selon lesquelles « Lorsqu'ils ont reçu le pouvoir de signer pour le compte d'un établissement de crédit ou d'une société de financement, les membres du personnel de cette entreprise ne peuvent, sauf autorisation de la direction générale, exercer des fonctions d'administration, de gestion ou de direction ni dans un autre établissement de crédit, ni .dans une autre société de financement, ni dans une entreprise d'investissement, ni dans une société de gestion de portefeuille, ni dans une société commerciale régie par le livre II du code de commerce », ne conteste pas avoir exercé des activités de ce type en annexe à son emploi.

Il est par ailleurs remarqué que lors de son audition devant la commission d'enquête, le salarié a indiqué connaître le règlement intérieur (pièce employeur N°18) dont l'article 4.2.4 dispose que « dans les conditions d'application prévues par l'article R.511-2 du Code monétaire et Financier, les collaborateurs ne peuvent, sauf autorisation de la Direction Générale, exercer des fonctions d'administration, de gestion ou de direction, dans un autre établissement de crédit, chez un prestataire de services d'investissement ou dans une société commerciale, afin d'éviter toute incompatibilité et/ou situation de concurrence entre ces fonctions et l'emploi occupé au sein de la BPALC » (pièces employeur N°6, 7, 8 et 9).

Il est également constaté que le contrat de travail de M. [G] [N] prévoit l'obligation pour le salarié de travailler exclusivement pour la banque et à n'exercer aucun emploi, même intermittent en dehors de la banque sans autorisation préalable, à n'exercer aucun mandat d'administrateur, ou d'une façon plus générale ne participer à la gestion d'aucun organisme ou entreprise à but lucratif sans accord préalable écrit (pièce employeur N°1).

Il a enfin été précédemment observé que ce n'est qu'à la date du 17 juillet 2019 que l'employeur a pu avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'étendue des faits reprochés à M. [G] [N] quant à l'exercice d'activités annexes, et il est remarqué qu'au chapitre « Compte rendu de l'entretien [G] [N] / DRCC du 12/07/2019 » du rapport d'enquête, il est indiqué que le salarié « confirme ne pas avoir déclaré cette activité auprès de la Direction Générale » ou « demandé l'autorisation à la Direction Générale comme le prévoit l'article 4.2.4 du règlement intérieur » (pièce employeur N°18, pages 9 et 10).

Il ressort de ces éléments que le grief reproché au salarié tiré des manquements à l'interdiction légale d'exercer des fonctions d'administration, de gestion ou de direction dans une société commerciale sans autorisation de la direction générale est en conséquence établi.

Sur le grief relatif au manquement aux dispositions du règlement intérieur proscrivant les conflits d'intérêts

La BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE reproche au salarié d'avoir manqué aux règles applicables en matière de conflit d'intérêt dans le cadre de l'exercice de son entreprise de marchand de biens qu'il a créée le 22 février 2018. Elle rappelle que M. [G] [N] était expert en gestion privée et qu'à ce titre, il conseillait ses clients dans leurs investissements immobiliers. Elle renvoie à la fiche de poste de M. [G] [N] (pièce N°17) et fait valoir que le salarié, dans le cadre de son activité de marchand de biens, a manqué aux règles sur les conflits d'intérêts en n'ayant ni sollicité l'accord préalable de la direction générale, ni saisi le responsable de la conformité.

M. [G] [N] soutient que son activité de marchand de biens n'a jamais interféré sur son emploi dans la mesure où sa fonction d'expert en gestion privée n'exigeait pas de sa part un rapport direct et continu avec les clients, ajoutant qu'il n'intervenait qu'en support des agences principalement en matière immobilière.

La BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE rétorque à cela que les fonctions d'un expert en gestion privée impliquent que celui-ci rencontre le client pour établir le bilan patrimonial ou pour lui présenter ses propositions de conseils de placements, notamment immobiliers. Elle renvoie à ce titre à sa pièce N°17 ainsi qu'à des extraits de l'agenda du salarié pour établir qu'il avait des rendez-vous avec des clients (pièce N°15). Elle soutient que le conflit d'intérêt était bien réel dans la mesure où le salarié pouvait convaincre ses clients d'investir dans des biens immobiliers qu'il détenait dans l'exercice de son activité de marchand de biens.

Sur ce :

Il est constaté que M. [G] [N] ne conteste pas exercer une activité de marchand de biens.

Il ne réfute pas non plus les dispositions du règlement intérieur qui lui sont opposées par l'employeur selon lesquelles (pièce employeur N°9) :

- le collaborateur ne doit pas intervenir dans toute opération bancaire ou financière qui pourrait le placer en situation de conflit d'intérêts, un conflit d'intérêt personnel se produisant notamment lorsque le collaborateur ou un membre de sa famille a un intérêt personnel ou est engagé dans une activité susceptible d'affecter sa capacité à s'acquitter de ses fonctions d'une manière objective, impartiale et efficace,

- le collaborateur qui détecte une situation où il se trouve, malgré lui, en conflit d'intérêt, doit en informer le responsable de la conformité.

Il est en outre remarqué que M. [G] [N] ne conteste pas les rendez-vous cités par l'employeur avec la clientèle (pièce N°15), et il est observé que la fiche de poste d'un expert en gestion privée exige bien la prise en charge de clients (pièce N°17).

Il est également constaté que lors de son audition au cours de l'enquête, M. [G] [N] a confirmé n'avoir pas demandé d'autorisation, ni déclaré son activité de marchand de biens auprès de la direction générale, alors même qu'il explique, dans ses conclusions, intervenir en support des agences principalement en matière immobilière.

Il ressort de ces éléments que le grief reproché au salarié tiré du manquement aux dispositions du règlement intérieur proscrivant les conflits d'intérêts est en conséquence établi.

Les faits reprochés à M. [G] [N], salarié expérimenté comptant 13 ans d'ancienneté en gestion de patrimoine, sont établis et caractérisent des fautes professionnelles, alors que son attention avait déjà été appelé par l'employeur sur le respect des procédures bancaires le 17 mai 2017 (pièce employeur N°22), ce qu'il ne conteste pas.

La gravité de ces griefs rend en conséquence impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, et il y a lieu de dire, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le grief d'introduction d'informations dolosives dans le système d'information de la banque, que le licenciement pour faute grave de M. [G] [N] est fondé.

M. [G] [N] sera en conséquence débouté de ses demandes de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire, de congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférents et d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement du conseil de prud'hommes étant confirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [G] [N] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

M. [G] [N] sera condamné à payer à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et sera débouté de sa demande formée à ce titre.

M. [G] [N] sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 25 mai 2021 en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE M. [G] [N] à payer à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE la somme de 3 000 euros (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [G] [N] aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en douze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 21/01588
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;21.01588 ?
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